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    A l'occasion des fêtes de Noël, je suis revenue à Bordeaux, ville chère à mon coeur... J'y ai vécu pendant longtemps, rencontré mon mari, tissé des amitiés indéfectibles, effectué mes études universitaires. J'aimerais vous faire découvrir cette perle d'Aquitaine, au gré de quelques promenades.

    La Fontaine des Girondins trône sur la gigantesque Place des Quinconces, à l'emplacement d'un château féodal disparu, le Château Trompette. Construit entre 1894 et 1902, ce monument rend hommage aux députés girondins exécutés pendant la Terreur.


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    De part et d'autre d'une colonne de 43 mètres de hauteur, surmontée par un Génie de la Liberté brisant ses fers, s'étalent deux bassins grandioses. Le premier est consacré au Triomphe de la République, le second au Triomphe de la Concorde.

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    Le Triomphe de la République



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    Le Triomphe de la Concorde

     

     


    Une histoire mouvementée


    En 1868, l'architecte Julien Guadet (1834-1908), petit-neveu du député Élie Guadet (1758-1794), conçut, pour la Place Dauphine (l'actuelle Place Gambetta), un projet de monument à la mémoire des Girondins, mais celui-ci ne vit jamais le jour.

    En 1887, le Conseil Municipal de Bordeaux lança un concours pour la création d'un monument commémoratif sur les allées de Tourny. Le sculpteur Jules Jacques Labatut (1851-1935) et l'architecte Pierre Joseph Esquié (1853-1933) remportèrent le premier prix avec leur projet intitulé « Ainsi fait qui peut ». Mais ce dernier ne fut jamais réalisé et le second prix, appelé « Gloire aux vaincus », oeuvre du sculpteur Achille Dumilâtre (1844-1923) et de l'architecte Henri Deverin (1846-1921) fut sélectionné.

    Le Conseil Municipal avait aussi commandé une fontaine au sculpteur Frédéric Auguste Bartholdi (1834-1904) pour décorer la Place des Quinconces mais l'oeuvre, jugée trop coûteuse par les bordelais, fut achetée par la ville de Lyon et installée sur la Place des Terreaux.

    A partir de 1894, les travaux de la colonne-fontaine des Girondins débutèrent sous la direction de l'architecte Victor Rich. Achille Dumilâtre en conçut la scénographie et s'entoura des sculpteurs Félix Charpentier (1858-1924) et Gustave Debrie (1842-1925).

    En 1942, les 34 statues de bronze furent descellées par l'armée allemande, en vertu de la loi sur la récupération des métaux non ferreux mais on les retrouva intactes à Angers en octobre 1944. En juillet 1945, elles furent triomphalement restituées à la ville de Bordeaux avant d'être abandonnées sous le Pont d'Aquitaine. Il fallut attendre 1968 pour qu'elles jaillissent de l'oubli, grâce à un ancien réfugié espagnol.

    Une association lutta auprès du maire Jacques Chaban-Delmas pour que les « Girondins » retrouvent la place qui leur était due. Sous la direction du musée d'Aquitaine, les statues ont été restaurées, dans des hangars situés sur les quais de Bordeaux.

    En janvier 1983, on les réinstalla de part et d'autre de la colonne de la Liberté.

     

    Le Triomphe de la République



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    La République siège dans un char en forme de coquille, tiré par deux impressionnants chevaux marins. Elle brandit un sceptre et un globe et regarde en direction du Grand Théâtre de Bordeaux. Elle est accostée par deux groupes sculptés qui évoquent le Service Militaire et l'Instruction Publique.

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    Les pattes palmées de ces chevaux des mers sont impressionnantes.



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    Les trois chérubins évoquent le Service Militaire. L'enfant au drapeau se dresse fièrement à côté de l'enfant licteur.

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    Dans la Rome antique, les licteurs constituaient l'escorte des magistrats possesseurs de l'imperium (le pouvoir légitime de contraindre et de punir).

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    La Conscription fut instituée en 1798 par la loi Jourdan-Delluel mais la loi du 29 décembre 1804 qui institua le tirage au sort (chaque canton français devait fournir un quota d'hommes fixé à 30 ou 35% des effectifs) en tempéra les aspects. Ce système de « loterie » ne fut supprimé que le 21 mars 1905.

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    L'Instruction Publique Obligatoire fut instituée par la loi Ferry, le 28 mars 1882 mais pendant la Révolution Française et après la Révolution de 1848, des députés tentèrent de rendre l'éducation accessible à de nombreux enfants. Fixée à l'origine entre 6 et 13 ans, l'Instruction Publique fut prolongée à 14 ans en 1936 puis à 16 ans, avec l'Ordonnance du 6 janvier 1959, promulguée par le président Charles de Gaulle. Elle est désormais appelée « Obligation Scolaire ».

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    Livres et abécédaires constituent les bases d'une société éclairée.



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    La République triomphante s'appuie sur le travail (représenté par un forgeron), la défense de la patrie et l'alphabétisation qui ouvre les portes de la connaissance. Dans sa main droite, elle tient une sphère qui suscite les interrogations. En effet, sur les cartes postales des années 1900/1905, la sphère était surmontée par trois petites statuettes qui représentaient la Liberté, l'Égalité et la Fraternité. Elles ont probablement été dérobées et, bien que les opinions diffèrent à ce sujet, il semblerait qu'elles aient été vendues aux enchères.

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    Avec leur fougue tourbillonnante, les chevaux marins précipitent dans l'abîme trois personnages qui incarnent le mal, combattu par la République.

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    Le Mensonge séducteur, le Vice aux oreilles de porc et l'Ignorance qui dissimule sa honte.



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    L'homme au masque dont je vous laisse apprécier la plastique...



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    La beauté graphique des corps et des lignes entremêlées...

     

     


    Le Triomphe de la Concorde

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    La déesse Concorde regarde en direction du Quai des Chartrons, un des hauts lieux de négoce du vin. Elle engendre, après les troubles civiques, la Réconciliation et la Fraternité, ciment de l'Abondance au coeur de la Cité.

     

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    La Fraternité


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    Incarnation de la Paix, la Concorde brandit un rameau d'olivier. Elle est entourée par deux groupes de trois chérubins.

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    Les allégories des Arts et des Sciences



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    La Sculpture, la Peinture et la Musique sont couronnées par les lauriers de la Gloire.



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    L'Industrie et le Commerce



    Ces ravissants chérubins célèbrent la grandeur industrielle de la France et la prospérité de la ville de Bordeaux, indissociable du commerce du vin, symbolisée par l'enfant au tonneau.

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    Dotés de pattes griffues et d'une queue de dragon, ces chevaux fantastiques, réalisés par le sculpteur Gustave Debrie, annoncent un ordre nouveau.

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    Le Triomphe du Bonheur, représenté par un homme, une femme et un chérubin qui chevauche un dauphin joueur.

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    Au-dessus des bassins, s'élève la colonne de la Liberté, appuyée sur un socle décoré de masques et de poissons fantastiques. L'ensemble, réalisé par un certain Corgolin, dessine une promenade qui permet d'observer à loisir les foisonnantes sculptures.

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    Au pied de la colonne, la ville de Bordeaux, altière, domine deux naïades souriantes, allégories de la Garonne et de la Dordogne. Les deux fleuves se rejoignent pour former l'estuaire de la Gironde.

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    La ville de Bordeaux est assise entre la proue d'un navire et une corne d'abondance. Luxuriante et prospère, elle s'est développée autour de son port, poétiquement appelé « Port de la Lune » et inscrit au Patrimoine Mondial de l'Humanité, depuis le 28 juin 2007, au titre d' « ensemble urbain exceptionnel ». Célèbre depuis l'Antiquité, ce port a suscité l'essor de la ville, fondé sur le négoce international, la traite des esclaves, le commerce du vin et des matières précieuses.


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    La très sensuelle Garonne...



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    et la Dordogne, son pendant non moins voluptueux...

     


    Image33 Le Coq Gaulois, incarnation solaire et patriotique, déploie ses ailes entre l'Histoire et l'Éloquence, qui tient un parchemin.

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    L'Histoire

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    L'Éloquence



    Sous le coq, se dévoile une plaque en l'honneur des Girondins exécutés pendant la Terreur. Leurs statues devaient être installées sur des piédestaux, au-dessus des deux fontaines, mais leurs ébauches furent détruites par une tempête dans l'atelier d'Achille Dumilâtre. Vers le Grand Théâtre, auraient dû siéger Pierre-Victurnien Vergniaud, François Buzot, Charles Jean-Marie Barbaroux, Jacques Pierre Brissot et Jérôme Pétion de Villeneuve. Vers les Chartrons, Élie Guadet, Armand Gensonné, Jean-Antoine Grangeneuve et Jean-Baptiste Boyer-Fonfrède.

    Pendant la Révolution Française, les Girondins formèrent un groupe politique appelé « la Gironde », composé de plusieurs députés originaires d'Aquitaine et opposés aux Montagnards.

    Ils voulurent étendre le message de la Révolution aux peuples européens et se prononcèrent pour la guerre contre les puissances monarchiques d'Europe. A ce sujet, leur chef de file, Jacques Pierre Brissot, cristallisa le ressentiment et la haine de Maximilien de Robespierre.

    Jacques Pierre Brissot, dit Brissot de Warville, naquit à Chartres le 15 janvier 1754 et fut guillotiné à Paris le 31 octobre 1793. Il fut l'une des figures majeures de la Révolution Française.

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    Au soir du 14 juillet 1789, il reçut les clefs de la Bastille qui venait de tomber. Il avait créé quelques mois auparavant, un journal républicain, le Patriote français, qui parut du 10 avril 1789 au 2 juin 1793.

    Le 17 juillet 1791, il rédigea la pétition pour la déchéance du roi Louis XVI et demanda la proclamation de la République. Puis il s'insurgea contre la condamnation à mort du roi (qu'il avait pourtant votée) car elle s'effectuait sans l'accord du peuple. Il fut « mis en arrestation » le 2 juin 1793, condamné à mort le 30 octobre 1793 et exécuté le lendemain.

    Issu d'une famille de magistrats girondins, Élie Guadet (1758-1794) fonda, avec Arnaud Gensonné (1758-1793) et Pierre-Victurnien Vergniaud (1753-1793) le groupe des Girondins dont la renommée continue de briller, dans un lieu emblématique de la ville, malgré l'absence de leurs statues.

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    Élie Guadet



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    Le Génie ailé qui brandit des fers brisés et les palmes de la Victoire se veut une expression de la liberté des peuples au nom de laquelle tant de sang a coulé. D'une hauteur de 5,85 m, il échappa à la convoitise des allemands. En 2005, il fut descendu de la colonne, restauré  et remis en place pour les Journées du Patrimoine.

    Pour terminer cette promenade historique d'une richesse infinie, je voudrais revenir vers les Chevaux Fantastiques qui jaillissent de l'onde, en direction des axes majeurs de la ville.

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    Dans l'Antiquité, les créatures anguipèdes surgissaient des mondes chthoniens. Leurs formes serpentines évoquaient les ondes telluriques et les courants aquatiques. Médiateurs entre le monde humain et celui des divinités, ces êtres hybrides se révèlent les protecteurs des forces vives et des secrets de la ville.

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    La puissance presque érotique des crinières et des croupes, heurtées par la lumière...

    Le Monument aux Girondins est un lieu de mémoire, de rencontre et d'inspiration artistique. Érigé tel un phare au-dessus de l'esplanade des Quinconces, la plus vaste d'Europe avec ses 126.000 m2, il est un symbole des heures sombres et des fastes de la ville. Inscrit dans une élégante scénographie urbaine, réécrite il y a peu, il célèbre les héros d'autrefois et chacune de ses faces tisse une rose des vents tournée vers les points cardinaux de la cité.

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    Je voudrais vous emmener sur la rive Est du Bassin d'Arcachon, dans un endroit mystérieux et magique, le Domaine de Certes-Graveyron. Juste avant de fêter 2012, cette escapade en terre girondine, aux portes de la mer, a été particulièrement ressourçante.

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    Dans ce paysage magnifique, doté d'un patrimoine et d'une biodiversité exceptionnels, le ciel, la végétation et le vent s'entremêlent. Savourer l'air gorgé d'embruns et de douceur sucrée, presque printanière, fut un bonheur indicible.

    Des Espaces Naturels Sensibles

    Depuis 1991, le Conseil Général de la Gironde gère et valorise ces lieux choisis en raison de leur richesse historique et biologique.

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    Dans les prés salés, les vaches apprécient le goût iodé de l'herbe.



    Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le marquis de Civrac, seigneur local, fit mener d'importants travaux d'endiguement et transformer les prés salés en marais salants. Constamment attaquées par les tempêtes et les fortes marées, les digues sont étroitement surveillées. Leur entretien minutieux permet de protéger les terres et favorise l'accès au Sentier du Littoral.

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    Une mosaïque de prairies humides, naturellement salées. Un camaïeu de vert, d'argent et de bleu qui nous attire vers des contrées oniriques...

    Historique des lieux

    A l'époque médiévale, un tertre artificiel fut érigé sur le domaine de Certes afin de surveiller « la circulation maritime du bassin d'Arcachon ».

    A partir de 1768, dans un paysage de prés salés, de marais côtiers et de végétation herbacée, la saliculture se développa, grâce à François Emery de Durfort, marquis de Civrac, seigneur de Lamothe, de Certes, de Comprian et baron d'Audenge. Les seigneurs locaux arboraient également un titre princier, celui de « Captal de Certes ».

    Dispensé par le roi de payer l'impôt sur le sel, le marquis fit dresser de puissantes digues autour de l'île de Branne, située à proximité, et créer des marais salants, entre 1768 et 1773,  le long du domaine de Certes. Mais quand son privilège d'exonération de redevance sur le sel fut aboli, suite aux récriminations des producteurs de sel charentais, les ennuis s'accumulèrent. Il termina sa vie ruiné par les travaux pharaoniques qu'il avait engagés et par son train de vie dispendieux à la Cour, car il résidait le plus souvent au château de Versailles et dans son hôtel parisien.

    Les salines tombèrent peu à peu en désuétude, au profit des prés salés originaux, mais les modifications humaines se poursuivirent.

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    Les écluses croisées sur le bord du chemin en témoignent. Elles sont plus que jamais les gardiennes du niveau des eaux en fonction des marées et des variations de la météorologie. Il en existe 31, réparties sur la totalité du Domaine.


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    A partir de 1843, Ernest Valeton de Boissière (1811-1894), le fils de François Valeton Boissière, un négociant en vin du Quai des Chartrons, à Bordeaux, influa sur le destin de Certes. Il fit planter des pins et creuser des bassins pour la pisciculture.

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    Diplômé en 1830 de l'École Polytechnique, ce personnage atypique devint ingénieur géographe dans l'armée avant de quitter celle-ci vers 1832.

    En 1818, son père avait acquis une importante partie du Domaine de Certes auprès d'un certain Guillaume Darles, pharmacien bordelais. En 1837, il acheta de nouveaux terrains au parisien Augustin Walbreck.

    Dès 1843, Ernest de Boissière entreprit la transformation progressive des anciennes salines en réservoirs à poissons. Cette politique de grands travaux exprimait une vision humaniste de la société, fondée sur les théories de Charles Fourier.

    Charles Fourier (1772-1937) envisageait une société composée de phalanstères, des bâtiments communautaires habités par des personnes qui décidaient de s'unir librement. Dans cette nouvelle société utopique, devaient fleurir les fermes, les potagers, les vergers et les viviers à poissons. L'Homme et la Nature pouvaient ainsi vivre en harmonie, éloignés de la notion de profit égoïste.

    Grand philanthrope, Ernest de Boissière concrétisa ces théories en fondant des écoles mixtes. Il semblerait d'ailleurs que le premier collège mixte de France ait été celui d'Audenge, une commune attenante au domaine. Il traversa l'Atlantique quelques années plus tard, en des temps troublés, pour créer une communauté idéale à Silkville, au Kansas.

    Le château de Certes

    Un premier château fut érigé vers 1350, sur une motte féodale, pendant la Guerre de Cent Ans. Il fut détruit en 1765.

    Entre 1766 et 1769, le marquis de Civrac fit édifier une demeure seigneuriale qui disparut en 1866. Ce « vieux château » se dressait sur une butte artificielle. Un moulin à eau était situé près de sa tour.

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    Carte datant de 1708.



    Ernest de Boissière fit raser cette construction et ériger à la place une élégante chartreuse, aux alentours de 1855. Il utilisa des matériaux issus des bâtiments démolis et notamment des modillons médiévaux.

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    Après sa mort, Camille Descas, le fils de Jean Descas, un célèbre négociant en vin de Bordeaux, fit moderniser la « maison Boissière » dans le style Second Empire. Il fit ériger des tourelles et un belvédère et agrémenter la demeure d'un décor « Art Nouveau », composé de faïences et de boiseries précieuses, mais le 14 novembre 2010, l'aile sud fut détruite par un incendie.

    Camille Descas et son frère Ferdinand favorisèrent l'essor de la pisciculture et de l'élevage dans les prés salés mais, après leur disparition, survint une période troublée au cours de laquelle le domaine partit en déliquescence.

    Le Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres (CELRL) acquit, à partir de 1984, cette mosaïque de zones humides pour assurer leur protection.

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    Le Domaine de Certes-Graveyron offre une harmonieuse variété d'oiseaux. Hérons, milans noirs, spatules blanches, aigrettes, cormorans, mouettes, goélands, bernaches, canards, oies cendrées, cygnes et bien d'autres évoluent dans ce paradis aquatique, survolant l'immensité des prés salés.

    Les poissons qui entrent dans les bassins, grâce aux fortes marées du Bassin d'Arcachon servent de nourriture aux plus gourmands, ce qui explique la présence de filets sur certains viviers.

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    Ce beau cygne a gentiment pris la pose au moment où nous passions.



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    L'énergie sauvage des marées et la volonté humaine ont modelé ce réseau d'écluses et de canaux où se reflètent les humeurs du ciel.

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    Les « bosses » sont des levées de terre qui séparent les bassins. Les eaux peu profondes y favorisent le développement des algues et des plantes aquatiques et dessinent des méandres bleu saphir.

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    Au fil de notre marche, nous avons longé le joli port d'Audenge à marée basse. A l'extrémité du quai, se dresse la cabane bleue aux artistes où, de février à novembre, se déroulent des expositions. Les peintres, les sculpteurs et les écrivains y rencontrent le public dans un cadre qui se veut authentique.

     


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    La mélodie graphique des pontons, un monde fascinant de force et de fragilité...



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    Des écritures scintillantes qui se métamorphosent au rythme des marées...

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    Le lieu est propice à de nombreuses activités: canoë kayak, randonnée, ramassage de coquillages, visite des tonnes (les cabanes de chasseurs), découverte de l'ostréiculture, balades à vélo sur les pistes cyclables autorisées (à ce propos, il est nécessaire de se renseigner dans les Offices de Tourisme d'Audenge et de Lanton).

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    Les silhouettes tourmentées des cotonniers qui jalonnent le chemin.



    Le baccharis ou faux cotonnier d'Amérique est une espèce invasive, dont les branches et les troncs composent en hiver une étrange forêt. Au printemps, les fruits ressemblent à de grandes aigrettes cotonneuses, répandues par le vent. En été et en automne, ses fleurs mellifères, appréciées des abeilles, donnent un miel de caractère, vendu dans les épiceries locales et bio.

    Les Cotonniers de Bassalane est un roman de Michèle Perrein (1929-2010), paru en 1984 aux éditions Grasset. Ce livre, qui reçut le Prix Interallié la même année, relate la vie à la grande époque de la pisciculture.

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    Nous abordons à présent la « petite plage » qui fait les délices des baigneurs, à la bonne saison.

    Dans ce lieu, les cotonniers, les tamaris et les ronciers affrontent les colères du vent et servent de refuge à différents animaux.

     


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    Ce monde changeant offre une palette unique de formes et de couleurs, comme si le givre de la nuit avait griffé le ciel.

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    Je remercie mon amie Antoinette, son mari et sa maman de nous avoir guidés à travers ce paysage alchimique, né de la force du flux et du reflux, entre mer et marais...


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    Des espèces rares et menacées vivent dans ce milieu remarquable. Une prise de conscience de leur vulnérabilité est donc indispensable.

    La Cistude d'Europe (Emys orbicularis) est une petite tortue qui aime les eaux douces et saumâtres, âgée de deux millions d'années et en voie de disparition. Dotée d'une carapace sombre et un peu bombée, ornée de petits points jaunes, elle possède des pattes palmées, aux puissantes griffes, et une longue queue effilée. Elle arbore un plastron généralement jaune ou noir.

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    Elle ressemble à un beau galet brillant.

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    Elle aime les marais, les étangs, les lacs, les canaux et les tourbières. Elle se nourrit de végétaux (elle raffole des carottes) mais elle est aussi carnivore et nécrophage. Elle savoure des poissons, des crustacés, des amphibiens et des petits animaux morts.

    Dans les haies, les roselières et les prairies humides, vivent aussi le vison d'Europe, nocturne et discret, la loutre joueuse, la genette farouche et la belette, agile, vorace et gourmande, sans oublier les ragondins, les musaraignes et les facétieux lapins sauvages.

    Le lézard vert aime profiter de la chaleur sur le bord des chemins. Pendant la période nuptiale, la gorge des mâles se pare d'une somptueuse couleur turquoise.

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    Les rainettes arboricoles se lovent dans les ronciers et les arbustes des haies: prunelliers, aubépines, églantiers...

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    Les chauve-souris, les papillons (paon de nuit) et les insectes (capricornes, lucanes cerf-volant...) abondent dans le domaine. Des « chasses au drap », organisées périodiquement par la Société Linnéenne de Bordeaux permettent de découvrir ces fascinantes créatures nocturnes.

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    La flore locale est aussi luxuriante que la faune. Roseaux, ajoncs, salicornes, fraisiers, violettes et arums sauvages, jacinthe des bois, lavande de mer, pissenlits et boutons d'or composent une symphonie colorée et parfumée qui répond, à la saison propice, aux senteurs enivrantes des aubépines et des acacias en fleur.

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    La beauté des eaux saumâtres dont la gestion des niveaux doit être effectuée avec beaucoup de minutie.

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    Le clocher de l'église d'Audenge, comme un phare dans le paysage...


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    Une vie luxuriante palpite dans les eaux mêlées.


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    Dans ce territoire, nous évoluons constamment à la lisière du conte et de la réalité. Quand les formes se troublent, quand le jour et la nuit s'interpénètrent, nos sens aiguisés s'enivrent du chant de l'eau et de la respiration de l'air.

    Si vous en avez un jour l'occasion, je ne peux que vous inviter à découvrir ces merveilles, dans le plus grand respect de ce fragile écosystème, en évolution permanente, dont la préservation est une absolue priorité.


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    Bibliographie

    C. BOUSQUET-BRESSOLIER, F. BOUSCAU et M.-J. PAJOT: Les aménagements du Bassin d'Arcachon au XVIIIe siècle. Mémoire du laboratoire de géomorphologie de l'École Pratique des Hautes Études, n°43. Dinard éditions, 1990, 224 p.

    M. HOUDART: Entre terre et mer, les 250 ans du littoral. IFREMER, mai 2003.

    F. VERGER: Marais et estuaires du littoral français. Paris: Belin éditions. 333p.


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    Ce castel de fantaisie surgit dans Paris, à quelques encablures du Parc Monceau. A l'instar de la légendaire forteresse de Richard Coeur de Lion, il aiguise l'imagination, ce qui m'a inspiré ce petit jeu de mots.

     

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    L'Hôtel Gaillard est le fruit d'une rencontre entre deux esprits brillants: Émile Gaillard, régent de la Banque de France, mécène et collectionneur, et l'architecte Victor-Jules Février.

     

    Passionné par le Moyen-Âge et la Renaissance, Émile Gaillard fit ériger une demeure « seigneuriale » destinée à accueillir ses « trésors » dans un écrin digne de leur beauté.

     

    Entre 1879 et 1884, Victor-Jules Février conçut, au croisement de la rue Georges Berger et de la Place du Général Catroux, un superbe bâtiment en brique rose qui s'inspirait de l'architecture des châteaux de la Loire, et plus particulièrement des châteaux de Gien et de Blois.

     

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    On y pénétrait par une entrée somptuaire qui donnait sur la place du Général Catroux. Les visiteurs empruntaient un escalier monumental afin d'accéder aux salons d'apparat et aux espaces privés.

     

    L'hôtel-musée abritait une profusion de tapisseries, de boiseries, de peintures, de cheminées, de faïences et d'étains. Un somptueux bal masqué s'y déroula, le 11 avril 1885. Deux mille invités se pressèrent, en déguisement Renaissance, autour du maître des lieux, costumé en Henri II.

     

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    Après la mort d'Émile Gaillard, ses héritiers cédèrent les collections et, en 1919, la Banque de France fit l'acquisition du monument, pour cinq millions de francs, une somme bien inférieure à ce qu'il avait coûté au départ, soit 11 millions.

     

    L'architecte Alphonse Defrasse (1860-1939) et le décorateur Jean-Henri Jansen furent sollicités pour réaménager les lieux. Après une importante phase de travaux, la nouvelle succursale de l'institution financière ouvrit en 1923.

     

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    L'escalier monumental fut conservé mais un système de protection bien singulier fut mis en place dans la salle des coffres: des douves remplies d'eau, dominées par un pont roulant.

     

    L'hôtel Gaillard est classé monument historique depuis avril 1999. Emblématique de l'art néo-gothique et néo-Renaissance, il révèle une écriture architecturale harmonieuse et complexe.

     

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    Ses hautes façades, ornées de briques polychromes, sont décorées de motifs géométriques, caractéristiques de la Première Renaissance (1480-1520).

     

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    On retrouve cet appareil coloré au château de Chamerolles, édifié au début du XVIe siècle, en lisière de la forêt d'Orléans.

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    Chamerolles

     

    Dans la rue Legendre, prolongement de la rue Georges Berger, les façades de l'Hôtel Guerlain révèlent un décor approchant.

     

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    L'aile Louis XII du château de Blois, réalisée entre 1498 et 1503, conjugue des éléments empruntés au style gothique flamboyant de la fin du XVe siècle et des motifs typiques de la Première Renaissance. Ses hautes toitures d'ardoise sont percées de lucarnes élancées et son décor de briques rouges sublime la blancheur de la pierre.

     

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    On remarque aisément la parenté stylistique entre l'architecture de ce magnifique bâtiment et celle de l'Hôtel Gaillard.

     

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    Les toitures du château parisien nous offrent un séduisant répertoire de formes plastiques et les cheminées de brique sont joliment décorées.

     

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    Les lucarnes flamboyantes et l'abondance des ornements évoquent une transition féconde entre le Moyen-Âge et la Renaissance. Le « G », monogramme du maître des lieux, se dessine au sommet de l'édifice, tel un emblème féodal.

     

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    Richement sculptées, les lucarnes font entrer l'air et la lumière dans l'habitation, tout en créant de magnifiques effets visuels. Le mot « lucarne », attesté depuis le XIVe siècle, vient de « lukinna » qui signifie « ouverture » en bas francique. Au fil des époques, « lukinna » a évolué en « lucarne », par croisement avec « lucerna » (lampe, en latin) et « luiserne » (lumière, flambeau en ancien français).

     

    Les toits d'ardoise sont couronnés par de fines excroissances métalliques.

     

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    Des petits personnages appelés « marmousets » décorent les fenêtres compartimentées. La pierre de taille et la brique polychrome composent une élégante broderie.

     

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    Les balustrades gothiques, les toitures sombres et brillantes, les lucarnes ouvragées et les culots sculptés forment une majestueuse scénographie.

     

    Le commanditaire

     

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    Émile Gaillard naquit à Grenoble dans une famille bourgeoise. Son grand-père, Théodore François Gaillard, avait fondé une « maison de banque » dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle et son père, Théodore Eugène Gaillard, fut maire de Grenoble, de 1858 à 1865.

     

    Cet éminent financier participa au développement des chemins de fer et fut le gestionnaire des biens du Comte de Chambord, ultime descendant français de la branche aînée des Bourbon. Il fréquenta Victor Hugo et fut l'élève et l'ami de Frédéric Chopin qui lui dédia une Mazurka. Curieux de tout et doué pour les arts, il composa certaines pièces musicales.

     

    Ne pouvant exposer à son goût, dans son habitation de la rue Daru, les objets qu'il avait ramenés de ses voyages, il fit l'acquisition, en 1878, d'un terrain dans la Plaine Monceau. Face à l'hôtel du peintre Ernest Meissonier, il fit construire la demeure idéale pour mettre en lumière ses collections.

     

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    Le bal costumé Renaissance

     

     

    Victor-Jules Février (1842-1937)

     

    En 1889, il reçut, pour la construction de l'Hôtel Gaillard, deux prestigieuses distinctions: la « Grande Médaille », lors du Congrès de la Société Nationale des architectes français, et la Médaille d'or de l'architecture privée au cours de l'Exposition Universelle.

     

    S'inspirant de l'architecture des châteaux de la Loire de la Première Renaissance (1480-1520), il réalisa un ensemble pittoresque de toitures et de clochetons ouvragés, de fenêtres à meneaux, de lucarnes et de briques polychromes.

     

    Il construisit aussi l'Hôtel de Sarah Bernhardt, à l'angle de la rue Fortuny et de la rue de Prony.

     

    Le décor luxuriant de l'Hôtel Gaillard

     

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    De facétieuses gouttières, en habit noir et or, animent les façades.

     

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    Le travail de la pierre allie finesse et virtuosité, comme le révèle cet arc de style gothique flamboyant. Les jeux de courbes et de contre-courbes, d'entrelacs et d'enroulements, créent une étourdissante danse visuelle.

     

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    La qualité des ornements en bois et en pierre dessine un répertoire de formes souples et ondulantes, caractérisées par une prédominance de l'élément végétal. Dans ce monde sylvestre, évoluent des petits personnages, des animaux réels et mystérieux et des symboles géométriques.

     

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    Dans cet univers d'abondance, où s'entremêlent feuilles et fleurs, caracolent des animaux typiques du bestiaire médiéval et Renaissance (lapins, oiseaux, chiens, escargots...) et des créatures fantastiques (petits dragons, chimères, gargouilles...).

     

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    Cette galerie d'êtres fantasques rappelle les « drôleries marginales » des manuscrits médiévaux.

     

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    Ce « marmouset » serait une représentation de l'architecte Victor-Jules Février, traçant les plans de l'édifice avec un compas.

     

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    Le personnage qui lui fait face rendrait hommage à Émile Gaillard.

     

    L'Homme Vert

     

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    Cette figure hybride est représentée, depuis l'Antiquité, sur une myriade de monuments. L'Homme Vert, le Feuillu ou le Green Man est formé d'un visage humain, encerclé ou tissé de feuillages. Parfois, il expire les branches feuillues et porte des cornes de fécondité.

     

    Réminiscence d'une très ancienne divinité de la forêt, il est le maître des cycles de la Nature et le gardien des mythes et des légendes. Il règne sur la tradition initiatique perpétuée par les architectes et les tailleurs de pierre.

     

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    Lové dans ce magnifique arc flamboyant, il constitue un ornement récurrent dans l'architecture religieuse et civile du Moyen-Âge et de la Renaissance.

     

    Dans le monde anglo-saxon, il est souvent représenté sur les enseignes des pubs, des hôtels et des tavernes. Il évoque les pouvoirs de la Nature, la connaissance cachée et les cultes dionysiaques. Il est utilisé sous forme de masque dans les parades folkloriques anglaises, écossaises et irlandaises.

     

    Il est sculpté dans le bois et la pierre et peint sur les vitraux. Il règne sur les enluminures des manuscrits, les portails des églises et des cathédrales, les sièges ecclésiastiques appelés « miséricordes ». Il apparaît sur les façades de nombreuses maisons et palais, sur les bijoux et les armes (épées, dagues, poignards...).

     

    L'Escargot

     

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    Ce petit animal qui se rétracte, roule et déroule son corps en fonction du climat, des cycles de la lune et des marées, est un puissant symbole de fertilité. Avec ses cornes dotées d'yeux et sa coquille spiralée, il évoque les forces lunaires et matricielles, la mort et la renaissance.

     

    Il annonce la reverdie et représente l'Esprit des Champs, célébré par des parades costumées. En Provence, il est appelé « masca », ce qui signifie « sorcière nocturne » ou « esprit ». Dans l'ancienne Europe, des danses-labyrinthes étaient effectuées en suivant un parcours tracé par des coquilles d'escargot embrasées. Les participants portaient des masques décorés de coquilles luisantes.

     

    Dans l'art gothique flamboyant, l'escargot est un motif décoratif et symbolique récurrent. Il guide parfois un cortège d'animaux musiciens.

     

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    La future Cité de l'Économie et de la Monnaie

     

    En raison de travaux de réaménagement de l'espace intérieur, l'Hôtel Gaillard ne se visite pas mais il accueillera, au quatrième trimestre de l'année 2014, la Cité de l'Économie et de la Monnaie.

     

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    Les futurs visiteurs pourront y découvrir un amphithéâtre, une bibliothèque et divers ateliers, y étudier l'histoire des monnaies et se familiariser avec les objets associés à leur fabrication.

     

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    Projet pour le futur Musée. L'équipe qui a été désignée par concours sera dirigée par Mr Yves Lion.

     

    En attendant d'explorer cet espace culturel novateur, je vous invite à contempler les façades et les ornements d'un « château » insolite, emblématique d'une architecture de style éclectique et historiciste.

     

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    Une petite part de Val de Loire se dresse, dans un lieu de Paris plutôt préservé de l'agitation urbaine. On découvrira tout autour de superbes hôtels particuliers et, à proximité, les vestiges de la folie du Duc de Chartres, gracieusement lovés dans l'écrin verdoyant du Parc Monceau.

     

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