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    Albert Durer Lucas (1828-1918), Lilies of the valley

     

    Célébrons le renouveau de la Nature avec ces clochettes délicates, calices miniatures où le petit Peuple vient savourer l'ambroisie des Elfes et la manne des Fées... La Rosée de Lumière y tremble goutte à goutte !

     

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    Recevez mes vœux d'Amour, d'Amitié, de Chance et de Prospérité !

     

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    Le muguet: description et propriétés

     

    Plante vivace aux noms poétiques (Lis de Mai, Lis des vallées, Clochette des bois, Grelots, Grillets, Amourette, Gazon du Parnasse, Larmes de Notre-Dame...), le muguet se développe dans les bois clairs, sur les chemins dégagés et les pentes rocailleuses. Il se multiplie grâce à son rhizome traçant appelé « griffe ». Il est également cultivé pour ses ravissantes clochettes blanches au parfum enivrant dont le nom dérive de musc et de muscade. Ses fruits, très toxiques et de la grosseur d'un pois, deviennent rouges à maturité, en septembre ou en octobre.

     

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    Shodo Kawarasaki (1889-1973), Muguet, 1954.

     

    La pharmacopée populaire connaît, depuis des siècles, les propriétés médicinales du muguet et sa richesse en convallatoxine, une substance apparentée à la digitaline qui possède une action sédative sur le cœur. L'infusion de fleurs, sucrée au miel, est toujours utilisée mais, en raison de sa toxicité, les conseils d'un thérapeute sont absolument nécessaires.

     

    Prisée comme du tabac, la poudre de fleurs, préalablement séchées dans un lieu ombragé, est réputée calmer les migraines d'origine nerveuse, dissiper les vertiges et libérer les sécrétions des voies nasales. Mais souvenez-vous que les propriétés cardiotoniques du muguet ne sont pas à prendre à la légère et que ses jolies baies rouges ne doivent pas être consommées. Il faut également veiller à ce que les enfants n'absorbent pas l'eau dans laquelle le muguet a trempé.

     

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    Au-delà de ses vertus « guérisseuses », cette petite plante aux clochettes lactescentes, aimée des fées et destinée à « chasser l'hiver », nous fait revivre des moments importants de l'histoire de France...

     

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    Petite boîte en porcelaine de Limoges

     

    La tradition consistant à offrir du muguet, le premier mai, semble remonter à l'époque de Charles IX (1550-1574). En 1560, alors qu'il visitait la Drôme, le roi reçut un brin de muguet. Séduit par ce présent, il fit distribuer, à partir de 1561, des bouquets odorants aux dames de la Cour. Les seigneurs s'empressèrent de l'imiter en « muguetant », c'est à dire en « faisant les galants »...

     

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    Les bals du muguet fleurirent, à partir de la Renaissance. Les messieurs arboraient à la boutonnière de jolis brins parfumés.

     

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    Le premier mai 1895, le muguet fut associé à une romance parisienne. Le chansonnier Félix Mayol (1872-1941), auteur de la chanson « Viens poupoule », offrit, sur le quai de la gare Saint-Lazare, un bouquet de muguet à son amie Jenny Cook.

     

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    Quand il monta sur les planches du « Concert Parisien », sa jaquette était ornée de clochettes immaculées. Il connut un tel succès que le muguet devint son porte-bonheur attitré.

     

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    Le premier mai 1900, lors de festivités organisées par des couturiers parisiens, les clientes et les ouvrières reçurent des brins de muguet. Les couturières prirent ensuite l'habitude d'offrir, chaque premier mai, du muguet à leurs clientes.

     

    Dans le Paris de la Belle Époque, les « fêtes du muguet » se multiplièrent et connurent un succès retentissant, lié à l'élection des « reines de Mai »: de jolies jeunes femmes vêtues de blanc, perçues comme les incarnations de Flore, la déesse du Printemps.

     

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    Reines du muguet (Photo Delcampe)

     

    Muguet en vogue dans les cours européennes et dans celle de la reine Victoria (1819-1901).

     

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     Ce tableau du peintre lithographe allemand Franz Xaver Winterhalter (1805-1873) décrit l'offrande par le duc de Wellington d'un cadeau à la reine Victoria, au prince Albert et au prince Arthur, dans une scène prévue pour ressembler à une Adoration des Mages. Le tableau fut commandé par la reine pour commémorer le 1er mai 1851, un jour doté d'une triple signification car il évoquait le premier anniversaire du prince Arthur, le quatre-vingt deuxième anniversaire du duc de Wellington, parrain du prince et la date d'ouverture de l'Exposition Universelle.

    Le petit prince tient des brins de muguet et le Crystal Palace, fleuron de l'exposition, est visible en arrière-plan.

     

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    Emblème de reverdie et de féminité, le muguet est aussi, depuis 1921, l'emblème du Rugby Club de Toulon!

     

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    La journée de huit heures et la Fête du Travail

     

    Les clochettes de muguet sont associées, en dépit de leur douceur et de leur fragilité, à des luttes sociales majeures.

     

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    Clochettes de muguet par Catharina Klein (1861-1929)

     

    Le 1er mai 1884, au IVe congrès de l'American Federation of Labor, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis se donnèrent deux ans pour imposer à leurs employeurs la journée de travail de huit heures.

     

    Cette idée naquit en Australie où les travailleurs avaient organisé, le 21 avril 1856, une manifestation en faveur de la journée de huit heures. Le succès fut si retentissant qu'il fut décidé de renouveler cette journée d'action tous les ans.

     

    Le 1er mai 1886, alors qu'une partie des travailleurs venait d'obtenir satisfaction, de nombreux ouvriers, lésés, firent grève pour forcer les patrons à accepter leurs revendications.

     

    Le 3 mai, à Chicago, trois grévistes de la société McCormick Harvester perdirent la vie au cours d'une manifestation et le lendemain soir, alors qu'une marche de protestation se dispersait à Haymarket Square, une bombe explosa, tuant quinze policiers.

     

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    La révolte de Haymarket Square (Chicago, 4 mai 1886).

     

    Trois syndicalistes furent condamnés à la prison à perpétuité et cinq autres trouvèrent la mort par pendaison, le 11 novembre 1886, en dépit du manque de solidité des preuves dont la justice disposait. Ils finirent par être réhabilités.

     

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    Les derniers mots du condamné August Spies sont lisibles sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago: «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui.»

     

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    Trois ans après le drame de Haymarket, le deuxième congrès de la IIe Internationale socialiste se réunit à Paris, au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies Parisiennes, dans le contexte de l'Exposition Universelle et de la commémoration du centenaire de la Révolution française.

     

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    Les ouvriers défilèrent à partir du premier mai 1890, un triangle rouge à la boutonnière pour symboliser le partage de la journée en trois temps (temps de travail, temps de loisir et temps de sommeil).

     

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    Le 1er mai, lithographie de Jules Grandjouan (1875-1968) réalisée pour l'Assiette au beurre (1906), une revue illustrée, satirique et libertaire de la Belle Époque.

     

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    En 1891, à Fourmies, commune du nord de la France, la manifestation du premier mai s'acheva dans le sang, marquant un tournant essentiel dans l’histoire du mouvement ouvrier. Les forces de l'ordre, équipées des nouveaux fusils Lebel, tirèrent sur la foule. Elles tuèrent dix personnes et firent trente-cinq blessés. Une ouvrière de 18 ans nommée Maria Blondeau reçut une balle dans la tête à bout portant et devint le symbole de cette tragique journée.

     

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    La manifestation à Fourmies. (Image Fourmies info/archives.)

     

    Les autres victimes étaient Louise Hublet (vingt ans), Ernestine Diot (17 ans), Félicie Tonnelier (16 ans), Kléber Giloteaux (19 ans), Charles Leroy (20 ans), Emile Ségaux (30 ans), Gustave Pestiaux (14 ans), Emile Cornaille (11 ans) et Camille Latour (46 ans). Je conseille aux personnes intéressées par cette histoire de lire l'excellent ouvrage d'André Pierrard et Jean-Louis Chappat intitulé La fusillade de Fourmies, aux éditions Maxima.

     

    Dans le journal « l’Illustration » du 9 mai 1891, il est écrit: «C'est le fusil Lebel qui vient d'entrer en scène pour la première fois. Il ressort de ce nouveau fait à l'actif de la balle Lebel qu'elle peut très certainement traverser trois ou quatre personnes à la suite les uns des autres et les tuer.» Ce fusil équipera l’armée française jusqu’à la fin de la première guerre mondiale.

     

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    A la fin de l’année 1891, l'Internationale Socialiste renouvela le « caractère revendicatif et international du 1er mai », en hommage aux « martyrs de Fourmies ». Le 23 avril 1919, le Sénat Français ratifia la journée de 8 heures et le 7 juin 1936, la signature des accords de Matignon par Léon Blum permit d'obtenir « une augmentation des salaires de 7 à 15 %, la reconnaissance du droit syndical dans l’entreprise, l’élection des délégués ouvriers, la création de conventions collectives, la semaine de 40 heures et quinze jours de congés payés ».

     

     

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    Dans la Russie de 1920, le 1er mai fut chômé grâce à Lénine et en 1933, Hitler alla plus loin en rendant ce jour emblématique chômé et payé.

     

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    Le 24 avril 1941, sur les recommandations de René Belin, un ancien dirigeant de l'aile socialiste de la CGT, le Maréchal Pétain qualifia le premier mai de « Fête du Travail et de la Concorde Sociale ».

     

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    En avril 1947, à l'initiative du député socialiste Daniel Mayer et du ministre communiste du Travail, Ambroise Croizat, le 1er Mai devint, dans les entreprises publiques et privées, un jour chômé et payé mais il n'était toujours pas assimilé à une fête légale.

     

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    Les Symboles du Premier Mai

     

    En France, les manifestants du 1er mai défilèrent, à partir de 1890, avec le fameux triangle rouge « des trois temps » bien visible à la boutonnière. Ce triangle fut remplacé, en 1892, par une fleur d'aubépine suspendue à un ruban rouge, en l'honneur de Maria Blondeau, la jeune ouvrière de Fourmies, qui avait trouvé la mort en brandissant un bouquet d’aubépine. En 1895, le socialiste Paul Brousse invita, par le biais d'un concours, les travailleuses à choisir une fleur qui représenterait le « Mai » et c'est l’églantine qui fut choisie.

     

    Cette fleur traditionnelle du nord de la France, liée au souvenir de la Révolution française, fut remplacée par le muguet, en 1907 à Paris. Emblème du printemps francilien, le muguet était accroché à la boutonnière avec un ruban rouge, symbole du sang versé.

     

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    Après la Première Guerre mondiale, la presse encensa le muguet, aux dépens de la rouge églantine, et en 1941, sous le régime de Vichy, le muguet s'imposa.

     

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    La vente du muguet

     

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    Elena Salnikova, la jeune vendeuse de muguet

     

    Depuis les années 1930, une tolérance administrative autorise les particuliers à vendre, chaque 1er mai, des brins de muguet sans formalités, ni taxes mais cette tradition populaire se répandit surtout à partir de 1936. Elle semble trouver ses origines à Nantes où monsieur Aimé Delrue (1902-1961), droguiste et président du comité des fêtes de la ville, avait organisé « la Fête du Lait de Mai ».

     

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    Symbole de renouveau et de fécondité, le lait fraîchement tiré était associé à la blancheur immaculée des clochettes de muguet.

     

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    Zubkov Fedor, Les Anges de Mai

     

    Depuis 1936, chacun peut vendre du muguet, sans patente, mais il s'agit d'une tolérance que certains arrêtés, en fonction des communes, n'hésitent pas à réglementer.

     

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    Robert Doisneau (1912-1994), Le 1er mai 1950 à Paris, Place Victor Basch.

     

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    Robert Doisneau, 1er mai 1969, La vendeuse de muguet.

     

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    Robert Doisneau, Le Muguet du Métro, 1953, MOMA © 2018 Robert Doisneau, courtesy Bruce Silverstein.

     

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    Des larmes de Marie au sang de Saint-Léonard

     

    On appelle le muguet « larmes de Notre-Dame » car il aurait jailli des pleurs de la Vierge, versés au pied de la croix.

     

    D'autres légendes l'associent à Saint-Léonard, guerrier et ami du roi Clovis, qui choisit de vivre en ermite au fond des bois. Un jour, sous un bouquet d'arbres sacrés, Léonard se heurta à un dragon contre lequel il reprit les armes. Le combat fut très violent. De chaque goutte de sang perdue par le saint fleurirent des brins de muguet. D'après certaines croyances, on entend parfois, quand le vent souffle, le bruit de cette lutte fantastique...

     

     

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    Émile Gallé (1846-1904), vase aux muguet, marqueterie sur verre, vers 1898-1900.

     

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    Pablo Picasso (1881-1973), Brin de muguet (pousse verte)

     

     

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    Folklore et traditions

     

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    Comme toutes les fleurs à clochettes, le muguet est lié au Petit Peuple et aux déesses de l'amour et de la fécondité.

     

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    Cicely Mary Barker (1895-1973), Flower Fairies

     

    Avec la campanule, la digitale et le thym sauvage, le muguet est l'une des fleurs préférées des lutins et des fées qui viennent danser, en cercles opalescents, là où s'épanouissent les clochettes parfumées.

     

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    Titania, la reine des fées, couronnée de muguet, sous le pinceau aux accents préraphaélites de Sir Frank Bernard Dicksee (1853-1928).

     

    D'après une légende allemande, le muguet serait sous la protection d'une Dame Blanche.

     

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    Idylle de printemps par George Henry Boughton (1834-1905).

     

    Fleur d'inspiration, le muguet est consacré à Apollon Belenos, dieu des Arts et du Soleil, qui couvrit en l'honneur des Muses, le Mont Parnasse de clochettes nacrées, d'où l'appellation « Gazon de Parnasse ».

     

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    Jugend, 1897, illustration d'Adolf Höfer (1869-1927) pour un journal munichois.

     

    Dans le folklore européen, l'éclosion des fleurs de muguet constitue un signe bénéfique, annonciateur du retour des déesses du printemps. En fonction des croyances, on pourra préférer les brins à douze ou à treize clochettes...

     

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    Anne Cotterill (1933-2010), Lily of the Valley.

     

    Dans le Vaudou et la magie des Caraïbes, le muguet est associé à l'invocation des esprits et aux trois planètes de puissance, de protection et de réalisation que sont le Soleil, Vénus et Mercure. Réduit en poudre et brûlé sur des charbons ardents, il est réputé favoriser la concrétisation des affaires matérielles.

     

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    Les druidesses faisaient brûler de l'encens de muguet pour accroître leurs capacités de clairvoyance.

     

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    Dans la tradition populaire, le muguet est considéré comme un porte-bonheur puissant que l'on adresse aux personnes aimées et qu'on laisse sécher pour obtenir la réalisation de ses vœux. Il s'offre après la nuit de Beltane, nuit sacrée pour les Celtes ouvrant les portes de « l'année claire » jusqu'au retour de « l'année sombre » à la période de Samain/Halloween.

     

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    Dans des temps très anciens, c'était l'aubépine que l'on offrait pour célébrer le retour de Maïa, la déesse mère du printemps.

     

    Si vous souhaitez vous plonger dans les coutumes entourant l'Arbre de Mai et caracoler en compagnie des fées de Beltane, je vous invite à lire mon article intitulé la Magie de Mai...

     

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    Généreuses clochettes signifiant l'amour, la passion, la fidélité et le bonheur partagé...

     

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    ...ainsi que le souvenir et la pureté des sentiments...

     

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    Joyeux Premier Mai!

     

     

    Bibliographie

     

    DUBOIS, Pierre: La Grande Encyclopédie des Fées. Hoebeke, 2008.

     

    DUBOIS-AUBIN, Hélène: L'esprit des fleurs: mythes, légendes et croyances. Le Coudray-Macouard: Cheminements, 2002.

     

    SEBILLOT, Paul-Yves: Le Folklore de France.

     

    SIKE, Yvonne de: Fêtes et croyances populaires en Europe. Bordas, 1994.

     

    VESCOLI, Michaël: Calendrier celtique. Actes Sud, 1996.

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    Plume

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    Pour le plaisir des yeux et le temps de reposer ma plume, je veux vous offrir des douceurs de Printemps, du rose ensorcelant avec de magnifiques cerisiers du Japon et des messagers ailés de la belle saison.

     

    Avec mon Amitié...

     

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    Belles pensées...

     

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    Nous avons contemplé, il y a quelques jours, « Le bestiaire marin de la fontaine Gaillon ». Je vous emmène à présent dans la rue Gaillon, élégante voie du IIe arrondissement bordée de bâtiments bien conservés qui nous offrent un bel éventail de styles architecturaux.

     

    La rue Gaillon changea plusieurs fois de nom au fil du temps. L'ouvrage « Histoire de Paris rue par rue, maison par maison », de Charles Lefeuve, publiée en 1875, nous apprend qu'en 1495 on l'appelait ruelle Michaut Riegnaut et en 1521, rue Michaut Regnaut. En 1578, elle prit le nom de rue Gaillon et s'étendait de la rue Saint-Honoré à la porte Gaillon qui fut détruite en 1700.

     

    Elle devint ensuite rue de Lorge puis rue Neuve Saint-Roch, rue Saint-Roch et rue de la Montagne pendant la Révolution. Elle reprit ensuite le nom « Gaillon », en référence à un hôtel Gaillon qui n'existe plus.

     

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    Un magnifique mascaron veille sur l'entrée de l'hôtel Sulkowski, construit vers 1740, dans le style rocaille, par l'architecte Jacques-Richard Cochois pour une famille princière.

     

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    Rythmée par de hautes fenêtres, la façade en pierre de taille est agrémentée de fines ferronneries, de pilastres, d'agrafes et de consoles ouvragées. C'est un précieux exemple d'hôtel particulier de facture rocaille dans la capitale.

     

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    L'hôtel Sulkowski a connu quelques modifications : une extension concernant deux travées et une surélévation réalisée de 1881 à 1882 par l'architecte Auguste Tronquois. Heureusement, ces changements n'ont pas altéré son élégance structurelle alors que nombre d'hôtels construits à la même époque ont été soit détruits soit victimes de réaménagements peu respectueux de leur cohérence artistique.

     

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    L'intérieur (qui ne se visite pas) est orné de nombreux mascarons dans le style de celui qui domine la porte d'entrée et abrite un escalier dont la rampe est considérée comme un chef-d’œuvre de ferronnerie d'époque Louis XV.

     

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    Face à l'hôtel Sulkowski, aux numéros 3 et 5 de la rue Gaillon, on découvre l'hôtel de Lambilly, ancien hôtel de Flavigny, érigé lui aussi au XVIIIe siècle. Mascarons, ferronneries et beaux encadrements sculptés font partie intégrante du vocabulaire des lieux.

     

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    Vous apprécierez la finesse de la coquille, la subtilité des enroulements, les jeux de courbes et de contre-courbes qui happent le regard en attirant la chance, la prospérité, la fécondité sur les habitants de l'endroit...

     

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    Séduisant personnage qui veille sur la demeure et les secrètes mémoires qui s'y enracinent. Visage aux traits bien dessinés, regard ambivalent... il est joliment mis en valeur par un encadrement ailé fantasmagorique.

     

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    Ce bâtiment possède aussi un bel escalier et d'après certains ouvrages d'architecture, son vestibule est « éclairé » d'un vitrail qui représente une scène médiévale. Tout comme l'hôtel Sulkowski, il ne se visite pas.

     

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    Un peu plus loin, au numéro 12 de la rue Gaillon, un immeuble construit entre 1912 et 1913 par l'architecte Jacques Hermant mérite notre attention.

     

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    Il présente une élégante façade hybride. Son soubassement est en pierre de taille et ses étages supérieurs sont constitués de métal et de grandes baies vitrées qui laissent généreusement entrer la lumière.

     

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    Ornées de motifs végétaux stylisés, les baies s'appuient sur des consoles en fer ouvragées.

     

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    Au-dessus du porche, on remarque un médaillon rocaille agrémenté de belles guirlandes de fleurs et de fruits.

     

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    Cet immeuble présente des similitudes structurelles avec des bâtiments de la rue Réaumur, rue percée en 1895-1896 dans le 3e arrondissement de Paris et bordée d'immeubles commerciaux où l'on vendait essentiellement du tissu en gros.

     

    Ces beaux immeubles sont une alliance de pierre de taille et de métal ouvragé, compositions ouvertes sur l'extérieur par de grandes baies vitrées. J'en reparlerai dans un article consacré à la rue Réaumur.

     

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    Au numéro 12 de la rue Gaillon, outre la séduisante façade, Jacques Hermant a élaboré un ascenseur de style Art Nouveau et de beaux décors à motifs végétaux mais on ne peut pas visiter l'intérieur.

     

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    Professeur à l'École des Beaux-Arts de Paris et architecte en chef de la Ville de Paris, Jacques Hermant (1855-1930) fut un pionnier dans l'utilisation du béton armé dans la structure des bâtiments privés et publics. Il a participé à la première commission du ciment armé et ses travaux ont favorisé la rédaction d'un compte-rendu ministériel concernant l'emploi du béton armé, en 1906.

     

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    Créateur au génie prolifique, il a réalisé la Caserne des Célestins de la Garde Républicaine, dans le IVe arrondissement de Paris, entre 1891 et 1902 mais aussi des hôtels particuliers, des groupes scolaires, des pavillons pour les Expositions Universelles (comme celle de Chicago en 1893) ; des galeries commerciales et des grands magasins, des sièges sociaux pour des groupes industriels et des banques.

     

    Il est aussi le concepteur de la Salle Gaveau, salle de concert réalisée en béton armé, entre 1905 et 1907, dans le 8e arrondissement de Paris et il a orchestré, en Seine-et-Marne, la restauration du château de Voisenon, dans un style Art Nouveau.

     

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     Une jolie poignée de porte datant de la fin du XIXe siècle.

     

    Aux numéros 16 et 18, se situe le restaurant Drouant que j'avais évoqué il y a des années. Il se niche dans un bel immeuble d'angle en pierre de taille.

     

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    En ce haut lieu de l'histoire romanesque, artistique et gastronomique de Paris, le Prix Goncourt est décerné chaque année.

     

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    En 1880, un alsacien nommé Charles Drouant ouvrit un café qui devint rapidement l'un des restaurants les plus courus du tout Paris. Les artistes (Renoir, Monet, Pissarro, Rodin, Colette, Apollinaire, Daudet père et fils, Octave Mirbeau...) venaient y déguster des vins blancs renommés, des poissons savoureux et des huîtres fines de Bretagne. Sous la houlette du chef Antoine Westermann, le lieu continue de séduire par la qualité de sa cuisine, son aura de temple de la littérature et ses imposants murs clairs aux ornements de style rocaille.



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    Les façades du Drouant sont rehaussées de lignes souples, de volutes et de cartouches aux fines découpures. Les fenêtres ont de beaux garde-corps en fer forgé.

     

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    Des balconnets en encorbellement animent la structure générale par des jeux d'ouverture subtils et la fantaisie de leurs lignes courbes.

     

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    A l'intérieur, les visiteurs admirent des bas-reliefs, un escalier en fer forgé et des glaces gravées qui datent des années 1920. Elles sont l’œuvre du décorateur Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933).

     

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    Image lesRestos.com

     

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    Le restaurant Drouant accueillit, le 31 octobre 1914, la réunion des « Dix » de l'Académie Goncourt qui se retrouvaient « sans table » après la fermeture du Café de Paris. En ce lieu typique des charmes de la capitale se « mitonnent » depuis un siècle les prix littéraires, en souvenir des frères Goncourt : Edmond et Jules, liés par une passion commune.

     

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    Le premier mardi de chaque mois, sauf en été, les académiciens déjeunent dans le salon Goncourt du premier étage.

     

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    Le Prix Goncourt est décerné tous les ans au début du mois de novembre (l'attribution du premier prix Goncourt date de décembre 1903.) L'auteur désigné reçoit un chèque de dix euros mais surtout l'assurance d'un tirage très important et la reconnaissance de ses pairs. Le salon Goncourt est situé près du salon Renaudot où, depuis 1926, le jury décerne son prix le même jour et à la même heure que les «Dix».

     

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    Les Goncourt : Edmond (1822-1896) et Jules (1830-1870).

     

    L'amour fraternel des Goncourt fut à l'origine d'un curieux « prénom collectif », sorte de signature créatrice : « Juledmond ». Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, ces « mangeurs d'art » fréquentèrent le tout Paris.

     

     

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    Leur Journal témoigne de l'intensité de leur relation, de leurs amours artistiques et du talent de Jules pour l'écriture. Après la mort de ce dernier, Edmond poursuivit les travaux littéraires engagés tout en menant ses activités de collectionneur.

     

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    Inspiré par son grand-père Huot de Goncourt et sa mère, Annette Cécile Guérin, qui fréquentait le dimanche les antiquaires du Faubourg Saint-Antoine, il réhabilita le XVIIIe siècle dans le goût français et fut l'initiateur du Cercle des Japonisants.

     

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    La grande vague de Kanagawa par Katsushika Hokusai (1760-1849), artiste polyvalent, maître de la peinture et du dessin. Il s'agit de la première estampe de la série des « Trente-six vues du mont Fuji ».

     

    Edmond de Goncourt fut, par la publication de monographies consacrées aux maîtres de l'ukiyo-e, « peinture du monde éphémère » ou « images du monde flottant », l'un des tous premiers auteurs (si ce n'est le premier) à présenter au monde occidental les merveilles de cet art.

     

     

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    À deux pas de l'Opéra Garnier, sur les terres artistiques et dans l'esprit des Goncourt, on peut donc admirer le Drouant (sauf bien sûr en cas de remise de prix littéraire car l'accès est strictement réglementé et toute approche non accréditée impossible), la rue Gaillon, la place Gaillon et sa jolie fontaine.

     

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    A propos de fontaine, le jeune triton qui chevauche un dauphin a retrouvé son trident. Souhaitons qu'il le garde longtemps !

     

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    Merci de vos pensées d'anniversaire et de votre fidélité, je pense bien à vous !

     

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    Plume

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     Le Bélier par Giorgio Baroni sur DéviantArt.com

     

    Merci de tout cœur, chers Ami(e)s pour vos pensées d'anniversaire !

    Je suis très touchée et je voulais vous le dire avec ces quelques mots...

     

    Les personnes qui désirent lire ou relire un billet concernant la symbolique du signe du Bélier peuvent cliquer sur le lien ci-dessous :

     Le Bélier dans les Arts et le Folklore...

     (http://chimereecarlate.over-blog.com/2018/04/le-belier-dans-les-arts-et-le-folklore.html)

     

    Plusieurs d'entre vous connaissent déjà mon deuxième blog : La Chimère écarlate...   Un lieu sans prétention où je publie ce qui me passe par la tête et il s'en passe des choses... sourires !

     

    Gros bisous et merci encore !!!

     

    Cendrine

     

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     Le Bélier par Antonella Castelli

    Plume

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    A l'angle de la place Gaillon et de la rue de la Michodière, dans le IIe arrondissement de Paris, une élégante fontaine (ancienne fontaine Louis le Grand puis fontaine d'Antin) est adossée à la façade d'un hôtel particulier du 17e siècle. L'hôtel, qui abrite aujourd'hui un restaurant, fut construit par Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) en 1672 pour le sieur Nicolas de Frémont (1622-1696), gardien du trésor royal. J'en avais montré différents aspects il y a quelques années...

     

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    Dessin de Frederick Nash (1782-1856), peintre, aquarelliste et lithographe anglais. Source gallica.bnf.fr.

     

    Le duc de Lorge, gendre de Nicolas de Frémont, fit agrandir l'hôtel et démolir à cet effet la porte Gaillon qui marquait la limite de l'enceinte construite à partir de 1638, sous le règne de Louis XIII.

     

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    Gravure de Charles Heath (1785-1848) d'après un dessin de Auguste Charles Pugin (1769-1832).

     

    L'hôtel de Lorge connut plusieurs propriétaires. Il fut appelé hôtel de Travers puis hôtel de Chamillard, hôtel d'Antin et hôtel de Richelieu. Il accueillit le duc de Richelieu, l'ambassadeur d'Espagne et la princesse de Bourbon-Conti, fille de Louis XIV.

     

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    La fontaine fut érigée en 1707 au carrefour de Gaillon, entre les rues du Port-Mahon et de la Michodière, par Jean Beausire (1651-1743), architecte, contrôleur et inspecteur des bâtiments de la Ville de Paris.

     

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    Située entre les égouts de la rue Neuve Saint-Augustin et de la rue Gaillon, elle fut remplacée en 1828 par un édifice conçu par Louis Visconti (1791-1853), architecte émérite, maître du projet de restauration du Louvre et de réunion du Louvre et des Tuileries. Les sculptures, façonnées par Georges Jacquot (1794-1874), ont été restaurées en 1971 par Emmanuel Oberdoerffer, architecte voyer de la ville de Paris.

     

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    Dans une grande niche hémisphérique, flanquée de deux colonnes composites finement ciselées et décorées de poissons fantastiques, un jeune triton chevauche un dauphin. Il portait auparavant un trident dont il ne reste que le manche.

     

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    Photographie trouvée sur le net, je n'en connais pas l'auteur.

     

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    L'enfant au dauphin appartient au cortège de la belle Amphitrite, néréide, déesse marine, et parfois gardienne des fontaines et des sources. Messager de Poséidon, le dieu des océans qui s'éprit d'Amphitrite, le dauphin devint une constellation, en remerciement de ses bons et loyaux services.

     

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    Autrefois, l'eau s'écoulait dans une vasque ornée de gargouilles léonines qui crachaient l'eau recueillie dans une large vasque appuyée sur un socle décoré de poissons et de plantes aquatiques.

     

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    Symboles d'opulence et de fécondité, les ornements de la fontaine (oves, rinceaux, algues, coraux, épis de blé, ajoncs, roseaux, fleurs, cornes d'abondance, poissons, coquillages, chimères aquatiques...) témoignent d'une grande finesse d'exécution.

     

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    Aux extrémités de la fontaine, des dragons marins veillent à la bonne circulation des eaux de la ville.

     

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    Ces créatures symbolisent l'énergie qui serpente, sous forme liquide, dans les entrailles de la terre. Elles évoquent les forces primitives de la Nature et les esprits familiers de l'eau, gardiens de l'élément source de la vie.

     

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    Symboles de luxuriance et de fécondité, les coquillages sont les « enfants des dieux ». Jaillis du souffle de l'Océan primordial, ils sont bercés par les déesses de l'amour et de la fertilité. On peut entendre, en les frôlant, l'enivrante gamme des sons originels. Un peu comme si l'on frappait, avec un objet sacré, sur le perron d'une ancienne fontaine pour susciter la pluie.

     

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    Des vases à anses fantastiques, de style Renaissance, reposent au sommet des colonnes qui encadrent la niche principale.

     

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    La fontaine Gaillon décore aujourd'hui la terrasse d'un restaurant qui appartient à Gérard Depardieu. L'adresse est très connue. Au fil de mes lectures, j'ai constaté que les avis concernant la qualité de la cuisine étaient plutôt partagés. Certains la trouvent excellente, d'autres considèrent que c'est surfait et affichent leur déception. N'y ayant pas mangé, je ne me prononcerai pas.

     

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    Photographie répertoriée sous le nom d'Armand Guérinet (libraire-éditeur actif de la fin du XIXe siècle aux années 1920).

     

    La petite grille située au pied de la fontaine et les deux lampadaires ont disparu.

     

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    Photographie d'Eugène Atget (1857-1927). Source gallica.bnf.fr, cote Est Eo 109b bte3.

     

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    Merci de votre fidélité, gros bisous et belles pensées...

    Plume

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