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     La Fontaine Saint-Michel, la plus haute fontaine de Paris, se dresse sur la Place Saint-Michel, dans le 6e arrondissement de la capitale. Emblématique des travaux orchestrés par le Baron Haussmann sous le Second Empire, elle attire de nombreux parisiens, des franciliens, des visiteurs de province et du monde entier.

     

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     Conçue comme un décor de théâtre, elle est un célèbre point de rendez-vous et une vitrine du Paris moderne, érigé sur les vestiges de rues médiévales aux noms évocateurs: rue de la Harpe, rue des Rats ou de la Pomme d'or... Je vous invite à découvrir ou à redécouvrir les détails de cette composition urbaine dédiée à l'archange Saint-Michel, protecteur de l'Île de la Cité et de ses alentours.

     

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     La fontaine Saint-Michel est l'émanation d'une volonté particulière, celle de Georges Eugène Haussmann (1809-1891) de mettre en oeuvre un plan de réaménagement et d'embellissement de la capitale, fondé sur l'aération du tissu urbain. Doté d'une forte personnalité, comme en témoigne ce portrait d'Henri Lehmann (1814-1882) conservé au musée Carnavalet, il dirigea une campagne de travaux pharaoniques, inspirée par les théories hygiénistes de son temps.

    Excellent orateur, écrivain, haut fonctionnaire et défenseur acharné d'une nouvelle politique de la Ville, il fut nommé Préfet de la Seine en 1853.

    Avec une ardeur infatigable, il entreprit de faire percer de nouvelles voies pour favoriser la circulation des véhicules et des piétons. Des boulevards, des avenues et de grandes perspectives virent le jour et un luxuriant maillage de squares et de jardins fut créé.

    Dans le prolongement de l'esprit des « Lumières », la Ville devint, à l'époque de Napoléon III (1808-1873), un espace maîtrisé, doté d'un ample quadrillage, de promenades plantées et d'immeubles somptuaires mais Haussmann voulait aussi faciliter le déploiement de troupes militaires en cas de soulèvements civils. Il fut, à cet égard, particulièrement décrié.

     

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    La fontaine Saint-Michel reflète les critères architecturaux et esthétiques édictés par le Baron. Construite à partir de 1858 et inaugurée en 1860, en bordure du boulevard Saint-Michel (terminé en 1859) et de la rue Danton qui descend vers la Place Saint-André-des-Arts, elle se situe dans l'axe du boulevard du Palais qui traverse l'Île de la Cité.

     

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     Élaborée dans un style éclectique par l'architecte Gabriel Davioud (1824-1881), elle se présente comme une sorte d'arc de triomphe antique, destiné à commémorer la victoire de l'archange Saint-Michel sur son adversaire.

     

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    Sa structure est celle d'une fontaine-mur, à l'instar de la Fontaine Médicis au Jardin du Luxembourg et de la Fontaine des Quatre-Saisons située rue de Grenelle, dans le 7e arrondissement de Paris.

     

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    La Fontaine Médicis

     

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    La Fontaine des Quatre Saisons, érigée par Edme Bouchardon, entre 1739 et 1745.

     

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    La fontaine Saint-Michel est l'un des plus remarquables monuments de Paris mais sa mise en scène complexe et son décor foisonnant et polychrome, lié à l'utilisation de marbre rose et vert du Languedoc, de pierre bleue de Soignies (Belgique) et de calcaire jaune de Saint-Ylie (Jura), ne firent pas l'unanimité lors de sa construction.

     

    « Dans ce monument exécrable,

    On ne voit ni talent ni goût,

    Le Diable ne vaut rien du tout;

    Saint-Michel ne vaut pas le Diable »

    (Quatrain anonyme)

     

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    Au-dessus d'un rocher sculpté par Félix Saupin, Saint-Michel, le chef des milices célestes, brandit son épée flamboyante et prend l'ascendant sur le Diable déchu.

     

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     Ce groupe fut exécuté par Francisque Duret (1804-1865) qui s'inspira d'un tableau de Raphaël (1483-1520), « Le Grand Saint-Michel », aujourd'hui visible au Louvre.

     

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     L'oeuvre, datée de 1518, fut commanditée par le pape Léon X (Jean de Médicis). Destinée à symboliser la bonne entente entre les peuples, elle fut offerte au roi François Ier à l'occasion du mariage de Laurent de Médicis, neveu du pape, avec Madeleine de la Tour d'Auvergne. Cette union donna naissance à Catherine de Médicis (1519-1589).

     

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    A l'origine du projet, la niche centrale devait accueillir une statue monumentale de Napoléon Ier mais le choix du thème de Saint-Michel s'imposa, en référence à un ancien lieu de culte consacré à l'archange libérateur, à proximité de l'Île de la Cité.

     

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    Deux imposantes chimères, créations d'Henri-Alfred Jacquemart dit Alfred Jacquemart, se dressent de part et d'autre du grand bassin.

     

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    Alfred Jacquemart (1824-1896) se spécialisa dans la sculpture d'animaux et de créatures fantastiques. Il réalisa deux lions pour l'Hôtel de Ville de Paris, les lions de la fontaine de la place Félix Éboué, les aigles des colonnes rostrales de l'Opéra Garnier, le rhinocéros du parvis du Musée d'Orsay et les sphinx de la fontaine aux palmiers de la place du Châtelet. Il conçut en 1869 la statue équestre de Louis XII pour l'Hôtel de Ville de Compiègne et la maquette en cire de la statue de Napoléon III, destinée à orner les Guichets du Louvre.

     

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    Très appréciées à leur époque et dans les décennies qui suivirent, les chimères de la place Saint-Michel servirent de modèle pour créer des figurines en bronze, des serre-livres et des presse-papiers.

     

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     Chimère, monstre composite, mosaïque d'êtres issus des profondeurs de l'inconscient, messagère de mondes mystérieux, gardienne des forces telluriques... Mélange de lion (tête), de quadrupède pas vraiment déterminé (corps), de serpent ou de dragon (queue) et d'oiseau (grandes ailes). Pour certains auteurs, elle aurait deux têtes, celle d'une chèvre et celle d'un lion. Pour d'autres, elle serait la fille des Titans Typhon et Echidné, à la fois mère des tempêtes, des eaux sombres et des éruptions volcaniques, incarnation des fantasmes, des peurs et des désirs inassouvis... Elle fut combattue par le héros Bellérophon qui chevauchait Pégase, le féerique cheval ailé.

     

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    Dans la partie haute du monument, s'élèvent quatre statues qui représentent les Vertus Cardinales, soit la Prudence, la Justice, la Force et la Tempérance. Elles s'appuient sur l'entablement des colonnes en marbre rose et dominent des écussons à tête de lion.

     

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    La Prudence, sculptée par Jean-Auguste Barre (1811-1896), a pour attributs le miroir et le serpent.

     Souvent considérée comme une femme aux deux visages, elle tient un miroir, oeil magique qui permet d'accéder à la connaissance de soi, à la conscience de ce qui fut, de ce qui est et de ce qui pourrait advenir. Les ouvrages anciens la représentent parfois casquée d'un heaume doré et entouré d'une guirlande de feuilles de mûrier; accompagnée d'un cerf qui rumine ou d'un oiseau de nuit; tenant une flèche et un petit poisson appelé rémora, une clepsydre (horloge à eau), un livre ou un compas. Avec le miroir, son principal attribut est le serpent. Gardien des secrets, démiurge, porteur et passeur de connaissance, le serpent qui s'enroule autour de son bras est appelé « le vigilant ».

    « La Prudence, selon Aristote, est une habitude active, accompagnée d'une vraie raison, qui agit sur les choses possibles, pour atteindre à la félicité de la vie, en suivant le bien et fuyant le mal. » Iconologie ou explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes et autres figures hiéroglyphiques des Vertus, des Vices, des Arts, des Sciences, des Causes naturelles, des Humeurs différentes et des Passions humaines. Tirées des recherches et des figures de César Ripa, moralisées par Jean Baudoin. A Paris, chez Mathieu Guillemot, 1644. P.164.

     

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    Le serpent de la Prudence rappelle celui de la déesse Hygie (voir mon article intitulé La Fontaine de Mars et Hygie).

     

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    La Justice, armée de son glaive, est l'oeuvre d'Élias (Louis-Valentin) Robert (1821-1874).

     Gardienne de l'équilibre cosmique, la Justice incarne l'ordre et la sagesse qui s'opposent à l'obscurantisme et au chaos. « C'est l'opinion de Platon que rien ne peut échapper aux yeux de la Justice (Maât) et qu'à raison de cela les anciens Prêtres des Égyptiens, disaient que par la force de la vue elle pénétrait dans le fonds de toutes choses. De là vient aussi qu'Apulée jure par l'oeil du Soleil et de la Justice ensemble, pour montrer que l'un est aussi clairvoyant que l'autre. » Iconologie de César Ripa, seconde partie, p.56.

    Elle est représentée par la déesse Thémis (la justice divine) et par Dicé ou Diké, fille de Zeus et de Thémis et personnification de la justice humaine. Dicé est l'une des Heures. Ses soeurs sont Eunomie (la Loi et l'Ordre) et Eiréné (la Paix). On la nomme également Astrée, la « femme-étoile » ou « l'éclair brillant ». D'après les Métamorphoses d'Ovide, Astrée vécut parmi les Hommes pendant la période de l'Âge d'Or mais quand arriva l'Âge du Fer, pour échapper à la corruption de l'humanité, elle fut placée par Zeus dans le ciel et devint la constellation de la Vierge, avec pour attribut principal la balance.

     

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    (Oeuvre de Kinuko Y Craft, artiste contemporaine.)

     Vengeresse des crimes, elle porte l'épée de Némésis, le châtiment divin.

     

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     « Le glaive de la Justice n'a pas de fourreau ». Cette citation du philosophe Joseph de Maistre (1753-1821) souligne l'importance du combat contre « la corruption des caractères et des habitudes qui engendre les venins les plus mortels ».

     

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    La Tempérance est l'oeuvre de Charles Gumery (1827-1871).

     « On la dépeint avec une bride à la main (…) car cette vertu apporte la modération requise, hors de laquelle les choses qui vont dans l'excès détruisent entièrement le sujet où elles s'attachent, comme par leur débordement les grandes rivières ravagent tout ce qu'elles rencontrent. » Iconologie, p.187.

     

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    La Force, création d'Eugène Guillaume (1822-1905), revêt la peau du Lion de Némée et s'appuie sur la massue en chêne d'Hercule.

     « Elle porte la physionomie d'une personne robuste (…), la taille belle, les épaules larges, les membres nerveux... Ses armes (lance, massue) sont des symboles de la force de son corps et le rameau qu'elle tient en main en est un de celle de son esprit. Par l'un elle résiste aux armes matérielles et par l'autre, aux spirituelles, qui sont les vices. Ce qui nous est démontré par le Chêne, arbre que les poètes ont toujours cru plus fort que les autres. » Iconologie, p.77.

     

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    Ces quatre Vertus soulignent la victoire de Saint-Michel, guerrier des forces de lumière, sur le Diable au visage humain.

     

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    Au sommet de la fontaine, veillent les allégories de la Puissance et de la Modération.

     

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     De gracieux angelots se fondent dans un décor néo-renaissance composé de palmes et de rinceaux.

     

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     Ces ornements sont l'oeuvre de Marie-Noémi Cadiot (1828-1888) alias Noémie Constant, femme de lettres et sculpteur, activement féministe. Elle fut l'élève de James Pradier (1790-1852) et l'épouse du célèbre occultiste Éliphas Lévi (1810-1875), de son vrai nom Adolphe-Louis Constant.

     

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    Les armoiries de Paris dominent la niche centrale, rappelant la toute puissance économique de Paris, initiée par la Hanse ou Guilde des marchands de l'eau d'où l'emblème « fluctuat nec mergitur »: « il est battu par les flots mais ne sombre pas ».

     

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    Une plaque, installée sur un côté de la fontaine, nous rappelle que, du 19 au 25 août 1944, la place Saint-Michel fut le théâtre de nombreux combats. De par sa situation sur la rive gauche de la Seine, elle était un lieu de passage obligatoire pour les troupes allemandes qui se dirigeaient vers l'est ou le nord de la capitale. Ces mots gravés célèbrent la mémoire des insurgés qui luttèrent le long du boulevard Saint-Michel, rebaptisé « boulevard de la mort ».

     

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    Témoignage grandiose ou grandiloquent (selon les goûts) de la politique d'embellissement du Second Empire et d'une vision nouvelle de l'espace urbain, la fontaine Saint-Michel est plus que jamais un lieu de partage, de rencontre et de rendez-vous. Elle offre un très beau panorama sur la Seine et Notre-Dame et constitue le point de départ de plusieurs promenades à travers les méandres du Quartier Latin.

     

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    Vue sur le quai des Orfèvres et la flèche de la Sainte-Chapelle depuis la fontaine Saint-Michel.

     

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    Vue sur les atours de Notre-Dame mais ceci est une autre histoire...

     

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     Merci de votre fidélité, amicalement!

    Plume

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    130 commentaires
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    Illustration de Anne-Julie Aubry

     

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    J'adresse un chaleureux merci à celles et ceux qui sèment des pensées d'amitié sur mon jardin de la toile. Je suis très touchée par vos messages, votre tendresse et votre sensibilité.

     

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    Je reviens doucement, aimantée par les charmes du printemps naissant, après une période d'introspection profondément nécessaire et réparatrice. Alors merci à vous, amies et fidèles lecteurs qui m'avez accompagnée en pensée.

     

    Je vous offre avec tendresse cette première émulsion de printemps, magique farandole de camélias, crocus, narcisses, jonquilles, pâquerettes pomponnettes et primevères...

     

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    Joyeux Ostara à mes amies d'ici et d'ailleurs.

     

    Affectueusement vôtre et gros bisous!

     

    Cendrine

    Plume

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    64 commentaires



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