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    Le samedi 31 mai 1578, Henri III, rongé par le chagrin, posa la première pierre du Pont-Neuf.

     

    En tenue de grand deuil, le roi pleurait la mort de Quélus et de Maugiron, deux de ses favoris tués en duel. Il avait emprunté une barque luxueusement parée pour rejoindre son épouse, Louise de Vaudémont et la reine mère, Catherine de Médicis, qui l'attendaient parmi les dignitaires de la Cour.

     

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    Les travaux amorcés ce jour-là, sur la requête de Pierre Lhuillier, le prévôt des marchands, furent interrompus pendant les guerres de religion. Ils reprirent en 1599, sous le règne d'Henri IV, et furent achevés le 8 juillet 1606. Ils donnèrent naissance au plus grand pont de Paris, le plus ancien aussi.

     

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    Le Pont-Neuf est constitué de deux ponts indépendants qui se réunissent au niveau d'un terre-plein, formant la pointe de l'île du Palais. Le premier pont se situe sur le grand bras de la Seine et comporte sept arches. L'autre pont, doté de cinq arches, domine le petit bras du fleuve.

     

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    Avant la construction du Pont-Neuf, les ponts de la Cité étaient vétustes et encombrés de maisons qui formaient des alignements sombres et monotones. En 1556, il fut question de créer un pont entre le Louvre et l'Hôtel de Nesle (attenant à la célèbre tour du même nom) mais le projet n'aboutit pas avant l'année 1578 où il fallut absolument détourner la circulation qui encombrait les ponts au Change et Notre-Dame.

     

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    Conçu par Baptiste Androuet du Cerceau et Pierre des Iles, le Pont-Neuf connut de prestigieux « maîtres maçons » comme Thibault Métezeau, Guillaume Marchand et les Frères Petit.

     

    Il se caractérisa dès le départ par sa modernité: des arches en pierre de taille, une large chaussée, des trottoirs surélevés de plusieurs marches pour assurer la protection des piétons; des demi-lunes, espaces semi-circulaires rythmant l'architecture...

     

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    Les flancs du pont sont ornés de 381 mascarons aux expressions grotesques, souvent truculentes et parfois même inquiétantes. Mais ces visages de pierre, qui représentent des satyres, des sylvains et des divinités fluviales, ont un charme bien caractéristique. Les masques originaux ont été attribués à Germain Pilon, l'un des maîtres sculpteurs de la Renaissance française.

     

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    Germain Pilon en a probablement réalisé une vingtaine. Les autres ont vu le jour sous les ciseaux de différents sculpteurs. Les musées de Cluny et Carnavalet conservent une partie des mascarons primitifs.

     

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    Entre 1853 et 1855, l'architecte Victor Baltard, le créateur des célèbres Halles, installa sur la promenade des candélabres décorés de têtes du dieu Neptune alternant avec des dauphins fantastiques.

     

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    Ce répertoire décoratif a été conçu pour s'harmoniser avec l'architecture de la Place Dauphine et de la rue Dauphine, située dans le prolongement du Pont-Neuf.

     

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    La Place Dauphine fut nommée ainsi en l'honneur du Dauphin, le futur Louis XIII.

     

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    La Place Dauphine

     

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    En 1763, le lieutenant général de police, Antoine de Sartine fit installer les premiers réverbères rue Dauphine mais dans le premier quart du XVIIe siècle, c'était autour d'une figure populaire et monarchique que la foule se pressait.

     

    La statue équestre d'Henri IV

     

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    Le roi de bronze qui contemple les splendeurs de la Cité eut une histoire bien mouvementée.

     

    En 1604, la reine Marie de Médicis souhaita faire ériger une effigie équestre de son époux à l'endroit où les deux ponts se réunissaient. Le projet fut confié, par l'entremise de son oncle Ferdinand Ier, au sculpteur Jean de Bologne. L'artiste avait créé la statue équestre de Cosme Ier, grand-duc de Toscane et aïeul de Marie.

     

    Après la mort de Jean de Bologne en 1608, la réalisation de la statue fut confiée à Pietro Tacca. Le cheval et son cavalier furent achevés en 1612. Ils quittèrent Florence par la mer mais le navire qui les transportait fit naufrage. Il fallut repêcher les caisses et les faire transporter, par des moyens terrestres et maritimes, jusqu'à Paris. La première pierre du socle fut installée par Louis XIII, le 2 juin 1614.

     

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    Du piédestal de la statue, il subsiste au Louvre quatre figures de captifs enchaînés, fondus en 1618 par Francesco Bordoni d'après les modèles de son beau-père, Pierre Francqueville.

     

    La statue ne fut pas épargnée par la Révolution. En 1790, un bureau d'enrôlements volontaires fut installé au pied des marches et en 1792, le cavalier de bronze fut brisé en plusieurs morceaux. Certains furent fondus, d'autres jetés à la Seine. Quelques fragments ont été conservés. Ils se trouvent aujourd'hui au Louvre. En lieu et place d'Henri IV, les Révolutionnaires dressèrent les « Tables des Droits de l'Homme ».

     

    A la Restauration, le Conseil Municipal décida de faire reconstruire le monument. Pour célébrer l'entrée de Louis XVIII à Paris, le 3 mai 1814, une statue en plâtre, réalisée par le sculpteur Henri Roguier, fut installée sur le pont. On lisait sur le socle: « Le retour de Louis fait revivre Henri ».

     

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    La statue actuelle fut réalisée par François Lemot (1772-1827). Henri IV se présente en armure, la tête ceinte d'une couronne de laurier. Il brandit un sceptre à fleur de lys et chevauche un puissant destrier. Le piédestal est décoré de deux bas-reliefs historiés. Du côté sud, Henri IV fait entrer des vivres dans Paris assiégé.

     

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    Du côté nord, le roi vainqueur proclame la paix sur le seuil de Notre-Dame.

     

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    L'érection de la nouvelle statue.

     

    Le 25 août 1818, une foule haletante se pressa sur le Pont-Neuf pour assister à l'inauguration du cavalier de bronze, fondateur de la lignée des Bourbon, par son héritier, le roi Louis XVIII.

     

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    L'inauguration, par Hippolyte Lecomte.

     

    En 2004, la statue, érodée par les intempéries, a révélé, au cours de sa restauration, différents objets, contenus dans des boîtes. Les restaurateurs y ont découvert des médailles gravées de l'époque de Louis XVIII, une édition richement ornée de la Henriade de Voltaire, des procès-verbaux, la Charte Constitutionnelle et bien d'autres « secrets » historiques. Certains chroniqueurs ont relaté l'existence d'une petite statue de Napoléon en or dans le bras levé du cavalier ou d'une figurine en bronze dans la patte droite du cheval.

     

    Des pamphlets anti-monarchiques ont aussi été retrouvés dans le ventre du cheval.

     

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    En empruntant, derrière la statue, ces escaliers de pierre assez raides, on découvre un lieu plus « intime » qui avance sur l'eau, en direction du Pont des Arts et du Louvre.

     

    Le square du Vert Galant

     

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    Un lundi de février, une atmosphère fantomatique... le lieu est déserté mais la promenade est fort agréable.

     

    Jusqu'à la construction du Pont-Neuf, l'île de la Cité s'achevait par le Jardin du Roi (actuelle Place Dauphine). Cette « pointe » fut créée par la réunion de trois îlots: l'île du Patriarche ou île Bussy, l'île de la Gourdaine puis de la Monnaie (un moulin y utilisait l'énergie hydraulique pour battre la Monnaie Royale) et l'île aux Juifs, aux Treilles ou aux Bureau (du nom de Hugues Bureau au XVe siècle).

     

    Une plaque enchâssée dans la pierre du pont « ressuscite » une figure majeure de l'Histoire de France, Jacques de Molay, le dernier grand-maître des Templiers,

     

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    Le 11 ou le 18 mars 1314, Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay, le précepteur des Templiers de Normandie, furent brûlés vifs, dans l'île de la Cité, en face du quai des Augustins.

     

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    (Gravure d'Auguste Maquet)

     

     

    Sous l'Empire, Napoléon projeta de construire, à cet emplacement, un obélisque « à la gloire du peuple français ». Les fondations du terre-plein furent alors consolidées, avec de nombreuses pierres provenant de la Bastille, mais le monument ne vit jamais le jour.

     

    Le square fut créé en 1836. Jusqu'en 1879, il abrita un café-concert et fut cédé par l'État, pour un franc symbolique, à la ville de Paris, en 1884.

     

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    Le long du petit bras du fleuve, laissons voguer nos regards sur les moirures de l'eau. Les bateaux amarrés sont une invitation au voyage...

     

     

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    Les facétieux mascarons se laissent admirer à loisir.

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    De grandes oreilles, des cornes, des expressions outrancières, des trognes de fantaisie, ils s'inscrivent dans une longue tradition de têtes décorées venues d'Italie.

     

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    Les masques et les visages de pierre sont dotés de vertus magiques depuis l'Antiquité. Ils ont pour vocation de repousser les forces maléfiques et d'attirer la prospérité. Ils se présentent comme les génies du lieu, les divinités protectrices de la cité.

     

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    Tiens, c'est moi avec mon « éternelle » écharpe rouge et mon appareil photo!!! J'étais encore en train d'imaginer que les mascarons me racontaient l'histoire du Pont-Neuf...

     

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    Ce monde grotesque et fantastique nous invite à traverser le temps pour découvrir l'atmosphère qui régnait autrefois sur le pont. Ce lieu très animé était investi, pendant la journée, par une foule bruyante et pittoresque mais la nuit, toute personne qui tenait à la vie évitait de s'y promener...

     

    Les tire-laine et les coupeurs de bourses évoluaient parmi le « beau monde » et les « petites gens », les vendeurs ambulants et les bretteurs qui allaient s'affronter sur la Place Dauphine toute proche.

     

    Dès que le pont fut terminé, des boutiques portatives s'implantèrent sur les trottoirs ou « banquettes » qui bordaient les demi-lunes. On trouvait des bouquinistes et des marchands d'encre, des merciers, des fruitiers, des confiseurs, des tondeurs de chiens, des cireurs de bottes, des cuisiniers... De gros beignets de pommes, appelés « beignets du Pont-Neuf », étaient particulièrement appréciés.

     

    En 1756, le lieutenant de police ordonna la suppression de ces boutiques mais elles réapparurent, sous le règne de Louis XVI, à l'intérieur des demi-lunes. Elles n'étaient plus en bois mais en pierre. Elles disparurent définitivement en 1855.

     

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    Les mendiants se précipitaient, depuis la Cour des Miracles, sur les portières des carrosses.

     

    Les « arracheurs de dents » du Pont-Neuf étaient célèbres dans tout le royaume mais leur rôle ne se cantonnait pas seulement à « tirer les quenottes ». Habiles bonimenteurs, ils vendaient toutes sortes d'objets, des prestations étranges et des remèdes miracles.

     

    Le Théâtre de Mondor et de Tabarin

     

    Antoine Girard (1584-1626), dit Tabarin, était un célèbre bateleur et comédien de l'époque de Henri IV. Philippe Girard, son frère, interprétait le rôle de Mondor, le maître du valet Tabarin.

     

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    Les deux frères exerçaient leurs talents sur les tréteaux de la Place Dauphine et sur le Pont-Neuf.

     

    Vêtu d'un « tabar », un manteau qui s'attachait à la hauteur des manches, d'un pantalon de toile blanche et coiffé d'un feutre imposant, Tabarin haranguait les passants. Il se livrait à des « tabarinades », des dialogues philosophiques au ton très incisif. Il vendait aussi des remèdes contre les brûlures, les crevasses, les maux de dents et des baumes de « charlatan ».

     

    Il prétendait que son chapeau lui avait été offert par le dieu Saturne, à la condition de ne jamais le vendre ou le donner.

     

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    Les éditions des farces de Tabarin connurent un franc succès et de nombreuses publications entre 1622 et 1634. Ce théâtre baroque exerça une vive influence sur les oeuvres de Molière et de la Fontaine.

     

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    Les marchands d'orviétan (gravure du XVIIe siècle).

     

    L'orviétan était un électuaire conçu en Toscane par un certain Lupi d'Orviéto, d'après une vieille recette attribuée au roi Mithridate. Il était réputé soigner la peste, les morsures d'animaux, les inflammations, les ulcères, neutraliser les poisons et le venin de serpent...

     

    La Pompe de la Samaritaine

     

    En 1608, la pompe de la Samaritaine fut érigée, par l'ingénieur flamand Jean Lintlaer, sur la deuxième arche du pont à partir de la rive droite. Il s'agissait « d'une grande maison à pans de bois, portée sur d'énormes poutres, sous lesquelles tournaient deux immenses roues de moulins. L'édifice avait deux étages, plus un grand toit aigu à deux rangs de lucarnes. » Sa façade était décorée d'un bas-relief en bronze qui figurait le Christ et la Samaritaine. Une magnifique horloge, ornée d'un soleil, d'une lune et d'un Zodiaque, et un carillon de clochettes se situaient au-dessus. Cette « machine » fort ingénieuse alimentait en eau le Louvre et les Tuileries.

     

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    Sur cette toile de Nicolas-Jean-Baptiste Raguenet, peinte en 1777, on aperçoit le bâtiment de la Samaritaine reconstruit en 1712, sur les plans de l'architecte Robert de Cotte.

     

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    L'ensemble sera malheureusement détruit en 1813.

     

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    La Samaritaine, véritable « institution » parisienne, fermée pour travaux depuis plusieurs années, fut fondée en 1869 par Ernest Cognacq et aménagé par son épouse, Marie-Louise Jaÿ, ancienne première vendeuse au rayon « costumes » du Bon Marché. En 1900, naquirent les « Grands Magasins de la Samaritaine ».Ils feront l'objet d'un prochain article...

     

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    Le Pont-Neuf avant la construction de la Samaritaine.

    (Image trouvée dans l'ouvrage Promenades dans le Paris disparu.)

     

    Je voudrais clore cette promenade en « ressuscitant » quelques expressions d'antan associées au Pont-Neuf.

     

    Un « pont-neuf » était une chanson populaire, satirique et humoristique.

     

    Dans le tumulte constant, on venait « faire sa cour au roi de bronze », c'est à dire se chauffer au soleil, jouir de la lumière et de l'ambiance locale.

     

    « Être solide comme le Pont-Neuf » signifiait être en bonne santé, rempli de vigueur.

     

    « C'est connu comme le Pont-Neuf! »: l'expression se passe de commentaire.

     

    « Chanter un pont-neuf » signifiait dire ou chanter un lieu commun.

     

     

    Le monde « moderne » a aussi été inspiré par le Pont-Neuf.

     

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    Un clin d'oeil... le pont empaqueté dans son intégralité par l'artiste Christo.

     

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    Henri IV, transformé en Chevalier Jedi par Jean-Charles de Castelbajac, en 2010.

    Le sceptre fleurdelysé est devenu sabre laser...

     

     

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    Le Pont-Neuf impressionne par sa puissance et sa modernité. Il jaillit, dans le paysage urbain, tel une bête moyennâgeuse, mais il résulte d'une vision nouvelle. A l'époque d'Henri IV, son architecture prit en compte la notion « d'espace piétonnier », offrit aux passants une vue dégagée sur le fleuve et brisa l'uniformité à laquelle les parisiens étaient habitués. En rompant avec les « codes » existants, il institua une autre manière de circuler.

     

    Quant à son décor, il n'a cessé de stimuler l'imagination des artistes...

     

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    Bibliographie

     

    François BOUCHER: Le Pont-Neuf. Paris: 1925-1926.

     

    Charles Jean LAFOLIE: Mémoires historiques relatifs à la fonte et à l'élévation de la statue équestre de Henri IV. Paris: 1819.

     

    Guy LAMBERT: Les Ponts de Paris. Paris: 1999.

     

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    97 commentaires
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    Ce remarquable ouvrage, tout en courbes et en légèreté, enjambe la Seine entre le Louvre et l'Institut de France, dont la coupole dorée s'élance vers les nuages.

     

    La Passerelle des Arts

    Le 15 mars 1801, la construction de cette audacieuse passerelle, premier pont métallique national, fut décidée par un décret de Bonaparte.

     

    Le 28 avril 1801, le projet fut présenté, au Conseil des Ponts et Chaussées, par l'ingénieur Louis-Alexandre de Cessart (1717-1806).

     

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    Le 25 juillet 1802, par un arrêté consulaire, la Compagnie des Trois-Ponts, gestionnaire du chantier, reçut l'ordre d'utiliser la fonte, un nouveau matériau plébiscité par l'industrie anglaise. L'ingénieur Jacques Vincent Lacroix de Dillon (1760-1807) réalisa une oeuvre résolument moderne entre le Pont-Neuf et le Pont-Royal.

     

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    Neuf arches en fonte soutenaient une plate-forme horizontale réservée aux piétons. Dès son inauguration, le 23 septembre 1803, la Passerelle des Arts devint une promenade à la mode. Le visiteur s'acquittait d'un droit de péage et découvrait le pont, conçu comme un jardin suspendu au-dessus des flots. Des bouquets parfumés, des arbustes verts, des plantes exotiques et des orangers en pots étaient répartis de part et d'autre des balustrades.

     

    Les amoureux et les passants pouvaient jouir de la plaisante atmosphère des lieux, grâce aux bancs, aux échoppes et aux bateleurs qui s'y trouvaient. Un glacier y avait établi ses quartiers. Au fil de la nuit, les rencontres et les discussions s'étiraient, dans un ballet de lanternes...

     

    Il faut toutefois préciser qu'on pouvait éviter de payer « un sou » et passer par le Pont-Neuf.

     

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    Le Premier Consul Bonaparte, par Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1803.

     

    Malgré les inquiétudes énoncées par les célèbres architectes Percier et Fontaine, Bonaparte imposa le choix d'un pont métallique mais il regretta ensuite l'absence de monumentalité de l'ouvrage et craignit pour sa solidité.

     

    De la Passerelle au Pont des Arts

    Après les ponts de Coalbrookdale et de Sunderdale en Angleterre, la Passerelle des Arts apparut comme un symbole de progrès industriel et de modernité. Elle unissait avec élégance les deux rives du fleuve et desservait le Port Saint-Nicolas.

     

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    Vue du Quai du Louvre et Port Saint-Nicolas au XVIIIe siècle, par J.-B. Lallemand (Gallica).

     

    Le Port Saint-Nicolas se situait en aval de l'île de la Cité, alors que la plupart des ports de Paris se trouvaient en amont. La raison en était simple, les piles des ponts constituaient des obstacles dangereux pour le passage des bateaux. Le port recevait des denrées alimentaires et le foin destiné aux chevaux de la cavalerie royale. Il reliait la capitale à la ville de Rouen et fut en activité jusqu'en 1905.

     

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    Vue du quai Saint-Nicolas au pied de la Grande Galerie du Louvre, vers 1750, par Jean-Baptiste-Nicolas Raguenet (1715-1793).

     

    A partir de 1942, les vestiges du port furent aménagés en une agréable promenade qui offrait une vue imprenable sur la Passerelle des Arts. Mais « la dame de fonte » subit des bombardements qui la fragilisèrent et trois accidents fluviaux majeurs, en 1961, en 1973 et en 1979.

     

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    (Cette photographie appartient à la collection de Léonard Pitt,
    auteur de Promenades dans le Paris disparu.)

     

    Elle avait déjà perdu une arche, en 1852, lors de l'élargissement du Quai de Conti, mais après la collision d'une barge avec une de ses piles, en 1979, elle s'effondra sur près de soixante mètres. Détruite en 1981, elle fut remplacée, entre 1982 et 1984, par une copie en acier. L'architecte urbaniste Louis Gerald Arretche (1905-1991) réalisa la nouvelle passerelle, d'une longueur de 155 mètres, composée de sept arches symétriques en acier, élargies pour favoriser le passage des péniches et des bateaux mouches.

     

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    Les passes navigables se situent dans l'alignement de celles du Pont-Neuf.

     

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    Alors que le plancher du pont en azobé ou bois de fer, un bois d'Afrique imputrescible, résonne sous les pas, la Galerie du bord de l'eau révèle sa sublime scénographie.

     

    Cette Grande Galerie fut construite, entre 1595 et 1610, sous le règne d'Henri IV, par Louis Métezeau (1560-1615) du côté est, et Jacques II Androuet du Cerceau (1550-1614) du côté ouest. Coupant l'enceinte de Charles V, elle permettait au roi d'accéder aux Tuileries depuis ses appartements du Louvre et se terminait par le Pavillon de Flore.

     

    Le Cardinal de Richelieu y fit installer l'Imprimerie et la Monnaie Royale des Médailles, en 1640, mais elle accueillit surtout, jusqu'en 1806, des boutiques, des logements et des ateliers d'artistes.

     

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    De 1697 à 1777, les plans-reliefs ou maquettes des villes fortifiées
    du royaume y furent exposés.

     

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    La Grande Galerie par Hubert Robert, vers 1789.

     

    Le 10 août 1793, le Louvre devint le Muséum central des Arts. Il fut appelé Musée Napoléon en 1803 et plus communément « Palais des Arts » sous le Premier Empire.

     

    Entre 1861 et 1870, la partie occidentale de la galerie fut démolie puis reconstruite par Hector Lefuel (1810-1880) dans un style imitant celui de Louis Métezeau mais le bâtiment fut élargi pour accueillir la collection de carrosses et de voitures de Napoléon III, favoriser l'installation des appartements d'honneur et la création d'une salle pour la réunion des États.

     

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    Les pilastres, les guirlandes, les frontons et les fenêtres qui rythment la façade ont été recréés, dans un style composite, 250 ans après la mise en oeuvre du « Grand Dessein » d'Henri IV.

     

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    En tournant le dos à ce décor magnifique, il suffit d'emprunter le Pont des Arts pour rejoindre l'Institut de France sur la rive gauche, Quai de Conti.

     

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    La fondation de ce monument « vénérable » appelé Collège Mazarin ou Collège des Quatre-Nations fut réclamée par Mazarin, dans son testament, en 1661, et financée par un legs de quatre millions de livres.

     

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    A partir de 1663, l'architecte Louis le Vau (1612-1670) déploya, en bordure de Seine, une somptueuse façade courbe flanquée de deux pavillons décorés de pots-à-feu.

     

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    Le bâtiment était destiné à accueillir soixante gentilshommes originaires des quatre provinces récemment annexées à la France, soit l'Alsace, l'Artois, le Roussillon et le Comté de Pignerol en Italie.

     

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    La Galerie du bord de l'eau, le Pont-Neuf et le Collège Mazarin en 1689,
    par Sébastien Leclerc. (Gallica).

     

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    En 1670, François d'Orbay (1634-1697) succéda à Le Vau. Il conçut le célèbre dôme circulaire couronné par une élégante lanterne.

     

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    En 1805, Napoléon y transféra l'Institut de France et ses cinq académies, dont la plus célèbre demeure l'Académie Française. La coupole, intérieurement de forme elliptique, abrite la salle où se réunissent les Sages.

     

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    Les cinq académies sont l'Académie Française, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l'Académie des Sciences, l'Académie des Beaux-Arts et l'Académie des Sciences Morales et Politiques.

     

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    L'Institut abrite l'extraordinaire Bibliothèque Mazarine et, sous le dôme, la chapelle où trône le Tombeau de Mazarin, sculpté par Antoine Coysevox (1640-1720), Étienne le Hongre (1628-1690) et Jean-Baptiste Tuby (1635-1700).

     

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    Le charmant angelot tient les armes du Cardinal: le faisceau de licteur d'or lié d'argent et la hache, sans oublier les trois étoiles d'or qui ornent les reliures des ouvrages de la bibliothèque.

     

    Avant la construction du Collège Mazarin, la tour de Nesle s'élevait à l'emplacement de l'actuelle aile est.

     

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    Cette célèbre tour formait l'extrémité de l'enceinte de Philippe-Auguste et marquait l'entrée de Paris pour les bateliers qui remontaient la Seine. Dans l'obscurité, une lanterne, la première de « Lutèce », se balançait au bout d'une potence suspendue tout au sommet.

     

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    Sur cette gravure d'Israël Silvestre, on aperçoit la porte et la tour de Nesle au XVIIe siècle. A gauche, se dresse l'Hôtel de Nevers sur lequel fut édifié l'Hôtel des Monnaies. (La gravure vient du site du Musée Carnavalet.)

     

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    Sur celle-ci, la tour fait face à la Galerie du bord de l'eau.

     

    En 1832, dans la pièce intitulée La Tour de Nesle, Alexandre Dumas Père ressuscita le personnage de Marguerite de Bourgogne, la « reine sanglante », emprisonnée pour avoir tué ses amants après des nuits passionnées. Le spectre de cette princesse capétienne, belle-fille de Philippe le Bel, fait revivre les « légendes noires » de Paris...

     

    Mais il est temps de revenir vers le pont des Arts car je voudrais évoquer ce qui est devenu un véritable « phénomène » urbain:

     

    Les cadenas d'amour

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    Que font là tous ces cadenas? Y aurait-il une porte secrète, invisible et truffée de serrures à l'arrière de la balustrade? Le regard aimanté par ces morceaux de métal, je m'approche...

     

    Il semblerait que, depuis l'année 2008, les amoureux de passage aient commencé à accrocher des « cadenas d'amour » ou « lovelocks » aux rambardes du pont. Ils gravent ou marquent au feutre leurs initiales et jettent les clefs dans la Seine ou les dissimulent dans Paris. Cette tradition pourrait être une émanation moderne de rites d'amour médiévaux qui utilisaient des serrures et des clefs.

     

    De mystérieuses disparitions

     

    La majorité des cadenas a été retirée, dans la nuit du 11 au 12 mai 2010, mais les services municipaux de Paris ont toujours démenti en être responsables et le mystère n'a pas encore été résolu.

     

    En juillet 2011, ce sont des pans entiers du grillage qui ont disparu sans attirer l'attention. La municipalité a dû installer de grandes planches de contreplaqué en attendant de fixer de nouveaux parapets ajourés.

     

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    Un cadenas à l'effigie de Ganesha, le dieu hindou de la sagesse, de l'intelligence,
    de l'illumination, de la richesse ou encore du succès...

     

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    A côté de ce cadenas ouvragé, on aperçoit des liens de tissu jaune. D'après certaines sources, ils font référence à une tradition en vigueur pendant la première Guerre du Golfe. Les femmes attachaient un morceau de tissu jaune aux grilles d'une fenêtre ou d'un portail en attendant le retour de l'être aimé.

     

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    Cette tradition se répète sur le Pont de l'Archevêché, près de Notre-Dame et sur la Passerelle Léopold Sédar Senghor, face au Musée d'Orsay. J'en ai également photographié sur le Pont Alexandre III.

     

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    On rencontre, dans cette forêt métallique, des morceaux de plastique noués et des feuilles de papier roulé, attachées à des cordelettes ou à des rubans colorés. Certains cadenas sont couverts de messages d'amour et d'amitié.

     

    D'après certains chroniqueurs, cette « pratique rituelle » serait apparue dans les années 1980 en Europe de l'Est et se serait propagée dans le reste de l'Europe au début du nouveau millénaire. D'autres font référence à un roman italien, J'ai envie de toi de Federico Moccia. Le couple de héros accroche un cadenas marqué de leurs noms (luchetti d'amore) sur un lampadaire du Ponte Milvio, près de Rome, avant de lancer la clef dans le Tibre.

     

    La vogue des « cadenas d'amour » ne cesse de s'étendre, sur le Ponte Vecchio à Florence, à Venise, à Vérone, à Moscou sur les rambardes du Pont Luzhkov...

     

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    Au-dessus de l'eau, élément matriciel, les serments se figent et la quête de l'amour éternel se pare de superstition. Les clefs vont rejoindre les profondeurs de l'eau, se mêler à la mort et aux ombres aquatiques, là où le temps suspend sa respiration...

     

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    Depuis le Pont des Arts, combien de serments et de clefs ont-ils déjà plongé dans le fleuve?

     

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    Une vision des lieux par Edward Hopper, peintre « réaliste » américain, en 1907.

     

    Grâce à ses balustrades ajourées, le Pont des Arts offre une vue exceptionnelle sur la Seine et sert fréquemment de galerie d'exposition à ciel ouvert. Sa silhouette unique séduit le cinéma français et international, inspire les amoureux, les poètes, les peintres, les parfumeurs... Il permet de contempler la magnificence des quais, le Louvre et l'Institut de France et des monuments emblématiques de Paris comme la « tour clocher de l'église Saint-Germain l'Auxerrois. »

     

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    Il s'agit en réalité du beffroi néo-gothique de la Mairie du premier arrondissement, attenante à l'église. Ce beffroi, édifié en 1860 par Théodore Ballu, est doté d'un magnifique carillon.

     

    Que vous soyez d'humeur romantique ou dilettante, épris de rêverie ou juste de passage, ne manquez pas, si l'occasion se présente, d'apprécier l'atmosphère si « spéciale » qui émane de ce pont, entre deux mondes et à la croisée de mille sensibilités...

     

    Comme une île perdue
    dans un grand cimetière
    où tremblent suspendus
    des soleils éphémères
                   -----
    Comme un rêve blessé
    qui refuse l'enfer
    et se met à danser
    dans le sang de l'hiver
                   -----
    Les bateaux creusent l'onde
    en liens imaginaires
    sous les berges profondes
    aux âmes nourricières
                   -----
    Je les sens chuchoter
    sur le pont des mystères
    où nos coeurs mélangés
    dévorent la lumière...

    Cendrine

    Pont des Arts, 27 février 2012...

     

    Une chanson ?

     

     

     

    Sources et Bibliographie

     

    Charles DUPLOMB: Histoire générale des ponts de Paris. 1911.

     

    Théophile LAVALLÉE: Histoire de Paris: depuis le temps des Gaulois jusqu'en 1850.Hetzel, 1852.

     

    Aubin L. MILLIN: Dictionnaire des beaux-arts. 1838.

     

    Gustave PESSARD: Nouveau dictionnaire historique de Paris.Lejay, 1904.

     

    L M TISSERAND: Topographie historique du Vieux Paris. Imprimerie impériale, 1866.

     

    Émission « Sur le Pont des Arts » de Marianne Durand-Lacaze.

     

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    Ce monument d'un raffinement extrême fut construit à partir de 1897 et inauguré pour l'Exposition Universelle de 1900. Situé entre le 7e et le 8e arrondissement de Paris, dans l'axe de l'esplanade des Invalides, il offre sur la Seine un panorama remarquable.

     

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    Il dessine un arc très étiré qui chevauche la Seine sur une longueur de 107 mètres et conduit à deux prestigieux édifices: le Grand et le Petit Palais. L'ensemble mesure 160 mètres.

     

    Cette prouesse technique et artistique fut orchestrée par les ingénieurs Jean Résal et Amédée Alby et les architectes Joseph Cassien-Bernard et Gaston Cousin, sous la direction d'Alfred Picard, commissaire général de l'Exposition Universelle de 1900, assisté de Joseph Bouvard, directeur de l'architecture.

     

    Après le renforcement des berges de la Seine, l'importante poussée horizontale fut répartie entre les immenses fondations.

     

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    Le pont symbolise l'amitié franco-russe, initiée par le tsar Alexandre III. Ce dernier signa en 1893 l'Alliance franco-russe avec le Président français Sadi Carnot et l'entente se poursuivit après la mort des deux hommes en 1894.

     

    Nicolas II, le fils d'Alexandre III, posa la première pierre de l'ouvrage, le 7 octobre 1896, en compagnie du Président Félix Faure.

     

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    Le 14 avril 1900, le Président Émile Loubet inaugura le pont et l'Exposition Universelle.

     

     

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    Quatre majestueux pylônes, couronnés par des statues dorées, se dressent aux extrémités de l'ouvrage.

     

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    Ils soutiennent des groupes sculptés qui représentent « la Renommée tenant Pégase. »

     

    Pégase, le cheval ailé, naquit du sang de la gorgone Méduse, décapitée par le héros grec Persée. En frappant la terre d'un coup de sabot, il donna naissance à la source des Muses, appelée Hippocrène. Le héros Bellérophon le chevaucha pour décimer la Chimère, un monstre terrifiant.

     

    Célébré par les poètes et représenté dans l'art depuis l'Antiquité, il est l'émanation d'une ancienne divinité du ciel et des orages. Quand il galope dans les nuages, il engendre les éclairs et le tonnerre ou dissipe le temps troublé.

     

    Lié à la symbolique des sources et des eaux vives, il apparaît aussi comme la résurgence d'un dieu chthonien. Il tisse l'énergie tellurique et établit, à l'instar des chamanes, une communication subtile entre les mondes.

     

    Il fut métamorphosé en constellation par Zeus, le seigneur de l'Olympe.

     

    Invoqué par les poètes pour faire jaillir l'inspiration, il est le compagnon ou la monture de la Renommée.

     

     

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    Dans la Grèce ancienne, cette divinité ailée, fille de la déesse Gaïa, la Terre, était dotée d'une myriade d'yeux et de bouches et se présentait comme la messagère des dieux. Dans la Rome antique, elle devint une gracieuse jeune femme tenant une trompette.

     

     

    La Renommée des Arts

     

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    Réalisée par Emmanuel Fremiet (1824-1910), sculpteur incontournable de la IIIe République, elle tient fièrement la bride de Pégase. Ses ailes de fée semblent pulser dans la lumière. Associée à la Victoire et à la Vertu, elle brandit parfois, en plus de la trompette, une corne d'abondance ou un rameau d'olivier.

     

    La France de Charlemagne, oeuvre d'Alfred-Charles Lenoir, trône, appuyée sur des lions, à la base du pilier.

     

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    Elle tient dans la main gauche une pomme vermeille ou crucifère.

     

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    Ce globe surmonté d'une croix est un emblème de pouvoir terrestre, céleste et universel. Il évoque aussi l'abondance et la paix. Appelé Pomme d'Empire, il était le symbole du Saint-Empire romain germanique.

     

     

    La Renommée de l'Agriculture

     

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    Elle fut réalisée par Gustave Michel, ainsi que la France Contemporaine ou Pacifique, située en dessous.

     

    La Renommée porte des épis de blé et brandit une branche feuillue. L'arabesque de son bras accompagne le mouvement gracieux des ailes de Pégase. Dans les grimoires d'iconologie, elle est représentée avec une chaîne en or et un pendentif en forme de coeur.

     

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    Couronnée de feuilles de chêne, la France revêt une tenue finement parsemée de feuilles et de rinceaux. Son visage s'inspire de celui de la tsarine Alexandra Feodorovna.

     

     

    La Renommée au Combat

     

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    Créée par Pierre Granet, elle souffle dans la trompette pour appeler les forces divines. Son bras droit levé reflète l'attitude de Pégase, cabré pour s'élancer dans les airs. On aperçoit la Toison d'Or à tête de bélier, emblème de conquête guerrière et de virilité.

     

    Sur la colonne est appuyée la France de Louis XIV, de Laurent Honoré Marqueste.

     

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    La majestueuse allégorie soutient une petite Victoire dorée ou Nikê.

     

     

    La Renommée de la Guerre

     

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    Réalisée par Clément Steiner, elle entraîne Pégase dans une charge héroïque.

     

    La France Renaissante ou France de la Renaissance, oeuvre de Jules-Félix Coutan, se situe en dessous.

     

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    La draperie qui l'entoure dessine un mouvement sensuel et mystérieux. Sa grande épée d'or scintille dans la lumière. Une petite statue se love contre son côté gauche.

     

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    Les Génies des Eaux

     

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    L'enfant au poisson ou le génie au trident, sculpté par André Massoule. Il se situe en amont, sur le parapet gauche du pont, telle une vigie suspendue entre le ciel et l'onde.

     

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    La fillette à la coquille, sculptée par Léopold Morice.

     

    On la rencontre en amont, sur la rive droite du pont. Elle nous attire avec douceur vers les secrets de la mer qui chuchote à son oreille.

     

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    L'enfant au poisson fantastique, sculpté par Léopold Morice. Il se situe en aval, sur la rive droite du pont.

     

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    La Néréide, sculptée par André Massoule. Elle se situe en aval, sur le parapet gauche du pont.

     

     

    Le Bestiaire des lieux

     

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    Un monde luxuriant de créatures aquatiques.

     

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    Des poissons vigoureux qui ondoient dans la lumière.

     

     

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    Les cadenas que l'on aperçoit sont laissés par des amoureux qui les considèrent comme des amulettes de bonheur et de chance. Le Pont des Arts, situé face au Louvre, est, à cet égard, particulièrement apprécié.

     

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    Des grenouilles qui contemplent la Seine et d'autres cadenas.

     

     

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    Un lézard qui joue peut-être à cache-cache...

     

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    Des sirènes et des rostres de navires décorent la partie basse des piliers.

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    Le regard envoûté par les chatoiements de l'eau, laissons-nous envahir par un chant voluptueux mais gare à ne pas passer par-dessus bord!

     

     

    Les Candélabres

     

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    Des angelots, réalisés par le sculpteur Henri Désiré Gauquié, forment une ronde gracieuse autour de ce candélabre à cinq branches.

     

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    La fée lumière règne avec poésie et magnificence, grâce aux 32 candélabres répartis le long de la promenade.

     

     

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    Les armes de la ville de Paris.

     

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    L'aigle bicéphale de la Russie des tsars.

     

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    Le coq gaulois, emblème du soleil et de la France.

     

     

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    Un des superbes vases qui se dressent au bord des escaliers.

     

     

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    Un dauphin fantastique appuyé sur des congélations, des guirlandes de coquillages et de flore aquatique, des mascarons...

     

     

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    De part et d'autre du pont, des Nymphes monumentales ont été réalisées par Georges Récipon, l'auteur des Quadriges du Grand Palais tout proche. On trouve en aval les Nymphes de la Seine et en amont, celles de la Néva, fleuve russe mythique.

     

     

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    Sur chaque rive, un lion et un enfant, réalisés par Georges Gardet (rive gauche) et Jules Dalou (rive droite), ornent l'extrémité de la balustrade.

     

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    L'ossature du pont se compose de puissants arcs d'acier et d'une forêt de poutrelles.

     

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    Élaboré dans les Usines du Creusot, le pont fut mis en place à partir d'éléments préfabriqués, ce qui constituait un procédé novateur pour l'époque.

     

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    Au crépuscule...

     

    Tel un monde enchanté, peuplé de créatures mythologiques, le Pont Alexandre III nous dévoile sa riche iconographie consacrée au thème de la mer. Il nous invite à contempler la Seine où scintille l'âme de Paris. Depuis le dôme doré des Invalides, la perspective qui le traverse nous conduit vers les Champs-Élysées, contrée des héros antiques. Sa beauté romantique conjugue le souffle des légendes et les splendeurs théâtralisées d'une époque. Il incarne une féerie suspendue, entre ciel et eau, qui se mêle aux innovations techniques, caractéristiques d'une nouvelle ère.

     

    Personnalités associées à la création du Pont Alexandre III

     

    Le Tsar Alexandre III (1845-1894).

     

    Le Président français Sadi Carnot (1837-1894).

     

    Le Tsar Nicolas II (1868-1918).

     

    Le Président Félix Faure (1841-1899).

     

    Le Président Émile Loubet (1838-1929).

     

    Alfred Picard (1844-1913): Ingénieur, administrateur public, polytechnicien, il fut aussi Ministre de la Marine et occupa de nombreux postes . Il dirigea d'importants travaux dans les domaines militaire et ferroviaire. Il fut le Commissaire Général de l'Exposition Universelle de 1900.

     

    Joseph Bouvard (1840-1920): De 1897 à 1911, il dirigea les services d'Architecture, des Promenades, des Plantations, de la Voirie et du Plan de la Ville de Paris. Il organisa de nombreuses fêtes et des expositions publiques, comme les Expositions Universelles de 1889 et de 1900.

     

    Jean Résal (1854-1919): Ingénieur.

     

    Amédée Alby (1862-1942): Ingénieur.

     

    Joseph Cassien-Bernard (1848-1926): architecte, élève de Charles Garnier (1825-1898), le constructeur de l'Opéra qui porte son nom.

     

    Gaston Cousin : architecte.

     

    Emmanuel Fremiet (1824-1910): sculpteur.

     

    Alfred-Charles Lenoir (1850-1920): sculpteur.

     

    Gustave Michel (1851-1924): sculpteur.

     

    Pierre Granet (1843-1910): sculpteur.

     

    Laurent Honoré Marqueste (1848-1920): sculpteur.

     

    Clément Steiner (1853-1899): sculpteur.

     

    Jules-Félix Coutan (1848-1939): sculpteur.

     

    André Massoule(1851-1901): sculpteur.

     

    Léopold Morice(1846-1920): sculpteur.

     

    Henri Désiré Gauquié (1858-1927): sculpteur.

     

    Georges Récipon (1860-1920): sculpteur.

     

    Georges Gardet (1863-1939): Sculpteur animalier, il fut l'élève d'Emmanuel Fremiet.

     

    Aimé-Jules Dalou (1838-1902).

     

    Bibliographie

     

    Emmanuel BÉNÉZIT: Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs.Édition de 1999. 14 volumes.

     

    Félix LAZARE: Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments. Paris: Vindun, 1844-1849.

     

    Gustave PASSARD: Nouveau Dictionnaire Historique de Paris. 1904.

     

    Félix DE ROCHEGUDE: Promenades dans toutes les rues de Paris. Paris: Hachette, 1910.

     

    Paul VIAL: L'Europe et le Monde de 1848 à 1914. Paris: Éditions de Gigord, 1968.

     

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    Au-delà des miroitements de la Seine, on aperçoit la splendide verrière du Grand Palais.

     

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