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    Velours et spasmes d'écriture

    Je réponds à l'invitation de Sophie qui a fêté l'anniversaire de son blog « Sur des Ailes de Papier » et proposé à ses amies de se « définir » à travers quelques objets familiers.

     

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    Ce qui me caractérise le plus: Incontestablement les carnets et les stylos que je collectionne depuis l'enfance et que j'utilise de manière passionnée voire compulsive! Il m'arrive très souvent de m'endormir un carnet à la main et de glisser des petits bouts de papier sous mon oreiller. Je ne vous montrerai qu'une partie de mes « trésors » mais vous comprendrez aisément pourquoi mon mari m'a donné, entre autres surnoms facétieux, celui de « mange-papier »...

     

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           Le Parchemin

     Dans le feu et la glace

    Veinés de passion pure

    Mes secrets s'entrelacent

    Ma plume s'aventure

     

    En syllabes de soie

    Entre jeu et morsure

    Papillonnent mes doigts

    Sur ta peau d'écriture

     

    Je glisse au fil des mondes

    Un parfum me capture

    M'emporte dans sa ronde

    Entre clair et obscur

     

    Mots de fièvre et de vent

    Brodés sur l'encolure

    De ce rêve troublant

    A fleur de signature

     

    Muse aux lèvres d'argent

    Mes désirs sont diaprures

    Grimoire des amants

    Contre toute censure...

     

                           Cendrine

     

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    Caresser le papier, matière puissamment sensuelle, c'est s'ouvrir à un florilège d'émotions qui deviennent flammes créatrices. Dans l'écriture il y a la partie brute, instinctive, « veinée de passion pure » et le travail d'orfèvre, l'art de ciseler encore et encore la matière sauvage en tenant compte des caprices des mots, de leurs mélodies changeantes, de leur folie passagère...

     

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    Encres et flacons mystérieux, mues de papier et songes que j'effeuille...

     

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    Dragon qui me contemple, gardien de mes secrets en feu.

     

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    Larmes d'inspiration, que j'aime votre sillage doré!

     

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    Quand mon écriture féline file sur des toits imaginaires, la passion m'emporte, à la brune, dans ses maraudes facétieuses, et les mots en fièvre sont pure délectation.

     

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    Le début d'un poème, paysage de fascination où frissonne la magie de l'instant...

     

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    Voici l'un de mes « duos » préférés: petit grimoire à la peau douce et stylo plume en bois de hêtre.

     Le hêtre, arbre de la connaissance écrite, est appelé « book-tree » dans les pays anglo-saxons. Cet « arbre à livres » est aussi celui des balais de sorcières (sachant que bien d'autres bois sont associés à la magie et à la sorcellerie), des rondes de fées et des créatures fantastiques. Arbre des runes, des voeux et des rêves, arbre des pouvoirs de l'écrit dont je vous reparlerai avec grand plaisir lorsque je publierai un article consacré aux vieux hêtres de Paris.

     

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    Fée d'argent qui chevauche le rose poudré des fleurs de cerisier...

     

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    Lion de jade talisman, confident miniature qui m'accompagne dans mes rêveries d'écriture.

     

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    Petite kokeshi dans ses atours de Printemps.

     

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    Belle d'hiver signée Alfons Mucha (1860-1939), artiste emblématique de l'Art Nouveau.

     

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    J'associe ce carnet à des arômes de vanille, de cannelle et de chocolat chaud, sans oublier l'encens qui déploie ses volutes balsamiques dans ma bulle d'écriture...

     

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    L'Améthyste de Mucha, énigmatique et rayonnante de sensualité... La couverture idéale pour une poésie « à fleur de peau ».

     

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    L'Emeraude et sa magie ophidienne...

     

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    Outre les stylos et les carnets, je collectionne les tampons décoratifs.

     

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    J'aime les carnets, les plumes, les stylos, les moirures de l'encre et le parfum des mots. J'aime aussi passionnément les livres. Je passe de longues heures devant l'ordinateur mais rien ne saurait remplacer le lien merveilleux qui unit mes doigts, mon coeur et mon esprit aux courbes du papier.

     

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    Quand j'ouvre un de mes carnets, je songe très souvent à cette phrase de Jules Supervielle (1884-1960):

     

    « Faire en sorte que l'ineffable nous devienne familier tout en gardant ses racines fabuleuses. »

     

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    Le papier contient l'âme du bois et la mémoire magique des anciennes forêts. J'ai de nombreux carnets en papier recyclé. Je n'oublie jamais que les arbres nous offrent, outre leur sagesse et leur beauté, une matière précieuse.

     

    Je vous remercie de votre fidélité, chers aminautes, et je vous envoie de gros bisous. Merci à Sophie pour sa gentillesse et pour sa belle idée. Joyeux « anniblog » et une myriade de caresses pour Norma, adorable féline qui vient de fêter ses un an!

     

    Cendrine

     

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    Plume

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    239 commentaires
  • Bonne fête maman, bonne fête à toutes les mamans...

    Une pagode nommée désir...

     

    La Pagode Loo

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    A l'angle de la rue de Courcelles et de la rue Rembrandt, dans le 8e arrondissement de Paris, se dresse une fascinante maison rouge.

     

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    A quelques encablures du Parc Monceau, elle apparaît, un brin mystérieuse parmi les immeubles haussmanniens. Est-elle décor de théâtre, temple ou rêve échoué dans la réalité? Quoi qu'il en soit, sa couleur, sa hauteur et son architecture inattendues attisent la curiosité des passants.

     

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    Singulière sous le ciel de Paris, avec ses volumes élégants et sa peau « sang de boeuf » caressée par la lumière, la Pagode reflète la passion de son premier propriétaire, l'antiquaire Ching-Tsai Loo (1880-1957), pour les arts de l'Asie.

     

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    Ce chinois ambitieux, originaire de la province méridionale du Zhejiang, s'établit à Paris au début du XXe siècle et devint le plus fameux spécialiste du commerce d'antiquités orientales que connut son époque.

     

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    (Photographie Chine-informations.com. )

     

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    Il acquit en 1922, rue de Courcelles, un hôtel particulier où se mêlaient styles Louis-Philippe et Napoléon III (visible à gauche sur la photographie ancienne). Il voulait y installer ses collections mais comme il trouvait le bâtiment trop petit, il fit construire, entre 1926 et 1928, une maison rouge en forme de pagode par l'architecte François Bloch. L'écrivain Marcel Proust (1871-1922) a vécu dans l'immeuble situé en face de cet élégant manoir.

     

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    Le nouvel édifice, d'une superficie de 800 m2, séduisit par son charme insolite les habitants des luxueuses propriétés de la Plaine Monceau. Il rayonna sur un quartier qui s'était considérablement transformé sous l’impulsion du Baron Haussmann.

     

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    Parmi les richissimes demeures de mécènes et de collectionneurs, à l'instar des Camondo, des Menier, des André ou des Rothschild, la maison Loo devint un haut lieu d'échanges artistiques et commerciaux.

     

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    Grâce à Ching-Tsai Loo, de prestigieux cabinets de curiosités privés se constituèrent et plusieurs musées d'art asiatiques, comme le musée Guimet à Paris, le British Museum à Londres et le Metropolitan Museum à New York, enrichirent considérablement leurs collections.

     

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    Ce roman décrit le parcours d'un jeune homme appelé Huan Wen, issu d'une famille de paysans « totalement dépourvue de culture savante » et devenu cuisinier au service de Zhang Jinjiang, troisième conseiller à l'ambassade de Chine à Paris. Après son arrivée dans la capitale en 1902, Huan s'imposa comme l'homme de confiance du puissant dignitaire. Il allait réceptionner à la Douane des marchandises précieuses (thé, soie, laques fines, antiquités) pour approvisionner le magasin que Zhang Jinjiang avait ouvert Place de la Madeleine.

    Rusé, tenace et brillant d'intelligence, il ouvrit en 1908 sa première galerie rue Taitbout, dans le 9e arrondissement de Paris et prit le nom de Ching Tsai Loo. En Orient comme en Occident, il s'imposa dans le monde des arts grâce à un réseau de clients fidèles et de riches associés.

    Chaque année, à la différence de ses concurrents, il se rendait en Chine par le Transsibérien et collectait des objets magnifiques grâce aux solides appuis dont il bénéficiait dans le gouvernement de Sun Yat-Sen, suite à la proclamation de la République chinoise en octobre 1911.

    Pendant l'hiver 1914, dans un train qui se dirigeait vers New York, il fit la connaissance de Charles Lang Freer, richissime fabricant de voitures et collectionneur d'antiquités chinoises. Après cette rencontre déterminante, il ouvrit un magasin d'objets d'art asiatiques sur la Cinquième Avenue à New York et côtoya les plus importants collectionneurs de son époque: les Rockefeller, les Morgan, les Vanderbilt...

     

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    (Image PagodaParis)

    Ce personnage complexe fut honoré en Occident mais désavoué dans son pays après la Révolution de 1949 et l'instauration de la République populaire de Mao Zedong. Ses associés furent assassinés. On l'accusa d'avoir pillé les trésors nationaux et il échappa de peu à un sort funeste.

    Il revint en France et développa des relations amicales avec les conservateurs des musées du monde entier. Grand philanthrope, il offrit de nombreuses oeuvres au British Museum de Londres, au Nelson-Atkins Museum of Arts de Kansas City, au Museum of Fine Arts de Boston et surtout au musée Guimet de Paris auquel il légua, en 1957, sa collection de jades antiques.

     

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    (Éloge de l'Art.com)

    Ce masque figurant une tête de jaguar date de la dynastie Zhou (1027-770 avant J.-C.).

     

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     Dans un subtil jeu de courbes et de contre-courbes, deux dragons Zhi affrontés forment les anses de cette petite tasse d'époque Ming (1368-1644), conservée au musée Guimet. Son traitement fluide est magnifié par la translucidité de la matière: un jade vert d'eau légèrement veiné de brun. Elle constituait une pièce de choix pour des cabinets de lettrés.

     D'autres pièces sont tout aussi remarquables...

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     Cette tête, offerte en 1920 au musée Cernuschi par Ching-Tsai Loo, représente un pratyeka buddha, identifiable par son chignon «en colimaçon». Un pratyeka buddha est un Éveillé qui occupe une place intermédiaire entre les buddhas et les bodhisattvas.

     « Le terme sanskrit bodhisattva désigne des êtres (sattva), humains ou divins, qui ont atteint l'état d'éveil (bodhi). Ils devraient donc porter logiquement le nom de buddha (« éveillé ») et être à jamais libérés des contingences existentielles. Mais le bouddhisme enseigne que certains buddhas suspendent, par compassion pour leurs semblables, leur entrée dans le nirvana et veillent sur les hommes à la façon des anges gardiens. » (Définition Encyclopédia Universalis).

     Buddha «L'Éveillé» désigne toute personne libérée des contraintes de son corps, étant ainsi parvenue à un état supérieur d'élévation spirituelle ; terme faisant souvent référence à un prince vivant en Inde au VIe siècle avant notre ère : Siddharta Gautama dit «le Bouddha».

     

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     Très appréciée pour la luxuriance de son décor intérieur, la Pagode de la rue de Courcelles abrita, pendant plusieurs décennies, la galerie C.T. Loo&Cie qui se rendit célèbre en fabriquant, sur commande, des meubles vernis de laque craquelée. La galerie s’est installée, en juin 2011, dans le 7ème arrondissement de Paris.

     

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    A l'époque de monsieur Loo, la Pagode constituait un écrin pour des objets d'un raffinement extrême: lits à opium, porcelaines impériales, panneaux laqués, boiseries indiennes importées du Rajâsthan au XVIIIe siècle, plafond à caissons, chaises de lettrés, jades, tête de Bouddha du Gandhâra...

     

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    Une porte de lune permettait de découvrir un cabinet de curiosités, des murs lambrissés et des paravents somptueux.

     

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    Cette maison d'antiquités a été tenue par le petit-fils de Monsieur Loo, Michel Cardosi, mais, trop endommagée par les griffes du temps, elle a dû subir une importante réfection.

     

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    Après deux ans de travaux, elle a rouvert ses portes au public le 12 Octobre 2012. Elle est désormais destinée à accueillir des expositions, des évènements culturels et des ventes d’art asiatique. Les visiteurs pourront également découvrir la bibliothèque privée de Ching Tsai Loo, un lieu exceptionnel qui abrite plus de 2000 livres, 3000 catalogues d’art, 3000 photographies et la correspondance de l'ancien maître des lieux.

     

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    Les canards mandarins, symboles d'amour et de fidélité. (Image PagodaParis)

     

    Année après année, la Pagode a attiré les collectionneurs et les artistes, venus y nourrir leur imagination.

     

    Janine Loo, la quatrième fille de monsieur Loo, prit en 1947, à la demande de son père la direction de la Pagode. Née dans un train, en 1920, entre Poitiers et Angoulême, la jeune femme avait hérité la passion de sa famille pour l'art et les voyages. Elle épousa le poète et journaliste Pierre Emmanuel (1916-1984), en 1952 et se lia d'amitié avec le psychiatre et psychanalyste Jacques Lacan (1901-1981).

     

    Après une labyrinthite (inflammation de l'oreille interne) suivie de crises de mélancolie, Janine Loo se mit à dessiner ce qui lui venait à l'esprit sur des morceaux de papier épars. Puis elle accola ses créations et élabora des historiettes à travers un « itinéraire inconscient ». Naquirent deux bandes dessinées intitulées Mon ami le séducteur et Les petits dépressifs.

     

    Elle demanda son avis à Jacques Lacan qui ajouta « pour s'amuser » des commentaires sous ses créations. Cette rencontre amicale et littéraire engendra l'ouvrage Entrelacs. Les deux amis ne manquaient pas de faire remarquer qu'ils avaient les mêmes initiales...

     

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    L'écrivain Patrick Modiano, né en 1945 et gratifié du Prix Goncourt en 1978 pour Rue des boutiques obscures, écrivit ses premiers romans avec « vue sur la Pagode ». Celle-ci apparaît sur la couverture de son roman Quartier Perdu dont je vous livre quelques mots en avant-bouche, sans trop dévoiler les subtilités de l'intrigue...

     

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    « Un dimanche de juillet, Ambrose Guise arrive à Paris. Il ne trouve personne. Sauf les statues. Une ville fantôme, lui semble-t-il, après un bombardement et l'exode de ses habitants. Auteur de romans policiers anglais, il vient rencontrer son éditeur japonais. Mais il va profiter de ce voyage pour élucider les mystères de son passé, du temps où il était français et s'appelait Jean Dekker, il y a vingt ans. Il fait alors surgir dans un Paris crépusculaire, halluciné, des lieux étranges : une chambre secrète rue de Courcelles, en face d'une pagode ; un grand rez-de-chaussée donnant sur un jardin, place de l'Alma. Il réveille les spectres de Georges Maillot, au volant de sa voiture blanche, de Carmen Blin, Ghita Wattier, des Hayward... Tout un quartier perdu de la mémoire est ainsi revisité, et délivre le secret de ses charmes, et de ses sortilèges. »

     

    L'architecture de la Pagode

     

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    Cette envoûtante demeure domine, de ses quatre étages, la place Gérard Oury, appelée autrefois place du Pérou. Ses toits et ses auvents aux extrémités courbes, ses tuiles vernissées et son décor raffiné font voyager le regard vers des cimes de poésie. Le toit terrasse du petit pavillon qui lui est adossé est accessible par un passage dérobé.

     

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    Afin de tamiser la lumière, de fines grilles dessinent un maillage géométrique sur chacune des fenêtres.

     

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    On aperçoit au premier étage, derrière les fines colonnes qui rythment la façade, un petit balcon où se retrouvaient autrefois les collectionneurs venus rendre visite à Ching Tsai Loo. Une fois par an, le célèbre marchand organisait dans son « palais des arts » de fastueuses fêtes mondaines, prisées du tout-Paris et de ses clients internationaux.

     

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    Au-dessus de l'élégant portail en bois précieux, s'étire une frise de créatures fantastiques et de part et d'autre du linteau, marqué du nom du propriétaire, combattent des animaux fabuleux.

     

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    Dominant l'entrée et son toit aux extrémités recourbées, des créatures aux lignes ondulantes s'appliquent à repousser les esprits néfastes qui voudraient s'introduire dans le bâtiment.

     

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    Cette fonction est aussi dévolue aux tuiles faîtières qui arborent un décor raffiné tout en assurant la cohésion des parties supérieures de l'édifice. Réputées protéger la demeure contre les incendies et contrer les êtres malveillants, elles représentent des monstres aquatiques pourvus d'une queue relevée en forme de point d'interrogation.

     

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    Ces créatures sont appelées « Chiwei » ou « queue de hibou ». D'après une très ancienne légende, un poisson mythique qui ressemblait à un gros hibou pouvait éteindre les incendies en « levant les flots ». Il fut placé, de manière stylisée, en bordure des toits et remplacé par un dragon sous la dynastie Qing (1644-1912).

     

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    Certains auteurs comparent les créatures dressées au sommet du porche d'entrée à des mingqis, objets funéraires très répandus dans les sépultures de la Chine antique, mais il s'agit plus vraisemblablement de kuilongzi, personnages qui avancent, en file indienne, sur le rebord des avant-toits des temples et des pagodes.

     

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    L'ornementation des bords du toit est une constante dans l'architecture chinoise. Les tuiles faîtières en grès, revêtues de glaçures plombifères, et les petits personnages juchés au sommet des habitations ont des vertus magiques et protectrices. Ils jouent aussi le rôle de messagers et d'intercesseurs entre le monde humain et celui des génies, des ancêtres et des dieux.

     

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    Emblème funéraire, symbole de vigilance et de régénération, le poisson apparaît sur les poteries néolithiques. Lors des fêtes printanières, des petits poissons en céramique étaient posés près des cours d'eau pour marquer les passages entre les mondes et signifier la présence des âmes des Ancêtres.

     

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    Dans la Chine ancienne, le poisson (yü) était un symbole de richesse, de bonheur et d'abondance, un protecteur et un gardien des plaisirs régnant sur « les jeux érotiques des nuages et de la pluie. »

     Il favorise la réussite et l'harmonie entre les époux. Il saisit le mal dans sa gueule, nous rappelant qu'il descend d'une monstrueuse créature primordiale née dans les abysses aquatiques.

     Monsieur Loo connut sans conteste le succès professionnel mais il fit de nombreuses entorses à son « contrat conjugal »...

     

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    Célébré le sixième jour de la première lune de l'année, le cheval incarne le mélange harmonieux du yin et du yang. Il est aussi l'Étoile, l'animal héraldique de la 25ème constellation zodiacale.

     Symbole de vitesse, de rapidité et de longévité, il est la monture des Immortels et celle du mythique Empereur Jaune. L'Ancêtre des Chevaux est un puissant génie protecteur.

     

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    Esprit du Vent, messager des Écritures Sacrées, le cheval tisse les mots dans sa course. Il a des ancêtres communs avec le ver à soie.

     Avant le Nouvel An, on offrait au Dieu du Foyer un cheval en céramique ou en papier pour que les voeux voyagent en toute aisance vers le ciel.

     Le cheval représente aussi la réussite professionnelle.

     

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    Les bêtes écailleuses éloignent les êtres malfaisants et la mauvaise fortune, à l'instar des oiseaux dont les chants mélodieux engendrent la félicité.

     

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    Ching Tsai Loo avait coutume de dire « L'art ne devrait avoir aucune frontière et devrait, au contraire, être une source de joie pour les peuples à travers le monde ». Il aimait particulièrement les mots du poète Victor Segalen, infatigable voyageur et grand amoureux des trésors de la Chine. En 1916, dans le recueil Peintures, Segalen décrit un cortège de chevaux qui s'étire dans la paysage en transportant des objets anciens.

     « C'est donc un défilé horizontal de choses précieuses, venant de par toute la terre, marchant vers le même but pour se composer en un même lieu, aux pieds de quelqu'un ».

     Ce « quelqu'un » était un homme à la vie romanesque dont le souvenir perdure à travers un édifice remarquable, un rêve de collectionneur que je vous invite à visiter...

     

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    Mythique Immortel, Gardien du porche et Chasseur de Démons...

     

    Bibliographie

     Alfred FIERRO: Histoire et mémoire du nom des rues de Paris. Parigramme, 1999. 

    L'ouvrage de Géraldine LENAIN dont je vous ai précédemment parlé.

     Maurice L TOURNIER: L'imaginaire et la symbolique dans la Chine ancienne. L'Harmattan, 1991.

     

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    Informations pratiques

     Adresse de la Pagode: 48, rue de Courcelles.

     Il faut emprunter la ligne 2 du métro et descendre à l'arrêt « Courcelles ».

    Vous pouvez aussi traverser le Parc Monceau et rejoindre la rue Rembrandt. La Pagode se situe au bout de la rue, au croisement avec la rue de Courcelles.

     Pour connaître les prochaines expositions qui se dérouleront à la Pagode, vous pouvez vous rendre sur le site www.pagodaparis.com.

     Les amateurs d'antiquités orientales apprécieront de découvrir le Comptoir Français de l’Orient et de la Chine ou C.F.O.C. Il se situe de l’autre côté de la rue de Courcelles, à l’angle du boulevard Haussmann.

     Et bien sûr, des visites au Musée Cernuschi et au Musée Guimet ne pourront que susciter l'émerveillement...

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    « Les objets d'art parcourent le monde tels des ambassadeurs silencieux. » Ching Tsai Loo, 1956.

     

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    Merci pour vos visites et vos commentaires, sans oublier les mails et les courriers d'amitié que je reçois avec grand plaisir... Je pense à vous!

    Plume

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    110 commentaires
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    Ami(e)s lectrices et lecteurs,

    Je vous remercie pour votre gentillesse et votre fidélité. Retrouvant l'usage de ma connexion Internet, je prends connaissance de vos messages et de vos commentaires et je suis très touchée. Cette « panne » était due aux travaux du tramway de Sarcelles qui passera, dans quelques mois, en bas de ma rue.

    Ravie de pouvoir « enfin » publier cet article, je vous souhaite une agréable flânerie dans un des plus vieux « bourgs » de Paris, près d'une fontaine remarquable par son histoire et la qualité de son décor.

     

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    La Fontaine de Mars et Hygie ou Fontaine du Gros-Caillou

    (Édition revue et augmentée de la Fontaine de Mars)

     

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    Au numéro 129 de la rue Saint-Dominique, dans le 7e arrondissement de Paris, cette jolie fontaine s'élève au coeur d'une élégante petite place bordée d'arcades. Elle était autrefois située près de l'Hôpital Militaire du Gros-Caillou.

     

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    Elle fut édifiée en 1806 sur les plans de François-Jean Bralle (1750-1831), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et maître d'oeuvre des travaux hydrauliques de la Ville de Paris. Le sculpteur, graveur et dessinateur Pierre-Nicolas Beauvallet (1750-1818) a réalisé son gracieux décor de facture néo-classique.

     

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    Elle appartenait à un ensemble de quinze fontaines commandées par Napoléon Ier (1769-1821) dans le but d'assainir et de moderniser la capitale et fut inscrite au titre des Monuments Historiques par arrêté du 15 mai 1926.

     

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    Elle se compose d'un édicule carré, souligné à chaque angle par un pilastre d'ordre dorique, et dévoile, face à la rue, une représentation de la déesse Hygie qui apporte ses soins au dieu Mars. La proximité du Champ de Mars et la position stratégique de l'Hôpital Militaire du Gros Caillou, édifié vers 1759 et démoli en 1899, ont déterminé le choix de l'iconographie.

     

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    Des vases ornés de scènes mythologiques décorent les faces latérales.

     

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    La fontaine est « gardée », à ses points cardinaux, par de belles représentations de dragons et de béliers marins qui veillent à la bonne circulation des eaux de la ville.

     

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    Ces créatures symbolisent l'énergie qui serpente, sous forme liquide, dans les entrailles de la terre.

     

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    Elles évoquent les forces primitives de la Nature et les esprits familiers de l'eau, gardiens de l'élément source de la vie.

     

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    Trois mascarons de bronze versent, dans des bassins en forme de demi-lune, l'eau qui provenait autrefois de la pompe du Gros-Caillou. Les chevaux de la garde napoléonienne venaient s'y abreuver.

     

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    Un seul mascaron est en activité et un des bassins a été « végétalisé ».

     

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    Au pied de la fontaine, rebaptisée fontaine de Neptune lors de la crue de 1910, une plaque émaillée signale le niveau atteint par les eaux de la Seine.

     

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    Le lit du fleuve se situe à environ 576 mètres.

     

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    D'après l'historien et archéologue Amaury Duval (1760-1838): « Le nom de Gros-Caillou, que porte aujourd'hui le faubourg, lui vient (…) de l'enseigne qu'avait prise une maison de débauche placée auprès d'un rocher. C'est au lieu où existait cette pierre et cette maison, qu'a été construite, dans le dernier siècle, l'église dite du Gros-Caillou, comme succursale de Saint-Sulpice. »

     

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    Vous pouvez lire l'histoire du bourg, de l'église, de la pompe et du port du Gros-Caillou dans mon article intitulé Les gourmandises de la rue Cler.

     

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    Érigée en 1859 autour de la fontaine, la place bordée d'arcades s'inspire des loggias de la Renaissance italienne.

     

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    Construite à l'emplacement d'un « hémicycle de peupliers », elle est bordée par de majestueux édifices.

     

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    Cet élégant travail de ferronnerie anime une façade néo-classique, oeuvre de l'architecte Ferdinand Bal.

     

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    Entre 1883 et 1885, Ferdinand Bal érigea l'immeuble du 142, rue Montmartre, dans le 2e arrondissement de Paris, pour le journal La France, futur siège de l'Aurore. Je consacrerai un article à ce monument et à sa célèbre façade décorée de cariatides et d'atlantes, oeuvre des sculpteurs Louis Lefèvre et Ernest Hiolle.

     

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    C'est à cet endroit que fut publié le texte « J'accuse », écrit par Émile Zola pour défendre l'innocence du Capitaine Dreyfus.

     

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    Mais revenons à la fontaine et à ses divinités.

     

    Mars et Hygie

     

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    Dans la Grèce antique, Hygie était la fille d'Asclépios, le dieu de la médecine, et de la nymphe Épione ou Épioné, appelée « celle qui soulage les maux ». Soeur de Panacée, elle protégeait la santé des humains et des animaux et veillait à la propreté et à la bonne distribution des soins. De son nom dérive le mot « hygiène ».

     

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    Invoquée pour prévenir les maladies et apaiser la douleur, elle était associée à des cultes lunaires.

     

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    Hygie et le serpent sacré, huile sur toile de Pierre Paul Rubens (1577-1640) appartenant aux collections du château de Nelahozeves, en République Tchèque.

     

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    La déesse tient une coupe ou bol médicinal (patera) contenant le remède qu'elle offre au dieu Mars. Un serpent, emblème de purification, de connaissance et de vigilance, s'enroule autour de son bras. Dans de nombreux pays, les pharmaciens utilisent la coupe d'Hygie comme emblème alors que le caducée est associé aux médecins.

     

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    La coupe d'Hygie (photo Rafax).

     

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    Un caducée photographié dans les rues de Paris.

     

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    Gardienne des sources, des torrents et des fontaines, Hygie apporte à ses « enfants » les bienfaits de l'eau thermale aux vertus purificatrices. A Saint-Martin d'Uriage, en Isère, le sculpteur grenoblois Pierre-Victor Sappey (1801-1856) l'a représentée, sensuelle, dans la blancheur marmoréenne de la pierre de Sassenage. (Photos Uriage-les-bains.com)

     

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    Mère des eaux vives et des plantes médicinales...

     

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    Un serpent s'enroule autour de sa coupe, posée sur un autel entouré par des coqs.

     

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    A Pittsburgh, en Pennsylvanie, Hygie couronne le World War Memorial de Schenley Park. (Photo Daderot). Sculptée en 1922 par Giuseppe Moretti, elle brandit une torche et soutient le caducée du dieu Mercure.

     

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    En 1955, le sculpteur Armand Filion (1910-1983) la représente, dans un style post Art Déco, à l'Hôpital Général de Montréal. (Photo natureculture.org).

     

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    Sous le pinceau de Gustav Klimt (1862-1918), l'un des maîtres de l'Âge d'Or autrichien, Hygie revêt des atours de prêtresse et de magicienne. Contemporain de Freud, de Schiele et de Mahler, Klimt ouvrit la voie de la Sécession Viennoise, route mystique vers la modernité.

     

    Cette reproduction d'Hygie est tout ce qui subsiste des trois peintures exécutées par l'artiste pour l'université de Vienne, soit la Médecine, la Philosophie et la Jurisprudence, détruites dans l'incendie du château Immendorf, brûlé en 1945 par les Nazis.

     

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    Sur le panneau central de la fontaine du Gros-Caillou, Hygie incarne la toute puissance des herbes médicinales, la connaissance des remèdes et la bienveillance des dieux envers l'humanité.

     

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    Mars est figuré dans la nudité antique du guerrier mais il arbore une moustache et d'impressionnants favoris, à l'instar des grognards de la première Grande Armée.

     

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    Appuyé contre un bouclier, il est accompagné d'un coq au plastron fièrement bombé.

     

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    Le coq est un oiseau totem profondément enraciné dans notre folklore.

     

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    Emblème solaire depuis l'Antiquité, il annonce, par son cri si caractéristique, la venue du jour. Représenté sur les boucliers, les stèles, les plaques d'autel et les camées, il était considéré comme un puissant protecteur contre les démons de la nuit.

     

    Gardien des forces de lumière, il accompagne plusieurs divinités:

    • Mars, le dieu de la guerre et des caprices de la météorologie.
    • Asclépios, le dieu de la médecine, destructeur des miasmes et victorieux contre les maladies.
    • Apollon/Belenos dit « le brillant » qui préside au lever du jour.
    • Lug/Mercure et sa parèdre gauloise Rosmerta, déesse de la fécondité...

     

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    Drachme de Chalcidie, vers 500 avant J.-C. (Sacra moneta.fr)

     

    Ciselé sur des monnaies de Grèce et d'Asie Mineure, le coq peut apparaître auréolé de flammes ou juché sur une spirale qui évoque la course du soleil. Force de résurrection, il est sculpté sur des pierres tombales irlandaises et sur une magnifique série de sarcophages conservés dans la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome où il se tient près des figures du Christ et de l'apôtre Pierre.

     

    D'après la croyance populaire, il éloignait les épidémies grâce à son sang, apaisait la fièvre et décelait l'emplacement des plantes médicinales les plus efficaces. Il favorisait la cicatrisation des blessures. Son regard hypnotisait les malades et guérissait les problèmes oculaires.

     

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    Le coq et la perle par Philibert Léon Couturier (1823-1901).

     

    Des troupeaux de coqs sacrés vivaient dans les sanctuaires d'Asclépios où ils symbolisaient les pouvoirs mêlés de la lumière et de l'hypnose, les vertus des racines et des herbes et l'exploration des rêves.

     

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    Des pratiques de médecine populaire médiévale liées au coq ont subsisté dans plusieurs régions de France jusqu'au XIXe siècle. Un collyre à base de miel et de sang de coq était réputé apaiser les douleurs oculaires. La crête sanguinolente du coq était utilisée en cas de douleurs dentaires. On appliquait sur les morsures de serpent un coq ouvert en deux pour détruire les effets du venin et purifier les chairs.

     

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    (Forge-salers.com)

     

    Sentinelle dressée au sommet des tours et des clochers, le coq barre la route aux puissances infernales et aux démons de la météorologie. Doté d'une nature farouche et belliqueuse, il est celui qui ressuscite l'aurore après la nuit. Il chante au point du jour, annonçant l'achèvement de l'Oeuvre Alchimique. Il est « l'Helios ixis », « celui qui arrive au soleil », gardien de l'Élixir, « l'eau d'or » ou « or de l'aura », né dans l'athanor de la Nuit...

     

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    Basilic en Croatie (Photo de Georges Jansoone).

     

    Il repousse le terrifiant basilic né, selon les bestiaires médiévaux, d'un oeuf de coq couvé par un crapaud. Cette créature maléfique, dont le nom signifie « petit roi », est dotée d'une tête et d'ergots de coq, d'une queue de serpent formant une sorte de dard et d'une paire d'ailes de dragon ou de chauve-souris. A l'instar de la gorgone, le basilic darde sur ses proies un regard qui les pétrifie. Pour le détruire, il faut lui renvoyer son image à l'aide d'un miroir. De nombreux basilics figurent sur les chapiteaux des églises et des abbayes romanes.

     

    Mais le basilic est aussi une représentation de la dialectique. Héritée de l'Antiquité, la dialectique est l'une des sept sciences médiévales composant le cursus des Arts Libéraux. Elle unit la subtilité linguistique du serpent et l'intelligence lumineuse du coq.

     

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    (Franc marianne coq.fr)

     

    Emblème de vaillance et de fierté, le coq est considéré comme un protecteur de la Nation. On le trouve sur le Napoléon or frappé de 1899 à 1914 et appelé « Cérès », « Nap », « Louis », « Coq » ou « Marianne ».

     

    Il figure sur de nombreux monuments aux morts et sur l'insigne des maires de France, suite à un décret du 22 novembre 1951.

     

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    Monument aux morts de Sarcelles Village, dans le Val d'Oise.

     

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    Mascotte de plusieurs clubs sportifs et de diverses fédérations, le coq est aussi le logo de la société de cinéma française Pathé pour laquelle il fut créé en 1905.

     

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    Les frères Pathé et le coq sur une affiche signée Adrien Barrère (1877-1931).

     

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    Accolé au bouclier de Mars, le coq est à la fois le compagnon du dieu de la guerre et l'animal sacré d'Asclépios, le père d'Hygie. Le serpent apparaît tantôt comme son associé, tantôt comme son opposé.

     

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    Hygie, le coq et le serpent

     

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    Démiurge, gardien des secrets, porteur et passeur de connaissance, le Serpent est celui qui féconde mais aussi l'Adversaire...

     

    Honni par la religion chrétienne pour avoir révélé la connaissance interdite, il est considéré comme l'emblème du mal, l'incarnation de Satan trouvant dans l'esprit de la femme suffisamment de perfidie pour y distiller son vénéneux savoir. Mais la sagesse des religions plus anciennes nous enseigne d'autres « vérités ».

     

    Les mots qu'il susurre à l'oreille d'Ève sont les incantations tissées par les déesses de la fécondité, les antiques Déesses aux serpents, magiciennes et protectrices de la naissance et de la vie.

     

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    En fonction des styles et des époques, il revêt de multiples apparences. Hybride, ailé, barbu, cornu, féminin, mais il ne cesse de nourrir les peurs et les fantasmes.

     

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    Les représentations chrétiennes du serpent l'associent à la Luxure mais le serpent est vénéré depuis des millénaires comme une incarnation de la force vitale, un protecteur des lieux sacrés où s'incarnent les puissances cosmo-telluriques, un emblème de sensualité et de sexualité. Autour de lui s'élabore une symbolique de la vie et de la mort aussi chatoyante et complexe que les ondulations de son corps.

     

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    Lilith, 1892, par John Collier (1850-1934).

     

    Lové dans les creux et les anfractuosités, il apprécie les sources de chaleur et se nourrit des pulsations secrètes de la Terre-Mère. Dépositaire d'un langage puissant, tactile, sensuel qui devient érotique quand il se déplace sur le corps de la femme, il incarne le désir, la vigueur sexuelle et la fertilité.

     

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    La Kundalini, énergie vitale sacrée, apparaît lovée au niveau du premier chakra, comme un serpent qui sommeille.

     

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    Les déesses de la séduction et de la fécondité sont reconnaissables au serpent qui s'enroule dans leur chevelure, autour de leur poitrine, de leurs hanches ou de leurs cuisses.

     

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    L'émeraude d'Alfons Mucha, 1900.

     

    En fonction des époques et des civilisations, le serpent oscille entre symbole bénéfique ou emblème maléfique et distille sa sagesse millénaire à travers de multiples représentations.

     

    Dans la Grèce antique, intercesseur entre la vie et la mort, il exerçait une fonction purificatrice et divinatoire. On étudiait dans les temples les mouvements de son corps, ses enroulements mystérieux, la manière dont il parcourait les lieux sacrés et s'insinuait dans les rêves des malades. Attribut et compagnon d'Asclépios, le dieu de la médecine et d'Hermès, le messager divin, il continue de s'enrouler autour du caducée, symbole universel.

     

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    Il insuffle au remède concocté par Hygie la puissance guérisseuse et guide la déesse dans le choix des herbes et des substances qu'elle utilise pour contrer les maladies. Il est aussi celui qui protège l'eau de la fontaine.

     

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    La construction de la fontaine du Gros Caillou est emblématique des changements majeurs survenus dans Paris après l'arrivée de Napoléon au pouvoir.

     

    Quand Napoléon devint Premier Consul (en 1799) après le Directoire, il trouva une France épuisée, affamée et insalubre. Les rues de Paris se noyaient dans une atmosphère médiévale et les vieilles fontaines ne pouvaient plus fournir de l'eau aux Parisiens qui devaient s'approvisionner dans la Seine.

     

    Il s'employa donc à moderniser et à assainir la capitale dont il fit démolir de nombreuses ruelles. Il fit construire un réseau d'égouts, des trottoirs et des caniveaux, éclairer les rues, édifier des ponts et des fontaines. Il fit aussi numéroter les maisons.

     

    A partir de 1806, les chantiers fleurirent dans Paris qui se métamorphosa rapidement. Dans ce contexte, Mars et Hygie apparurent comme les divinités tutélaires de cette politique de conquête et d'embellissement.

     

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    Photographie d'Eugène Atget (1857-1927). Cote BNF Est.E0109b bte 20.

     

    Pour le promeneur contemporain, la rue Saint-Dominique constitue une très agréable promenade, le long des hôtels particuliers et des vitrines alléchantes, à la découverte d'un monument qui a contribué à offrir de l'eau et des perspectives nouvelles aux habitants de Paris.

     

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    Les amateurs d'excellente cuisine pourront se réjouir à la Fontaine de Mars, établissement créé en 1908 et considéré comme l'un des meilleurs bistrots de Paris. Le samedi 6 juin 2009, il a accueilli le président des États-Unis Barack Obama, son épouse et leurs deux filles.

     

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    (Photo French.peopledaily.com)

     

    Le président avait participé à Colleville-sur-Mer, près de Caen, aux cérémonies du 65e anniversaire du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944.

     

    Une semaine auparavant, une table avait été réservée par l'ambassade américaine mais Jacques Boudon, le propriétaire, sut quasiment au dernier moment qu'il allait recevoir les Obama.

     

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    (Photo Fontaine de Mars.com)

     

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    D'autres établissements bénéficient, autour de la place, d'une solide réputation.

     

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    N'hésitez pas à découvrir ces lieux empreints de charme et à contempler les détails symboliques de la fontaine qui a heureusement « survécu » aux outrages du temps.

     

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    Lieu de vie, d'hygiène et d'abondance, la fontaine est érigée pour offrir aux habitants des villes un accès à l'eau et pour combattre les épidémies. Elle est aussi dotée d'une dimension magique, elle attire rituels et pèlerinages et peut exaucer les voeux.

    Fontaine d'amour et de jouvence, passage vers les mondes mystérieux, source de vie aux larmes guérisseuses, elle alimente, à l'instar de l'Arbre de la Connaissance, les chemins secrets qui s'écoulent vers les points cardinaux.

     

    Elle est à la fois l'incarnation de la civilisation et le lieu de l'initiation « primitive » comme nous le rappellent les créatures fantastiques qui composent son décor.

     

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    Bibliographie

     

    Jorge Luis BORGES: Le livre des êtres imaginaires. Paris: Gallimard, collection L'Imaginaire, juin 2009.

     

    André CASTELOT: Napoléon. Paris: Tallandier, 1969.

     

    Amaury DUVAL: Les Fontaines de Paris, anciennes et nouvelles, ouvrage contenant 60 planches dessinées et gravées au trait par M. Moisy, accompagnées de descriptions historiques et de notes critiques et littéraires par M. A. Duval. Nouvelle édition, Paris: Bance aîné, 1828. (Première édition: 1812).

     

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    Adolphe JOANNE: Paris illustré. Paris: Hachette, 1863.

     

    Théophile LAVALLÉE: Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusqu'en 1850. Paris: Hetzel, 1852.

     

    Michel PASTOUREAU: Les emblèmes de la France. Paris: C. Bonneton, 1998.

     

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    Plume

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    126 commentaires
  • Une petite pause...forcée!

     

    Ami(e)s lectrices, lecteurs,

    Des problèmes avec Internet dus à des travaux dans ma résidence et dans ma rue m'obligent à rester « silencieuse » jusqu'à ce que tout soit réparé. Cette semaine, je ne pourrai pas venir sur vos blogs ni communiquer par le biais de la messagerie mais je penserai bien à vous.

     

    Je vous retrouverai avec grand plaisir dans quelques jours quand les choses seront résolues.

     

    Gros bisous et merci de votre fidélité!

    Cendrine

    Une petite pause...forcée!

     

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    186 commentaires
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    Délicates et gracieuses, sensuelles et parfumées, les clochettes de muguet nous invitent à célébrer le renouveau de la nature, entre billets doux et délicieuses fragrances...

     

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    Je vous adresse mes voeux d'amour, de prospérité et de chance, symbolisés par ces cartes que j'ai collectées au Salon du Livre et des Papiers anciens, à l'Espace Champerret.

     

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    Le muguet: description et propriétés

    Plante vivace aux noms poétiques (Lis de Mai, Lis des vallées, Clochette des bois, Grelots, Grillets, Amourette, Gazon du Parnasse, Larmes de Notre-Dame...), le muguet se développe dans les bois clairs, sur les chemins dégagés et les pentes rocailleuses. Il se multiplie grâce à son rhizome traçant appelé « griffe » . Il est également cultivé pour ses ravissantes clochettes blanches au parfum enivrant dont le nom dérive de musc et de muscade. Ses fruits, très toxiques et de la grosseur d'un pois, deviennent rouges à maturité, en septembre ou en octobre.

     

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    La pharmacopée populaire connaît, depuis des siècles, les propriétés médicinales du muguet et sa richesse en convallatoxine, une substance apparentée à la digitaline qui possède une action sédative sur le coeur. L'infusion de fleurs, sucrée au miel, est toujours utilisée mais, en raison de sa toxicité, les conseils d'un thérapeute sont absolument nécessaires.

    Prisée comme du tabac, la poudre de fleurs, préalablement séchées dans un lieu ombragé, est réputée calmer les migraines d'origine nerveuse, dissiper les vertiges et libérer les sécrétions des voies nasales. Mais souvenez-vous que les propriétés cardiotoniques du muguet ne sont pas à prendre à la légère et que ses jolies baies rouges ne doivent pas être consommées. Il faut également veiller à ce que les enfants n'absorbent pas l'eau dans laquelle le muguet a trempé.

     

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    Au-delà de ses vertus « guérisseuses », cette petite plante aux clochettes lactescentes, aimée des fées et destinée à « chasser l'hiver », nous fait revivre des moments importants de l'histoire de France...

     

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    La tradition consistant à offrir du muguet, le premier mai, semble remonter à l'époque de Charles IX (1550-1574). En 1560, alors qu'il visitait la Drôme, le roi reçut un brin de muguet. Séduit par ce présent, il fit distribuer, à partir de 1561, des bouquets odorants aux dames de la Cour. Les seigneurs s'empressèrent de l'imiter en « muguetant », c'est à dire en « faisant les galants »...

     

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    Les bals du muguet fleurirent, à partir de la Renaissance. Les messieurs arboraient à la boutonnière de jolis brins parfumés.

     

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    Le premier mai 1895, le muguet fut associé à une romance parisienne. Le chansonnier Félix Mayol (1872-1941), auteur de la chanson « Viens poupoule », offrit, sur le quai de la gare Saint-Lazare, un bouquet de muguet à son amie Jenny Cook.

     

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    Quand il monta sur les planches du « Concert Parisien », sa jaquette était ornée de clochettes immaculées. Il connut un tel succès que le muguet devint son porte-bonheur attitré.

     

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    Le premier mai 1900, lors de festivités organisées par des couturiers parisiens, les clientes et les ouvrières reçurent des brins de muguet. Les couturières prirent ensuite l'habitude d'offrir, chaque premier mai, du muguet à leurs clientes.

     

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    Dans le Paris de la Belle Époque, les « fêtes du muguet » se multiplièrent et connurent un succès retentissant, lié à l'élection des « reines de Mai »: de jolies jeunes femmes vêtues de blanc, perçues comme les incarnations de Flore, la déesse du Printemps.

     

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    Flore, par Alfons Mucha (1860-1939).

     

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    Reines du muguet (Photo Delcampe)

     

    Emblème de reverdie et de féminité, le muguet est aussi, depuis 1921, l'emblème du Rugby Club de Toulon!

     

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    La journée de huit heures et la Fête du Travail

    Les clochettes de muguet sont associées, en dépit de leur douceur et de leur fragilité, à des luttes sociales majeures.

     

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    Le 1er mai 1884, au IVe congrès de l'American Federation of Labor, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis se donnèrent deux ans pour imposer à leurs employeurs la journée de travail de huit heures.

    Cette idée naquit en Australie où les travailleurs avaient organisé, le 21 avril 1856, une manifestation en faveur de la journée de huit heures. Le succès fut si retentissant qu'il fut décidé de renouveler cette journée d'action tous les ans.

    Le 1er mai 1886, alors qu'une partie des travailleurs venait d'obtenir satisfaction, de nombreux ouvriers, lésés, firent grève pour forcer les patrons à accepter leurs revendications.

    Le 3 mai, à Chicago, trois grévistes de la société McCormick Harvester perdirent la vie au cours d'une manifestation et le lendemain soir, alors qu'une marche de protestation se dispersait à Haymarket Square, une bombe explosa, tuant quinze policiers.

     

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    La révolte de Haymarket Square (Chicago, 4 mai 1886).

     

    Trois syndicalistes furent condamnés à la prison à perpétuité et cinq autres trouvèrent la mort par pendaison, le 11 novembre 1886, en dépit du manque de solidité des preuves dont la justice disposait. Ils finirent par être réhabilités.

     

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    Les derniers mots du condamné August Spies sont lisibles sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago: «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui.»

     

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    Trois ans après le drame de Haymarket, le deuxième congrès de la IIe Internationale socialiste se réunit à Paris, au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies Parisiennes, dans le contexte de l'Exposition Universelle et de la commémoration du centenaire de la Révolution française.

     

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    Les ouvriers défilèrent à partir du premier mai 1890, un triangle rouge à la boutonnière pour symboliser le partage de la journée en trois temps (temps de travail, temps de loisir et temps de sommeil).

     

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    Le 1er mai, lithographie de Jules Grandjouan (1875-1968) réalisée pour l'Assiette au beurre (1906), une revue illustrée, satirique et libertaire de la Belle Époque.

     

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    En 1891, à Fourmies, commune du nord de la France, la manifestation du premier mai s'acheva dans le sang, marquant un tournant essentiel dans l’histoire du mouvement ouvrier. Les forces de l'ordre, équipées des nouveaux fusils Lebel, tirèrent sur la foule. Elles tuèrent dix personnes et firent trente-cinq blessés. Une ouvrière de 18 ans nommée Maria Blondeau reçut une balle dans la tête à bout portant et devint le symbole de cette tragique journée.

     

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    La manifestation à Fourmies. (Image Fourmies info/archives.)

     

    Les autres victimes étaient Louise Hublet (vingt ans), Ernestine Diot (17 ans), Félicie Tonnelier (16 ans), Kléber Giloteaux (19 ans), Charles Leroy (20 ans), Emile Ségaux (30 ans), Gustave Pestiaux (14 ans), Emile Cornaille (11 ans) et Camille Latour (46 ans). Je conseille aux personnes intéressées par cette histoire de lire l'excellent ouvrage d'André Pierrard et Jean-Louis Chappat intitulé La fusillade de Fourmies, aux éditions Maxima.

     

    Dans le journal « l’Illustration » du 9 mai 1891, il est écrit: «C'est le fusil Lebel qui vient d'entrer en scène pour la première fois. Il ressort de ce nouveau fait à l'actif de la balle Lebel qu'elle peut très certainement traverser trois ou quatre personnes à la suite les uns des autres et les tuer.» Ce fusil équipera l’armée française jusqu’à la fin de la première guerre mondiale.

     

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    A la fin de l’année 1891, l'Internationale Socialiste renouvela le « caractère revendicatif et international du 1er mai », en hommage aux « martyrs de Fourmies ». Le 23 avril 1919, le Sénat Français ratifia la journée de 8 heures et le 7 juin 1936, la signature des accords de Matignon par Léon Blum permit d'obtenir « une augmentation des salaires de 7 à 15 %, la reconnaissance du droit syndical dans l’entreprise, l’élection des délégués ouvriers, la création de conventions collectives, la semaine de 40 heures et quinze jours de congés payés ».

     

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    Dans la Russie de 1920, le 1er mai fut chômé grâce à Lénine et en 1933, Hitler alla plus loin en rendant ce jour emblématique chômé et payé.

     

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    Le 24 avril 1941, sur les recommandations de René Belin, un ancien dirigeant de l'aile socialiste de la CGT, le Maréchal Pétain qualifia le premier mai de « Fête du Travail et de la Concorde Sociale ».

     

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    En avril 1947, à l'initiative du député socialiste Daniel Mayer et du ministre communiste du Travail, Ambroise Croizat, le 1er Mai devint, dans les entreprises publiques et privées, un jour chômé et payé mais il n'est toujours pas assimilé à une fête légale.

     

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    Les symboles du premier mai

    En France, les manifestants du 1er mai défilèrent, à partir de 1890, avec le fameux triangle rouge « des trois temps » bien visible à la boutonnière. Ce triangle fut remplacé, en 1892, par une fleur d'aubépine suspendue à un ruban rouge, en l'honneur de Maria Blondeau, la jeune ouvrière de Fourmies, qui avait trouvé la mort en brandissant un bouquet d’aubépine. En 1895, le socialiste Paul Brousse invita, par le biais d'un concours, les travailleuses à choisir une fleur qui représenterait le « Mai » et c'est l’églantine qui fut choisie.

    Cette fleur traditionnelle du nord de la France, liée au souvenir de la Révolution française, fut remplacée par le muguet, en 1907 à Paris. Emblème du printemps francilien, le muguet était accroché à la boutonnière avec un ruban rouge, symbole du sang versé.

     

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    Après la Première Guerre mondiale, la presse encensa le muguet, aux dépens de la rouge églantine, et en 1941, sous le régime de Vichy, le muguet s'imposa.

     

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    La vente du muguet

     

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    Depuis les années 1930, une tolérance administrative autorise les particuliers à vendre, chaque 1er mai, des brins de muguet sans formalités, ni taxes mais cette tradition populaire se répandit surtout à partir de 1936. Elle semble trouver ses origines à Nantes où monsieur Aimé Delrue (1902-1961), droguiste et président du comité des fêtes de la ville, avait organisé « la Fête du Lait de Mai ».

     

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    Symbole de renouveau et de fécondité, le lait fraîchement tiré était associé à la blancheur immaculée des clochettes de muguet.

    Depuis 1936, chacun peut vendre du muguet, sans patente, mais il s'agit d'une tolérance que certains arrêtés, en fonction des communes, n'hésitent pas à réglementer.

     

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    Des larmes de Marie au sang de Saint-Léonard

    On appelle le muguet « larmes de Notre-Dame » car il aurait jailli des pleurs de la Vierge, versés au pied de la croix.

    D'autres légendes l'associent à Saint-Léonard, guerrier émérite et ami du roi Clovis, qui choisit de vivre en ermite au fond des bois. Un jour, sous un bouquet d'arbres sacrés, Léonard se heurta à un dragon contre lequel il reprit les armes. Le combat fut très violent. De chaque goutte de sang perdue par le saint fleurirent des brins de muguet. D'après certaines croyances, on entend parfois, lorsque le vent souffle, le bruit de cette lutte fantastique...

     

    Folklore et traditions

     

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    Comme toutes les fleurs à clochettes, le muguet est lié au Petit Peuple et aux déesses de l'amour et de la fécondité.

     

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    Cicely Mary Barker, Flower Fairies

     

    Avec la campanule, la digitale et le thym sauvage, le muguet est l'une des fleurs préférées des lutins et des fées qui viennent danser, en cercles opalescents, là où s'épanouissent les clochettes parfumées.

     

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    Titania, la reine des fées, couronnée de muguet, sous le pinceau aux accents préraphaélites de Sir Frank Bernard Dicksee (1853-1928).

     

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    D'après une légende allemande, le muguet serait sous la protection d'une Dame Blanche.

     

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    Idylle de printemps par George Henry Boughton (1834-1905).

     

    Fleur d'inspiration, le muguet est consacré à Apollon Belenos, dieu des arts et du soleil, qui couvrit en l'honneur des Muses, le Mont Parnasse de muguet, d'où l'appellation « Gazon de Parnasse ».

     

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    Dans le folklore européen, l'éclosion des fleurs de muguet constitue un signe bénéfique, annonciateur du retour des déesses du printemps. En fonction des croyances, on préfèrera les brins à douze ou à treize clochettes...

     

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    Dans le Vaudou et la magie des Caraïbes, le muguet est associé à l'invocation des esprits et aux trois planètes de puissance, de protection et de réalisation que sont le Soleil, Vénus et Mercure. Réduit en poudre et brûlé sur des charbons ardents, il est réputé favoriser la concrétisation des affaires matérielles.

     

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     Les druidesses faisaient brûler de l'encens de muguet pour accroître leurs capacités de clairvoyance.

     

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    Dans la tradition populaire, le muguet est considéré comme un porte-bonheur puissant que l'on adresse aux personnes aimées et qu'on laisse sécher pour obtenir la réalisation de ses voeux. Il s'offre après la nuit de Beltane, nuit sacrée pour les Celtes ouvrant les portes de « l'année claire » jusqu'au retour de « l'année sombre » à la période de Samain/Halloween.

     

    Dans des temps très anciens, c'était l'aubépine que l'on offrait pour célébrer le retour de Maïa, la déesse mère du printemps.

     

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    Si vous souhaitez vous plonger dans les coutumes entourant l'Arbre de Mai et caracoler en compagnie des fées de Beltane, je vous invite à lire mon article intitulé la Magie de Mai...

     

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     Généreuses clochettes signifiant l'amour, la passion, la fidélité et le bonheur partagé...

     

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     … ainsi que le souvenir et la pureté des sentiments...

     

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     Clochettes des fées soufflant vers vous mes pensées les plus douces...

     

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    Joyeux Premier Mai!

     

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    Bibliographie

    DUBOIS, Pierre: La Grande Encyclopédie des Fées. Hoebeke, 2008.

    DUBOIS-AUBIN, Hélène: L'esprit des fleurs: mythes, légendes et croyances. Le Coudray-Macouard: Cheminements, 2002.

    SEBILLOT, Paul-Yves: Le Folklore de France.

    SIKE, Yvonne de: Fêtes et croyances populaires en Europe. Bordas, 1994.

    VESCOLI, Michaël: Calendrier celtique. Actes Sud, 1996.

    Plume

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