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Peuplée de sorcières, de vampires, de fantômes et de créatures issues du folklore anglo-saxon, la fête d'Halloween jaillit dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Importée aux Etats-Unis par les Irlandais, les Gallois et les Ecossais vers le milieu du XIXe siècle, Halloween plonge ses racines complexes dans le terreau des siècles celtiques. Dans ces périodes lointaines, on célébrait Samain ou Samhain, Samon ou Samonios en Gaule et Soween, en Irlande, qui signifie « fête de l'entrée dans l'hiver ».
Sacrée pour les Celtes et les Gaulois, cette nuit mystérieuse ouvrait les portes de « l'année sombre », du 31 octobre au 31 avril.
(Illustration ancienne venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
Une fête aux multiples visages
A cette date fatidique, les tribus se réunissaient autour de grands brasiers pour affronter l'obscurité, peuplée d'êtres maléfiques. Des festins se succédaient, marquant la fin des activités guerrières au début de l'hiver. Agapes initiatiques au cours desquelles on « dévorait » rituellement le roi de l'ancienne année avant d'introniser le nouveau.
Des porcs, animaux chthoniens, conducteurs des âmes et messagers entre le monde humain et celui des dieux, étaient sacrifiés.
Des repas étaient dédiés aux ancêtres. Des chants, accompagnés de danses à caractère prophylactique, éclataient dans la nuit. Les outils agricoles étaient mis au repos.
Présente sous de nombreuses formes, la mort est initiatique et nourricière. Dans les légendes celtiques, elle attend le roi et ses guerriers dans le ventre d'un chaudron magique, sorte de puits ouvert sur le monde d'en-bas, espace temps d'épreuves et de dangers qui régénèrent l'impétrant, renouvellent ses forces en même temps que celles de la communauté.
(La Déesse à la Pomme, illustration venant du Tarot de Merlin, créé par R.J. Stewart et illustré par Miranda Gray).
Dans la terre profonde, entremêlée de racines que les sorcières utilisent pour concocter leurs différentes mixtures, vivent des esprits qui s'incarnent sous la forme de lutins maraudeurs et d'animaux noirs. Ces « entités » sont particulièrement voraces à la période d'Halloween.
Héritière de superstitions et de rituels très anciens, ancrés dans le folklore anglo-saxon, Halloween se présente comme la résurgence de nos propres traditions, réveillant un code symbolique commun à plusieurs régions de France.
Parés de costumes et de masques, les enfants et les adultes défilent dans les rues en tenant des lampions, des lanternes, des balais de sorcières et différents accessoires magiques.
Dans le monde anglo-saxon, les enfants frappent aux portes des maisons et prononcent une phrase consacrée: « trick or treat » qui signifie « un bonbon ou un sort » ou « tu payes ou tu as un sort »! Ils reçoivent des sucreries, des babioles ou des pièces de monnaie dans un sac ou un petit chaudron.
Un peu partout, se dressent des citrouilles évidées et sculptées dans lesquelles sont placées des bougies, de manière à créer des visages de feu qui défient l'obscurité de la nuit.
(Illustratrice Ellen H. Clapsaddle (1865-1934), collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
« Fruits-visages » et lampes d'Halloween
Originellement, ces lampes fantastiques étaient creusées dans de gros légumes et dans des fruits. A partir de l'équinoxe d'automne, les racines, les rhizomes et les tubercules se « chargent » de pouvoir. Transformés en lanternes flamboyantes, ils sont réputés éloigner les démons tapis dans les ténèbres et le froid.
Ces « têtes lumineuses » étaient placées autrefois à la croisée de plusieurs chemins (lieu associé aux apparitions du Diable, aux sabbats des sorcières, aux rencontres avec l'au-delà), à l'entrée des cimetières et devant les bâtiments en ruines, repaires de rôdeurs maléfiques...
La tradition des Rommelbootzen ou « têtes de mort de la Toussaint » existe toujours en Lorraine et en Moselle. De grosses betteraves sont creusées en formes de masques grotesques et illuminées par de petites bougies. Elles sont ensuite placées aux croisées de chemins, au pied des calvaires et sur le rebord des fenêtres. La coutume veut que les sculpteurs de betteraves y « transfèrent » un peu de leur âme.
(Affiche du festival des « Betteraves Grimaçantes »
qui se déroule au château Saint Sixte de Freistroff,
près de Bouzonville en Moselle, du 26 au 31 octobre 2011.)Les racines relient le monde des profondeurs au monde de la surface où évoluent les vivants. Dans le folklore du nord de l'Europe, certaines racines sont « habitées » par des esprits dont il faut se concilier les faveurs. Les légendes allemandes font référence à Rübezahl, le « compteur de navets », un démon de la terre que l'on appelle aussi « Maître Jean », « Seigneur Jean » ou « Sire Jean ».
Originaires d'Amérique, les grosses citrouilles oranges (pumpkin), se développent sur des lianes luxuriantes. Leur peau épaisse se partage en quartiers. Leurs grandes feuilles vert vif forment des vrilles décoratives. Leurs fleurs jaune d'or en forme d'entonnoirs se forment à la fin du printemps. Gorgées de graines à la période d'Halloween, elles évoquent la fécondité et la mort. Elles symbolisent la connaissance et tissent des liens subtils entre les mondes. Leurs graines rissolées sont des trésors d'énergie et de vitamines à déguster.
Le potiron vient aussi des Amériques. Ce beau fruit se distingue par ses couleurs variées, du rouge vif au vert foncé en passant par l'orange lumineux. Sa chair appétissante excite les papilles et stimule l'imagination des gourmands. Sa chair est moins filandreuse et plus sucrée que celle de la citrouille.
Courges musquées, butternut ou spaghetti, giraumons, potimarrons, pâtissons... le monde des cucurbitacées nous régale de bienfaits. Avec leurs couleurs solaires et leurs silhouettes bizarres, ces « merveilles végétales » sont les emblèmes d'Halloween.
Le lendemain d'Halloween, on aborde la « sobre » Toussaint, suivie, le 2 novembre, du « Jour des Morts ».
Contrariée par la survivance des rituels de Samain, l'Eglise voulut substituer le culte des saints à celui des esprits et des âmes. Au IXe siècle, sous l'égide du pape Grégoire IV et de l'empereur Louis le Pieux, la Toussaint telle que nous la connaissons prit davantage d'importance. Mais l'Eglise ne put éradiquer les vieilles croyances qui perdurèrent, sous des formes plus ou moins actives, suivant les régions.
A la fin du Xe siècle, l'abbé Odilon de Cluny ordonna qu'une messe soit célébrée pour les morts, le 2 novembre, mais chaque 31 octobre, l'ancienne tradition est perpétuée par les chandelles brillantes, les citrouilles grimaçantes, les incantations ludiques et les déguisements facétieux.
Halloween Greetings!
(Illustration ancienne venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
Bibliographie
MARKALE, Jean: Halloween: histoire et traditions. Imago Editions, 2000.
PREAUD, Maxime: Les Sorcières Catalogue d'exposition. Paris, 16 Janvier-20 Avril 1973, B.N. Paris: Bibliothèque Nationale, 1973.
RONECKER, Jean-Paul: Halloween.Puiseaux: Pardès, 2000.
VALENCE, Marie de: S comme sorcière.Vallon-en-Sully: Cercle Beltane, 2000.
WARGNY, Guy de: La France des sorciers.Saint-Pierre-lès-Nemours: EUREDIF, 1980.
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J'ai toujours aimé la nuit, territoire des peurs et des merveilles...
Petite, je me lovais dans le noir. J'espérais, le cœur battant, surprendre mes jouets animés ou débusquer de mystérieuses créatures. Désormais, je célèbre Halloween, avatar moderne de la sombre et flamboyante Samain.
Du fond des âges, les terreurs « anciennes » jaillissent dès que la nuit s'approfondit. On redoute ce qui est sauvage. Dans ce contexte, Halloween est comme un miroir où se reflètent les cauchemars qui nous hantent.
Les coutumes fantasques, les charmes de sorcières, le fameux « trick or treat » (« tu payes ou tu as un sort! » ou « un bonbon ou un sort! ») sont un hymne à notre ambivalence, à cette frontière entre lumière et obscurité que nous transgressons périodiquement.
« Carnaval de l'Enfer » que certains voudraient proscrire, Halloween a dévoré les spectres de Samain. Par le biais du déguisement, ceux qui la fêtent se heurtent à leurs frayeurs intimes et à celles de la collectivité.
La Samain des Celtes marquait le début de l'année nouvelle autour d'un roi désigné pour régénérer les forces de son clan. Ses sujets, masqués, rendaient un culte aux ancêtres et allumaient de grands feux pour repousser les puissances de l'obscurité.
(Illustration ancienne, collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
La croyance dans les esprits a résisté au rationalisme et aux dogmes des religions. Gorgée de sève païenne, Halloween est une nuit « hors du temps » où le voile qui sépare les mondes s'affine et tombe, révélant son cortège de hantises et de fascinations.
En habits de feu dans les ténèbres, elle ravive ce qu'on appelait autrefois les récits de veillée. La magie des contes s'incarne alors dans les travestissements et les émotions débridées.
(Illustration de Frances Brundage, collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
Le soir du 31 octobre, cette fête baroque et populaire est célébrée dans le monde anglo-saxon mais en dépit de certaines réticences, elle séduit dans de nombreux pays. Le folklore d'Halloween émigra aux Etats-Unis avec les Irlandais, chassés par la grande famine des années 1846/1848, les Ecossais et les Gallois. Quelques décennies plus tard, Halloween fut proclamée fête nationale.
Notre Toussaint est un univers étrange où se mêlent de très lointaines traditions. L'hommage aux défunts rencontre le culte des esprits qui a survécu à travers les métamorphoses, les histoires d'horreur et les chandelles frissonnantes.
(Carte de la Mort extraite du Tarot d'Aleister Crowley (1875-1947) ou Livre de Thot. Les illustrations furent réalisées, dans un style surréaliste, par Lady Frieda Harris (1877-1962), adepte de la Confrérie de l'Astre d'Argent.)
(Illustratrice Ellen H. Clapsaddle, collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
Avec leurs chapeaux pointus et leurs balais, les sorcières sont les principales figures de cette période fascinante. Honni ou galvaudé, leur savoir a traversé les époques et continue de susciter des « vocations ».
(A Jolly Hallowe'en, illustration venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
Sorcière d'encre (par Antoinette Dao, artiste plasticienne).
Transformées en lanternes fantastiques, les citrouilles et les courges évoquent le passage entre ténèbres et clarté. Jadis offertes aux divinités, elles sont creusées, ciselées, dégustées, transfigurées par des bougies que l'on place à l'intérieur. Jack O'Lantern est un personnage emblématique de ce folklore ambivalent.
(Ho! For a Merry Hallowe'en, illustration venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
Les pommes et les noix sont considérées comme sacrées. On les place sur les tombes en guise d'offrandes, aux points cardinaux, au pied des arbres, à la croisée de plusieurs chemins.
Les fantômes glissent le long des rues, attirés par les lumières des maisons et la chaleur des vivants. A l'orée du sommeil, on peut apercevoir leurs formes évanescentes.
(A Thrilling Hallowe'en, illustration venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
Emportés par le flot de « All Hallow's Eve ou Even », la « veille de tous les saints », levons nos verres à ces « amis invisibles » qui voyagent près de nous. Allumons des bougies devant les fenêtres pour marquer la route des vieilles âmes puis revêtons l'apparence de ce qui nous terrorise et chevauchons, à bride abattue, vers des contrées de sombre féerie...
Joyeux Halloween!
(A Merry Hallowe'en, illustration venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)
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Symboles ancestraux de liberté, de force et de sagesse, les arbres sont aussi considérés comme des sources d'énergie, des êtres féeriques et des avatars de divinités. Depuis des temps immémoriaux, de nombreuses traditions invitent l'Homme à caresser leur écorce, à souffler vœux et prières dans leur feuillage, à méditer sous leur ombrage...
Des arbres « remarquables » s'épanouissent dans les jardins et les bois de Paris. Leurs silhouettes variées enchantent le paysage urbain.
Un superbe Marronnier d'Inde avec sa parure d'automne.
Un bouquet d'arbres majestueux au Jardin du Luxembourg.
La lumière étincelante révèle la magie de ces corps d'écorce...
Le Jardin du Luxembourg abrite de magnifiques platanes dont certains ont été plantés vers 1810. Les plus anciens se dressent dans l'allée Delacroix et autour de la Fontaine Médicis où leurs branches feuillues tissent un ciel verdoyant.
Ciel sylvestre
Peau d'arbre
Ce magnifique Orme de Sibérie trône à proximité de l'Orangerie du Jardin du Luxembourg.
L'Orme de Sibérie (zelkova carpinifolia) appartient à la famille des Ulmacées. Originaire du Caucase et d'Iran, il fut introduit en Europe en 1760 et à Paris en 1782. Il possède un tronc massif et de nombreuses branches dressées qui se soudent parfois entre elles. Il est considéré comme un symbole de longévité.
Ce Ginkgo Biloba « femelle » se métamorphose doucement dans la lumière de l'automne.
Vénéré dans plusieurs pays, il est appelé « arbre aux quarante écus », « arbre aux mille écus », « noyer du Japon », « fontaine de jouvence », « arbre du ciel » ou encore « fossile vivant » et se caractérise par ses feuilles à deux lobes en forme d'éventail, aux puissantes propriétés antioxydantes.
Originaire de Chine, le ginkgo biloba est un survivant de la flore de l'ère secondaire. Au Printemps, les inflorescences mâles et femelles naissent sur des arbres « séparés ». Les fruits jaunâtres de ce ginkgo femelle ressemblent à des petites mirabelles. Dès qu'ils mûrissent, ils exhalent une odeur nauséabonde mais la beauté de l'arbre l'emporte sur ce désagrément.
Le nom « ginkgo » dérive d'un vieux mot chinois lu en japonais « ginkyō ». En chinois moderne, le ginkgo ou « yinxing » signifie « arbre aux abricots d'argent ». On associe également à cet arbre ancestral les mots chinois « ya-tchio » qui signifie « patte de canard » et « yin-kuo »: « fruit d'argent ». Il revêt en automne une somptueuse parure dorée.
Arbre d'or
Magnificence
Le majestueux Marronnier d'Inde (aesculus hippocastanum L.), de la famille des Hippocastanacées, est originaire d'Asie Mineure, du Caucase et des Balkans. Un nommé Bachelier, qui revenait du Levant, l'introduisit à Paris en 1615.
Ce grand arbre ornemental peut atteindre 30 m de hauteur et vivre plus de 300 ans. Son écorce brun rougeâtre se fissure et se détache sous forme de petites plaques. Ses fleurs blanches ou roses, mouchetées de rouge, sont généralement groupées en thyrses ou bouquets pyramidaux. Ses grandes feuilles caduques sont dotées de cinq ou sept folioles dentelées. Ses bourgeons pointus, gorgés de résine, apparaissent en automne.
Son fruit se compose d'une capsule à piquants dans laquelle se love le marron d'Inde, une grosse graine lisse et luisante, de couleur brune. Mais le marron n'est pas comestible pour l'homme. C'est la châtaigne qui est utilisée, sous différentes formes, pour régaler les gourmands.
Le marronnier est réputé, depuis fort longtemps, pour ses vertus médicinales. Riches en tanins et en flavonoïdes, son écorce, ses feuilles et ses fleurs agissent de manière bénéfique sur la circulation sanguine et sont préconisées contre la fragilité capillaire, les problèmes de jambes lourdes, les hémorroïdes, les douleurs articulaires et rhumatismales.
En Turquie, on mélangeait la poudre de marron à l'avoine des chevaux pour soigner leurs problèmes pulmonaires.
Pendant la période des guerres napoléoniennes, l'écorce de marronnier pulvérisée était utilisée contre les fièvres, en remplacement du quinquina quand il venait à manquer.
Des études médicales ont montré que certaines substances contenues dans le marronnier pouvaient contribuer à traiter le diabète.
Les usages du marron sont variés. Il permet d'obtenir de la saponine, utilisée pour fabriquer des savons et blanchir le linge.
Dans le folklore européen, le marron est un puissant protecteur contre les cauchemars. Glissé sous l'oreiller, il attire la chance et repousse les créatures de la nuit.
Arbre chandelier
Luxuriance
Dans le Jardin du Luxembourg se love aussi un verger, héritier de la tradition horticole des lieux qui appartenaient jadis aux moines Chartreux.
Le « plus vieil arbre de Paris » s'épanouit dans le Square Viviani-Montebello qui borde l'église Saint-Julien le Pauvre, face à la Cathédrale Notre-Dame de Paris.
Cet arbre vénérable, originaire d'Amérique du Nord, est un Robinier faux acacia (robinia pseudoacacia), de la famille des Fabaceae. En raison de son grand âge et de son poids conséquent, une structure en ciment est nécessaire pour le soutenir.
Le naturaliste anglais John Tradescant (1570-1638) offrit des graines de « robinia » à Jean Robin (1550-1629), le directeur du Jardin des Apothicaires.
Jean Robin le ramena d'Amérique et le planta à Paris en 1602. (Un autre robinier, planté en 1636, se trouve au Jardin des Plantes).
Le tronc du robinier est généralement court. Son écorce crevassée dessine des saillies torsadées en fort relief. Ses branches sinueuses forment une ample couronne feuillue.
Ses feuilles se composent de plusieurs paires de folioles vert jaunâtre. Vers le mois de juin, apparaissent ses fleurs blanches parfumées qui forment des grappes pendantes.
Il est périodiquement « envahi » par du lierre mais les jeunes pousses de ce « parasite gourmand » sont ôtées chaque année. C'est ce qu'on appelle « la toilette de l'arbre ».
Je voudrais conclure cette promenade en territoire fantastique avec des silhouettes d'arbres particulièrement étranges...
Le Vieux Platane du Parc Monceau aux branches serpentines.
Il a déjà stimulé mon inspiration dans un article que vous pouvez retrouver dans ce blog.
Un platane en tenue de camouflage
Une créature d'écorce et de conte « maléfique »...
Parfois, alors qu'on ne s'y attend pas, la lumière, le réel et le rêve s'entremêlent. L'arbre devient le messager de mondes cachés qui se révèlent pour nous ensorceler...
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Sous les platanes féeriques
Drapé dans sa robe de sang
Flamboyant et fantomatique
L'automne danse avec le vent
Feuilles d'or mat qui caracolent
Entre les ombres mélangées
Passe une rouge farandole
Au sillage étrange et sucré...
Beau lampadaire dans le Jardin des Grands Explorateurs (1867)
Cerfs majestueux, dans la lumière des arbres, au Jardin du Luxembourg.
Le danseur dans les arbres
Alchimie de l'Automne
Le flamboiement des couleurs d'automne survient quand la chlorophylle disparaît. Ce pigment vert domine au printemps et en été mais avec les changements de température et les modifications de la lumière, en automne, sa production ralentit. Entre l'arbre et les feuilles, la communication s'estompe. Une substance qui ressemble à du liège se forme à la base du pétiole de chaque feuille et l'arbre s'isole doucement. La couleur verte s'efface, au profit de pigments plus résistants, les carotènes et les xanthophyllesqui engendrent des couleurs rutilantes, flamboyantes et dorées, jaunes et orangées.
Sérénade dans les feuilles rousses
Quand les feuilles sont gorgées de sucres, les somptueuses anthocyanines embrasent le feuillage des érables et la peau des pommes, créent le rouge sombre et bleuté des mûres et des myrtilles, la robe pourpre du raisin...
Feuilles violettes et champignons de lune
Au Japon, la « chasse aux érables rougeoyants » ou « chasse aux feuilles d'automne » est appelée « Momijigari ». L'érable du Japon offre une palette du jaune au rouge vif et le gingko biloba révèle sa parure dorée.
« Momiji » vient de « momizu » qui signifie changer de couleur dans le Japon ancien. En automne, le ciel est clair, les journées sont encore chaudes mais les soirées rafraîchissent. Au bord des étangs, le long des routes, dans les jardins de thé, les érables se parent de couleurs spectaculaires.
D'après mon amie Vanessa, qui connaît très bien les arts et les traditions du Japon, "Momiji" désigne spécifiquement les feuilles rouges des érables. Le feuillage jaune/rouge d'automne des arbres en général s'écrit avec les mêmes caractères signifiant "feuilles écarlates" mais se prononce "Kôyô".
Arbre des fées
Atmosphère mélancolique aux Tuileries
Fleurs d'automne
Au crépuscule, quand le cri des corneilles s'intensifie, les feuilles brunes et or craquent sous mes pas. J'entre sur le territoire d'une étrange créature appelée l'Ami de Personne.
Erik Dietman, (1937-2002), le concepteur de cette œuvre émouvante, était un libre penseur suédois qui explora, avec humour et subtilité, des territoires poétiques nichés dans la réalité. Il façonna, pour le Jardin des Tuileries, ce personnage en bronze patiné et en acier galvanisé.
Depuis 1999, ce solitaire attachant paraît inviter les promeneurs à s'assoir près de lui.
Monstre débonnaire, lutin des bois, gardien d'un monde énigmatique, il contemple un espace peuplé de chaises vides et de corneilles capricieuses...
Ombres sylvestres
Chamarrures
Les branches des platanes révèlent leur fabuleuse puissance graphique. Les taches de l'écorce tissent une peau de serpent sublimée par les couleurs de l'air...
Dans la lumière bleue, à la lisière des contes, le Chat Botté, figure mythique, se dévoile au pied du monument dédié à Charles Perrault...
Ce groupe sculpté figure, depuis 1910, au Jardin des Tuileries.
Ce petit écureuil appartient au bestiaire de l'automne. Quand paraît sa frimousse il faut en profiter car il est aussi vif que l'éclair. Mais pour quelques biscuits bio fourrés au chocolat il s'immobilise volontiers!
Terre de réflexion et de mélancolie, l'automne est aussi un monde luxuriant. La Nature est généreuse. Elle offre les pommes et les poires aux joues rebondies, le raisin voluptueux, les champignons, les noix, les châtaignes au saveurs puissantes...
La terre, les écorces et les feuilles nous émerveillent avec leurs variations colorées.
Les arbres deviennent encore plus mystérieux...
Arbre serpent
Racines fantastiques
Arbre des légendes
L'automne se révèle aussi au numéro 140 de l'avenue de Suffren, dans le 15e arrondissement de Paris. On y découvre une porte magnifique, à la fois sobre et délicatement sculptée.
Les pampres de vigne, les feuilles et les grappes évoquent l'abondance dont la Nature fait preuve avant la venue de l'hiver.
Je me dis en souriant que nous venons peut-être de trouver la demeure du dieu de l'automne mais chut, ce mystérieux personnage préfère sûrement garder l'anonymat!
La transformation du raisin en vin relève, à bien des égards, d'une opération « magique ». De « l'œuvre au rouge » à « l'élixir de longue vie des alchimistes », le jus extrait du raisin représente le sang de la terre, « sève » rouge indissociable du pouvoir poétique et mystique de l'automne.
Si le vin, bu en trop grande quantité, suscite l'ébriété, il fut surtout considéré, dans les civilisations anciennes, comme une boisson spirituelle, un intermédiaire entre le monde humain et celui des dieux.
Cadeau du Seigneur de l'Extase, Hermès le Vendangeur, il favorisait le passage à un état d'ivresse sacrée. Le vieil adage « In vino veritas » signifiait que le vin était utilisé pour déceler les mensonges. Boisson initiatique, il permettait la révélation des choses cachées.
Consacré à Osiris dans l'Egypte ancienne et à Dionysos, le « deux fois né », dans la Grèce antique, il était voué par les Celtes au dieu de la mer, Manannan Mac Lir Morfessa, à Morgane la Fée et à la Morrigan, appelée la Grande Reine ou Reine des Fantômes.
Offert en libation sur les tombes, utilisé par les chamanes pour l'invocation des esprits, lié à la richesse matérielle et à la fertilité, il symbolise aussi le sang du Christ versé pour racheter les pêchés de l'humanité.
Nectar universel, il apparaît comme la quintessence des pouvoirs de l'automne qui confronte, à travers ses métamorphoses, les énergies de mort et les forces de fécondité.
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Ce marbre gracieux, appelé « La Bocca della Verita », se dresse dans le Jardin du Luxembourg. Il fut réalisé par le sculpteur Jules Blanchard (1832-1916) vers 1872.
Une jeune femme nue glisse sa main dans la bouche d'un étrange masque, le masque de la Vérité. Selon une légende en vogue dans la Rome antique, on n'en retire sa main intacte que si on ne dissimule aucun mensonge.
Le masque repose sur une colonne décorée d'un miroir et d'une branche de laurier. Emblème solaire dans ce cas, le miroir évoque l'impossibilité de cacher ou de travestir la Vérité de quelque manière que ce soit. Les anciens livres d'iconologie nous apprennent que le laurier « est toujours vert, et que la foudre ne le peut endommager, nous en donnons pour cet effet une Couronne à la Vertu, pour ce qu'il n'est point d'ennemi qui la puisse vaincre, et qu'elle ne craint ni les embrassements, ni les disgrâces, non plus que les autres violences de la Fortune. »
Iconologie ou explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes et autres figures hiéroglyphiques des Vertus, des Vices, des Arts, des Sciences, des Causes naturelles, des Humeurs différentes et des Passions humaines. Tirées des recherches et des figures de César Ripa, moralisées par Jean Baudoin. A Paris, chez Mathieu Guillemot, 1644. P. 196.
Ici, la Vérité et la Vertu se confondent sous une apparence séduisante et une attitude empreinte de sérénité.
La Bocca della Verita
Il existe à Rome un vieux masque en marbre doté, d'après la croyance populaire, de mystérieux pouvoirs. Datant du 1er siècle après J.-C., il révèle un visage d'homme barbu. Ses yeux, son nez et sa bouche sont creux.
Il fut inséré en 1632 dans le mur du porche de l'église Santa Maria in Cosmedin. Cette belle église en briques rouges se situe non loin du Tibre dans la partie Sud de Rome. Elle se dresse sur les vestiges d'un ancien marché: le Forum Boarium.
La fonction initiale du masque n'est pas vraiment établie. Les chercheurs hésitent entre un élément de fontaine, une bouche d'impluvium ou un couvercle d'égout en raison de sa proximité avec le célèbre Cloaca Maxima. Il représentait probablement une divinité aquatique ou fluviale.
Le masque était réputé capable de « détecter » les mensonges et la fourberie. Si un menteur introduisait sa main dans la bouche fatidique, celle-ci lui croquait les doigts!
Lucas Cranach (1472-1553) a transposé ce thème dans la peinture à travers un conte médiéval, en vogue dans les pays du Nord de l'Europe. Un « automate merveilleux » en forme de lion devait punir les épouses infidèles mais une jeune femme rusée fit revêtir à son amant des habits de fou et lui demanda de la toucher devant une foule inquisitrice. Insérant les doigts dans la bouche de la vérité, elle jura en toute tranquillité que personne n'avait posé la main sur elle en dehors de son mari et...du fou!
La Bouche de la Vérité, vers 1525-1530.
(L'image provient du site du Musée du Luxembourg.)
Ces différentes « bouches » expriment le rapport mystérieux que l'homme entretient avec sa conscience par le biais de l'invisible. Dans le monde antique, des masques et des statues étaient dotés du pouvoir de révéler les secrets. Il existait aussi à Rome, à Venise et à Gênes des « bouches de vérité » ou « bouches de lion » désignées comme « bouches de dénonciation ». Répandues entre le XIVe et le XVIIIe siècles, elles étaient encastrées dans les murs de certains bâtiments, comme au Palais des Doges de Venise.
Ces « bouches parlantes » ou « bouches secrètes » figuraient aussi sur des fontaines et des bas-reliefs. Représentées en miniature, elles étaient utilisées comme amulettes.
Alors que le vieux masque de Santa Maria in Cosmedin attire chaque jour les visiteurs curieux, le marbre sensuel du Jardin du Luxembourg aimante la douce lumière de l'automne et m'inspire un poème...
La Vérité
Je suis nue parmi les parures
Je ne faiblis devant personne
Je brise toutes les armures
Je n'ai ni doute ni couronne
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Tombe le masque je te vois
Dans le lac noir où tu te noies
Les mots fardés sont sans pouvoir
Quand je découvre mon miroir...
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