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    A l'angle de la place Gaillon et de la rue de la Michodière, dans le IIe arrondissement de Paris, une élégante fontaine (ancienne fontaine Louis le Grand puis fontaine d'Antin) est adossée à la façade d'un hôtel particulier du 17e siècle. L'hôtel, qui abrite aujourd'hui un restaurant, fut construit par Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) en 1672 pour le sieur Nicolas de Frémont (1622-1696), gardien du trésor royal.

     

     

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     Dessin de Frederick Nash (1782-1856), peintre, aquarelliste et lithographe anglais. Source gallica.bnf.fr.

     

    Le duc de Lorge, gendre de Nicolas de Frémont, fit agrandir l'hôtel et démolir à cet effet la porte Gaillon qui marquait la limite de l'enceinte construite à partir de 1638, sous le règne de Louis XIII.

     

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    Gravure de Charles Heath (1785-1848) d'après un dessin de Auguste Charles Pugin (1769-1832).

     

    L'hôtel de Lorge connut plusieurs propriétaires. Il fut appelé hôtel de Travers puis hôtel de Chamillard, hôtel d'Antin et hôtel de Richelieu. Il accueillit le duc de Richelieu, l'ambassadeur d'Espagne et la princesse de Bourbon-Conti, fille de Louis XIV.

     

     

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    La fontaine fut érigée en 1707 au carrefour de Gaillon, entre les rues du Port-Mahon et de la Michodière, par Jean Beausire (1651-1743), architecte, contrôleur et inspecteur des bâtiments de la Ville de Paris.

     

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    Située entre les égouts de la rue Neuve Saint-Augustin et de la rue Gaillon, elle fut remplacée en 1828 par un édifice conçu par Louis Visconti (1791-1853), architecte émérite, maître du projet de restauration du Louvre et de réunion du Louvre et des Tuileries. Les sculptures, façonnées par Georges Jacquot (1794-1874), ont été restaurées en 1971 par Emmanuel Oberdoerffer, architecte voyer de la ville de Paris.

     

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    Dans une grande niche hémisphérique, flanquée de deux colonnes composites finement ciselées et décorées de poissons fantastiques, un jeune triton chevauche un dauphin. Il portait auparavant un trident dont il ne reste que le manche.

     

    La Fontaine Gaillon

     Photographie trouvée sur le net, je n'en connais pas l'auteur.

     

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    L'enfant au dauphin appartient au cortège de la belle Amphitrite, néréide, déesse marine, et parfois gardienne des fontaines et des sources. Messager de Poséidon, le dieu des océans qui s'éprit d'Amphitrite, le dauphin devint une constellation, en remerciement de ses bons et loyaux services.

     

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    Autrefois, l'eau s'écoulait dans une vasque ornée de gargouilles léonines qui crachaient l'eau recueillie dans une large vasque appuyée sur un socle décoré de poissons et de plantes aquatiques.

     

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    Symboles d'opulence et de fécondité, les ornements de la fontaine (oves, rinceaux, algues, coraux, épis de blé, ajoncs, roseaux, fleurs, cornes d'abondance, poissons, coquillages, chimères aquatiques...) témoignent d'une grande finesse d'exécution.

     

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    Aux extrémités de la fontaine, des dragons marins veillent à la bonne circulation des eaux de la ville.

     

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    Ces créatures symbolisent l'énergie qui serpente, sous forme liquide, dans les entrailles de la terre. Elles évoquent les forces primitives de la Nature et les esprits familiers de l'eau, gardiens de l'élément source de la vie.

     

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    Symboles de luxuriance et de fécondité, les coquillages sont les « enfants des dieux ». Jaillis du souffle de l'Océan primordial, ils sont bercés par les déesses de l'amour et de la fertilité. On peut entendre, en les frôlant, l'enivrante gamme des sons originels. Un peu comme si l'on frappait, avec un objet sacré, sur le perron d'une ancienne fontaine pour susciter la pluie.

     

     

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    Des vases à anses fantastiques, de style renaissance, reposent au sommet des colonnes qui encadrent la niche principale.

     

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    La fontaine Gaillon décore aujourd'hui la terrasse d'un restaurant qui appartient à Gérard Depardieu. L'adresse est très connue. Au fil de mes lectures, j'ai constaté que les avis concernant la qualité de la cuisine étaient plutôt partagés. Certains la trouvent excellente, d'autres considèrent que c'est surfait et affichent leur déception. N'y ayant pas mangé, je ne me prononcerai pas.

     

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    Je suis surtout intéressée par la fontaine. Hélas, les parasols ouverts altèrent la beauté de l'ensemble. Je précise que cette photo n'a pas été prise en été mais au moment de Noël, en 2013. Il faisait froid et les parasols empiétaient pourtant sur la fontaine. Dans mon dos, des gens s'activaient pour décharger des cartons sur le trottoir. J'essayais de ne pas prendre trop de place mais je sentais bien que ma présence n'était pas souhaitée. S'ils avaient pu me virer de là ils l'auraient fait... Bref, on est censé venir consommer et non contempler une oeuvre d'art qui fait partie de notre patrimoine urbain.

     

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     Photographie répertoriée sous le nom d'Armand Guérinet (libraire-éditeur actif de la fin du XIXe siècle aux années 1920).

     

    La petite grille au pied de la fontaine et les deux lampadaires ont disparu.

     

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     Photographie d'Eugène Atget (1857-1927). Source gallica.bnf.fr, cote Est Eo 109b bte3.

     

    La fontaine Gaillon se dresse face au restaurant Drouant qui se niche dans un bel immeuble d'angle en pierre de taille.

     

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    En ce haut lieu de l'histoire romanesque, artistique et gastronomique de Paris, le Prix Goncourt est décerné chaque année.

     

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    En 1880, un alsacien nommé Charles Drouant ouvrit un café qui devint rapidement l'un des restaurants les plus courus du tout Paris. Les artistes (Renoir, Monet, Pissarro, Rodin, Colette, Apollinaire, Daudet père et fils, Octave Mirbeau...) venaient y déguster des vins blancs renommés, des poissons savoureux et des huîtres fines de Bretagne. Sous la houlette du chef Antoine Westermann, le lieu continue de séduire par la qualité de sa cuisine, son aura de temple de la littérature et ses imposants murs clairs aux ornements de style rocaille.

     

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    Les façades du Drouant sont rehaussées de lignes souples, de volutes et de cartouches aux fines découpures. Les fenêtres ont de beaux garde-corps en fer forgé.

     

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    Des balconnets en encorbellement animent la structure générale par des jeux d'ouverture subtils et la fantaisie de leurs lignes courbes.

     

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    A l'intérieur, les visiteurs admirent des bas-reliefs, un escalier en fer forgé et des glaces gravées qui datent des années 1920. Elles sont l'oeuvre du décorateur Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933). J'aurais aimé pouvoir les photographier...

     

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    Image lesRestos.com

     

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    Le restaurant Drouant accueillit, le 31 octobre 1914, la réunion des « Dix » de l'Académie Goncourt qui se retrouvaient « sans table » après la fermeture du Café de Paris. En ce lieu typique des charmes de la capitale se « mitonnent » depuis un siècle les prix littéraires, en souvenir des frères Goncourt : Edmond et Jules, liés par une passion commune.

     

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    Le premier mardi de chaque mois, sauf en été, les académiciens déjeunent dans le salon Goncourt du premier étage.

     

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    Le Prix Goncourt est décerné tous les ans au début du mois de novembre (l'attribution du premier prix Goncourt date de décembre 1903.) L'auteur désigné reçoit un chèque de dix euros mais surtout l'assurance d'un tirage très important et la reconnaissance de ses pairs. Le salon Goncourt est situé près du salon Renaudot où, depuis 1926, le jury décerne son prix le même jour et à la même heure que les «Dix».

     

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    Les Goncourt : Edmond (1822-1896) et Jules (1830-1870).

     

    L'amour fraternel des Goncourt fut à l'origine d'un curieux « prénom collectif », sorte de signature créatrice : « Juledmond ». Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, ces « mangeurs d'art » fréquentèrent le tout Paris.

     

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    Leur Journal témoigne de l'intensité de leur relation, de leurs amours artistiques et du talent de Jules pour l'écriture. Après la mort de ce dernier, Edmond poursuivit les travaux littéraires engagés tout en menant ses activités de collectionneur.

     

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    Inspiré par son grand-père Huot de Goncourt et sa mère, Annette Cécile Guérin, qui fréquentait le dimanche les antiquaires du Faubourg Saint-Antoine, il réhabilita le XVIIIe siècle dans le goût français et fut l'initiateur du Cercle des Japonisants.

     

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    La grande vague de Kanagawa par Katsushika Hokusai (1760-1849), artiste polyvalent, maître de la peinture et du dessin. Il s'agit de la première estampe de la série des « Trente-six vues du mont Fuji ».

     

    Edmond de Goncourt fut, par la publication de monographies consacrées aux maîtres de l'ukiyo-e, « peinture du monde éphémère » ou « images du monde flottant », l'un des tous premiers auteurs (si ce n'est le premier) à présenter au monde occidental les merveilles de cet art.

     

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    Ne manquez pas de visiter, si l'occasion se présente, à deux pas de l'Opéra Garnier, la place Gaillon et sa jolie fontaine ainsi que le Drouant et ses pépites gustatives (sauf bien sûr en cas de remise de prix littéraire car l'accès est strictement réglementé et toute approche non accréditée impossible).

    Le quartier regorge de petites places, de squares ombragés et de rues calmes qui contrastent avec l'effervescence régnant sur les Grands Boulevards. Alors bonne promenade !

     

    Bibliographie

     

    Amaury DUVAL: Les Fontaines de Paris, anciennes et nouvelles. Nouvelle édition, Paris: Bance aîné, 1828.

     

    Guy LE HALLÉ: Histoire des fortifications de Paris. Paris: Horvath, 1995.

     

    Pierre-Thomas-Nicolas HURTAUT: Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris : Moutard, 1779.

     

    Adolphe JOANNE: Paris illustré. Paris: Hachette, 1863.

     

    Pierre KJELLBERG: Le nouveau guide des statues de Paris. Paris: la Bibliothèque des Arts, 1988.

     

    Théophile LAVALLÉE: Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusqu'en 1850. Paris: Hetzel, 1852.

     

     

    Je vous souhaite, ainsi qu'à vos proches, une excellente rentrée... Amicales pensées!

     

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    Image trouvée sur le net, merci à la personne qui l'a créée et diffusée.

     

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     La Fontaine Saint-Michel, la plus haute fontaine de Paris, se dresse sur la Place Saint-Michel, dans le 6e arrondissement de la capitale. Emblématique des travaux orchestrés par le Baron Haussmann sous le Second Empire, elle attire de nombreux parisiens, des franciliens, des visiteurs de province et du monde entier.

     

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     Conçue comme un décor de théâtre, elle est un célèbre point de rendez-vous et une vitrine du Paris moderne, érigé sur les vestiges de rues médiévales aux noms évocateurs: rue de la Harpe, rue des Rats ou de la Pomme d'or... Je vous invite à découvrir ou à redécouvrir les détails de cette composition urbaine dédiée à l'archange Saint-Michel, protecteur de l'Île de la Cité et de ses alentours.

     

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     La fontaine Saint-Michel est l'émanation d'une volonté particulière, celle de Georges Eugène Haussmann (1809-1891) de mettre en oeuvre un plan de réaménagement et d'embellissement de la capitale, fondé sur l'aération du tissu urbain. Doté d'une forte personnalité, comme en témoigne ce portrait d'Henri Lehmann (1814-1882) conservé au musée Carnavalet, il dirigea une campagne de travaux pharaoniques, inspirée par les théories hygiénistes de son temps.

    Excellent orateur, écrivain, haut fonctionnaire et défenseur acharné d'une nouvelle politique de la Ville, il fut nommé Préfet de la Seine en 1853.

    Avec une ardeur infatigable, il entreprit de faire percer de nouvelles voies pour favoriser la circulation des véhicules et des piétons. Des boulevards, des avenues et de grandes perspectives virent le jour et un luxuriant maillage de squares et de jardins fut créé.

    Dans le prolongement de l'esprit des « Lumières », la Ville devint, à l'époque de Napoléon III (1808-1873), un espace maîtrisé, doté d'un ample quadrillage, de promenades plantées et d'immeubles somptuaires mais Haussmann voulait aussi faciliter le déploiement de troupes militaires en cas de soulèvements civils. Il fut, à cet égard, particulièrement décrié.

     

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    La fontaine Saint-Michel reflète les critères architecturaux et esthétiques édictés par le Baron. Construite à partir de 1858 et inaugurée en 1860, en bordure du boulevard Saint-Michel (terminé en 1859) et de la rue Danton qui descend vers la Place Saint-André-des-Arts, elle se situe dans l'axe du boulevard du Palais qui traverse l'Île de la Cité.

     

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     Élaborée dans un style éclectique par l'architecte Gabriel Davioud (1824-1881), elle se présente comme une sorte d'arc de triomphe antique, destiné à commémorer la victoire de l'archange Saint-Michel sur son adversaire.

     

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    Sa structure est celle d'une fontaine-mur, à l'instar de la Fontaine Médicis au Jardin du Luxembourg et de la Fontaine des Quatre-Saisons située rue de Grenelle, dans le 7e arrondissement de Paris.

     

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    La Fontaine Médicis

     

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    La Fontaine des Quatre Saisons, érigée par Edme Bouchardon, entre 1739 et 1745.

     

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    La fontaine Saint-Michel est l'un des plus remarquables monuments de Paris mais sa mise en scène complexe et son décor foisonnant et polychrome, lié à l'utilisation de marbre rose et vert du Languedoc, de pierre bleue de Soignies (Belgique) et de calcaire jaune de Saint-Ylie (Jura), ne firent pas l'unanimité lors de sa construction.

     

    « Dans ce monument exécrable,

    On ne voit ni talent ni goût,

    Le Diable ne vaut rien du tout;

    Saint-Michel ne vaut pas le Diable »

    (Quatrain anonyme)

     

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    Au-dessus d'un rocher sculpté par Félix Saupin, Saint-Michel, le chef des milices célestes, brandit son épée flamboyante et prend l'ascendant sur le Diable déchu.

     

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     Ce groupe fut exécuté par Francisque Duret (1804-1865) qui s'inspira d'un tableau de Raphaël (1483-1520), « Le Grand Saint-Michel », aujourd'hui visible au Louvre.

     

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     L'oeuvre, datée de 1518, fut commanditée par le pape Léon X (Jean de Médicis). Destinée à symboliser la bonne entente entre les peuples, elle fut offerte au roi François Ier à l'occasion du mariage de Laurent de Médicis, neveu du pape, avec Madeleine de la Tour d'Auvergne. Cette union donna naissance à Catherine de Médicis (1519-1589).

     

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    A l'origine du projet, la niche centrale devait accueillir une statue monumentale de Napoléon Ier mais le choix du thème de Saint-Michel s'imposa, en référence à un ancien lieu de culte consacré à l'archange libérateur, à proximité de l'Île de la Cité.

     

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    Deux imposantes chimères, créations d'Henri-Alfred Jacquemart dit Alfred Jacquemart, se dressent de part et d'autre du grand bassin.

     

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    Alfred Jacquemart (1824-1896) se spécialisa dans la sculpture d'animaux et de créatures fantastiques. Il réalisa deux lions pour l'Hôtel de Ville de Paris, les lions de la fontaine de la place Félix Éboué, les aigles des colonnes rostrales de l'Opéra Garnier, le rhinocéros du parvis du Musée d'Orsay et les sphinx de la fontaine aux palmiers de la place du Châtelet. Il conçut en 1869 la statue équestre de Louis XII pour l'Hôtel de Ville de Compiègne et la maquette en cire de la statue de Napoléon III, destinée à orner les Guichets du Louvre.

     

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    Très appréciées à leur époque et dans les décennies qui suivirent, les chimères de la place Saint-Michel servirent de modèle pour créer des figurines en bronze, des serre-livres et des presse-papiers.

     

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     Chimère, monstre composite, mosaïque d'êtres issus des profondeurs de l'inconscient, messagère de mondes mystérieux, gardienne des forces telluriques... Mélange de lion (tête), de quadrupède pas vraiment déterminé (corps), de serpent ou de dragon (queue) et d'oiseau (grandes ailes). Pour certains auteurs, elle aurait deux têtes, celle d'une chèvre et celle d'un lion. Pour d'autres, elle serait la fille des Titans Typhon et Echidné, à la fois mère des tempêtes, des eaux sombres et des éruptions volcaniques, incarnation des fantasmes, des peurs et des désirs inassouvis... Elle fut combattue par le héros Bellérophon qui chevauchait Pégase, le féerique cheval ailé.

     

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    Dans la partie haute du monument, s'élèvent quatre statues qui représentent les Vertus Cardinales, soit la Prudence, la Justice, la Force et la Tempérance. Elles s'appuient sur l'entablement des colonnes en marbre rose et dominent des écussons à tête de lion.

     

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    La Prudence, sculptée par Jean-Auguste Barre (1811-1896), a pour attributs le miroir et le serpent.

     Souvent considérée comme une femme aux deux visages, elle tient un miroir, oeil magique qui permet d'accéder à la connaissance de soi, à la conscience de ce qui fut, de ce qui est et de ce qui pourrait advenir. Les ouvrages anciens la représentent parfois casquée d'un heaume doré et entouré d'une guirlande de feuilles de mûrier; accompagnée d'un cerf qui rumine ou d'un oiseau de nuit; tenant une flèche et un petit poisson appelé rémora, une clepsydre (horloge à eau), un livre ou un compas. Avec le miroir, son principal attribut est le serpent. Gardien des secrets, démiurge, porteur et passeur de connaissance, le serpent qui s'enroule autour de son bras est appelé « le vigilant ».

    « La Prudence, selon Aristote, est une habitude active, accompagnée d'une vraie raison, qui agit sur les choses possibles, pour atteindre à la félicité de la vie, en suivant le bien et fuyant le mal. » Iconologie ou explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes et autres figures hiéroglyphiques des Vertus, des Vices, des Arts, des Sciences, des Causes naturelles, des Humeurs différentes et des Passions humaines. Tirées des recherches et des figures de César Ripa, moralisées par Jean Baudoin. A Paris, chez Mathieu Guillemot, 1644. P.164.

     

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    Le serpent de la Prudence rappelle celui de la déesse Hygie (voir mon article intitulé La Fontaine de Mars et Hygie).

     

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    La Justice, armée de son glaive, est l'oeuvre d'Élias (Louis-Valentin) Robert (1821-1874).

     Gardienne de l'équilibre cosmique, la Justice incarne l'ordre et la sagesse qui s'opposent à l'obscurantisme et au chaos. « C'est l'opinion de Platon que rien ne peut échapper aux yeux de la Justice (Maât) et qu'à raison de cela les anciens Prêtres des Égyptiens, disaient que par la force de la vue elle pénétrait dans le fonds de toutes choses. De là vient aussi qu'Apulée jure par l'oeil du Soleil et de la Justice ensemble, pour montrer que l'un est aussi clairvoyant que l'autre. » Iconologie de César Ripa, seconde partie, p.56.

    Elle est représentée par la déesse Thémis (la justice divine) et par Dicé ou Diké, fille de Zeus et de Thémis et personnification de la justice humaine. Dicé est l'une des Heures. Ses soeurs sont Eunomie (la Loi et l'Ordre) et Eiréné (la Paix). On la nomme également Astrée, la « femme-étoile » ou « l'éclair brillant ». D'après les Métamorphoses d'Ovide, Astrée vécut parmi les Hommes pendant la période de l'Âge d'Or mais quand arriva l'Âge du Fer, pour échapper à la corruption de l'humanité, elle fut placée par Zeus dans le ciel et devint la constellation de la Vierge, avec pour attribut principal la balance.

     

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    (Oeuvre de Kinuko Y Craft, artiste contemporaine.)

     Vengeresse des crimes, elle porte l'épée de Némésis, le châtiment divin.

     

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     « Le glaive de la Justice n'a pas de fourreau ». Cette citation du philosophe Joseph de Maistre (1753-1821) souligne l'importance du combat contre « la corruption des caractères et des habitudes qui engendre les venins les plus mortels ».

     

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    La Tempérance est l'oeuvre de Charles Gumery (1827-1871).

     « On la dépeint avec une bride à la main (…) car cette vertu apporte la modération requise, hors de laquelle les choses qui vont dans l'excès détruisent entièrement le sujet où elles s'attachent, comme par leur débordement les grandes rivières ravagent tout ce qu'elles rencontrent. » Iconologie, p.187.

     

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    La Force, création d'Eugène Guillaume (1822-1905), revêt la peau du Lion de Némée et s'appuie sur la massue en chêne d'Hercule.

     « Elle porte la physionomie d'une personne robuste (…), la taille belle, les épaules larges, les membres nerveux... Ses armes (lance, massue) sont des symboles de la force de son corps et le rameau qu'elle tient en main en est un de celle de son esprit. Par l'un elle résiste aux armes matérielles et par l'autre, aux spirituelles, qui sont les vices. Ce qui nous est démontré par le Chêne, arbre que les poètes ont toujours cru plus fort que les autres. » Iconologie, p.77.

     

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    Ces quatre Vertus soulignent la victoire de Saint-Michel, guerrier des forces de lumière, sur le Diable au visage humain.

     

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    Au sommet de la fontaine, veillent les allégories de la Puissance et de la Modération.

     

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     De gracieux angelots se fondent dans un décor néo-renaissance composé de palmes et de rinceaux.

     

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     Ces ornements sont l'oeuvre de Marie-Noémi Cadiot (1828-1888) alias Noémie Constant, femme de lettres et sculpteur, activement féministe. Elle fut l'élève de James Pradier (1790-1852) et l'épouse du célèbre occultiste Éliphas Lévi (1810-1875), de son vrai nom Adolphe-Louis Constant.

     

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    Les armoiries de Paris dominent la niche centrale, rappelant la toute puissance économique de Paris, initiée par la Hanse ou Guilde des marchands de l'eau d'où l'emblème « fluctuat nec mergitur »: « il est battu par les flots mais ne sombre pas ».

     

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    Une plaque, installée sur un côté de la fontaine, nous rappelle que, du 19 au 25 août 1944, la place Saint-Michel fut le théâtre de nombreux combats. De par sa situation sur la rive gauche de la Seine, elle était un lieu de passage obligatoire pour les troupes allemandes qui se dirigeaient vers l'est ou le nord de la capitale. Ces mots gravés célèbrent la mémoire des insurgés qui luttèrent le long du boulevard Saint-Michel, rebaptisé « boulevard de la mort ».

     

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    Témoignage grandiose ou grandiloquent (selon les goûts) de la politique d'embellissement du Second Empire et d'une vision nouvelle de l'espace urbain, la fontaine Saint-Michel est plus que jamais un lieu de partage, de rencontre et de rendez-vous. Elle offre un très beau panorama sur la Seine et Notre-Dame et constitue le point de départ de plusieurs promenades à travers les méandres du Quartier Latin.

     

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    Vue sur le quai des Orfèvres et la flèche de la Sainte-Chapelle depuis la fontaine Saint-Michel.

     

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    Vue sur les atours de Notre-Dame mais ceci est une autre histoire...

     

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     Merci de votre fidélité, amicalement!

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    130 commentaires
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    Ami(e)s lectrices et lecteurs,

    Je vous remercie pour votre gentillesse et votre fidélité. Retrouvant l'usage de ma connexion Internet, je prends connaissance de vos messages et de vos commentaires et je suis très touchée. Cette « panne » était due aux travaux du tramway de Sarcelles qui passera, dans quelques mois, en bas de ma rue.

    Ravie de pouvoir « enfin » publier cet article, je vous souhaite une agréable flânerie dans un des plus vieux « bourgs » de Paris, près d'une fontaine remarquable par son histoire et la qualité de son décor.

     

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    La Fontaine de Mars et Hygie ou Fontaine du Gros-Caillou

    (Édition revue et augmentée de la Fontaine de Mars)

     

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    Au numéro 129 de la rue Saint-Dominique, dans le 7e arrondissement de Paris, cette jolie fontaine s'élève au coeur d'une élégante petite place bordée d'arcades. Elle était autrefois située près de l'Hôpital Militaire du Gros-Caillou.

     

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    Elle fut édifiée en 1806 sur les plans de François-Jean Bralle (1750-1831), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et maître d'oeuvre des travaux hydrauliques de la Ville de Paris. Le sculpteur, graveur et dessinateur Pierre-Nicolas Beauvallet (1750-1818) a réalisé son gracieux décor de facture néo-classique.

     

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    Elle appartenait à un ensemble de quinze fontaines commandées par Napoléon Ier (1769-1821) dans le but d'assainir et de moderniser la capitale et fut inscrite au titre des Monuments Historiques par arrêté du 15 mai 1926.

     

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    Elle se compose d'un édicule carré, souligné à chaque angle par un pilastre d'ordre dorique, et dévoile, face à la rue, une représentation de la déesse Hygie qui apporte ses soins au dieu Mars. La proximité du Champ de Mars et la position stratégique de l'Hôpital Militaire du Gros Caillou, édifié vers 1759 et démoli en 1899, ont déterminé le choix de l'iconographie.

     

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    Des vases ornés de scènes mythologiques décorent les faces latérales.

     

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    La fontaine est « gardée », à ses points cardinaux, par de belles représentations de dragons et de béliers marins qui veillent à la bonne circulation des eaux de la ville.

     

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    Ces créatures symbolisent l'énergie qui serpente, sous forme liquide, dans les entrailles de la terre.

     

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    Elles évoquent les forces primitives de la Nature et les esprits familiers de l'eau, gardiens de l'élément source de la vie.

     

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    Trois mascarons de bronze versent, dans des bassins en forme de demi-lune, l'eau qui provenait autrefois de la pompe du Gros-Caillou. Les chevaux de la garde napoléonienne venaient s'y abreuver.

     

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    Un seul mascaron est en activité et un des bassins a été « végétalisé ».

     

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    Au pied de la fontaine, rebaptisée fontaine de Neptune lors de la crue de 1910, une plaque émaillée signale le niveau atteint par les eaux de la Seine.

     

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    Le lit du fleuve se situe à environ 576 mètres.

     

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    D'après l'historien et archéologue Amaury Duval (1760-1838): « Le nom de Gros-Caillou, que porte aujourd'hui le faubourg, lui vient (…) de l'enseigne qu'avait prise une maison de débauche placée auprès d'un rocher. C'est au lieu où existait cette pierre et cette maison, qu'a été construite, dans le dernier siècle, l'église dite du Gros-Caillou, comme succursale de Saint-Sulpice. »

     

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    Vous pouvez lire l'histoire du bourg, de l'église, de la pompe et du port du Gros-Caillou dans mon article intitulé Les gourmandises de la rue Cler.

     

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    Érigée en 1859 autour de la fontaine, la place bordée d'arcades s'inspire des loggias de la Renaissance italienne.

     

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    Construite à l'emplacement d'un « hémicycle de peupliers », elle est bordée par de majestueux édifices.

     

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    Cet élégant travail de ferronnerie anime une façade néo-classique, oeuvre de l'architecte Ferdinand Bal.

     

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    Entre 1883 et 1885, Ferdinand Bal érigea l'immeuble du 142, rue Montmartre, dans le 2e arrondissement de Paris, pour le journal La France, futur siège de l'Aurore. Je consacrerai un article à ce monument et à sa célèbre façade décorée de cariatides et d'atlantes, oeuvre des sculpteurs Louis Lefèvre et Ernest Hiolle.

     

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    C'est à cet endroit que fut publié le texte « J'accuse », écrit par Émile Zola pour défendre l'innocence du Capitaine Dreyfus.

     

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    Mais revenons à la fontaine et à ses divinités.

     

    Mars et Hygie

     

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    Dans la Grèce antique, Hygie était la fille d'Asclépios, le dieu de la médecine, et de la nymphe Épione ou Épioné, appelée « celle qui soulage les maux ». Soeur de Panacée, elle protégeait la santé des humains et des animaux et veillait à la propreté et à la bonne distribution des soins. De son nom dérive le mot « hygiène ».

     

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    Invoquée pour prévenir les maladies et apaiser la douleur, elle était associée à des cultes lunaires.

     

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    Hygie et le serpent sacré, huile sur toile de Pierre Paul Rubens (1577-1640) appartenant aux collections du château de Nelahozeves, en République Tchèque.

     

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    La déesse tient une coupe ou bol médicinal (patera) contenant le remède qu'elle offre au dieu Mars. Un serpent, emblème de purification, de connaissance et de vigilance, s'enroule autour de son bras. Dans de nombreux pays, les pharmaciens utilisent la coupe d'Hygie comme emblème alors que le caducée est associé aux médecins.

     

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    La coupe d'Hygie (photo Rafax).

     

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    Un caducée photographié dans les rues de Paris.

     

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    Gardienne des sources, des torrents et des fontaines, Hygie apporte à ses « enfants » les bienfaits de l'eau thermale aux vertus purificatrices. A Saint-Martin d'Uriage, en Isère, le sculpteur grenoblois Pierre-Victor Sappey (1801-1856) l'a représentée, sensuelle, dans la blancheur marmoréenne de la pierre de Sassenage. (Photos Uriage-les-bains.com)

     

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    Mère des eaux vives et des plantes médicinales...

     

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    Un serpent s'enroule autour de sa coupe, posée sur un autel entouré par des coqs.

     

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    A Pittsburgh, en Pennsylvanie, Hygie couronne le World War Memorial de Schenley Park. (Photo Daderot). Sculptée en 1922 par Giuseppe Moretti, elle brandit une torche et soutient le caducée du dieu Mercure.

     

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    En 1955, le sculpteur Armand Filion (1910-1983) la représente, dans un style post Art Déco, à l'Hôpital Général de Montréal. (Photo natureculture.org).

     

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    Sous le pinceau de Gustav Klimt (1862-1918), l'un des maîtres de l'Âge d'Or autrichien, Hygie revêt des atours de prêtresse et de magicienne. Contemporain de Freud, de Schiele et de Mahler, Klimt ouvrit la voie de la Sécession Viennoise, route mystique vers la modernité.

     

    Cette reproduction d'Hygie est tout ce qui subsiste des trois peintures exécutées par l'artiste pour l'université de Vienne, soit la Médecine, la Philosophie et la Jurisprudence, détruites dans l'incendie du château Immendorf, brûlé en 1945 par les Nazis.

     

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    Sur le panneau central de la fontaine du Gros-Caillou, Hygie incarne la toute puissance des herbes médicinales, la connaissance des remèdes et la bienveillance des dieux envers l'humanité.

     

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    Mars est figuré dans la nudité antique du guerrier mais il arbore une moustache et d'impressionnants favoris, à l'instar des grognards de la première Grande Armée.

     

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    Appuyé contre un bouclier, il est accompagné d'un coq au plastron fièrement bombé.

     

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    Le coq est un oiseau totem profondément enraciné dans notre folklore.

     

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    Emblème solaire depuis l'Antiquité, il annonce, par son cri si caractéristique, la venue du jour. Représenté sur les boucliers, les stèles, les plaques d'autel et les camées, il était considéré comme un puissant protecteur contre les démons de la nuit.

     

    Gardien des forces de lumière, il accompagne plusieurs divinités:

    • Mars, le dieu de la guerre et des caprices de la météorologie.
    • Asclépios, le dieu de la médecine, destructeur des miasmes et victorieux contre les maladies.
    • Apollon/Belenos dit « le brillant » qui préside au lever du jour.
    • Lug/Mercure et sa parèdre gauloise Rosmerta, déesse de la fécondité...

     

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    Drachme de Chalcidie, vers 500 avant J.-C. (Sacra moneta.fr)

     

    Ciselé sur des monnaies de Grèce et d'Asie Mineure, le coq peut apparaître auréolé de flammes ou juché sur une spirale qui évoque la course du soleil. Force de résurrection, il est sculpté sur des pierres tombales irlandaises et sur une magnifique série de sarcophages conservés dans la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome où il se tient près des figures du Christ et de l'apôtre Pierre.

     

    D'après la croyance populaire, il éloignait les épidémies grâce à son sang, apaisait la fièvre et décelait l'emplacement des plantes médicinales les plus efficaces. Il favorisait la cicatrisation des blessures. Son regard hypnotisait les malades et guérissait les problèmes oculaires.

     

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    Le coq et la perle par Philibert Léon Couturier (1823-1901).

     

    Des troupeaux de coqs sacrés vivaient dans les sanctuaires d'Asclépios où ils symbolisaient les pouvoirs mêlés de la lumière et de l'hypnose, les vertus des racines et des herbes et l'exploration des rêves.

     

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    Des pratiques de médecine populaire médiévale liées au coq ont subsisté dans plusieurs régions de France jusqu'au XIXe siècle. Un collyre à base de miel et de sang de coq était réputé apaiser les douleurs oculaires. La crête sanguinolente du coq était utilisée en cas de douleurs dentaires. On appliquait sur les morsures de serpent un coq ouvert en deux pour détruire les effets du venin et purifier les chairs.

     

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    (Forge-salers.com)

     

    Sentinelle dressée au sommet des tours et des clochers, le coq barre la route aux puissances infernales et aux démons de la météorologie. Doté d'une nature farouche et belliqueuse, il est celui qui ressuscite l'aurore après la nuit. Il chante au point du jour, annonçant l'achèvement de l'Oeuvre Alchimique. Il est « l'Helios ixis », « celui qui arrive au soleil », gardien de l'Élixir, « l'eau d'or » ou « or de l'aura », né dans l'athanor de la Nuit...

     

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    Basilic en Croatie (Photo de Georges Jansoone).

     

    Il repousse le terrifiant basilic né, selon les bestiaires médiévaux, d'un oeuf de coq couvé par un crapaud. Cette créature maléfique, dont le nom signifie « petit roi », est dotée d'une tête et d'ergots de coq, d'une queue de serpent formant une sorte de dard et d'une paire d'ailes de dragon ou de chauve-souris. A l'instar de la gorgone, le basilic darde sur ses proies un regard qui les pétrifie. Pour le détruire, il faut lui renvoyer son image à l'aide d'un miroir. De nombreux basilics figurent sur les chapiteaux des églises et des abbayes romanes.

     

    Mais le basilic est aussi une représentation de la dialectique. Héritée de l'Antiquité, la dialectique est l'une des sept sciences médiévales composant le cursus des Arts Libéraux. Elle unit la subtilité linguistique du serpent et l'intelligence lumineuse du coq.

     

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    (Franc marianne coq.fr)

     

    Emblème de vaillance et de fierté, le coq est considéré comme un protecteur de la Nation. On le trouve sur le Napoléon or frappé de 1899 à 1914 et appelé « Cérès », « Nap », « Louis », « Coq » ou « Marianne ».

     

    Il figure sur de nombreux monuments aux morts et sur l'insigne des maires de France, suite à un décret du 22 novembre 1951.

     

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    Monument aux morts de Sarcelles Village, dans le Val d'Oise.

     

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    Mascotte de plusieurs clubs sportifs et de diverses fédérations, le coq est aussi le logo de la société de cinéma française Pathé pour laquelle il fut créé en 1905.

     

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    Les frères Pathé et le coq sur une affiche signée Adrien Barrère (1877-1931).

     

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    Accolé au bouclier de Mars, le coq est à la fois le compagnon du dieu de la guerre et l'animal sacré d'Asclépios, le père d'Hygie. Le serpent apparaît tantôt comme son associé, tantôt comme son opposé.

     

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    Hygie, le coq et le serpent

     

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    Démiurge, gardien des secrets, porteur et passeur de connaissance, le Serpent est celui qui féconde mais aussi l'Adversaire...

     

    Honni par la religion chrétienne pour avoir révélé la connaissance interdite, il est considéré comme l'emblème du mal, l'incarnation de Satan trouvant dans l'esprit de la femme suffisamment de perfidie pour y distiller son vénéneux savoir. Mais la sagesse des religions plus anciennes nous enseigne d'autres « vérités ».

     

    Les mots qu'il susurre à l'oreille d'Ève sont les incantations tissées par les déesses de la fécondité, les antiques Déesses aux serpents, magiciennes et protectrices de la naissance et de la vie.

     

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    En fonction des styles et des époques, il revêt de multiples apparences. Hybride, ailé, barbu, cornu, féminin, mais il ne cesse de nourrir les peurs et les fantasmes.

     

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    Les représentations chrétiennes du serpent l'associent à la Luxure mais le serpent est vénéré depuis des millénaires comme une incarnation de la force vitale, un protecteur des lieux sacrés où s'incarnent les puissances cosmo-telluriques, un emblème de sensualité et de sexualité. Autour de lui s'élabore une symbolique de la vie et de la mort aussi chatoyante et complexe que les ondulations de son corps.

     

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    Lilith, 1892, par John Collier (1850-1934).

     

    Lové dans les creux et les anfractuosités, il apprécie les sources de chaleur et se nourrit des pulsations secrètes de la Terre-Mère. Dépositaire d'un langage puissant, tactile, sensuel qui devient érotique quand il se déplace sur le corps de la femme, il incarne le désir, la vigueur sexuelle et la fertilité.

     

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    La Kundalini, énergie vitale sacrée, apparaît lovée au niveau du premier chakra, comme un serpent qui sommeille.

     

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    Les déesses de la séduction et de la fécondité sont reconnaissables au serpent qui s'enroule dans leur chevelure, autour de leur poitrine, de leurs hanches ou de leurs cuisses.

     

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    L'émeraude d'Alfons Mucha, 1900.

     

    En fonction des époques et des civilisations, le serpent oscille entre symbole bénéfique ou emblème maléfique et distille sa sagesse millénaire à travers de multiples représentations.

     

    Dans la Grèce antique, intercesseur entre la vie et la mort, il exerçait une fonction purificatrice et divinatoire. On étudiait dans les temples les mouvements de son corps, ses enroulements mystérieux, la manière dont il parcourait les lieux sacrés et s'insinuait dans les rêves des malades. Attribut et compagnon d'Asclépios, le dieu de la médecine et d'Hermès, le messager divin, il continue de s'enrouler autour du caducée, symbole universel.

     

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    Il insuffle au remède concocté par Hygie la puissance guérisseuse et guide la déesse dans le choix des herbes et des substances qu'elle utilise pour contrer les maladies. Il est aussi celui qui protège l'eau de la fontaine.

     

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    La construction de la fontaine du Gros Caillou est emblématique des changements majeurs survenus dans Paris après l'arrivée de Napoléon au pouvoir.

     

    Quand Napoléon devint Premier Consul (en 1799) après le Directoire, il trouva une France épuisée, affamée et insalubre. Les rues de Paris se noyaient dans une atmosphère médiévale et les vieilles fontaines ne pouvaient plus fournir de l'eau aux Parisiens qui devaient s'approvisionner dans la Seine.

     

    Il s'employa donc à moderniser et à assainir la capitale dont il fit démolir de nombreuses ruelles. Il fit construire un réseau d'égouts, des trottoirs et des caniveaux, éclairer les rues, édifier des ponts et des fontaines. Il fit aussi numéroter les maisons.

     

    A partir de 1806, les chantiers fleurirent dans Paris qui se métamorphosa rapidement. Dans ce contexte, Mars et Hygie apparurent comme les divinités tutélaires de cette politique de conquête et d'embellissement.

     

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    Photographie d'Eugène Atget (1857-1927). Cote BNF Est.E0109b bte 20.

     

    Pour le promeneur contemporain, la rue Saint-Dominique constitue une très agréable promenade, le long des hôtels particuliers et des vitrines alléchantes, à la découverte d'un monument qui a contribué à offrir de l'eau et des perspectives nouvelles aux habitants de Paris.

     

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    Les amateurs d'excellente cuisine pourront se réjouir à la Fontaine de Mars, établissement créé en 1908 et considéré comme l'un des meilleurs bistrots de Paris. Le samedi 6 juin 2009, il a accueilli le président des États-Unis Barack Obama, son épouse et leurs deux filles.

     

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    (Photo French.peopledaily.com)

     

    Le président avait participé à Colleville-sur-Mer, près de Caen, aux cérémonies du 65e anniversaire du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944.

     

    Une semaine auparavant, une table avait été réservée par l'ambassade américaine mais Jacques Boudon, le propriétaire, sut quasiment au dernier moment qu'il allait recevoir les Obama.

     

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    (Photo Fontaine de Mars.com)

     

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    D'autres établissements bénéficient, autour de la place, d'une solide réputation.

     

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    N'hésitez pas à découvrir ces lieux empreints de charme et à contempler les détails symboliques de la fontaine qui a heureusement « survécu » aux outrages du temps.

     

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    Lieu de vie, d'hygiène et d'abondance, la fontaine est érigée pour offrir aux habitants des villes un accès à l'eau et pour combattre les épidémies. Elle est aussi dotée d'une dimension magique, elle attire rituels et pèlerinages et peut exaucer les voeux.

    Fontaine d'amour et de jouvence, passage vers les mondes mystérieux, source de vie aux larmes guérisseuses, elle alimente, à l'instar de l'Arbre de la Connaissance, les chemins secrets qui s'écoulent vers les points cardinaux.

     

    Elle est à la fois l'incarnation de la civilisation et le lieu de l'initiation « primitive » comme nous le rappellent les créatures fantastiques qui composent son décor.

     

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    Bibliographie

     

    Jorge Luis BORGES: Le livre des êtres imaginaires. Paris: Gallimard, collection L'Imaginaire, juin 2009.

     

    André CASTELOT: Napoléon. Paris: Tallandier, 1969.

     

    Amaury DUVAL: Les Fontaines de Paris, anciennes et nouvelles, ouvrage contenant 60 planches dessinées et gravées au trait par M. Moisy, accompagnées de descriptions historiques et de notes critiques et littéraires par M. A. Duval. Nouvelle édition, Paris: Bance aîné, 1828. (Première édition: 1812).

     

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    Adolphe JOANNE: Paris illustré. Paris: Hachette, 1863.

     

    Théophile LAVALLÉE: Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusqu'en 1850. Paris: Hetzel, 1852.

     

    Michel PASTOUREAU: Les emblèmes de la France. Paris: C. Bonneton, 1998.

     

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    Plume

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    La structure et l'esprit de la Fontaine Médicis sont inspirés des fontaines et des nymphées en vogue dans les jardins italiens au XVIe et au XVIIe siècles. Dans l'écrin de verdure du Palais du Luxembourg, la reine Marie de Médicis (1575-1642) voulut recréer une scénographie proche de celle des jardins de son enfance. Elle en confia l'élaboration à l'ingénieur florentin Thomas Francine qui dessina les plans de la « Grotte Médicis » aux alentours de 1630.

     

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    Dans la Grèce antique, le nymphée était un sanctuaire consacré aux nymphes, les gardiennes des bois, des montagnes et des sources. A proximité d'une source, le nymphée était une grotte naturelle ou une fausse grotte constituée de rochers rassemblés et d'un décor de rocaille.

     

    Dans la Rome ancienne, le nymphée devint une fontaine monumentale décorée de sculptures et sublimée par des jeux d'eau. Il contemplait un grand bassin ou un ensemble de bassins.

     

    Au XVIIe siècle, Thomas Francine (Francini), (1571-1651), Intendant Général des Eaux et Fontaines Royales, fut à l'origine d'un ingénieux système destiné à acheminer les eaux de Rungis vers Paris. Il conçut les plans de la « Grotte Médicis », un nymphée qui inspirera celui du château de Wideville, en 1636, dans les Yvelines.

     

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    (Le nymphée de Wideville. Cette gravure provient du site du Sénat).

     

    La façade de la « Grotte Médicis » était composée de trois niches en cul de four que séparaient quatre colonnes toscanes « au fût bagué orné de bossages et de congélations ».

     

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    Congélations

     

    Un grand fronton portant les armes d'Henri IV et des Médicis la couronnait. Il était surmonté par des pots à feu et encadré par deux figures allongées représentant le Rhône et la Seine, réalisées par le sculpteur Pierre Biard (1592-1661). De chaque côté, s'étendait un mur décoré d'arcades.

     

    Après la Révolution, la grotte fut restaurée par Jean-François-Thérèse Chalgrin(1739-1811). Architecte du palais depuis 1780, il réaménagea le jardin et sollicita, pour restituer les allégories fluviales, les sculpteurs Ramey, Duretet Talamona.Une petite statue de la déesse Vénusfut placée dans la niche centrale. Les armes de France et des Médicis disparurent au profit d'un rectangle à congélations et la grotte évolua en fontaine.

     

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    (Dessin de la grotte par Jean-Baptiste Maréchal, 1786)

     

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    (Cette photographie de la grotte fut réalisée vers 1860. Elle provient du site du Sénat.)

     

    Quand la rue Médicis fut ouverte, en 1862, sur l'initiative du Préfet Haussmann, la fontaine dut être déplacée et rapprochée du palais, « d'environ trente mètres ».

     

    Une scénographie nouvelle fut orchestrée par l'architecte Alphonse de Gisors (1796-1866). Il fit réaliser devant la fontaine un bassin d'une cinquantaine de mètres et commanda plusieurs sculptures à Auguste Ottin (1811-1890).

     

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    Les sculptures décrivent la tragique histoire des amants Acis et Galatée, relatée par Ovide dans Les Métamorphoses.

     

     

    Fille de Nérée, le dieu de la mer primitive, et de Doris, une océanide, Galatée est une néréide. Le cyclope Polyphème tomba passionnément amoureux de cette nymphe marine, « à la peau blanche comme le lait », mais Galatée lui préféra le charmant berger Acis. Fou de douleur et de jalousie, Polyphème écrasa son rival sous un rocher.

     

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    Les amants se lovent dans une position très sensuelle mais le danger les surplombe sous les traits de Polyphème.

     

    Les corps entrelacés forment des arabesques voluptueuses. Les reflets aquatiques soulignent la pureté des lignes et la tendresse des visages.

     

     

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    Le cyclope Polyphème incarne les forces brutes de la Nature. Fils de Gaïa, la Terre, il prend appui sur le rocher et s'apprête à « punir » les amoureux. Sa rude silhouette de bronze s'oppose aux corps de marbre blanc, caressés par la lumière.

     

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    Dans le chuchotement de l'eau, leur séduisante union semble à jamais préservée de la cruauté désespérée de Polyphème.

     

    La légende de ces amants infortunés connut une grande célébrité au XVIIe siècle. En 1686, Jean-Baptiste Lully composa l'opéra Acis et Galatée. Cette « pastorale » grandiose fut jouée pour la première fois devant le Grand Dauphin, fils de Louis XIV.

     

     

    De part et d'autre du cyclope, se dressent deux statues de pierre, réalisées par Auguste Ottin, chacune dans une niche surmontée d'un mascaron.

     

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    Un faune (le dieu Pan)

     

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    Une chasseresse (la déesse Diane)

     

     

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    La façade orientale de la fontaine 

     

    Alphonse de Gisors la fit décorer d'un bas-relief. Réalisé en 1807 par Achille Valois (1785-1862) pour la fontaine (disparue) de la rue du Regard, il représente Léda et Jupiter métamorphosé en cygne.

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    Sur les rampants du fronton qui couronne le bas-relief, s'ébattent deux jolies naïades, oeuvres du sculpteur Jean-Baptiste-Jules Klagmann (1810-1867).

     

     

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    Les sortilèges de l'eau

     

    Dans de nombreuses mythologies, la fontaine est liée au culte des arbres, des eaux mystérieuses et des pierres sacrées. Territoire « domestiqué » par l'homme, elle est aussi une porte vers l'invisible.

     

    Les racines des arbres se nourrissent des énergies aquatiques et telluriques qui s'y entremêlent.

     

     

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    L'eau est en perpétuel mouvement. La féerie qui émane de ses nombreux reflets est à l'origine des croyances qui lui sont associées. Dans les bassins des fontaines s'unissent les vertus de l'eau céleste et la puissance des eaux chthoniennes.

     

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      La fontaine est de nature féminine. L'eau s'écoule dans une vasque ronde évoquant le cercle, la spirale et les anneaux de croissance lovés dans les arbres et les coquillages.

     

    Depuis fort longtemps, l'eau des sources et des fontaines est considérée comme sacrée. Les Celtes vénéraient les esprits aquatiques qu'ils associaient aux pouvoirs fertiles de la Terre-Mère. La coutume qui consiste à lancer dans l'eau des pièces de monnaie ou des épingles à cheveux est une réminiscence de ces cultes anciens.

     

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    D'après la légende, les larmes des ondines ont engendré l'eau chatoyante des fontaines. A l'instar des sirènes, ces nymphes aquatiques coiffent leurs longues chevelures au soleil ou sous la clarté de la lune.

     

    Les dames blanches aiment contempler leur reflet dans l'eau miroitante des fontaines.

     

    Verser de l'eau sur le perron d'une fontaine est réputé susciter un orage magique, comme dans la légende de la fontaine de Barenton, nichée dans la forêt de Brocéliande.

     

    Tour à tour croquemitaine des eaux ou déesse très ancienne régnant sur les « enfers aquatiques », la Nisse aime les étangs, les mares et les rivières mais elle hante aussi les profondeurs des fontaines.

     

    La Vouivre, serpent ailé paré d'une escarboucle, œil de feu fantastique, vit dans les puits, les étangs, les fontaines, les rivières et les ruisseaux. L'escarboucle est le nom ancien et savant du grenat et du rubis, aux magnifiques éclats rouges.

     

    Les féroces lavandières de nuit lavent leur linge dans le sang des infortunés qui croisent leur chemin, au bord de certaines fontaines.

     

     

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    Liée aux profondeurs de l'inconscient, l'eau est la matière qui façonne les rêves.

     

    Quand la lune se reflète dans l'eau, l'eau se gorge de sa force et devient un passage pour les songes et les âmes. De nombreux puits sont protégés par un petit toit, de crainte que la lune n'y distille son « venin » magique en y plongeant ses rayons d'argent. L'eau des fontaines s'imprègne, quant à elle, des énergies célestes et souterraines. Domaine par excellence des métamorphoses, elle fascine jusqu'à la mort ou dérobe l'âme à travers un reflet. Elle attise aussi des peurs primales, comme celle d'être avalé par une puissance mortifère.

     

    La fascination que l'eau exerce sur les esprits est née de son ambivalence. Elle est habitée par des êtres protecteurs et des créatures vampiriques. Elle peut provoquer la mort et stimuler la fécondité et l'amour. 

     

    Dans plusieurs régions de France, les jeunes filles lançaient une épingle dans l'eau d'une fontaine afin de savoir si elles se marieraient dans l'année. Si l'épingle était attirée vers le fond, il n'y aurait pas de mariage. Si elle flottait à la surface, le mariage aurait lieu.

     

    Parfois, l'épingle devait plonger doucement vers le fond pour que le mariage ait l'occasion de se produire.

     

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    Gardiennes de trésors, défendues par des dragons ou des bêtes fantastiques, les fontaines évoquent, dans les jardins des palais, la luxuriance et les délices des sens.

     

    Les jeux d'eau étaient autrefois très prisés dans les résidences royales. Par leur chant cristallin et leurs effets de recréation de la lumière, ils favorisaient une mise en scène grandiose et onirique de l'espace.

     

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    La Fontaine Médicis est un lieu de repos et de flânerie romantique apprécié par de nombreux lecteurs. Tout y semble magique: les platanes aux frondaisons d'or vert qui se reflètent dans l'eau, les poissons colorés, les miroitements et les ombres, les gestes voluptueux des amants dont la peau de marbre est parfois si vivante...

     

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    La fontaine, dans l'écrin de l'hiver

     

     

    Sources et Bibliographie

     

    Gallica.bnf.fr/ Bibliothèque Nationale de France. (Le dessin de la Grotte Médicis par Jean-Baptiste Maréchal: gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b77).

     

    Gaston BACHELARD: L'eau et les rêves. Essai sur l'imagination de la matière. Première parution en 1942.

     

    Charles BAUCHAL: Nouveau dictionnaire des architectes français. Paris: André, Daly fils et Cie, 1887, 842 p.

     

    Spire BLONDEL: L'Art intime et le Goût en France. Grammaire de la curiosité. Paris: E. Rouyere et G. Blond.

    L'Art pendant la Révolution: beaux-arts, arts décoratifs. Paris: H. Laurens, 1888.

     

    Jean-Charles KRAFFT et Nicolas RANSONNETTE: Plan, coupe, élévation des plus belles maisons et des hôtels construits à Paris et dans les environs. 1801 et années suivantes. Paris: Ch. Pougens et Levrault, in-fol.

     

    Paul SÉBILLOT: Le Folklore de France(1904-1906). Réédition sous le titre Croyances, mythes et légendes des pays de Franceaux éditions Omnibus en 2002.

     

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    93 commentaires
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    La Fontaine Saint-Michel se situe sur la Place Saint-Michel, dans le 6e arrondissement de Paris, à la croisée du boulevard Saint-Michel et de la rue Danton. Sa position évoque les travaux orchestrés par le Préfet Haussmann sous le Second Empire.

     

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    Georges Eugène Haussmann (1809-1891), dit le « baron Haussmann », mit en oeuvre un plan de réaménagement et d'embellissement de Paris, fondé sur l'aération du tissu urbain. Il dirigea une immense campagne de travaux, inspirée par les théories hygiénistes de l'époque.

     

    Il fit percer de nouvelles voies pour favoriser la circulation des piétons et des véhicules. Des boulevards, des avenues, de grandes perspectives virent le jour et un maillage luxuriant de jardins et de squares fut créé.

     

    Dans le prolongement de l'esprit des « Lumières », la Ville devint un espace maîtrisé, doté d'un ample quadrillage, de promenades plantées et de magnifiques immeubles mais Haussmann voulait aussi faciliter le déploiement de troupes militaires en cas de soulèvements civils.

     

    Dans ce contexte, la fontaine Saint-Michel fut construite à partir de 1858 et inaugurée en 1860.

     

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    Élaborée par l'architecte Gabriel Davioud, dans un style éclectique, elle se présente comme une sorte d'arc de triomphe antique, destiné à commémorer la victoire de Saint-Michel archange sur le Démon.

     

    Sa structure est celle d'une fontaine-mur, à l'instar de la Fontaine Médicis au Jardin du Luxembourg et de la Fontaine des Quatre-Saisons, dans la rue de Grenelle.

     

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    La Fontaine Médicis

     

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    La Fontaine des Quatre Saisons

     

    Mais sa mise en scène complexe et son décor foisonnant, associés à des effets de polychromie, ne firent pas l'unanimité en son temps.

     

    « Dans ce monument exécrable,

    On ne voit ni talent ni goût,

    Le Diable ne vaut rien du tout;

    Saint-Michel ne vaut pas le Diable ».

    (Quatrain anonyme)

     

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    L'archange Saint-Michel piétine le Diable déchu.

     

    Ce groupe, encadré par des colonnes en marbre rose du Languedoc, fut exécuté par Francisque Duret (1804-1865). Ce dernier s'inspira d'un tableau du maître italien Raphaël, conservé au Louvre. Le rocher sur lequel s'appuient les personnages est l'oeuvre du sculpteur Félix Saupin.

     

    Dans le projet initial, la niche centrale devait accueillir une statue de Napoléon mais le choix du thème de Saint-Michel se justifie par la présence d'un très ancien lieu de culte, consacré à l'archange, à proximité de l'Île de la Cité.

     

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    Créations d'Henri-Alfred Jacquemart (1824-1896), deux imposantes chimères dressent fièrement leurs ailes de part et d'autre d'un grand bassin.

     

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    Gardiennes de la fontaine, elles contribuent, par leur position altière, à sa puissante théâtralité.

     

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    Dans la partie supérieure de l'édifice, s'élèvent quatre statues qui représentent les Vertus Cardinales. Elles s'appuient sur l'entablement des grandes colonnes en marbre rose, surmontées par des écussons à tête de lion.

     

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    La Prudence, réalisée par Jean-Auguste Barre (1811-1896). Ses attributs sont le miroir et le serpent.

     

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    La Justice, armée de son glaive, sculptée par Élias (Louis-Valentin) Robert (1821-1874).

     

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    La Tempérance, oeuvre de Charles Gumery (1827-1871).

     

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    La Force, création d'Eugène Guillaume (1822-1905).Elle revêt la peau du Lion de Némée et s'appuie sur la massue d'Hercule.

     

    Ces Vertus exaltent la prédominance de Saint-Michel, guerrier des forces de lumière, sur le Diable, doté d'un visage humain.

     

    Dans le fronton terminal, les armes de Paris sont tenues par les allégories de la Puissance et de la Modération.

     

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    Des angelots lovés dans des rinceaux de style néo-renaissance complètent l'ensemble. Ces ornements ont été exécutés par Noémie Constant.

     

    Témoignage grandiose ou grandiloquent (selon les goûts) de la politique d'embellissement du Second Empire, la fontaine est aujourd'hui un lieu de partage, de rencontre et de rendez-vous. Elle offre sur la Seine et sur Notre-Dame une belle perspective et constitue le point de départ de plusieurs promenades à travers les méandres du Quartier Latin.

     

    Nous traversons le boulevard Saint-Michel en direction de la librairie Gibert Jeune.

     

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    Ce beau bâtiment abrite une librairie mythique, fondée en 1888 par Joseph Gibert, professeur de Lettres Classiques au Collège Saint-Michel, à Saint-Étienne. En 1886, il s'installa comme bouquiniste en bordure de Seine et, deux ans plus tard, il ouvrit une librairie sur le boulevard Saint-Michel.

     

    La Rue de la Huchette

     

    Au début du XIIIe siècle, la rue de la Huchette se nommait rue de Laas. Elle bordait un domaine peuplé de vignes appelé Clos du Laas. Une enseigne, « la Huchette d'Or », dont la présence était attestée à la fin du XIIIe siècle, lui donna son nom.

     

    Au XVIIe siècle, cette rue pittoresque était célèbre pour ses auberges, ses tavernes, ses cabarets et ses rôtisseries mais aussi pour ses « coupeurs de bourses ».

     

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    Cette vieille enseigne provient du Musée Carnavalet.

     

    Elle désignait l'emplacement d'une maison, située au numéro 4, qui connut plusieurs appellations. Qualifiée de Maison de la Heuse au Moyen-âge, elle devint la Petite Cuiller à la fin du XVIe siècle puis la Hure de Sanglier et la Hure d'Or.

     

    Le nom « la Huchette d'Or » évoque la présence d'un maître huchier ou menuisier. La huche était un grand coffre de bois rectangulaire, doté d'un couvercle plat.

     

    Parmi les vieilles maisons dont l'Histoire a retenu le nom, on trouvait « le Petit More », vers l'actuel numéro un de la rue.

     

    Une auberge, « Au Panier Fleuri », accueillait de nombreux artistes, des chanteurs et des écrivains.

     

    L'activité des rôtisseries (« La Lamproie-sur-le-grill », « les Pigeons », « la Hure »...) était florissante.

     

    Un Bureau des Apothicaires, dont l'enseigne était une lamproie, s'installa dans la rue, à partir de 1714.

     

    Il y avait aussi, parmi bien d'autres, une Hôtellerie des Boeufs (établissement de bains féminins), une Hôtellerie de l'Ange, un Hôtel de Pontigny adossé à la Seine...

     

    Ce Paris disparu stimule notre imaginaire mais les bâtiments qui ont traversé le temps ont une histoire tout aussi fascinante à nous conter.

     

    Le Théâtre de la Huchette

     

    Il fut créé par Georges Vitaly en 1948. Depuis le 16 février 1957, les deux premières pièces de Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve et La Leçon, y sont jouées sans interruption.

     

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    Le Cupidon de la Huchette

     

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    Sur cette façade souvent remaniée au fil des siècles, un angelot gracieux aimante le regard. Cupidon (de « Cupido », le désir...), emblème du glacier italien Amorino, suscite d'irrépressibles envies...

     

    La rue du Chat-qui-Pêche

     

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    Cette venelle insolite fut appelée ruelle des Étuves, rue du Renard(il n'existe aucun rapport avec l'actuelle rue du Renard) et rue des Bouticles. Elle s'étendait jusqu'à la Seine à laquelle on accédait par un escalier. Son étroitesse (elle mesure 1,80 m de largeur pour 26 m de longueur) nous fait voyager à travers un Paris d'un autre temps.

     

    En 1607, on la nommait ruelle des Bouticles de Petit-Pont et on y trouvait des « estaulx de marée et d'eau doulce ». Les « Bouticles » étaient des bateaux dans lesquels on conservait le poisson. Une maison des Trois Poissons se dressait à l'angle occidental de la rue de la Huchette.

     

    En 1832, elle était close par une grille, à ses extrémités.

     

    Dans les années 1930, Jolán Földes, une écrivaine hongroise, vivait dans cette rue qui lui inspira un roman.

     

    Légendes du Chat-qui-Pêche

     

    L'une d'elles relatait l'existence d'un puits qui communiquait avec le petit bras de la Seine. Les chats du quartier se réunissaient tout autour car le fleuve y faisait remonter une myriade de petits poissons. Les gourmands à quatre pattes n'avaient alors plus qu'à les attraper!

     

    Une autre met en lumière l'histoire de Dom Perlet, un chanoine alchimiste, qui avait un chat noir pour familier. Le félin attrapait dans la Seine les poissons avec une telle dextérité que la rumeur prétendit qu'il était l'incarnation de Satan. En l'absence de son maître, trois étudiants se saisirent de lui et le jetèrent dans le fleuve mais l'alchimiste revint, après un voyage, et le chat reparut aussi.

     

    Une vieille expression: "aller voir pêcher les chats" désignait quelqu'un se laissant persuader trop facilement.

     

     

    A l'angle de la rue de la Huchette, au numéro 14, se trouvait « la Maison à l'Y ». Elle présentait une enseigne ou un médaillon décoré d'un Y, symbolisant les « lie-grègues »: les lacets qui fixent les hauts de chausse à la culotte. Elle appartenait à Thomas Charles de Lastre, un marchand mercier.

     

    Le Diable de la Huchette

     

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    Le Diable se cache et se dévoile, dans les venelles parisiennes, derrière les vieilles portes, dans les reflets et les ombres. Il régnait autrefois sur un lacis d'obscures ruelles que le jour n'éclaboussait presque jamais, sur des passages fuyants et des façades dévorées par les âges.

     

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    Ce mascaron fantasque, qui contemple le Caveau de la Huchette, évoque l'emplacement de messes noires et de cérémonies occultes.

     

    Le Caveau de la Huchette

     

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    Il abrite un célèbre club de jazz mais son histoire s'enracine dans les légendes et les secrets du Vieux Paris. Il fut autrefois un lieu prisé par les Sociétés Occultes. Des Templiers et des Rose-Croix s'y réunissaient. Au XVIIIe siècle, une Loge Franc-Maçonnique s'établit dans ses caves profondes. Outre deux salles basses superposées, des souterrains menaient jusqu'à l'ossuaire de l'église Saint-Séverin et au Petit-Châtelet.

     

    En 1789 et pendant la période qui suivit, il devint le « Caveau de la Terreur » et il accueillit les clubs des Cordeliers et des Montagnards ainsi qu'un Tribunal. Des figures importantes de la Révolution et de la Convention s'y donnaient rendez-vous. Des jugements et des sentences d'exécution y furent prononcés. Des légendes relatent la présence d'un puits très ancien qui « avalait » dans les entrailles de la terre les condamnés à mort.

     

    En continuant notre chemin vers la cathédrale Notre-Dame, nous arrivons sur la Place du Petit-Pont où une plaque évoque les combats qui opposèrent les résistants français aux allemands dans le « fortin de la Huchette ».

     

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    La Rue du Petit-Pont

     

    Le tracé de cette rue était une partie du cardo de l'ancienne Lutèce. Cette voie modelée par les Romains descendait la Montagne Sainte-Geneviève et passait par la rue Saint-Jacques. Elle arrivait jusqu'à la Seine qu'elle franchissait et se poursuivait de l'autre côté...

     

    La ville romaine était construite suivant une géométrie réelle et magique. Les axes majeurs formaient une croix orientée vers les points cardinaux. Au coeur de cette croix se dressait le forum, espace consacré aux échanges de la Cité.

     

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    Aux numéros 3 et 5 de la rue du Petit-Pont, le bar restaurant Polly Maggoo dévoile, depuis les années 1970, sa belle façade décorée de mosaïques. Ce lieu très apprécié offre une scène musicale de qualité. Son nom fait référence à un film de 1966: « Qui êtes-vous, Polly Maggoo? » Cette comédie satirique en noir et blanc, réalisée par William Klein, reçut le prix Jean Vigo en 1967. Les rôles principaux sont incarnés par Sami Frey, Dorothy Mac Gowan, Alice Sapritch, Jean Rochefort ou encore Philippe Noiret.

     

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    La Rue de la Bûcherie

     

    Elle accueillait autrefois le « Port aux Bûches » de la capitale. Jusqu'au XVIe siècle, on y déchargeait le bois destiné à la construction et au chauffage. De nombreuses familles de charpentiers y avaient élu domicile.

     

    La Faculté de Médecine établit ses quartiers dans cette rue, à partir de 1472. Les maîtres qui y enseignaient étaient clercs et devaient garder le célibat mais, soumis à des tentations continuelles en raison d'une affluence de prostituées dans la rue et dans les rues avoisinantes, ils finirent par obtenir la permission de se marier!

     

    Le Petit-Châtelet

     

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    Le Petit-Châtelet a bien changé...

     

    Il gardait jadis l'accès au Petit-Pont qui reliait l'île de la Cité aux berges de la Seine. Héritier des fortifications romaines préservant la Lutèce antique des envahisseurs, il fut construit d'abord en bois puis rebâti en pierre, vers 1130. Dévasté par une crue de la Seine, à la fin du XIIIe siècle, il fut reconstruit, en 1369, sous le règne de Charles V.

     

    Il devint ensuite une prison et fut détruit en 1782 pour permettre la création de la Place du Petit-Pont.

     

    Les droits d'entrée des marchandises devaient être acquittés à l'entrée, sous un profond passage voûté. Sous le règne de Saint-Louis (1214-1270), c'est à cet endroit que naquit l'expression « payer en monnaie de singe ». Si un vendeur de singe se présentait à la porte du Petit-Châtelet, il devait payer quatre deniers. S'il s'agissait d'un jongleur, il faisait danser l'animal devant l'administrateur du péage et pouvait faire entrer ses marchandises gratuitement dans la ville. Il payait donc en monnaie de singe!

     

    Shakespeare and Company (37, rue de la Bûcherie)

     

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    Cette célèbre librairie anglo-saxonne, se situe à proximité de la rue de la Huchette. Sa façade est tournée vers Notre-Dame de Paris.

     

    Fondée en 1921 par Sylvia Beach, une américaine, elle se trouvait alors au numéro 12, rue de l'Odéon. (De 1919 à 1921, cette libraire aux goûts cosmopolites avait tenu une librairie, rue Dupuytren, dans le 6e arrondissement de Paris.) Devenue la compagne de l'éditrice et poétesse Adrienne Monnier, elle publia, malgré son aura sulfureuse, le roman Ulysse de James Joyce, en 1922.

     

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    La librairie fut fermée sous l'Occupation mais en 1951, l'américain George Whitman ouvrit une nouvelle librairie dans la rue de la Bûcherie. Appelée d'abord « le Mistral », cette caverne de connaissance devint « Shakespeare and Company » après la disparition de Sylvia Beach en 1962.

     

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    Sylvia Beach fut la marraine de la « Génération Perdue », un courant littéraire désignant des auteurs américains de l'Entre-deux-Guerres expatriés à Paris.

     

    La poétesse, écrivaine, féministe, mécène et collectionneuse Gertrude Stein(1874-1946) leur attribua ce nom. Leurs plus illustres représentants étaient Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, John Steinbeck ou encore John Dos Passos.

     

    Cette génération au talent prolifique céda la place à la « Beat Generation », un mouvement artistique, émanation de l'esprit bohême, qui vit le jour aux Etats-Unis en 1950. Son chef de file était Jack Kerouac (1922-1969), auteur du roman manifeste Sur la route, paru en 1957. Avec Kerouac, William Burroughs (Le festin nu), Allen Ginsberg (Howl) et bien d'autres, la créativité de ce mouvement s'articula autour du mythe des grands espaces, de la spiritualité de la Nature, de la quête de la liberté et de l'exploration de mondes « parallèles », sous l'emprise ou non de substances psychoactives.

     

    Shakespeare and Co, c'est une atmosphère et un décor. Devant les vitrines agréablement surannées ou le long des rangées de livres, on rencontre des tumbleweeds, voyageurs d'un genre un peu particulier. George Whitman aimait accueillir des personnes pour une ou plusieurs nuits, en échange de deux heures de travail quotidien dans la librairie et de la lecture d'un livre. Sa fille, Sylvia Whitman, a repris le flambeau en 2001. Elle poursuit cette tradition et héberge des écrivains de passage.

     

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    Walt Whitman (1819-1892) était l'un des maîtres de la poésie américaine du XIXe siècle. Dans son chef-d'oeuvre intitulé Leaves of Grass (Feuilles d'herbes), il exprime une puissante sensualité, une vision poétique et intemporelle de l'Amérique, une énergie dévorante et généreuse.

     

    « Je me célèbre et me chante,

    Et mes prétentions seront tes tentations,

    Car chaque atome qui m'appartient t'appartient aussi. »

    Chant de moi-même

     

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    Une élégante fontaine Wallace se dresse devant la librairie.

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    Ces charmants édicules en fonte ont été conçus pour distribuer de l'eau potable à différents endroits de Paris. Nous les devons à Sir Richard Wallace (1818-1890), un philanthrope qui offrit aux parisiens une part conséquente de sa fortune, suite à la guerre de 1870. Il fit construire un hôpital pour les victimes et distribuer de la nourriture dans plusieurs rues de Paris. Il dessina lui-même les plans de ses fontaines.

     

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    La rue Saint-Julien le Pauvre

     

    L'Église Saint-Julien-le-Pauvre

     

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    Cette église est l'une des plus anciennes de Paris. Elle se dresse à la croisée de deux importantes voies romaines.

     

    En 1045, elle fut cédée par le roi Henri Ier au Chapitre de Notre-Dame. Aux alentours de 1120, elle passa sous l'obédience de l'abbaye de Longpont et jusqu'en 1524, les assemblées de l'Université s'y déroulèrent. En 1651, très dégradée, elle fut « affectée » à l'Hôtel-Dieu et subit alors de profondes transformations. Utilisée comme grenier à sel pendant la Révolution, elle fut rendue au culte en 1826. A partir de 1889, elle fut associée au rite catholique grec byzantin.

     

    Comme la librairie Shakespeare and Company, elle apparaît dans plusieurs saisons de la série fantastique Highlander.

     

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    Vers 1900, une iconostase ou barrière d'icônes fut créée pour séparer le choeur (où se déroulent les mystères) de la nef. On utilisa pour la circonstance des essences de bois précieux: de l'olivier, du figuier, du chêne, de l'abricotier, du palissandre et du bois de rose.

     

    L'iconostase remplaça le choeur du XIIIe siècle, soutenu par des piliers aux chapiteaux sculptés de feuilles d'acanthe, de flore aquatique et de masques féminins.

     

    Une « légende noire », rapportée par J-K Huysmans, est associée à la présence d'un tombeau, celui de Julien de Ravalet et de sa soeur Marguerite. Amants incestueux, issus d'une lignée de criminels, ils furent exécutés, le 2 décembre 1603, en Place de Grève et leurs têtes furent conservées dans l'église Saint-Julien.

     

    En sortant de l'église, nous admirons, au 14, rue Saint-Julien le Pauvre, un magnifique portail, celui de l'Hôtel de Laffemas.

     

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    Isaac de Laffemas (1583-1657) était lieutenant civil de la Prévôté de Paris, avocat, maître des requêtes et conseiller au Parlement de Bordeaux.

     

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    Dans le fronton trône Thémis, la déesse de la Justice, tenant la balance de l'Équité. Elle est accompagnée d'un gracieux angelot.

     

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    Vue du portail depuis le Square Viviani.

     

    Le Square Viviani-Montebello

     

    Dans ce square, créé en 1928, s'épanouit le « plus vieil arbre de Paris »: un robinier faux acacia, originaire d'Amérique du Nord, planté en 1602 par Jean Robin (1550-1629), le directeur du Jardin des Apothicaires. (Voir à ce propos mon article sur les Arbres de Paris.)

     

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    Derrière le vieux robinier, on aperçoit le chevet de l'église Saint-Julien le Pauvre.

     

    Une fontaine en bronze réalisée par le sculpteur Georges Jeanclos (1933-1997) s'élève à l'entrée du square.

     

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    Des ornements archéologiques.

     

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    A l'ombre du géant feuillu qui habite le square, nous contemplons Notre-Dame, vigie de pierre et de verre dominant la Seine. Indissociable de l'histoire de Paris, elle nous rapproche du sacré d'un seul regard. Nous tournerons bientôt les pages de son Livre Millénaire...

     

    Bibliographie

     

    Jacques-Antoine DULAURE: Histoire de Paris. Paris: Gabriel Roux, 1853.

     

    Félix et Louis LAZARE: Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments. Éditions Maisonneuve&Larose, 1855.

     

    Henri SAUVAL: Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris.Paris, 1724. 3 volumes in-8°.

     

    Héron de VILLEFOSSE: Histoire de Paris. Grasset, coll. « Livre de Poche », 1995.

     

     

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