-
Le Poème du Mardi : Jacques Prévert, La Seine a rencontré Paris
Vue sur le Pont du Carrousel et au-delà, le Musée d'Orsay.
En souvenir de Lady Marianne, avec émotion et Amitié... Voici mon choix de poème pour le mardi 14 janvier :
La Seine a rencontré Paris
J'ai choisi ce poème vivant et imagé, cette déclaration d'amour intense à la Seine et à Paris signée Jacques Prévert (1900-1977)et issue du Recueil intitulé « Choses et Autres ».
Je vous souhaite une belle lecture...
« Qui est là
Toujours là dans la ville
Et qui pourtant sans cesse arrive
Et qui pourtant sans cesse s’en va
C’est un fleuve
répond un enfant
un devineur de devinettes
Et puis l’œil brillant il ajoute
Et le fleuve s’appelle la Seine
Quand la ville s’appelle Paris
et la Seine c’est comme une personne
Des fois elle court elle va très vite
elle presse le pas quand tombe le soir
Des fois au printemps elle s’arrête
et vous regarde comme un miroir
et elle pleure si vous pleurez
ou sourit pour vous consoler
et toujours elle éclate de rire
quand arrive le soleil d’été
La Seine dit un chat
c’est une chatte
elle ronronne en me frôlant
Ou peut-être que c’est une souris
qui joue avec moi puis s’enfuit
La Seine c’est une belle fille de dans le temps
une jolie fille du French Cancan
dit un très vieil Old Man River
un gentleman de la misère
et dans l’écume du sillage
d’un lui aussi très vieux chaland
il retrouve les galantes images
du bon vieux temps tout froufroutant
La Seine
dit un manœuvre
un homme de peine de rêves de muscles et de sueur
La Seine c’est une usine
La Seine c’est le labeur
En amont en aval toujours la même manivelle
des fortunes de pinard de charbon et de blé
qui remontent et descendent le fleuve
en suivant le cours de la Bourse
des fortunes de bouteilles et de verre brisé
des trésors de ferraille rouillée
de vieux lits-cages abandonnés
ré-cu-pé-rés
La Seine
c’est une usine
même quand c’est la fraîcheur
c’est toujours le labeur
c’est une chanson qui coule de source
Elle a la voix de la jeunesse
dit une amoureuse en souriant
une amoureuse du Vert-Galant
Une amoureuse de l’île des cygnes
se dit la même chose en rêvant
La Seine
je la connais comme si je l’avais faite
dit un pilote de remorqueur au bleu de chauffe
tout bariolé
tout bariolé de mazout et de soleil et de fumée
Un jour elle est folle de son corps
elle appelle ça le mascaret
le lendemain elle roupille comme un loir
et c’est tout comme un parquet bien briqué
Scabreuse dangereuse tumultueuse et rêveuse
par-dessus le marché
Voilà comment qu’elle est
Malice caresse romance tendresse caprice
vacherie paresse
Si ça vous intéresse c’est son vrai pedigree
La Seine
c’est un fleuve comme un autre
dit d’une voix désabusée un monsieur correct et
blasé
l’un des tout premiers passagers du grand tout
dernier bateau-mouche touristique et pasteurisé
un fleuve avec des ponts des docks des quais
un fleuve avec des remous des égouts et de temps à
autre un noyé
quand ce n’est pas un chien crevé
avec des pêcheurs à la ligne
et qui n’attrapent rien jamais
un fleuve comme un autre et je suis le premier à le
déplorer
Et la Seine qui l’entend sourit
et puis s’éloigne en chantonnant
Un fleuve comme un autre
un cours d’eau comme un autre cours d’eau
des glaciers et des torrents
et des lacs souterrains et des neiges fondues
des nuages disparus
Un fleuve comme un autre
comme la Durance ou le Guadalquivir
ou l’Amazone ou la Moselle
le Rhin la Tamise ou le Nil
Un fleuve comme le fleuve Amour
comme le fleuve Amour
chante la Seine épanouie
et la nuit la Voix lactée l’accompagne de sa tendre
rumeur dorée
et aussi la voix ferrée de son doux fracas coutumier
Comme le fleuve Amour
vous l’entendez la belle
vous l’entendez roucouler
dit un grand seigneur des berges
un estivant du quai de la Râpée
le fleuve Amour tu parles si je m’en balance
c’est pas un fleuve la Seine
c’est l’amour en personne
c’est ma petite rivière à moi
mon petit point du jour
mon petit tour du monde
les vacances de ma vie
Et le Louvre avec les Tuileries la Tour Eiffel la Tour
Pointue et Notre-Dame de l’Obélisque
la gare de Lyon ou d’Austerlitz
c’est mes châteaux de la Loire
la Seine
c’est ma Riviera
et moi je suis son vrai touriste
Et quand elle coule froide et nue en hurlante plainte
contre inconnu
faudrait que j’aie mauvaise mémoire
pour l’appeler détresse misère ou désespoir
Faut tout de même pas confondre les contes de fées et
les cauchemars
Aussi
quand dessous le Pont-Neuf le vent du dernier jour
soufflera ma bougie
quand je me retirerai des affaires de la vie
quand je serai définitivement à mon aise
au grand palace des allongés
à Bagneux au Père-Lachaise
je sourirai et me dirai
Il était une fois la Seine
il était une fois
il était une fois l’amour
il était une fois le malheur
et une autre fois l’oubli
Il était une fois la Seine
Il était une fois la vie »
Ce poème nous emmène en voyage. Je l'ai choisi comme introduction à mon prochain billet qui sera consacré à la Seine, un univers à part entière.
Cet univers, Jacques Prévert nous le conte avec son immense talent de poète populaire et de scénariste au langage riche et familier, truffé de jeux de mots qui caracolent dans la tête et le cœur.
Les émotions des artistes, des promeneurs et des habitants de Paris entrent en résonance avec les mouvements de l'eau et cela dure depuis des temps immémoriaux. Nous verrons cela dans quelques jours...
En attendant, pour le plaisir, voici quelques uns des visages de Dame Seine...
En bordure de l'Île Saint-Louis...
Vue sur le Pont Alexandre III
La Seine a vraiment une myriade d'aspects fascinants...
Merci de votre fidélité chers Aminautes ! Belles pensées et gros bisous !
Tags : seine, fleuve, jpg, prevert
-
Commentaires
24mansfieldLundi 20 Janvier 2020 à 20:23La Seine comme une comptine, légère et primesautiere, la Seine comme une belle fille qui à fond sa jeunesse éternelle. Merci Cendrine!RépondreCendrine , mon Amie
Jacques Prévert , le poète, lui l'autodidacte , issu d'une famille modeste , anticlérical et antimilitariste ,préféré de mon papa . Jai ses recueils auprès de moi annotés, pour certains poèmes, à l'encre violette de sa main . Les élèves de mon papa , instituteur , ont tous ont droit au Cancre et En sortant de l'école . Poète inclassable , éternel poète , Prévert est un génie des mots . Et pourtant, il n'aimait pas que l'on dise de lui qu'il était poète mai sil écrivait : " La poésie , c'est ce qu'on rêve , ce qu'on imagine , ce qu'on désire , et ce qui arrive, souvent ."
Je te lis non sans émotions , cela fera 8 ans que mon papa est parti dans la poésie de l'après . " Il était une fois la Seine, il était une fois la vie ... " et c'est magnifique . La Seine , source de Paris .
Tes regards posés sur les vers de Prévert sont des étincelles miroitantes sur les eaux de ce fleuve qui ont vu naitre l'une des plus belles villes au monde .
Douces pensée ma Petite Fée . Je ne suis pas toujours présente sur la toile comme je l'aimerais . La vie est ainsi faite .
Je te souhaite un beau dimanche . L'hiver fait son petit tour, emmitouflé dans son écharpe , le Père Janvier parcourt les chemins parsemés de perce-neige .
Je t'embrasse de tout cœur
Véronique
Bonsoir,
Merci pour votre commentaire. Content d'avoir de vos nouvelles. Je vous avais écrit il y a quelques temps afin de savoir si vos soucis d'insalubrités étaient enfin résolus, et j'espère que oui car franchement ça devait être invivable cette situation! En ce qui concerne la société, là par contre je ne pense pas que l'on puisse être optimiste, je pense malheureusement que ça ira de pire en pire jusqu'à ce que Dieu et son Fils Jésus fasse le grand ménage sur la terre! Vous savez le climat actuel n'est absolument pas du au hasard, cela fait 2000 ans que Dieu et son Fils Jésus dans la Bible avait annoncé tout ce qui se passerait dans les temps de la fin avant qu'ils interviennent. En ce qui me concerne je ne suis pas étonné du tout de la décadence de la société avec tout son cortège de violence corruptions et autres choses du même genre, et cela même si ça ne me plaît pas du tout de vivre dans une société qui n'est plus ce qu'elle était dans les années 70 lorsque j'étais enfant. A cette époque il y avait bien sur également des personnes infectes, mais bon l'ambiance était totalement différente, les gens se parlaient, maintenant bien qu'il y ait tout un tas de moyens de communications, eh bien les gens ne se sont jamais fait autant la gueule pour employer un terme plutôt populaire. Dans les grandes villes ce genre d'ambiance est nettement plus exacerbé que dans les petits villages de province bien que ce soit également perceptible. De toute façon une société individualiste ne peut que courir à sa perte, car tout le monde à besoin de tout le monde, mais bon je pense que de moins en moins de personnes sont consciente de ça, sauf lorsque par exemple il y a des grèves, là les gens se rendent compte qu'ils ont besoin des uns des autres pour que la société fonctionne...enfin bref...! Autrement j'espère que vous allez bien malgré vos soucis de santé évidement. En ce qui me concerne ça va à peu près, bien que mon ostéopathe ne parvienne plus à faire des miracles, mais bon je pense que je dois avoir en plus des ostéophytes également de l'arthrose, je vais demander à passer des radios du rachis et du dos afin de savoir si c'est le cas ou pas. Bon je vous souhaite une bonne fin de soirée, et merci pour votre gentillesse et votre sincère et fidèle amitié.
Mille mercis ma chère Cendrine pour toutes tes douceurs adressées sur mon blog.
Je t'embrasse et belle fin de semaine.
Bonjour Cendrine,
le ciel est nuageux ce matin, pas de soleil à l'horizon..
Bonne journée, gros bisous
Bonsoir Cendrine,
Oh oui tu as vu ce beau ciel bleu, comme c'était agréable ... j'ai pris pas mal de clichés tu penses bien !! J'ai programmé un article pour demain, encore sur l'élagage des arbres, mais là accroches toi !! fallait pas avoir le vertige crois moi, il y avait du monde qui regardait le "spectacle" ... Rendez-vous donc demain !!
Et toi es tu sortie un peu ?
Et tes soucis avec tes toilettes ? j'espère que ce n'est plus qu'un mauvais souvenirs ...
Je te souhaite une très bonne soirée, prends soin de toi, grosses bises, Véronique
Bonjour ma Cendrine, J'ai toujours aimé Prévert et ses poèmes si originaux. Celui-ci fait vivre sous nos yeux ce fleuve superbe, pas toujours tranquille mais sans lequel Paris ne serait pas Paris... Merci petite Fée pour ce choix ! J'aime les cours d'eau, ils symbolisent la vie. Pour nous ici c'est la Loire, fleuve magnifique et majestueux qui se mêle à l'Océan juste sous nos yeux, au gré des marées, dans l'estuaire... J'espère que tu vas bien à présent et que les soucis se sont estompés au fil des jours... En te remerciant pour les beaux portraits que tu as réalisés de Dame la Seine, te te souhaite une douce semaine et te fais de très gros bisous d'amitiés, sans oublier ton cher Christophe, Shuki
Bonjour Cendrine,
merci de tes visites, tes commentaires me font toujours plaisir à lire..
Le ciel est gris ce matin, il va pleuvoir..
Bonne journée, bons baisers
15AlbireoMercredi 15 Janvier 2020 à 06:3514timiloMercredi 15 Janvier 2020 à 06:00Que serait Paris sans la Seine...
Dans ce poème elle est si bien décrite qu'on l'entend couler entre ses vers..
De bien jolies images hautement poétiques
Douce journée CENDRINE
Bisous
timilo
Merci Cendrine pour ce magnifique billet consacré à la Seine.
J'aime tout particulièrement ce passage
La Seine dit un chat
c’est une chatte
elle ronronne en me frôlant
Grosses bises
Bonjour Cendrine,
Voilà un superbe poème qui me fait bien plaisir ... La Seine me manque ici, je la vois quand je vais à Paris, mais derrière les vitres d'un bus, ce n'est plus la même chose ... Faut que j'aille lui dire bonjour, que je la photographie ... Ce fleuve je l'adore !!
Je te souhaite une très bonne journée, prends soin de toi, grosses bises, Véronique
Crue de la Seine, le 4 février 2018
Bonjour
magnifiques poéme et tes photos sur notre Paris est superbe merci pour ce partage bise raymonde
Bonjour Cendrine,
quel beau poème sur la Seine que Prévert a écrit.. Tes photos sont splendides..
Bonne journée, gros bisous
Bonjour Cendrine
Ce Monsieur Prevert avait l'art de dire les choses de façon si belles et si vraies pour le peu qu'on essaie de se teleporter dans sa tete .on regarderait la Seine différemment surement !
Merci pour ce partage
Bisous
la seine occupe le temps
elle coule tout doucement
mais elle passe de saison en saison
s'accorde quelques passions
mais toujours elle fait rêver
le bateau mouche est là pour confirmer
ce poème a lui tout seul le dit
il raconte sa vie
je t'embrasse douce fée
a toi
de moiVL/Claude
bonjour
la seine je ne la connait pas beaucoup , mais quand même je l 'ai vue ainsi que les ponts
et j aime beaucoup ce choix de poéme
la pensée aussi pour Lady Marianne , qui avec sa gentillesse à laissér son sillage parmis nous
bonne journée Cendrine
bises de bretagne
kénavo
Il est très beau ce poème et tes photos sont de toute beauté. La seine à la nuit tombée fait rêver, merci pour ce voyage Cendrine.
Douce journée à vous deux, on va essayer de pas s'envoler
Gros gros bisous
Pour résumer la Seine c'est et reste tout un poème... chez moi je n'ai qu'une rivière la Lys avec ses quelques mouettes portées par l'onde... ses bateliers non de la Volga.... merci, bises, jill
Ajouter un commentaire