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Doigts de lutins et calices de fées
S'il est une plante qui m'a souvent happée vers des contrées imaginaires, c'est bien la digitale, à la fois sorcière et fée.
Cette belle vénéneuse se laisse admirer dans les grimoires, sur le bord des chemins et aussi dans les rues de Paris. Je l'ai d'abord croisée près de l'Hôtel de Sens, dans le quartier du Marais.
Je l'ai ensuite retrouvée dans le jardin qui se love au pied de la Tour Saint-Jacques.
La digitale pourprée (digitalis purpurea) appartient à la famille des Scrofulariacées. Son nom vient du latin « digitus » qui signifie doigt. Ses grandes hampes florales peuvent atteindre 160 cm. Ses larges feuilles ovales dessinent une rosette duveteuse à leur base. Ses fleurs sont des calices pourpre rosé, constellés de traces blanches, rouges ou violacées à l'intérieur. Elle aime les bords de routes, les clairières, les vieilles forêts de conifères et fleurit de juin à septembre.
Ses noms poétiques titillent l'imagination...
- Gant de sorcière
- Gant de fée
- Gant de bergère
- Gantelet
- Queue de loup
- Herbe aux loups
- Witches thimble: dé à coudre des sorcières
- Purple foxglove: gant pourpre du renard
- Foxes glofa: gant du renard
- Gloves of our Lady: les gants de Notre-Dame
- Dead man's bell: les cloches de l'homme mort
- Bloody finger: le doigt ensanglanté
- Fingerhut: chapeau de doigt
Jusqu'au XVIe siècle, la digitale était appelée « damoyselle » ou « simbalaria », comme en témoignent les herbiers anciens.
Cette planche est extraite de l'Histoire des plantes d'Europe de Poiret, (1825-1829). L'ouvrage en question est conservé à la Bibliothèque de la société nationale d'horticulture de France, à Paris.
Ses feuilles sont gorgées de principes actifs toxiques qui agissent sur les muscles du cœur. Au XIIIe siècle, un remède à base de digitale était utilisé pour soigner les ulcères et les lésions de la peau.
Enluminure extraite des Grandes Heures d'Anne de Bretagne (1503-1508). Ce superbe manuscrit fut illustré par le peintre Jean Bourdichon.
D'après les anciennes croyances, les lutins ont trempé leurs doigts dans la rosée de Minuit ou dans le suc de certaines baies et dessiné des mouchetures à l'intérieur des calices soyeux. Ces empreintes digitales (!) composent une écriture magique que les sorcières peuvent interpréter.
Le Petit Peuple apprécie particulièrement la digitale. Les lutins et les fées transforment les clochettes en moufles ou en bonnets chatoyants. Au crépuscule ou à l'aurore, ils dansent en rondes facétieuses autour des hampes colorées.
En Angleterre, si on suspend une digitale à la porte d'une habitation, les fées l'interprètent comme une invitation à entrer.
Gorgée de rosée, la digitale est dotée de pouvoirs très puissants. Elle peut réveiller des créatures magiques et des dragons endormis sous des collines et de vieux châteaux.
Avec le suc de la digitale, les sorcières concoctaient des potions de sommeil et de mort qui faisaient voyager l'esprit vers des territoires de pure magie. Dans l'ancienne Angleterre, où le Wort Cunning désignait l'art d'utiliser les propriétés secrètes des herbes, la digitale était considérée comme une des plantes fétiches de la pharmacopée traditionnelle.
Dans nos campagnes, il faut se méfier de la redoutable « broche de mort » qui consiste à percer des fleurs de digitale avec sept épines noires. Ce maléfice est considéré comme un des plus dangereux.
De la digitale à la digitaline
William Withering, (1741-1799) médecin et botaniste anglais, « découvrit » les propriétés cardiotoniques de la digitale en 1785. Il écrivit An account of the foxglove and some of its medical uses. S'intéressant à des remèdes « populaires » utilisés par des guérisseuses, il rencontra une "sorcière" qui utilisait une potion à base de digitale contre les problèmes cardiaques. Il put obtenir la recette, étudier ses composants et travailler sur les différentes substances que contenait la digitale. La digitaline fut isolée, en 1868, par le pharmacien et chimiste Claude-Adolphe Nativelle.
Dans le tumulte de la ville, laissons la magie nous entraîner sur les terres du Petit Peuple, dans la beauté des fleurs et leur étrangeté fascinante. Mais, ayant vu quelqu'un déterrer discrètement un pied de digitale, il va sans dire qu'il ne faut pas tenter de fabriquer soi-même potions et onguents. Pour les personnes qui aimeraient contempler la « damoyselle » dans leur jardin, on peut la trouver, sous forme de mottes maraîchères, ou semer ses graines, dans un sol de préférence acide ou siliceux, de l'automne à la fin du printemps.
Référencement sur http://www.etoile-blog.com
Tags : digitale, doigt, sorciere, fee, gant
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Commentaires
95Promeneur75Lundi 31 Décembre 2018 à 22:33Répondre94Promeneur75Lundi 31 Décembre 2018 à 22:3293Promeneur75Lundi 31 Décembre 2018 à 22:1692Promeneur75Lundi 31 Décembre 2018 à 22:1591Promeneur75Lundi 31 Décembre 2018 à 22:14bonjour Cendrine
je ne connaissais par du tout cette fleur qui et tès belle et en te lisant voilà j ai appris encore une fois très interessant bien sur et je ne pense pas en avoir vue heureusement tes clichés son beaux sur elles merci et je te souhaite un excellent Jeudi bisous danielle
26NessaDimanche 3 Mars 2013 à 03:1725zaza deParisDimanche 3 Mars 2013 à 03:1724Maya l'abeilleDimanche 3 Mars 2013 à 03:17Que de belles fleurs !!!
Savez-vous que Paris non seulement regorge de fleurs très variées à la différence des campagnes trop pesticidées et uniformisées par une agriculture trop intensive, mais que ces fleurs parisiennes sont aussi peuplées par des abeilles . Pourriez-vous à l'occasion en toucher un mot ?
23nain de jardinDimanche 3 Mars 2013 à 03:1722zazaDimanche 3 Mars 2013 à 03:1721MaillaDimanche 3 Mars 2013 à 03:1720Rose HuanDimanche 3 Mars 2013 à 03:1719TinaDimanche 3 Mars 2013 à 03:1718Promeneur75Dimanche 3 Mars 2013 à 03:17Quelle fascination pour les fleurs dans Paris. Certes oui je ne saurai démentir, Paris est une ville fleurie! A quand peut-être un article sur les murs de végétation qui gagnent du terrain sur les espaces urbains?
Chère Martine,
C'est très heureuse que je réponds à ton gentil commentaire! Mais tu dois être sacrément heureuse aussi, à cette heure-ci!
Les digitales sont superbes, je les adore...
Demain soir, je mettrai en ligne un article rempli de fleurs...
Gros bisous et gros soulagement! Il y aura plein d'épreuves mais ça en vaut la peine...
Cendrine
Je les aime beaucoup, j'en ai dans mon jardin et quand il y a des abeilles qui les butinent cela fait de la musique. Bises et bon dimanche citoyen et peut être le bonheur ce soir. Bises
Je te remercie Line et je souffle vers toi des pensées colorées et de gros bisous!
Belle nuit
Cendrine
une vraie leçon
la digitale sous ta plume ressemble à une hampe royale
que de chose j'apprends avec toi
un merveilleux professeur
bisous très frais
je file j'ai une réunion
Bonsoir May,
Tu m'as fait très plaisir en lisant cet article qui est un des tous premiers de mon blog.
Nous nous découvrons de nouveaux points communs. Les herbiers magiques et les légendes autour du Petit Peuple me fascinent depuis l'enfance.
Ta grand-mère devait être une personne adorable et admirable, douce et cultivée... Les souvenirs nous réchauffent le coeur et l'âme!
Je te remercie d'être venue explorer mes écrits.
Je te souhaite de Joyeuses Pâques et je t'embrasse bien fort!
Cendrine
Chère Cendrine, tu ne peux me faire plus plaisir en évoquant cette fleur empreinte de croyances féériques et de magie.
D'une part, ton article fait ressurgir des souvenirs d'enfance, car il y en avait au fond du jardin de ma grand mère. Elles les appelaient "chapeaux de fées". Et elle me racontait de merveilleuses histoires qui fascinaient mon coeur d'enfant. D'autre part, je suis friande des contes et légendes liées au petit peuple et je collectionne depuis plusieurs années déjà, les livres et les vieilles illustrations qui s'y rapportent. Donc, c'est avec bonheur que je plonge dans la lecture de ton article!
Je pars demain à La Teste pour passer quelques jours avec mes parents. Je penserai à toi en regardant notre beau Bassin!
Gros bisous et bonne soirée Cendrine!
Merci cher Noctamplume!
Ces fleurs sont envoûtantes et liées à de tendres souvenirs, en ce qui te concerne...
Leur toxicité est grande mais il faudrait être vrament en contact avec leur suc ou boire l'eau de trempage pour être en danger. C'est pareil avec le muguet, riche en convallatoxine, qui peut arrêter le coeur...
Je te remercie pour tes charmantes visites et ton amitié.
Bisous et très bon début de semaine.
Cendrine
De magnifiques fleurs Cendrine
J'en ai eu quelques unes dans mon jardin de mon avant dernière demeure, mais je ne lui connaissait pas toutes ces propriétés et je ne savais même pas qu'elle était toxique.
Je l'appréciais beaucoup pour la mélanger à des bouquets variés que je disposais sur la table de la salle à manger avant que ma femme ne rentre de son travail.
Merci pour cet article très instructif
bisous et bon lundi
Amitié
Le Noctamplume
Merci beaucoup Claude! J'aime énormément ces fleurs qui nous ouvrent les portes de mondes magiques. J'aime l'hiver mais j'attends avec impatience le printemps pour saisir avec mon appareil photo ces beautés en robes féeriques. Un grand merci pour tes charmantes visites. C'est un formidable encouragement (je prépare mon nouvel article, il sera consacré au Pont-neuf dont j'adore les mascarons...). Excellent dimanche. Bisous. Cendrine
moi qui suis amoureux de toute les fleurs je viens de passer un véritable instant de bonheur...elle est magnifique avec ces délicieuses clochettes...je ne me lasse jamais d'admirer ces beautés..;comme en plus vient s'y greffer un article trés bien documenté c'est formidable à lire...je passe chez toi des moments divins...; merci ..;bon dimanche..;bisous
claudeBonsoir Maya, vous avez pleinement raison. Les fleurs de Paris témoignent d'une attention profonde envers la nature qui se perd hélas, pas dans toutes les campagnes évidemment, mais dans beaucoup de lieux qualifiés de "déserts verts". Ces deux mots associés m'effrayent littéralement. On dirait, à travers eux, que les fleurs sont devenues des ennemies à détruire avec des produits toxiques. Les abeilles, en voie de conséquence, sont victimes d'empoisonnements variés or sans les abeilles nous ne ferions pas long feu, nous humains prétentieux...
Merci à vous. Cendrine
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