Je vous remercie pour vos nombreux messages d'amitié, vos cartes postales, vos pensées gorgées de réconfort et votre soutien sans faille.
Tout doucement mais sûrement, mon énergie se reconstitue. J'espère reprendre mes activités fin octobre ou début novembre.
En attendant, je vous offre cette belle aux atours voluptueux, accompagnée d'un florilège de vues de Paris. Promenons-nous, pour le plaisir, entre lieux intimistes et monuments connus, sur les chemins buissonniers de la capitale...
J'ai rêvé que le coeur de Paris battait près de l'eau, dans un coffret de pierre moussue, ciselé par les gargouilles de Notre-Dame.
Et la clef du coffret était suspendue, à la barbe des nuages, sur l'échine de la Tour Eiffel...
Notre-Dame et la Dame de Fer préservent les secrets de Paris. Bibliothèques d'Art et d'Histoire aux piliers de Poésie, tant de siècles les séparent et pourtant...
Elles se mirent dans le ciel, s'enivrent des rumeurs de l'eau, s'élancent, avec une éternelle jeunesse, entre les racines de la ville et les mystères étoilés.
La Tour Eiffel, entre deux averses estivales, bienveillante envers la joyeuse cohue qui s'étire entre ses drôles de jambes. Chaque fois que je la contemple, le vent chuchote à mon oreille ce poème de Maurice Carême (1899-1978).
« Mais oui, je suis une girafe,
M’a raconté la tour Eiffel,
Et si ma tête est dans le ciel,
C’est pour mieux brouter les nuages,
Car ils me rendent éternelle.
Mais j’ai quatre pieds bien assis
Dans une courbe de la Seine.
On ne s’ennuie pas à Paris :
Les femmes, comme des phalènes,
Les hommes, comme des fourmis,
Glissent sans fin entre mes jambes
Et les plus fous, les plus ingambes
Montent et descendent le long
De mon cou comme des frelons
La nuit, je lèche les étoiles.
Et si l’on m’aperçoit de loin,
C’est que très souvent, j’en avale
Une sans avoir l’air de rien. »
Ce festin d'écriture, aux allures de comptine, célèbre celle qui a essuyé tant de mépris à ses débuts. Certains esprits se crispent avant d'évoluer, c'est ainsi...
Celle qui chevauche les modes fut taxée de monstre, de Tour de Babel, de gribouillis d'encre infâme sur le ciel de Paris. On voulut éclater « son corps de cheminée d'usine » alors que d'autres voyaient en elle une reine de puissance mathématique, un nouvel arbre de vie, une vigie des utopies...
Je l'ai photographiée de près comme de loin, dans la ronde des saisons...
Entre 1887 et 1889, son audacieuse ossature jaillit d'un magma de gravier, d'un lacis de poutrelles métalliques, d'une forêt de boulons d'ancrage et de puissants arbalétriers. Elle fut inaugurée par Gustave Eiffel, le 31 mars 1889, et ouverte au public le 15 mai 1889, pour l'Exposition Universelle.
Elle fut chantée, en 1893, par la facétieuse Yvette Guilbert (1865-1944).
« Le bon Dieu, les saints et les saintes
Regardent par les trous du ciel
L'instrument que Monsieur Eiffel
Vient de dresser dans nos enceintes.
Ils discutent. Le Dieu des dieux,
Qui, vu son âge, est un peu myope,
Prononce : "C'est un télescope."
Jésus dit : "Papa devient vieux !"
Pierre, craignant pour sa ferrure,
Dit : "Nous sommes perdus, Seigneur,
C'est une pince-monseigneur
Pour crocheter notre serrure."
Jésus, depuis sa passion,
Redoutant toujours la souffrance,
Dit : "Ça, c'est un pal que la France
Élève à mon intention."
"Non, c'est une échelle hardie",
Dit Michel le conquérant.
"C'est un flambeau", dit saint Laurent
Qui craint toujours quelque incendie.
Alors la Vierge qui sourit
Dit à son tour, et toute rose :
"C'est un mystère, quelque chose
Dans le genre du Saint-Esprit ! »
(Paroles et musique de Léon Xanrof, 1867-1953).
Cette vigie de 300 mètres faillit disparaître au premier janvier 1910, date à laquelle se terminait la concession accordée à Gustave Eiffel! Mais elle survécut grâce au Réseau Télégraphique sans Fil (TSF) dont l'importance fut hautement stratégique pendant la Première Guerre Mondiale. Au fil du temps, elle se révéla indissociable des évolutions technologiques et de l'histoire « moderne » de Paris.
La Dame de Fer était autrefois appelée « l'épingle à chapeaux ».
Fascinante verticalité de la tour, des lampadaires et des pylônes du Pont Alexandre III,
dominé par Pégase et la Renommée d'or.
En cheminant le long de la Seine, dans le sillage des bateaux de songes, nous évoluons d'une dame à une autre. De l'ère du fer aux secrets maçonniques de la pierre, du Paris du futur à celui des légendes et des roses de lumière, le temps s'écoule à rebours...
Aux merveilles de Notre-Dame, j'ai prévu de consacrer plusieurs articles. A l'ombre de ses délicates broderies, j'ai noirci les pages de nombreux carnets, escaladé sa flèche d'argent, emporté dans mes nuits son fabuleux bestiaire.
Quand mes textes auront suffisamment « décanté » dans le creuset alchimique de mes pensées, je vous les offrirai...
Au chevet de la cathédrale, les roses sont reines. Tendons l'oreille, en frôlant leurs sublimes livrées de velours et d'épines, et nous entendrons peut-être chuchoter les mystères du vieux Paris, danser les sabots des licornes et crépiter le souffle des dragons...
Des jupons soyeux, des courbes parfumées...
Des roses d'automne dont les appas se fanent sous les assauts de la pluie...
Au gré du macadam, Paris devient jardin, pépinière de couleurs, de sons et de parfums. La Nature et la ville savent dialoguer, s'entrelacer, réinventer le paysage.
Dans de nombreux endroits, la Nature n'est pas ordonnancée. Elle s'épanouit à sa guise et s'enrichit des graines semées aux quatre vents par des urbains qui rêvent de campagne et façonnent autour d'eux un petit monde bucolique.
Aux Tuileries se révèle une majestueuse géométrie de l'espace, un subtil équilibre entre rigueur à la française, luxuriance et fantaisie. Dans ce royaume chatoyant, j'écoute respirer le marbre des vasques et des statues.
La douce atmosphère du petit matin...
Avant que tombent les voiles de la nuit...
Au Palais-Royal, je me love dans les frondaisons des tilleuls et le rire de l'eau, pendant que les roses dévoilent leurs secrets.
Sub rosa, « Sous le sceau du silence. »
On peut ouvrir son coeur dans le parfum des roses... Lors des festins antiques, quand on échangeait des propos sous une rose suspendue, on se plaçait sous la protection d'Harpocrate, le dieu du silence. La confidentialité des mots partagés était alors de mise.
Au Luxembourg, je musarde sous le regard des Blanches Dames, Reines de France et Femmes illustres qui, depuis le règne de Louis-Philippe (1830-1848), couronnent la partie haute du jardin.
Clémence Isaure, la mythique fondatrice des Jeux Florauxde Toulouse, à l'époque médiévale. Elle fut superbement sculptée par Auguste Préault, en 1848.
Paris fait palpiter l'imagination. On y rencontre des cavaliers dans les arbres, de mystérieux totems, des amants éternels...
Le long de la Promenade du Cours-la-Reine, se dresse le monument équestre à Albert Ier (1875-1934), le Roi des Belges. Cet arrière petit-fils du roi Louis-Philippefit son possible pour assurer la neutralité de la Belgique à la veille de la Première Guerre mondiale. Il refusa d'accorder le passage à l'armée allemande mais, le 3 août 1914, son pays fut envahi. Il prit la tête de ses troupes et s'efforça de relever sa chère patrie, dévastée par le conflit. Quand il perdit la vie dans un accident, les Français, attristés, lancèrent une souscription pour honorer ce valeureux allié, à travers un portrait équestre, réalisé par le sculpteur Armand Martial (1884-1960).
Dans quelques temps, je consacrerai un article au Cours-la-Reine et au monument à Albert Ier. Mais cette rencontre dans les vertes frondaisons m'a donné l'occasion de saluer et de remercier pour leur gentillesse mes ami(e)s de Belgique.
Le chevalier des ombres...
A travers les branches qui semblent jaillir d'un conte hivernal, il galope, insensible au tumulte de la ville.
A deux pas de l'Espace Champerret, dans le XVIIe arrondissement de Paris, ce mystérieux totem est une porte insolite vers un lieu mythique des années 1980: la Main Jaune, première boîte de nuit d'Europe réservée aux patins à roulettes. Mais après être restés à l'abandon et avoir accueilli un collectif d'artistes, les lieux seront bientôt revendus. Quelle sera leur vocation nouvelle?
Les pas des amoureux résonnent sur les pavés de Paris mais la Fortune en a réuni certains « pour l'éternité », de manière réelle ou symbolique, à différents endroits de la capitale.
Acis et Galatée, dans les moirures de la Fontaine Médicis.
Le tombeau d'Héloïse et Abélard, amants réels à la passion mythique, au cimetière du Père-Lachaise. Arraché au supplice de l'absence, leur souvenir est étendu parmi les tombes moussues ou fracassées par le temps.
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Regards croisés d'Héloïse et d'Abélard, sur une porte d'époque Louis-Philippe. |
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Il y a toujours dans Paris un coin de nature, une bulle verdoyante, une émulsion de couleurs et de parfums, un monument qui attise ma soif d'écrire et mon imagination.
La Tour Saint-Jacques, vestige de l'église Saint-Jacques de la Boucherie (XIIe siècle, reconstruite au XVIe siècle et démolie en 1797), emporte mes pensées vers le ciel. Au carrefour de la rue de Rivoli et du boulevard de Sébastopol, ce monument gorgé de mystère domine un square où j'adore m'installer.
Située dans l'axe de la rue Nicolas Flamel, la tour est considérée comme un chef d'oeuvre du gothique flamboyant. Sa riche ornementation est associée, depuis fort longtemps, aux secrets de l'alchimie.
D'après la tradition populaire, un fabuleux trésor serait enterré, dans les entrailles de Paris, et accessible par les profondeurs de la tour. Mes pas m'ont guidée tant de fois vers cette gardienne des légendes de Paris...
Mais il est temps de redescendre, après cette ascension vertigineuse, et de succomber au charme de cette fleur à la robe immaculée.
Puisse-t-elle exprimer l'amitié que je ressens pour vous!