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    L'un des Chevaux de Marly, sculptures exécutées entre 1743 et 1745 par Guillaume Coustou (1677-1746). Vue prise avant le temps du couvre-feu et celui du confinement...

    Pour lire ma présentation de Marly : http://maplumefeedansparis.eklablog.com/la-seine-et-la-marne-ete-automne-2019-a173505128

     

     

    Je continue avec plaisir la tradition du Poème du Mardi, un rendez-vous que j'aime beaucoup, en souvenir de Lady Marianne, avec des pensées d'amitié.

     

    J'ai choisi ce poème car j'adore la Nuit... Plus secrète que le Jour, elle insuffle, avec une énergie très personnelle, l'Inspiration aux artistes. Elle se drape d'une obscurité tissée de tant de possibilités de création !

    J'aime aussi le Jour mais les charmes de la Nuit m'enivrent au plus haut point...

     

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    « À quoi pense la Nuit ?

     

    À quoi pense la Nuit, quand l'âme des marais

    Monte dans les airs blancs sur tant de voix étranges,

    Et qu'avec des sanglots qui font pleurer les anges

    Le rossignol module au milieu des forêts ?...

     

    À quoi pense la Nuit, lorsque le ver luisant

    Allume dans les creux des frissons d'émeraude,

    Quand murmure et parfum, comme un zéphyr qui rôde,

    Traversent l'ombre vague où la tiédeur descend ?...

     

    Elle songe en mouillant la terre de ses larmes

    Qu'elle est plus belle, ayant le mystère des charmes,

    Que le jour regorgeant de lumière et de bruit.

     

    Et — ses grands yeux ouverts aux étoiles — la Nuit

    Enivre de secret ses extases moroses,

    Aspire avec longueur le magique des choses. »

     

    Maurice Rollinat (1846-1903), Poème issu du Recueil « Paysages et Paysans », paru en 1899.

     

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    -Le poète Maurice Rollinat naquit à Châteauroux, dans l'Indre, le 29 décembre 1846 et mourut à Ivry-sur-Seine, le 26 octobre 1903. Il fut un personnage atypique, mystérieux, extrêmement doué pour le piano.

     

    -Son père, François Rollinat, député de l’Indre à l’Assemblée Constituante en 1848, étant très ami avec George Sand, Maurice Rollinat fut également lié à cette grande dame des Lettres. George Sand l'encouragea à écrire des poèmes, ce qu'il fit avec passion. Il se produisit au célèbre Cabaret du Chat Noir où il fut adulé par la foule quand il s'installait devant son instrument. Il interpréta ses poèmes en musique et il fit de même pour plusieurs poèmes de Baudelaire.

     

    -Membre du groupe décadent, anti-politique, anticlérical et antibourgeois des Hydropathes, il fréquenta donc assidûment le Cabaret du Chat Noir et fut considéré, tout au long de sa vie, comme très étrange. Atteint de terribles névralgies qui le faisaient entrer en transe devant le public, il était « enveloppé » par une atmosphère des plus mystérieuses. Lorsqu'il « souffrait » devant son auditoire, des gens s'évanouissaient autour de lui. On le disait possédé par des fantômes et capable de converser avec les esprits.

     

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    -Maurice Rollinat était vraiment un drôle de personnage ! Gentil, amical, sociable mais également très bizarre et comme habité par des mondes « spéciaux ». Il écrivit « Les Névroses », une œuvre qui laissa le public tout autant fasciné que partagé sur son attirance pour l'homme et l'artiste.

     

    -Des auteurs comme Jules Barbey d’Aurevilly, Oscar Wilde et Leconte de Lisle se passionnèrent pour son « étrangeté »... Il fut tout au long de sa vie imprégné d'une sensibilité très particulière et il aima les atmosphères de la Nuit, territoire de merveilles et de magie.

     

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    Dans la suite de ce poème, je vous offre ces photos de nuit, prises, comme je l'écrivais plus haut, avant le couvre-feu et le confinement, dans les rues de Paris et sur les bords de Seine. J'ai aussi retrouvé quelques photos datant des alentours de Noël 2019, photos que je n'avais pas publiées.

     

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    Que sera la période de Noël cette année ? Nous verrons bien...

    Surtout, tâchons de cultiver notre optimisme même si, je le sais, ce n'est pas évident...

    Je veux croire en des temps meilleurs et en nos libertés retrouvées. Que brillent nos Espérances !

     

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    Nous étions fin 2019, dans le Jardin des Tuileries. Il y avait, de nuit, des manèges, des animations, un esprit festif...

     

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    Des lumières sur les Champs-Élysées, avec un des Chevaux de Marly dans le fond (voir le début de mon article pour la référence à Marly...)

     

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    Place de l'Hôtel de Ville

     

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    Un Carrousel à l'ancienne pour laisser tournoyer nos âmes d'enfants...

     

    Prenez bien soin de vous, chers Aminautes !

    Plume

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    Je continue la tradition du Poème du Mardi, un rendez-vous que j'apprécie beaucoup, en souvenir de Lady Marianne, avec des pensées d'amitié...

     

    J'ai choisi pour ce mardi 14 juillet un poème gorgé de passion, de volupté... Des mots d'amour et de désir qui éclatent en pétales de roses ! Un feu d'artifice de sensualité... et à propos de feu d'artifice, je nous souhaite une Bonne Fête Nationale ! Bien « étrange », cette année...

     

    « Dans un jardin de roses

    Le sommeil t'emporte

    Aux quatre coins de ton lit

    Se dressent des bouquets

    Faits de roses trémières:

    Tagète jaune, blanche

    Vives couleurs mariées

    A l'arôme de menthe.

     

    Un bouquet de roses rouges

    Sous ton oreiller blanc

    Deux autres de roses blanches

    Au pied de ton lit

    Des œillets parfumés

    Çà et là dans ta chambre

    Feront de toi ce soir

    La reine de printemps.

     

    Voici que vient la nuit,

    Chaude d'élégance

    Une nuit voluptueuse

    Pleine de charmes,

    Séduisante, sereine

    Qui donne de l'extase.

     

    Sur ton lit de roses

    Tu es étendue,

    Ton corps élancé

    Dans ta couleur d'ébène

    Aux sourires charmants,

    Interroge mes sens.

     

    Ton portrait alléchant

    Dans ta tunique rouge

    Ah! Quelle convoitise;

    En te dévisageant

    J'imagine déjà

    Avec quelle volupté

    Je te posséderai.

     

    Sur ta peau de satin

    Tombent des nénuphars,

    Pétales blancs, rouges

    Rosés de plaisirs;

    Au milieu de ton lit

    Tu prends ton bain de roses

    Doux et sentimental

    Au parfum grisant et suave.

     

    Sur tes lèvres succulentes

    Je dépose des baisers

    Vrais bouquets de printemps,

    T'enlaçant dans mes bras

    Sans penser à demain;

    Ivres de caresses,

    Le sommeil nous emporte

    Dans ton grand lit de roses. »

     

    Extrait de « Cris du Cœur »

     

    L'auteur, Maurice Oreste, est un poète et romancier haïtien, amoureux de sa terre natale et de sa culture dont il chante, avec beaucoup de sensualité, les beautés ardentes et les douleurs abyssales. A travers son écriture, particulièrement sensible et pleine de vie, il montre la tristesse d'un peuple souvent blessé et exprime sa foi en l'avenir et en la magie d'une terre où s'épanouit la Nature en volupté...

     

    En 2011, il a publié un roman intitulé « La Voix de l'Ombre » qui a connu un grand succès.

     

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    J'illustre ce poème avec des roses dont j'ai butiné, avec les yeux, la beauté si suggestive...

     

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    Belles pensées pour vous, gros bisous !

     

    Cendrine

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    Je continue la tradition du Poème du Mardi, un rendez-vous que j'apprécie beaucoup, en souvenir de Lady Marianne, avec des pensées d'amitié...

     

    J'ai choisi pour ce mardi « Le Colibri », un poème de Leconte de Lisle que j'ai illustré avec des photos du monument consacré à ce grand poète, des photos prises au fil des années, au gré des saisons...

     

     

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    Martin Johnson Heade (1819-1904), Deux Colibris, 1864. Ce peintre américain fut très apprécié pour ses vues de la faune sauvage, ses paysages aux couleurs intenses, ses natures mortes pleines de charme...

     

     

    Le Colibri

     

    Le vert colibri, le roi des collines,

    Voyant la rosée et le soleil clair

    Luire dans son nid tissé d’herbes fines,

    Comme un frais rayon s’échappe dans l’air.

     

    Il se hâte et vole aux sources voisines

    Où les bambous font le bruit de la mer,

    Où l’açoka rouge, aux odeurs divines,

    S’ouvre et porte au cœur un humide éclair.

     

    Vers la fleur dorée il descend, se pose,

    Et boit tant d’amour dans la coupe rose,

    Qu’il meurt, ne sachant s’il l’a pu tarir.

     

    Sur ta lèvre pure, ô ma bien-aimée,

    Telle aussi mon âme eût voulu mourir

    Du premier baiser qui l’a parfumée !

     

    Charles Leconte de Lisle, Poèmes Barbares

     

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    Martin Johnson Heade (1819-1904), Colibris gorge rubis.

     

     

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    Portrait de Leconte de Lisle, vers 1840-1841, par Jean-François Millet (1814–1875).

     

    Leconte de Lisle naquit, le 22 octobre 1818, à Saint-Paul, sur l'Île de la Réunion où son père, un ancien chirurgien des armées de l'Empire, s'était reconverti en cultivateur de canne à sucre. Il fit ses classes à Saint-Denis de la Réunion puis il se rendit en Bretagne et à partir de 1845, il s'installa à Paris. Partageant les idées de Charles Fourier (1772-1837), le fondateur de l’École Sociétaire, qui prônait la création de phalanstères, de grands ensembles de production dans lesquels les ouvriers vivaient « en communauté harmonieuse », il crut à la Révolution de 1848.

     

    Il initia des pétitions contre l'abolition de l'esclavage mais cela lui valut de déclencher les foudres de sa famille et de plusieurs de ses connaissances. Rejeté pendant un certain temps, il choisit de se détourner de la politique pour se consacrer à la littérature.

     

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    Passionné par l'Hellénisme, il publia, à la fin de l'année 1852, les Poèmes Antiques et continua d'exprimer sa vision du Beau dans les recueils qui suivirent : Poèmes et Poésies, 1855 ; Poésies complètes, 1858 ; Poèmes Barbares, 1862.

     

    Il connut tout au long de sa vie des difficultés matérielles en devant subvenir aux besoins conséquents de sa famille. Il publia de nombreux recueils de poésies et réalisa des traductions d’œuvres majeures de l'Antiquité dont L'Iliade et L'Odyssée et Les Travaux et les Jours d'Hésiode.

     

    De 1871 à 1894, il fut bibliothécaire du Palais du Luxembourg/Sénat. Il dut cette nomination à Jules Simon (1814-1896) qui était Ministre de l'Instruction Publique et le 11 février 1886, il fut élu, à l'Académie Française, au fauteuil de Victor Hugo (1802-1885) qui était un grand admirateur de ses œuvres.

     

    Extrait d'une lettre de Victor Hugo à Leconte de Lisle :

     

    « Mon éminent et cher confrère,

    Je vous ai donné trois fois ma voix, je vous l’eusse donné dix fois. Continuez vos beaux travaux et publiez vos nobles œuvres qui font partie de la gloire de notre temps. En présence des hommes tels que vous, une Académie, et particulièrement l’Académie Française, devrait songer à ceci : qu’elle leur est inutile et qu’ils sont nécessaires.

    Je vous serre la main. »

     

     

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    Leconte de Lisle fut le chef de file du mouvement littéraire du Parnasse, mouvement qui naquit sur une opposition aux effets lyriques du Romantisme.

     

    La Poésie Parnassienne décrit et explore la vie de manière pittoresque, en faisant appel à un sens solide et scientifique de l'observation. Elle englobe souvent des notions historiques et archéologiques mais nombre d'artistes liés au Parnasse ont développé un art plein de fougue et de sensibilité, loin des grands effets de style et de certaines froideurs associées aux Sciences dont pourtant ils se réclamaient. Les Parnassiens principaux furent Théodore de Banville, Théophile Gautier, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, José Maria de Heredia, Stéphane Mallarmé, Sully Prud'homme, François Coppée... Il y eut aussi Baudelaire dont la manière et le talent s'aventurèrent jusqu'au Symbolisme.

     

     

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    Le monument dédié à Leconte de Lisle fut réalisé en 1898 par le sculpteur Denys Puech (1854-1942), Grand Prix de Rome, qui reçut de nombreuses commandes officielles sous la Troisième République. Financé par une souscription publique ouverte en 1894, il représente le Poète qui avance vers le Parnasse, en compagnie de la Gloire, séduisante allégorie ailée.

     

    Inauguré en juillet 1898, dans le Jardin du Luxembourg traversé par Leconte de Lisle chaque jour, cet ensemble sculpté fut aimé de certains et rejeté par les autres. Ainsi, le grand poète Anatole France dit-il à Rodin ces mots peu flatteurs concernant l’œuvre : « Leconte de Lisle, caressé par une grande femme ailée en saindoux, me semble surtout à plaindre. Et quand je l’aperçois, je me sauve en songeant que peut-être, un jour, sous les ombrages, Monsieur Puech représentera une affaire Dreyfus en suif, baisant à pleine bouche mon buste en margarine ! »

     

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    Prenez bien soin de vous chers aminautes, je vous envoie de gros bisous et mes pensées d'amitié..

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    Je continue la tradition du Poème du Mardi, un rendez-vous que j'apprécie beaucoup, en souvenir de Lady Marianne, avec des pensées d'amitié...

     

    J'aime hisser mon regard dans le ciel, à la crête des toits, au-dessus des maisons et quand je rencontre des girouettes, je m'amuse à imaginer le vent, devisant avec ces créations de métal ou de bois, voire de tissu et de papier collé... Aussi, ai-je beaucoup apprécié ce poème, signé d'un auteur québecois, Albert Lozeau (1878-1924).

     

     

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    La Girouette

     

    « La girouette au bout du pignon tourne au vent ;

    Et selon que le vent la caresse ou la fouette,

    Plus ou moins vite, on voit, tourner la girouette,

    Sa pointe en tous les sens et sans cesse en avant.

     

    Du nord au sud, de l'est à l'ouest, elle vire

    En décrivant un rond qui s'efface dans l'air ;

    Parfois, elle s'arrête, et de son doigt de fer

    Désigne longuement un objet qui l'attire.

     

    La girouette oscille et fait un demi-tour,

    Elle hésite, on dirait qu'elle a peur de l'espace ;

    Elle se meut de droite à gauche au vent qui passe :

    Attentive, elle écoute et regarde alentour.

     

    Voici que tout à coup un souffle la bouscule ;

    Elle tourne, et s'arrête encore brusquement,

    Comme prise soudain d'un grand étonnement...

    Puis, recommence son manège minuscule.

     

    Je ne me moque point de ses tours et ses sauts,

    Ainsi qu'elle, mon coeur est une girouette ;

    Le jour furtif l'émeut, l'agite et l'inquiète,

    L'orientant toujours vers des rêves nouveaux.

     

    Il lui montre à plein ciel les bonheurs qu'il envie,

    Mais il ne lui permet jamais de les goûter ;

    Lui dont le seul désir serait de s'arrêter,

    Il tourne, hélas ! il tournera toute la vie !... »

     

     

    J'aime les girouettes et également beaucoup les petits moulins à vent...

     

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    Au Québec, Albert Lozeau (1878-1924) est perçu comme un monument de la littérature poétique. Artiste sensible et profondément humaniste, il naquit à Montréal, aima les études et fut hélas atteint, à l'âge de treize ans, d'une arthrose de l'épine dorsale due à la tuberculose. Les années passèrent et sa maladie empira. Quand il eut 18 ans, il fut dans l'incapacité de se tenir debout et donc de marcher. Il resta tout le reste de son existence alité ou derrière sa fenêtre, à observer la Nature, le Ciel, les couleurs changeantes des Saisons.

     

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    Il développa une âme poétique des plus subtiles et il écrivit, de tout son être, en laissant s'aventurer son esprit au dehors. La Girouette du poème que j'ai choisi résonne donc, de manière très particulière, au creux de sa vie. Elle évoque les mouvements qu'il ne pouvait accomplir...

     

     

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    Belles pensées pour vous chers Aminautes !

     

    Bien affectueusement...

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    Le dieu Hiver, Saturne aux Tuileries, (marbre original datant du 18e siècle, visible au Louvre et qui fut remplacé par un moulage en 1993 au Jardin des Tuileries.)

     

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    En souvenir de Lady Marianne, avec émotion et Amitié... Voici mon choix de poème pour le mardi 7 janvier :

     

    Fantaisies d'Hiver de Théophile Gautier

     

    Un poème divisé en cinq tableaux, issu de Émaux et Camées, recueil de 37 poèmes composés en octosyllabes et paru en 1852.

     

    I

     

    Le nez rouge, la face blême,

    Sur un pupitre de glaçons,

    L'Hiver exécute son thème

    Dans le quatuor des saisons.

     

    Il chante d'une voix peu sûre

    Des airs vieillots et chevrotants ;

    Son pied glacé bat la mesure

    Et la semelle en même temps ;

     

    Et comme Haendel, dont la perruque

    Perdait sa farine en tremblant,

    Il fait envoler de sa nuque

    La neige qui la poudre à blanc.

     

    II

     

    Dans le bassin des Tuileries,

    Le cygne s'est pris en nageant,

    Et les arbres, comme aux féeries,

    Sont en filigrane d'argent.

     

    Les vases ont des fleurs de givre,

    Sous la charmille aux blancs réseaux ;

    Et sur la neige on voit se suivre

    Les pas étoilés des oiseaux.

     

    Au piédestal où, court-vêtue,

    Vénus coudoyait Phocion,

    L'Hiver a posé pour statue

    La Frileuse de Clodion.

     

    III

     

    Les femmes passent sous les arbres

    En martre, hermine et menu-vair,

    Et les déesses, frileux marbres,

    Ont pris aussi l'habit d'hiver.

     

    La Vénus Anadyomène

    Est en pelisse à capuchon ;

    Flore, que la brise malmène,

    Plonge ses mains dans son manchon.

     

    Et pour la saison, les bergères

    De Coysevox et de Coustou,

    Trouvant leurs écharpes légères,

    Ont des boas autour du cou.

     

    IV

     

    Sur la mode Parisienne

    Le Nord pose ses manteaux lourds,

    Comme sur une Athénienne

    Un Scythe étendrait sa peau d'ours.

     

    Partout se mélange aux parures

    Dont Palmyre habille l'Hiver,

    Le faste russe des fourrures

    Que parfume le vétiver.

     

    Et le Plaisir rit dans l'alcôve

    Quand, au milieu des Amours nus,

    Des poils roux d'une bête fauve

    Sort le torse blanc de Vénus.

     

    V

     

    Sous le voile qui vous protège,

    Défiant les regards jaloux,

    Si vous sortez par cette neige,

    Redoutez vos pieds andalous ;

     

    La neige saisit comme un moule

    L'empreinte de ce pied mignon

    Qui, sur le tapis blanc qu'il foule,

    Signe, à chaque pas, votre nom.

     

    Ainsi guidé, l'époux morose

    Peut parvenir au nid caché

    Où, de froid la joue encor rose,

    A l'Amour s'enlace Psyché.

     

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    Théophile Gautier (1811-1872), poète, romancier, critique d'art passionné par le Chant de l'Esthétisme et de l'Art pour l'Art, magnifie ici l'Hiver de manière sensible et facétieuse. Au carrefour du Romantisme et de la Poésie Parnassienne, il célèbre avec brio la « saison blanche » et s'amuse à nous montrer en mots le paysage transfiguré.

     

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    L'Hiver est un royaume assourdi, un univers secret. On s'y promène à fleur de songe, sur les chemins ourlés de givre ou brodés de neige fraîche. J'ai choisi ce poème parce que j'aime explorer les jardins en hiver. Je me réjouis lorsque la Nature se pare de fleurs et de vert mais j'aime aussi les atmosphères hivernales, me plonger dans la lumière de porcelaine qui effleure mystérieusement les matières et contempler vases et statues qui semblent se fondre dans une profonde rêverie.

     

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    Glossaire pour Fantaisies d'Hiver

     

    Phocion était un général, stratège et orateur athénien, né en 402 et mort en 318 avant J.-C. Cet homme illustre était célèbre pour son opposition à toute vaine rhétorique. Théophile Gautier exprime à travers cette référence, loin de tout jeu linguistique stérile, l'importance de la force créatrice contenue dans les mots.

     

    Vénus Anadyomène, « sortie des eaux » ou « surgie des eaux », parée de sa longue chevelure envoûtante. Incarnation mythologique de la Beauté pour les artistes Romantiques et Théophile Gautier.

     

    Clodion était le pseudonyme de Claude Michel (1738-1814), sculpteur lorrain très apprécié dans les milieux parisiens de son temps et représentatif du style Rococo. Sa Frileuse connut un grand succès.

     

    Nicolas Coustou (1658-1733), neveu du maître Antoine Coysevox (1640-1720) qui créa nombre de sculptures pour les parcs et jardins d'Île de France, fut l'un des plus grands sculpteurs en activité à la fin du règne de Louis XIV et au début du règne de Louis XV. Il a réalisé des marbres sensuels et somptuaires pour le Parc de Marly que je vous ai présenté il y a quelques temps.

     

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    Et maintenant, un florilège de photos prises avec la joie de butiner les charmes des Tuileries autrement qu'à la verte saison...

     

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    Arbres en silhouettes d'hiver...

     

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    Certains d'entre eux ont encore des feuilles...

     

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    Qu'ils soient nus ou habillés, ils me fascinent !

     

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    Ce sont de formidables géants !

     

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    Et l'on peut faire de sympathiques rencontres...

     

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    Pour se promener à travers l'histoire du jardin...

     

    La Ronde des Saisons aux Tuileries...

     

    http://maplumefeedansparis.eklablog.com/la-ronde-des-saisons-aux-tuileries-a108624238

     

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    Je trouve cela magique, un jardin en hiver...

     

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    J'avais pris les trois photos ci-dessus l'année dernière et je ne les avais pas publiées. J'ai trouvé qu'elles allaient bien avec le poème de Théophile Gautier... En attendant que peut-être vienne la neige...

     

    Gros bisous et pensées chaleureuses !

    Plume

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