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    Ce lieu emblématique de l'histoire de Paris révèle, entre le jardin des Tuileries, les Champs-Élysées,le pont de la Concorde et la rue Royale, sa grandiose scénographie.

     

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    Au fil des saisons, cette place octogonale qui abrite le célèbre obélisque de Louqsor se pare de sublimes couleurs. A des moments privilégiés, on savoure à loisir les jeux d'eau des fontaines et les variations de la lumière sur le métal et la pierre.

     

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    La place de la Concorde a changé de nom plusieurs fois. Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, l'« esplanade du Pont-Tournant » était une fondrière, peuplée de malandrins et de filles de joie.

     

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    La place peinte par Alexandre-Jean Noël (1752-1834).

     

    Entre 1754 et 1772, la place Louis XV fut édifiée sur les plans de l'architecte Ange-Jacques Gabriel (1698-1782). Elle devait accueillir la statue équestre du roi qui avait recouvré la santé, après une grave maladie.

     

    Là où se dresse aujourd'hui l'obélisque, trônait l'effigie royale, réalisée par Edme Bouchardon (1698-1762). Elle reposait sur un piédestal aux angles duquel s'élevaient quatre allégories (la Paix, la Prudence, la Force et la Justice) sculptées par Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785).

     

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    La statue fut renversée en 1792 et la place Louis XV, devenue place de la Révolution, accueillit, jusqu'en 1800, la Liberté de François Lemot (1772-1827), une représentation en plâtre colossale, recouverte d'un enduit couleur bronze.

     

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    La déesse Liberté, vêtue d'un drapé à la romaine et coiffée d'un bonnet phrygien, était assise, la lance à la main, sur le piédestal de la statue de Louis XV. Le globe qu'elle soutenait de la main droite abritait un nid de tourterelles.

     

    La place devint place de la Concorde en 1795, par décret de la Convention. Elle redevint place Louis XV en 1814, fut rebaptisée place Louis XVI en 1826 et place Louis XV en 1828. Elle reprit en 1830 son nom de place de la Concorde!

     

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    Quand on contemple ce remarquable décor, on imagine avec difficultés les évènements macabres qui ont émaillé l'histoire des lieux.

     

    Le 30 mai 1770, à l'occasion du feu d'artifice tiré en l'honneur du mariage du Dauphin (Louis XVI), il se produisit dans la foule un mouvement de panique qui coûta la vie à 133 personnes et plus de trois cents blessés périrent dans les jours qui suivirent. Le sentiment d'effroi qui s'empara des parisiens engendra des histoires de spectres et de malédictions.

     

    La sinistre guillotine fut transportée de la place du Carrousel à la place de la Révolution pour l'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793. Dressée entre la statue de la Liberté et l'entrée des Champs-Élysées, elle ôta la vie à 1119 personnes. L'odeur de sang était paraît-il si forte que les animaux se cabraient à son approche...

     

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    L'exécution du roi.

     

    Au nord, la place est bordée par deux majestueux hôtels-jumeaux, dotés de colonnades corinthiennes, qui dessinent un décor de théâtre. Érigés de 1763 à 1772 sur des dessins de Gabriel, ils s'inspiraient de la colonnade du Louvre de Claude Perrault et devaient accueillir des logements pour les ambassadeurs.

     

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    En 1788, le comte François Félix de Crillon fit l'acquisition de l'Hôtel d'Aumont, situé à gauche sur l'image. Le bâtiment, construit par l'architecte Louis-François Trouard(1729-1794), fut transformé en hôtel de luxe au début du XXe siècle.

     

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    La façade fut classée monument historique en 1900.

     

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    Chaque fronton est orné de trophées et d'allégories d'une grande finesse. La Ville personnifiée est entourée par les génies de l'abondance.

     

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    L'actuel Hôtel de la Marine fut primitivement affecté au Garde-Meuble de la Couronne. Entre Pâques et la Toussaint, ses galeries, aménagées par le savant Pierre-Élisabeth de Fontanieu étaient ouvertes au public tous les premiers mardis du mois.

     

    Le premier Valet de Chambre de Louis XVI, Thierry de Ville-d'Avray, y fit aménager un appartement pour Marie-Antoinette lors de ses séjours à Paris. En 1789, il accueillit le Secrétaire d'État à la Marine.

     

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    En septembre 1792, des voleurs y dérobèrent les diamants de la Couronne, dont le célèbre « Régent » qui fut retrouvé, avenue Montaigne, sous un tas de gravats...

     

    Sous l'Empire, un télégraphe Chappe fut établi sur le toit de l'hôtel, pour remplacer celui qui se dressait sur la tour de l'Horloge du Vieux-Louvre.

     

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    Ce télégraphe optique par sémaphore, placé sur une tour, fut élaboré par Claude Chappe en 1794.

     

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    L'architecte Jacques-Ignace Hittorff (1792-1867) élabora le décor actuel de la place qui, ne l'oublions pas, dessine un octogone.

     

    Entre 1836 et 1840, sous le règne de Louis-Philippe, furent aménagés huit petits pavillons d'angle surmontés de statues monumentales assises.

     

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    Huit statues symbolisent les principales villes de France.

     

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    En 1772, la place était bordée par de larges fossés, entourés par une balustrade et chevauchés par six ponts de pierre. Aux huit angles se dressait un petit pavillon abritant l'escalier qui conduisait aux parterres de verdure et de fleurs, aménagés dans les fossés. Chaque pavillon devait accueillir un groupe allégorique, symbolisant les vertus de Louis XV: Jupiter et la Clémence, Apollon et la Poésie, Minerve et l'Étude, Mercure et la Richesse, Cérès et le Travail, Hercule et la Modération, Mars et la Justice, Neptune et la Fortune.

     

    A leur emplacement trônent de puissantes dames de pierre.

     

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    Brest, par Jean-Pierre Cortot, la tête ceinte d'une couronne de laurier, assise sur un canon.

     

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    Rouen, par Jean-Pierre Cortot, assise sur des ballots de marchandises, la tête couronnée de feuilles de pommier.

     

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    Sa main droite repose sur un écusson aux armes de la ville.

     

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    Elle tient le caducée du commerce, emblème du dieu Mercure.

     

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    Nantes, par Louis-Denis Caillouette. Assise sur un navire, elle tient un caducée dans la main droite et présente un écusson de la main gauche.

     

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    Bordeaux, par Louis-Denis Caillouette. La tête ceinte de feuilles de vigne et de grappes de raisin, elle tient une corne d'abondance.

     

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    Marseille, par Louis Petitot. Assise sur un navire, la tête couronnée d'olives et d'épis de blé, elle tient une branche d'olivier dans la main droite et un aviron dans la main gauche.

     

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    Lyon, par Louis Petitot. Assise sur un rocher entouré de roseaux, elle appuie son bras droit sur une corbeille remplie d'écheveaux de soie et tient un caducée dans la main gauche. De part et d'autre, les eaux fécondes du Rhône et de la Saône s'échappent de deux urnes renversées.

     

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    Strasbourg, par James Pradier. Assise sur un rocher où grimpe un pied de vigne, elle tient une épée dans la main gauche et des clefs dans la main droite. Elle a le pied posé sur un canon.

     

    En 1871, suite à la défaite de la France contre l'Allemagne, elle fut drapée de noir.

     

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    Lille, par James Pradier. Appuyée sur un canon et assise sur un rocher, elle brandit l'épée protectrice de la ville.

     

    Vingt colonnes rostrales, des lampadaires et des candélabres forment une « ceinture de lumière » autour de la place.

     

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    De part et d'autre de l'obélisque, deux somptueuses fontaines imitent celles qui se dressent sur la place Saint-Pierre de Rome.

     

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    Au nord, la fontaine des fleuves célèbre la navigation sur le Rhône et le Rhin.

     

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    Des génies anguipèdes (aux queues serpentines) tiennent des poissons qui crachent avec force des jets d'eau vers le ciel.

     

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    Les allégories fluviales, appuyées sur des rostres de navires, brandissent des symboles de fécondité: épis de blé, grappes de raisin, fleurs...

     

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    Alchimie des corps et des couleurs qui s'entremêlent dans les gouttes d'or aquatiques...

     

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    Au sud, la fontaine des mers célèbre la Méditerranée, les puissances de l'océan et la pêche.

     

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    Cette mythologie aquatique évoque la prospérité, la force et la félicité retrouvées après la terreur et le chaos.

     

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    Qui a oublié ses bottes de sept lieues?

     

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    L'obélisque fut offert en 1831 par Méhémet-Ali, vice-roi d'Égypte, à Louis-Philippe qui le fit ériger, le 25 octobre 1836, là où nous le contemplons désormais. Le souverain assista au spectacle, depuis les fenêtres de l'Hôtel de la Marine.

     

     

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    Sur ses différentes faces, des hiéroglyphes relatent les évènements des règnes de Ramsès II et de Ramsès III. A sa base, se dressaient autrefois des singes cynocéphales en érection, qui furent relégués dans une salle des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, pour ne pas effaroucher la société prude de l'époque!

     

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    Ce monument sacré de l'Égypte ancienne évoque un rayon de soleil figé et serait une manifestation du grand dieu solaire Atoum-Rê. Il provient de la résidence des rois de Thèbes à Louqsor.

    Il encadrait jadis, avec son jumeau, l'entrée somptuaire du palais de Ramsès II. Les deux obélisques furent offerts à la France mais un seul, désigné, par l'égyptologue Jean-François Champollion, fut transporté vers Paris.

     

    Un bateau, le Louqsor, construit pour la circonstance, accueillit le monolithe, sous la surveillance de l'ingénieur Jean-Baptiste Apollinaire Lebas (1797-1873).

     

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    Une gravure, sur le haut piédestal, relate cette épopée.

     

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    De puissantes machines élévatrices et de grands cabestans furent nécessaires pour dresser le monolithe en granit rose, haut d'une trentaine de mètres, vers le ciel. Pour l'anecdote, il pèse environ 222 tonnes et s'appuie sur un piédestal de 240 tonnes.

     

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    L'obélisque vibre, au centre d'un réseau subtil dont il est le fer de lance. Le granit rose s'imprègne des variations atmosphériques et s'élève jusqu'au pyramidion d'or et de bronze, placé en 1998 au sommet de l'édifice.

     

    Cette aiguille monolithique, appelée « la Pierre Haute », se dresse au coeur d'un cadran solaire, constitué par la place elle-même. Au-delà du ciel, l'obélisque jaillit vers les mystères de l'Univers où se lovent les dieux.

     

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    La place de la Concorde dessine un vaste espace orienté vers les points cardinaux de la ville. Des lignes réelles et imaginaires la relient à des monuments qui symbolisent le pouvoir (Assemblée Nationale), la spiritualité (Église de la Madeleine), le triomphe (Champs-Élysées) et l'héritage culturel de la France (Louvre).

     

    Les « Chevaux de Marly », réalisés par Guillaume Coustou et mis en place, en 1794, à l'entrée des Champs-Élysées, s'apprêtent à galoper vers les mondes antiques, peuplés de chimères et de héros.

     

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    De part et d'autre de la voie triomphale, un homme cherche à maîtriser un cheval cabré dont la crinière ruisselante semble s'animer dans la lumière.

     

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    Aujourd'hui, ces groupes magnifiques sont des copies mais à l'instar des colonnes rostrales, des lampadaires et des statues, ils rythment, par leur fougueuse verticalité, l'étendue horizontale de la place.

     

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    Dans le cadre de sa politique de grands travaux, le Baron Haussmann voulut faire retirer l'obélisque et les fontaines mais il n'obtint heureusement pas gain de cause.  Comme dans une Rome intemporelle, les figures archétypales de la Concorde, étroitement liées à la puissance maritime de Paris et de la France, rayonnent entre l'eau vive et le ciel...

     

    Bibliographie

     

    Amaury DUVAL: Les Fontaines de Paris, anciennes et nouvelles. Nouvelle édition, Paris: Bance aîné, 1828.

     

    Pierre-Thomas-Nicolas HURTAUT: Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs.

     

    Adolphe JOANNE: Paris illustré. Paris: Hachette, 1863.

     

    Pierre KJELLBERG: Le nouveau guide des statues de Paris. Paris: la Bibliothèque des Arts, 1988.

     

    Marquis DE ROCHEGUDE: Promenades dans toutes les rues de Paris. Paris: Hachette, 1910

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    Le Printemps ouvre les yeux. Les bourgeons brillent dans l'air sucré. Dans sa robe immaculée, la fée Flore d'Alphonse Mucha, artiste emblématique de l'Art Nouveau, nous promet bien des délices...

     

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    Une rencontre précieuse et aromatique sur une petite place de Paris.

     

     

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    Dans la pureté de ses atours...

     

    Flore est la déesse de tout ce qui fleurit. Quand revient l'équinoxe de Printemps, elle préside aux noces du jour et de la nuit. Dans la Rome antique, elle était « reine d'avril » et célébrée jusqu'à la fin du mois de mai. Les Floralia débutaient le 28 avril. Une statue de la déesse, couronnée de fleurs et tenant une corne d'abondance était promenée triomphalement dans les rues. Les auteurs anciens rapportent la grande licence et les excès qui se déroulaient pendant ces fêtes.

     

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    D'après certaines légendes, Flore offrit, à la fin de l'hiver, un lys enchanté à la déesse Junon. Cette fleur magique permit à la « mère des dieux »de concevoir, par simple contact, le dieu Mars, seigneur de la guerre et des festivités de Printemps.

     

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    A bien des égards, les pouvoirs de Flore se rapprochent de ceux de Vénus/Aphrodite, la déesse de l'amour.

     

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    L'allégorie du Printemps de Sandro Botticelli, peinte en 1482, met en scène un monde sylvestre et merveilleux, un âge d'or peuplé de déesses et de dieux.

     

    Sous l'égide de Vénus, placée, comme une madone en majesté, devant un buisson de myrte, la Nature renouvelle ses charmes. Les regards convergent, au centre de la composition, vers son ventre arrondi.

     

    Cupidon se tient au-dessus d'elle, prêt à décocher une flèche enflammée en direction des trois Grâces.

     

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    Ces beautés, qui symbolisent la féminité sublimée, forment une ronde délicate à côté du dieu Mercure.

     

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    Le messager divin brandit son caducée vers la voûte végétale, en direction des nuages qui pourraient troubler la quiétude du jardin.

     

    Gardien des connaissances hermétiques et du « bosquet sacré » associé aux pouvoirs de Vénus et de Flore, Mercure protège ce lieu intemporel que l'on peut identifier au Jardin des Hespérides. Les arbres y sont couverts de fruits d'or, pommes et agrumes placés sous la garde des filles du géant Atlas et de Ladon, un dragon à cent têtes.

     

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    L'oranger dévoile son feuillage vert, ses fleurs parfumées et ses fruits délicieux qui symbolisent le Paradis. A l'instar de Jupiter qui offrit à Junon des fleurs d'oranger le jour de leurs noces, les dieux en mêlaient aux parures des déesses et les matrones aux couronnes des mariées. L'orange est un fruit d'or, précieux et aromatique, qui évoque parfois la rédemption.

     

    Le tableau nous révèle surtout deux visions conjointes de Flore qui se complètent remarquablement: une jeune fille au corps fertile et une femme affirmée, de toute beauté.

     

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    Le Printemps renaît, dans cette prairie magique, où foisonnent les fleurs, gouttes colorées, comme en suspension sur l'herbe sombre. Un poème enivrant mêlé de petites jacinthes, de pâquerettes, d'iris, d'oeillets, de bleuets, de myosotis, de tussilage...

     

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    A l'extrémité de l'image, la ravissante Flore plonge son regard dans celui de Zéphyr, le dieu du vent de l'ouest, humide et chaud, qui lui insuffle son désir. Dans sa robe blanche translucide, elle est encore la nymphe Chloris, célébrée depuis la Grèce ancienne. Une guirlande de fleurs, emblème de renouveau et de félicité, jaillit de sa bouche.

     

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    De leurs amours naîtra Carpos, le fruit...

     

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    Sur ce portrait, la Flore virginale est devenue la déesse des fleurs sauvages et cultivées. Elle arbore avec majesté une robe somptueuse, parsemée de pâquerettes, de roses et de violettes, qui révèle sa superbe maturité. A la période de Pâques, la pâquerette illumine l'herbe des prés et symbolise la reverdie.

     

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    Son étymologie dérive des mots « pasquis, pasquier » qui signifient « pâturage » en ancien français. Son nom latin, « bellis perennis », évoque la beauté éternelle mais aussi la douceur des sentiments, les liens d'amour et la protection de l'innocence.

     

    Ses jolis boutons, ses feuilles et sa racine sont comestibles. Elle possède aussi des vertus médicinales. Elle est réputée soigner les inflammations de la bouche, de la gorge et des voies respiratoires, résorber les oedèmes et les entorses, nettoyer le sang, raffermir la peau, réduire l'hypertension, apaiser les maux de tête et cicatriser les plaies. Elle est souvent représentée dans la peinture médiévale et Renaissance.

     

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    Sous le pinceau de l'artiste, Flore se présente comme une personnification de la ville de Florence, la ville des fleurs et des plaisirs raffinés. Les aristocrates florentines raffolaient des motifs floraux qui décoraient les riches tissus de leurs robes.

     

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    Dans la naissance de Vénus, Botticelli met en scène une Grâce vêtue d'une magnifique robe brodée de bleuets. Le manteau qu'elle s'apprête à offrir à la déesse nue est orné de fleurs qui dessinent un herbier précieux.

     

    La pâquerette est l'emblème d'une Flore hybride et recomposée qui règne sur l'hortus conclusus ou jardin clos des manuscrits médiévaux. Elle éclot dans le Jardin de Paradis où les fleurs sont chatoyantes et parfumées et devient la récompense des élus.

     

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    A l'instar de Marie, Flore est accompagnée du lys blanc, de l'ancolie, de l'oeillet carminé, du narcisse, de la jacinthe et de la violette mais, sous son apparence de madone, elle demeure la déesse des plaisirs charnels qui ressuscitent au Printemps. Les rencontres sexuelles étaient nombreuses pendant les jeux qui lui étaient consacrés et les fleurs les plus capiteuses étaient mêlées au vin en son honneur...

     

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    En 1630, sous le pinceau de Nicolas Poussin, la Flore licencieuse des jeux de Printemps se pare des attributs du triomphe antique. Promenée sur un char tiré par des amours, elle est entourée de nymphes, d'éphèbes et d'angelots facétieux, dans un paysage harmonieux et champêtre.

     

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    Cette allégorie du Printemps, intitulée le Triomphe de Zéphyr et de Flore, est l'un des chefs-d'oeuvre du peintre vénitien Giovanni Baptista Tiepolo. L'oeuvre, peinte entre 1734 et 1735, décrit les amours du dieu du vent et de la déesse des fleurs.

     

    Le couple est appuyé sur une formation nuageuse qui jaillit au milieu d'un subtil jeu de clair-obscur. Ces nuages, qui ressemblent à de gros rochers, témoignent du caractère ambivalent des puissances célestes. Les draperies tourbillonnantes sont gorgées de vent mais l'amour triomphe, comme en témoigne la présence des génies du bonheur et de la fécondité.

     

    J'aime particulièrement les ailes de Zéphyr dont le scintillement coloré est sublimé par la merveilleuse palette de Tiepolo.

     

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    L'Empire de Flore, par Tiepolo, vers 1743.

     

    Dans l'alchimie précieuse des couleurs, Flore évoque avec grâce et sensualité la résurgence des forces de vie.

     

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    Lumière suave, charmes veloutés...

     

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    La déesse Ostara, illustrée en 1884 par Johannes Gehrts.

     

    Dans le monde anglo-saxon, Flore est Eostre ou Eastre, dont le nom dérive de « Easter » qui signifie Pâques. Son équivalent germanique est Ostara, déesse de l'aurore, qui a donné son nom à la fête païenne de l'équinoxe de Printemps et à sa résurgence néo-païenne.

     

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    Son animal sacré est le lièvre, un avatar païen qui a survécu à travers les légendes du lièvre de Pâques ou Osterhase. (L' illustration vient des Publications Clare Madicott).

     

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    (Collection personnelle)

     

    Symbole printanier par excellence, le lièvre est réputé pondre les oeufs de lune de la déesse. Quelques jours avant l'équinoxe et pendant la Semaine Sainte, les enfants lui confectionnent un nid douillet, tapissé d'herbes et de fleurs.

     

    Une légende prétend que la déesse Ostara envoya un coq aux trousses du lièvre de Pâques afin qu'il ponde des oeufs rouges incandescents, gorgés de puissance solaire.

     

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    « Ostara » était aussi le nom donné à une revue germanophile, parue entre 1905 et 1913, et très appréciée par Adolf Hitler qui y puisa un certain nombre de ses thèses aryennes mais il serait dommage de diaboliser ceux qui s'intéressent aux anciennes coutumes. Les croyances relatives au retour du Printemps et le vieux fonds culturel européen qui leur sont associés existaient bien avant les Nazis qui n'ont cessé de dévoyer les symboles pour leur infâme propagande...

     

    Guidée par le souffle des fleurs, c'est dans le murmure parfumé d'Ostara, la jeune fille féconde et la mère protectrice, que je veux me lover.

     

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    La jacinthe rose, au parfum capiteux, désigne le bonheur d'aimer, le renouveau, l'insouciance...

     

    D'après la mythologie grecque, elle naquit du sang de Hyacinthe, superbe jeune homme, amant du dieu Apollon mais aussi de Zéphyr. Hyacinthe mourut lors d'une joute sportive et Apollon lui rendit hommage en faisant naître une fleur à la troublante fragrance.

     

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    Dans les squares de Paris, le Printemps revêt ses plus beaux atours...

     

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    Un talisman d'amour, de chance, de force, de longévité... Tendons l'oreille, les dieux ou les génies de l'arbre à voeux chuchotent dans ses branches.

     

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    Les arbres à loques (dans lesquels on suspend des morceaux d'étoffe, des papiers votifs, des sachets talismans, des figurines, etc) existent dans toutes les civilisations. Les voeux montent avec la sève et l'éclosion des fleurs stimule les croyances d'espoir.

     

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    De minuscules soleils odorants qui forment un tapis de lumière... la jonquille est sans conteste la fleur fétiche du mois de Mars. Dans le langage floral, elle signifie « je vous désire » et symbolise l'affection partagée.

     

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    Des pompons sucrés qui dessinent un ciel onirique.

     

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    Dans sa beauté éphémère et sacrée...

     

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    Mystique des couleurs...

     

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    A la tombée du soir, les elfes se cachent dans les fleurs papillons...

     

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    Ces grappes de glycine symbolisent la tendresse et l'amitié. Leur envoûtant parfum célèbre les amours de Zéphyr, le souffle primordial, le maître débridé de la fécondité et de Flore, l'âme-fleur, mère de la vie...

     

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    En Chine, la glycine est orientée vers la lumière de la lune dont le rayonnement mystérieux est réputé nourrir et soigner les fleurs. En Occident, le folklore prétend qu'elle abrite des lutins et des fées qui tissent les rayons lunaires et voyagent à travers l'esprit des dormeurs.


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    Le réveil de Flore

    Les magiciennes l'ont bercée
    dans les racines du vieux hêtre
    son âme fauve entrelacée
    aux âmes qui l'ont vue renaître...

    Soyeuse aurore qui fusionne
    avec ses prunelles dorées
    le ciel de glace tourbillonne
    son parfum hante la forêt

    Les loups et les spectres du froid
    fondent sous sa peau de rosée
    les sorcières des nuits d'effroi
    se figent dans l'air embrasé

    Entrons dans la ronde immortelle
    le souffle mêlé de désir
    Flore sous la lune nouvelle
    épouse le sang de Zéphyr...

    (Cendrine)

     

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    Une grille qui jaillit comme un bouquet printanier... Une écriture végétale aux fascinantes sinuosités... Je vous invite à découvrir, au numéro 33 de la rue du Champ de Mars, dans le 7e arrondissement de Paris, un bijou d'architecture Art Nouveau.

     

    Dans cette rue discrète, surgit une façade au décor luxuriant qui dessine une forêt de fleurs pétrifiées.

     

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    Construit en 1904 par l'architecte Octave Raquin pour un certain Monsieur Bouvet, le bâtiment accueillit un collège privé, le Cours des demoiselles Longuet.

     

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    Portrait d'Octave Raquin, peint par Toulouse-Lautrec en 1901.

     

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    Octave Raquin fut l'un des collaborateurs de la Revue Blanche, une revue littéraire et artistique fondée en 1890 à Liège par les frères Natanson. Cette revue s'installa en 1891 à Paris où elle rivalisa avec le Mercure de France, d'où le nom de Revue Blanche (la couverture du Mercure était mauve...)

     

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    Après les étudiantes des demoiselles Longuet, les élèves du Cours Alfred de Musset s' établirent dans l'immeuble de la rue du Champ de Mars qui abrite aujourd'hui une clinique de chirurgie esthétique et des appartements.

     

    La mise en scène est particulièrement réussie. La belle façade de pierre est aérée par de nombreuses ouvertures et rythmée par de gracieuses ferronneries.

     

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    Des travées en saillie, des linteaux stylisés, des courbes oniriques... Un épiderme de pierre sur lequel serpente la lumière... l'Art Nouveau s'exprime ici avec grâce, puissance et fluidité.

     

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    L'un des magnifiques bow-windows ou oriels en français, qui animent la façade.

     

    Ces avancées en encorbellement ou « fenêtres en arc » sont fréquentes dans l'architecture victorienne, le style Second Empire et l'Art Nouveau. Dans l'art anglais, trois termes désignent ces constructions et leurs variantes.

    • Le bow-window ou « fenêtre en arc ».
    • Le bay-window ou « baie vitrée avancée ».
    • L'oriel-window ou « fenêtre en rideau ».

     

     

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    Cette peau végétale établit une communication intime entre le regard et les courbes de l'architecture. La lumière naturelle est tissée comme une matière vivante et répartie, avec féerie et fonctionnalité, dans les différentes pièces de l'habitation.

     

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    L'élégante marquise en fer forgé et en verre, qui accueille le visiteur, est décorée de feuilles d'arums, de même que les grilles de la porte d'entrée et les vantaux des portes latérales.

     

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    Dans sa robe de verre tendue de fer ou d'acier, la marquise dévoile ses volutes ouvragées. Elle désignait originellement une pièce de toile tendue au-dessus d'une porte pour se protéger des intempéries et du soleil. Elle était fréquemment utilisée sur les bateaux. En architecture, cet auvent vitré représente un abri et un élément décoratif.

     

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    La marquise de la Villa Majorelle, construite à Nancy entre 1901 et 1902 par Henri Sauvage et Lucien Weissenburger.

     

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    La marquise du métro Abbesses, signée Hector Guimard.

     

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    Celle de la maison aux arums présente une bordure ondulée qui accroît la plasticité de l'ensemble.

     

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    Par ses ondes raffinées et son riche décor floral, cette porte latérale reflète les liens qui unissent la Nature et l'Art Nouveau.

     

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    Cela s'applique aussi à ce petit soupirail.

     

    Dans les dernières décennies du XIXe siècle, l'admiration pour la Nature imprégna les travaux de nombreux artistes. Ils redécouvrirent la flore gothique dessinée par l'architecte Viollet-le-Duc et s'émerveillèrent devant les estampes japonaises, diffusées par des marchands férus d'art asiatique.

     

    L'un d'eux, Siegfried Bing, ouvrit à Paris en 1895 un magasin qu'il baptisa « Maison de l'Art Nouveau ». Au numéro 19 de la rue Chauchat, dans le 9e arrondissement de Paris, ce lieu atypique devint un formidable espace de rencontre et de création artistiques.

     

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    L'affiche de l'exposition qui lui a été consacrée.

     

    Dans l'Art Nouveau, la Nature est une source d'inspiration permanente. Ciselée et magnifiée à travers les bijoux de René Lalique, les vases d'Émille Gallé et des frères Daum, les boiseries de Louis Majorelle...

     

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    Pavot de René Lalique, 1897. (La photo vient du site du Musée d'Orsay.)

     

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    Avec cet ornement de corsage, appelé « Oiseaux chanteurs » et réalisé en 1889 pour la maison Vever, René Lalique enchante l'or, l'argent, les diamants et les rubis.

     

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    La Nigelle, vase d'Émile Gallé, vers 1900. L'artiste, passionné de botanique, retranscrit, de manière onirique, les formes offertes par la Nature.

     

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    Le vase aux primevères, en marqueterie de verres, réalisé par Émile Gallé vers 1900. Ce vert profond, né d'une superposition de couches de verre saturé, rappelle les jardins gorgés d'eau et les effets de lumière au début du Printemps.

     

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    A travers une galerie de lampes féeriques et de vases mystérieux, les frères Daum déclinent leurs affinités pour les formes sinueuses, le rêve et la translucidité.

     

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    Un bureau « végétal », signé Louis Majorelle.

     

    En étudiant les merveilles de la Nature, les artistes « Art Nouveau » inventèrent un vocabulaire esthétique fondé sur la sinuosité des lignes, la luxuriance du décor, la recréation de l'élément végétal avec des matériaux métalliques et la prédominance de l'ornement floral. Parées de feuilles et de fleurs, les façades des immeubles et des maisons nous invitent à explorer un univers sylvestre et fantastique.

     

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    La maison aux arums s'inscrit dans cette veine « symboliste », nourrie par la poésie et la littérature.

     

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    L'arum possède une double nature. Cette fleur, dotée d'une étrange inflorescence, est à la fois féminine et phallique. Au fil des siècles, elle fut perçue comme un symbole de pureté ou un emblème diabolique.

     

    Dans les années 1900, elle était très prisée dans les bouquets de mariées. On l'appréciait aussi pendant les fiançailles et les communions. Dans le cas présent, il est vraisemblable qu'elle ait été associée aux jeunes filles du cours privé des demoiselles Longuet.

     

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    Il existe de nombreuses variétés d'arums. L'arum des fleuristes ou calla est une cousine de l'arum maculatum ou pied de veau.

     

    Cette fleur jouait un rôle important dans la pharmacopée ancienne mais il fallait redoubler de vigilance en raison de sa toxicité. L'eau distillée de racines tubéreuses était utilisée comme lotion de beauté. Les racines longuement bouillies, torréfiées, râpées et passées au tamis donnaient une sorte de fécule, consommée sous forme de pain dans l'Antiquité.

     

    La teinture de racines est encore prescrite en homéopathie. Elle est réputée décongestionner les voies respiratoires, calmer les saignements et les irritations de la peau.

     

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    Ce vase en majolique, en forme d'arum, fut créé vers 1900 par la manufacture autrichienne Gerbing et Stephan. Il évoque la nature complexe de la fleur et de la femme, sources d'inspiration majeures, créatures mystérieuses, troubles et sensuelles, hybrides et magiciennes...

     

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    La Nature enveloppe l'Architecture. Les matériaux dits « structurels » sont utilisés pour façonner des arbres de métal aux branches organiques, des fleurs de pierre et de verre, aiguiser l'imagination et faire croître un monde enchanté dans l'espace urbain.

     

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    Qu'il soit aimé ou décrié, l'Art Nouveau est un fabuleux creuset d'inspiration naturaliste. Il crée des correspondances subtiles entre les matériaux, entre l'utile et l'esthétique, entre le réel et l'onirique.

     

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    Pour ressembler aux éléments naturels, les ornements métalliques sont traités avec harmonie, gracilité et sens du mouvement. Une forêt magique semble avoir poussé autour de l'habitation.

     

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    Dans le hall d'entrée, de fines mosaïques rappellent les broderies florales qui couvrent la façade. Elles font écho aux lianes de métal qui se contorsionnent le long de la pierre.

     

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    L'artiste « Art Nouveau » est un alchimiste qui crée et recrée à l'infini les formes dessinées par la Nature. Il joue à recomposer la lumière et dévoile ses variations à travers les matières qu'il travaille.

    Il élabore un art total qui se mêle à l'Artisanat et à l'Industrie. Il exploite de nouvelles gammes colorées et se rapproche des effets de matière qui règnent dans la Nature: prairies aquatiques, jardins détrempés, miroirs d'eau, reflets de tempêtes, cieux étranges...

     

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    Il intercale ce qu'il peut toucher et ce qui suscite les songes, comme dans l'élégante poésie de la « maison aux arums »...

     

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    Le samedi 31 mai 1578, Henri III, rongé par le chagrin, posa la première pierre du Pont-Neuf.

     

    En tenue de grand deuil, le roi pleurait la mort de Quélus et de Maugiron, deux de ses favoris tués en duel. Il avait emprunté une barque luxueusement parée pour rejoindre son épouse, Louise de Vaudémont et la reine mère, Catherine de Médicis, qui l'attendaient parmi les dignitaires de la Cour.

     

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    Les travaux amorcés ce jour-là, sur la requête de Pierre Lhuillier, le prévôt des marchands, furent interrompus pendant les guerres de religion. Ils reprirent en 1599, sous le règne d'Henri IV, et furent achevés le 8 juillet 1606. Ils donnèrent naissance au plus grand pont de Paris, le plus ancien aussi.

     

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    Le Pont-Neuf est constitué de deux ponts indépendants qui se réunissent au niveau d'un terre-plein, formant la pointe de l'île du Palais. Le premier pont se situe sur le grand bras de la Seine et comporte sept arches. L'autre pont, doté de cinq arches, domine le petit bras du fleuve.

     

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    Avant la construction du Pont-Neuf, les ponts de la Cité étaient vétustes et encombrés de maisons qui formaient des alignements sombres et monotones. En 1556, il fut question de créer un pont entre le Louvre et l'Hôtel de Nesle (attenant à la célèbre tour du même nom) mais le projet n'aboutit pas avant l'année 1578 où il fallut absolument détourner la circulation qui encombrait les ponts au Change et Notre-Dame.

     

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    Conçu par Baptiste Androuet du Cerceau et Pierre des Iles, le Pont-Neuf connut de prestigieux « maîtres maçons » comme Thibault Métezeau, Guillaume Marchand et les Frères Petit.

     

    Il se caractérisa dès le départ par sa modernité: des arches en pierre de taille, une large chaussée, des trottoirs surélevés de plusieurs marches pour assurer la protection des piétons; des demi-lunes, espaces semi-circulaires rythmant l'architecture...

     

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    Les flancs du pont sont ornés de 381 mascarons aux expressions grotesques, souvent truculentes et parfois même inquiétantes. Mais ces visages de pierre, qui représentent des satyres, des sylvains et des divinités fluviales, ont un charme bien caractéristique. Les masques originaux ont été attribués à Germain Pilon, l'un des maîtres sculpteurs de la Renaissance française.

     

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    Germain Pilon en a probablement réalisé une vingtaine. Les autres ont vu le jour sous les ciseaux de différents sculpteurs. Les musées de Cluny et Carnavalet conservent une partie des mascarons primitifs.

     

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    Entre 1853 et 1855, l'architecte Victor Baltard, le créateur des célèbres Halles, installa sur la promenade des candélabres décorés de têtes du dieu Neptune alternant avec des dauphins fantastiques.

     

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    Ce répertoire décoratif a été conçu pour s'harmoniser avec l'architecture de la Place Dauphine et de la rue Dauphine, située dans le prolongement du Pont-Neuf.

     

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    La Place Dauphine fut nommée ainsi en l'honneur du Dauphin, le futur Louis XIII.

     

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    La Place Dauphine

     

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    En 1763, le lieutenant général de police, Antoine de Sartine fit installer les premiers réverbères rue Dauphine mais dans le premier quart du XVIIe siècle, c'était autour d'une figure populaire et monarchique que la foule se pressait.

     

    La statue équestre d'Henri IV

     

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    Le roi de bronze qui contemple les splendeurs de la Cité eut une histoire bien mouvementée.

     

    En 1604, la reine Marie de Médicis souhaita faire ériger une effigie équestre de son époux à l'endroit où les deux ponts se réunissaient. Le projet fut confié, par l'entremise de son oncle Ferdinand Ier, au sculpteur Jean de Bologne. L'artiste avait créé la statue équestre de Cosme Ier, grand-duc de Toscane et aïeul de Marie.

     

    Après la mort de Jean de Bologne en 1608, la réalisation de la statue fut confiée à Pietro Tacca. Le cheval et son cavalier furent achevés en 1612. Ils quittèrent Florence par la mer mais le navire qui les transportait fit naufrage. Il fallut repêcher les caisses et les faire transporter, par des moyens terrestres et maritimes, jusqu'à Paris. La première pierre du socle fut installée par Louis XIII, le 2 juin 1614.

     

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    Du piédestal de la statue, il subsiste au Louvre quatre figures de captifs enchaînés, fondus en 1618 par Francesco Bordoni d'après les modèles de son beau-père, Pierre Francqueville.

     

    La statue ne fut pas épargnée par la Révolution. En 1790, un bureau d'enrôlements volontaires fut installé au pied des marches et en 1792, le cavalier de bronze fut brisé en plusieurs morceaux. Certains furent fondus, d'autres jetés à la Seine. Quelques fragments ont été conservés. Ils se trouvent aujourd'hui au Louvre. En lieu et place d'Henri IV, les Révolutionnaires dressèrent les « Tables des Droits de l'Homme ».

     

    A la Restauration, le Conseil Municipal décida de faire reconstruire le monument. Pour célébrer l'entrée de Louis XVIII à Paris, le 3 mai 1814, une statue en plâtre, réalisée par le sculpteur Henri Roguier, fut installée sur le pont. On lisait sur le socle: « Le retour de Louis fait revivre Henri ».

     

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    La statue actuelle fut réalisée par François Lemot (1772-1827). Henri IV se présente en armure, la tête ceinte d'une couronne de laurier. Il brandit un sceptre à fleur de lys et chevauche un puissant destrier. Le piédestal est décoré de deux bas-reliefs historiés. Du côté sud, Henri IV fait entrer des vivres dans Paris assiégé.

     

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    Du côté nord, le roi vainqueur proclame la paix sur le seuil de Notre-Dame.

     

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    L'érection de la nouvelle statue.

     

    Le 25 août 1818, une foule haletante se pressa sur le Pont-Neuf pour assister à l'inauguration du cavalier de bronze, fondateur de la lignée des Bourbon, par son héritier, le roi Louis XVIII.

     

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    L'inauguration, par Hippolyte Lecomte.

     

    En 2004, la statue, érodée par les intempéries, a révélé, au cours de sa restauration, différents objets, contenus dans des boîtes. Les restaurateurs y ont découvert des médailles gravées de l'époque de Louis XVIII, une édition richement ornée de la Henriade de Voltaire, des procès-verbaux, la Charte Constitutionnelle et bien d'autres « secrets » historiques. Certains chroniqueurs ont relaté l'existence d'une petite statue de Napoléon en or dans le bras levé du cavalier ou d'une figurine en bronze dans la patte droite du cheval.

     

    Des pamphlets anti-monarchiques ont aussi été retrouvés dans le ventre du cheval.

     

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    En empruntant, derrière la statue, ces escaliers de pierre assez raides, on découvre un lieu plus « intime » qui avance sur l'eau, en direction du Pont des Arts et du Louvre.

     

    Le square du Vert Galant

     

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    Un lundi de février, une atmosphère fantomatique... le lieu est déserté mais la promenade est fort agréable.

     

    Jusqu'à la construction du Pont-Neuf, l'île de la Cité s'achevait par le Jardin du Roi (actuelle Place Dauphine). Cette « pointe » fut créée par la réunion de trois îlots: l'île du Patriarche ou île Bussy, l'île de la Gourdaine puis de la Monnaie (un moulin y utilisait l'énergie hydraulique pour battre la Monnaie Royale) et l'île aux Juifs, aux Treilles ou aux Bureau (du nom de Hugues Bureau au XVe siècle).

     

    Une plaque enchâssée dans la pierre du pont « ressuscite » une figure majeure de l'Histoire de France, Jacques de Molay, le dernier grand-maître des Templiers,

     

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    Le 11 ou le 18 mars 1314, Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay, le précepteur des Templiers de Normandie, furent brûlés vifs, dans l'île de la Cité, en face du quai des Augustins.

     

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    (Gravure d'Auguste Maquet)

     

     

    Sous l'Empire, Napoléon projeta de construire, à cet emplacement, un obélisque « à la gloire du peuple français ». Les fondations du terre-plein furent alors consolidées, avec de nombreuses pierres provenant de la Bastille, mais le monument ne vit jamais le jour.

     

    Le square fut créé en 1836. Jusqu'en 1879, il abrita un café-concert et fut cédé par l'État, pour un franc symbolique, à la ville de Paris, en 1884.

     

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    Le long du petit bras du fleuve, laissons voguer nos regards sur les moirures de l'eau. Les bateaux amarrés sont une invitation au voyage...

     

     

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    Les facétieux mascarons se laissent admirer à loisir.

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    De grandes oreilles, des cornes, des expressions outrancières, des trognes de fantaisie, ils s'inscrivent dans une longue tradition de têtes décorées venues d'Italie.

     

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    Les masques et les visages de pierre sont dotés de vertus magiques depuis l'Antiquité. Ils ont pour vocation de repousser les forces maléfiques et d'attirer la prospérité. Ils se présentent comme les génies du lieu, les divinités protectrices de la cité.

     

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    Tiens, c'est moi avec mon « éternelle » écharpe rouge et mon appareil photo!!! J'étais encore en train d'imaginer que les mascarons me racontaient l'histoire du Pont-Neuf...

     

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    Ce monde grotesque et fantastique nous invite à traverser le temps pour découvrir l'atmosphère qui régnait autrefois sur le pont. Ce lieu très animé était investi, pendant la journée, par une foule bruyante et pittoresque mais la nuit, toute personne qui tenait à la vie évitait de s'y promener...

     

    Les tire-laine et les coupeurs de bourses évoluaient parmi le « beau monde » et les « petites gens », les vendeurs ambulants et les bretteurs qui allaient s'affronter sur la Place Dauphine toute proche.

     

    Dès que le pont fut terminé, des boutiques portatives s'implantèrent sur les trottoirs ou « banquettes » qui bordaient les demi-lunes. On trouvait des bouquinistes et des marchands d'encre, des merciers, des fruitiers, des confiseurs, des tondeurs de chiens, des cireurs de bottes, des cuisiniers... De gros beignets de pommes, appelés « beignets du Pont-Neuf », étaient particulièrement appréciés.

     

    En 1756, le lieutenant de police ordonna la suppression de ces boutiques mais elles réapparurent, sous le règne de Louis XVI, à l'intérieur des demi-lunes. Elles n'étaient plus en bois mais en pierre. Elles disparurent définitivement en 1855.

     

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    Les mendiants se précipitaient, depuis la Cour des Miracles, sur les portières des carrosses.

     

    Les « arracheurs de dents » du Pont-Neuf étaient célèbres dans tout le royaume mais leur rôle ne se cantonnait pas seulement à « tirer les quenottes ». Habiles bonimenteurs, ils vendaient toutes sortes d'objets, des prestations étranges et des remèdes miracles.

     

    Le Théâtre de Mondor et de Tabarin

     

    Antoine Girard (1584-1626), dit Tabarin, était un célèbre bateleur et comédien de l'époque de Henri IV. Philippe Girard, son frère, interprétait le rôle de Mondor, le maître du valet Tabarin.

     

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    Les deux frères exerçaient leurs talents sur les tréteaux de la Place Dauphine et sur le Pont-Neuf.

     

    Vêtu d'un « tabar », un manteau qui s'attachait à la hauteur des manches, d'un pantalon de toile blanche et coiffé d'un feutre imposant, Tabarin haranguait les passants. Il se livrait à des « tabarinades », des dialogues philosophiques au ton très incisif. Il vendait aussi des remèdes contre les brûlures, les crevasses, les maux de dents et des baumes de « charlatan ».

     

    Il prétendait que son chapeau lui avait été offert par le dieu Saturne, à la condition de ne jamais le vendre ou le donner.

     

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    Les éditions des farces de Tabarin connurent un franc succès et de nombreuses publications entre 1622 et 1634. Ce théâtre baroque exerça une vive influence sur les oeuvres de Molière et de la Fontaine.

     

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    Les marchands d'orviétan (gravure du XVIIe siècle).

     

    L'orviétan était un électuaire conçu en Toscane par un certain Lupi d'Orviéto, d'après une vieille recette attribuée au roi Mithridate. Il était réputé soigner la peste, les morsures d'animaux, les inflammations, les ulcères, neutraliser les poisons et le venin de serpent...

     

    La Pompe de la Samaritaine

     

    En 1608, la pompe de la Samaritaine fut érigée, par l'ingénieur flamand Jean Lintlaer, sur la deuxième arche du pont à partir de la rive droite. Il s'agissait « d'une grande maison à pans de bois, portée sur d'énormes poutres, sous lesquelles tournaient deux immenses roues de moulins. L'édifice avait deux étages, plus un grand toit aigu à deux rangs de lucarnes. » Sa façade était décorée d'un bas-relief en bronze qui figurait le Christ et la Samaritaine. Une magnifique horloge, ornée d'un soleil, d'une lune et d'un Zodiaque, et un carillon de clochettes se situaient au-dessus. Cette « machine » fort ingénieuse alimentait en eau le Louvre et les Tuileries.

     

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    Sur cette toile de Nicolas-Jean-Baptiste Raguenet, peinte en 1777, on aperçoit le bâtiment de la Samaritaine reconstruit en 1712, sur les plans de l'architecte Robert de Cotte.

     

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    L'ensemble sera malheureusement détruit en 1813.

     

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    La Samaritaine, véritable « institution » parisienne, fermée pour travaux depuis plusieurs années, fut fondée en 1869 par Ernest Cognacq et aménagé par son épouse, Marie-Louise Jaÿ, ancienne première vendeuse au rayon « costumes » du Bon Marché. En 1900, naquirent les « Grands Magasins de la Samaritaine ».Ils feront l'objet d'un prochain article...

     

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    Le Pont-Neuf avant la construction de la Samaritaine.

    (Image trouvée dans l'ouvrage Promenades dans le Paris disparu.)

     

    Je voudrais clore cette promenade en « ressuscitant » quelques expressions d'antan associées au Pont-Neuf.

     

    Un « pont-neuf » était une chanson populaire, satirique et humoristique.

     

    Dans le tumulte constant, on venait « faire sa cour au roi de bronze », c'est à dire se chauffer au soleil, jouir de la lumière et de l'ambiance locale.

     

    « Être solide comme le Pont-Neuf » signifiait être en bonne santé, rempli de vigueur.

     

    « C'est connu comme le Pont-Neuf! »: l'expression se passe de commentaire.

     

    « Chanter un pont-neuf » signifiait dire ou chanter un lieu commun.

     

     

    Le monde « moderne » a aussi été inspiré par le Pont-Neuf.

     

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    Un clin d'oeil... le pont empaqueté dans son intégralité par l'artiste Christo.

     

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    Henri IV, transformé en Chevalier Jedi par Jean-Charles de Castelbajac, en 2010.

    Le sceptre fleurdelysé est devenu sabre laser...

     

     

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    Le Pont-Neuf impressionne par sa puissance et sa modernité. Il jaillit, dans le paysage urbain, tel une bête moyennâgeuse, mais il résulte d'une vision nouvelle. A l'époque d'Henri IV, son architecture prit en compte la notion « d'espace piétonnier », offrit aux passants une vue dégagée sur le fleuve et brisa l'uniformité à laquelle les parisiens étaient habitués. En rompant avec les « codes » existants, il institua une autre manière de circuler.

     

    Quant à son décor, il n'a cessé de stimuler l'imagination des artistes...

     

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    Bibliographie

     

    François BOUCHER: Le Pont-Neuf. Paris: 1925-1926.

     

    Charles Jean LAFOLIE: Mémoires historiques relatifs à la fonte et à l'élévation de la statue équestre de Henri IV. Paris: 1819.

     

    Guy LAMBERT: Les Ponts de Paris. Paris: 1999.

     

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