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    Ce castel de fantaisie surgit dans Paris, à quelques encablures du Parc Monceau. A l'instar de la légendaire forteresse de Richard Coeur de Lion, il aiguise l'imagination, ce qui m'a inspiré ce petit jeu de mots.

     

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    L'Hôtel Gaillard est le fruit d'une rencontre entre deux esprits brillants: Émile Gaillard, régent de la Banque de France, mécène et collectionneur, et l'architecte Victor-Jules Février.

     

    Passionné par le Moyen-Âge et la Renaissance, Émile Gaillard fit ériger une demeure « seigneuriale » destinée à accueillir ses « trésors » dans un écrin digne de leur beauté.

     

    Entre 1879 et 1884, Victor-Jules Février conçut, au croisement de la rue Georges Berger et de la Place du Général Catroux, un superbe bâtiment en brique rose qui s'inspirait de l'architecture des châteaux de la Loire, et plus particulièrement des châteaux de Gien et de Blois.

     

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    On y pénétrait par une entrée somptuaire qui donnait sur la place du Général Catroux. Les visiteurs empruntaient un escalier monumental afin d'accéder aux salons d'apparat et aux espaces privés.

     

    L'hôtel-musée abritait une profusion de tapisseries, de boiseries, de peintures, de cheminées, de faïences et d'étains. Un somptueux bal masqué s'y déroula, le 11 avril 1885. Deux mille invités se pressèrent, en déguisement Renaissance, autour du maître des lieux, costumé en Henri II.

     

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    Après la mort d'Émile Gaillard, ses héritiers cédèrent les collections et, en 1919, la Banque de France fit l'acquisition du monument, pour cinq millions de francs, une somme bien inférieure à ce qu'il avait coûté au départ, soit 11 millions.

     

    L'architecte Alphonse Defrasse (1860-1939) et le décorateur Jean-Henri Jansen furent sollicités pour réaménager les lieux. Après une importante phase de travaux, la nouvelle succursale de l'institution financière ouvrit en 1923.

     

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    L'escalier monumental fut conservé mais un système de protection bien singulier fut mis en place dans la salle des coffres: des douves remplies d'eau, dominées par un pont roulant.

     

    L'hôtel Gaillard est classé monument historique depuis avril 1999. Emblématique de l'art néo-gothique et néo-Renaissance, il révèle une écriture architecturale harmonieuse et complexe.

     

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    Ses hautes façades, ornées de briques polychromes, sont décorées de motifs géométriques, caractéristiques de la Première Renaissance (1480-1520).

     

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    On retrouve cet appareil coloré au château de Chamerolles, édifié au début du XVIe siècle, en lisière de la forêt d'Orléans.

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    Chamerolles

     

    Dans la rue Legendre, prolongement de la rue Georges Berger, les façades de l'Hôtel Guerlain révèlent un décor approchant.

     

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    L'aile Louis XII du château de Blois, réalisée entre 1498 et 1503, conjugue des éléments empruntés au style gothique flamboyant de la fin du XVe siècle et des motifs typiques de la Première Renaissance. Ses hautes toitures d'ardoise sont percées de lucarnes élancées et son décor de briques rouges sublime la blancheur de la pierre.

     

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    On remarque aisément la parenté stylistique entre l'architecture de ce magnifique bâtiment et celle de l'Hôtel Gaillard.

     

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    Les toitures du château parisien nous offrent un séduisant répertoire de formes plastiques et les cheminées de brique sont joliment décorées.

     

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    Les lucarnes flamboyantes et l'abondance des ornements évoquent une transition féconde entre le Moyen-Âge et la Renaissance. Le « G », monogramme du maître des lieux, se dessine au sommet de l'édifice, tel un emblème féodal.

     

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    Richement sculptées, les lucarnes font entrer l'air et la lumière dans l'habitation, tout en créant de magnifiques effets visuels. Le mot « lucarne », attesté depuis le XIVe siècle, vient de « lukinna » qui signifie « ouverture » en bas francique. Au fil des époques, « lukinna » a évolué en « lucarne », par croisement avec « lucerna » (lampe, en latin) et « luiserne » (lumière, flambeau en ancien français).

     

    Les toits d'ardoise sont couronnés par de fines excroissances métalliques.

     

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    Des petits personnages appelés « marmousets » décorent les fenêtres compartimentées. La pierre de taille et la brique polychrome composent une élégante broderie.

     

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    Les balustrades gothiques, les toitures sombres et brillantes, les lucarnes ouvragées et les culots sculptés forment une majestueuse scénographie.

     

    Le commanditaire

     

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    Émile Gaillard naquit à Grenoble dans une famille bourgeoise. Son grand-père, Théodore François Gaillard, avait fondé une « maison de banque » dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle et son père, Théodore Eugène Gaillard, fut maire de Grenoble, de 1858 à 1865.

     

    Cet éminent financier participa au développement des chemins de fer et fut le gestionnaire des biens du Comte de Chambord, ultime descendant français de la branche aînée des Bourbon. Il fréquenta Victor Hugo et fut l'élève et l'ami de Frédéric Chopin qui lui dédia une Mazurka. Curieux de tout et doué pour les arts, il composa certaines pièces musicales.

     

    Ne pouvant exposer à son goût, dans son habitation de la rue Daru, les objets qu'il avait ramenés de ses voyages, il fit l'acquisition, en 1878, d'un terrain dans la Plaine Monceau. Face à l'hôtel du peintre Ernest Meissonier, il fit construire la demeure idéale pour mettre en lumière ses collections.

     

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    Le bal costumé Renaissance

     

     

    Victor-Jules Février (1842-1937)

     

    En 1889, il reçut, pour la construction de l'Hôtel Gaillard, deux prestigieuses distinctions: la « Grande Médaille », lors du Congrès de la Société Nationale des architectes français, et la Médaille d'or de l'architecture privée au cours de l'Exposition Universelle.

     

    S'inspirant de l'architecture des châteaux de la Loire de la Première Renaissance (1480-1520), il réalisa un ensemble pittoresque de toitures et de clochetons ouvragés, de fenêtres à meneaux, de lucarnes et de briques polychromes.

     

    Il construisit aussi l'Hôtel de Sarah Bernhardt, à l'angle de la rue Fortuny et de la rue de Prony.

     

    Le décor luxuriant de l'Hôtel Gaillard

     

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    De facétieuses gouttières, en habit noir et or, animent les façades.

     

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    Le travail de la pierre allie finesse et virtuosité, comme le révèle cet arc de style gothique flamboyant. Les jeux de courbes et de contre-courbes, d'entrelacs et d'enroulements, créent une étourdissante danse visuelle.

     

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    La qualité des ornements en bois et en pierre dessine un répertoire de formes souples et ondulantes, caractérisées par une prédominance de l'élément végétal. Dans ce monde sylvestre, évoluent des petits personnages, des animaux réels et mystérieux et des symboles géométriques.

     

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    Dans cet univers d'abondance, où s'entremêlent feuilles et fleurs, caracolent des animaux typiques du bestiaire médiéval et Renaissance (lapins, oiseaux, chiens, escargots...) et des créatures fantastiques (petits dragons, chimères, gargouilles...).

     

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    Cette galerie d'êtres fantasques rappelle les « drôleries marginales » des manuscrits médiévaux.

     

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    Ce « marmouset » serait une représentation de l'architecte Victor-Jules Février, traçant les plans de l'édifice avec un compas.

     

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    Le personnage qui lui fait face rendrait hommage à Émile Gaillard.

     

    L'Homme Vert

     

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    Cette figure hybride est représentée, depuis l'Antiquité, sur une myriade de monuments. L'Homme Vert, le Feuillu ou le Green Man est formé d'un visage humain, encerclé ou tissé de feuillages. Parfois, il expire les branches feuillues et porte des cornes de fécondité.

     

    Réminiscence d'une très ancienne divinité de la forêt, il est le maître des cycles de la Nature et le gardien des mythes et des légendes. Il règne sur la tradition initiatique perpétuée par les architectes et les tailleurs de pierre.

     

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    Lové dans ce magnifique arc flamboyant, il constitue un ornement récurrent dans l'architecture religieuse et civile du Moyen-Âge et de la Renaissance.

     

    Dans le monde anglo-saxon, il est souvent représenté sur les enseignes des pubs, des hôtels et des tavernes. Il évoque les pouvoirs de la Nature, la connaissance cachée et les cultes dionysiaques. Il est utilisé sous forme de masque dans les parades folkloriques anglaises, écossaises et irlandaises.

     

    Il est sculpté dans le bois et la pierre et peint sur les vitraux. Il règne sur les enluminures des manuscrits, les portails des églises et des cathédrales, les sièges ecclésiastiques appelés « miséricordes ». Il apparaît sur les façades de nombreuses maisons et palais, sur les bijoux et les armes (épées, dagues, poignards...).

     

    L'Escargot

     

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    Ce petit animal qui se rétracte, roule et déroule son corps en fonction du climat, des cycles de la lune et des marées, est un puissant symbole de fertilité. Avec ses cornes dotées d'yeux et sa coquille spiralée, il évoque les forces lunaires et matricielles, la mort et la renaissance.

     

    Il annonce la reverdie et représente l'Esprit des Champs, célébré par des parades costumées. En Provence, il est appelé « masca », ce qui signifie « sorcière nocturne » ou « esprit ». Dans l'ancienne Europe, des danses-labyrinthes étaient effectuées en suivant un parcours tracé par des coquilles d'escargot embrasées. Les participants portaient des masques décorés de coquilles luisantes.

     

    Dans l'art gothique flamboyant, l'escargot est un motif décoratif et symbolique récurrent. Il guide parfois un cortège d'animaux musiciens.

     

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    La future Cité de l'Économie et de la Monnaie

     

    En raison de travaux de réaménagement de l'espace intérieur, l'Hôtel Gaillard ne se visite pas mais il accueillera, au quatrième trimestre de l'année 2014, la Cité de l'Économie et de la Monnaie.

     

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    Les futurs visiteurs pourront y découvrir un amphithéâtre, une bibliothèque et divers ateliers, y étudier l'histoire des monnaies et se familiariser avec les objets associés à leur fabrication.

     

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    Projet pour le futur Musée. L'équipe qui a été désignée par concours sera dirigée par Mr Yves Lion.

     

    En attendant d'explorer cet espace culturel novateur, je vous invite à contempler les façades et les ornements d'un « château » insolite, emblématique d'une architecture de style éclectique et historiciste.

     

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    Une petite part de Val de Loire se dresse, dans un lieu de Paris plutôt préservé de l'agitation urbaine. On découvrira tout autour de superbes hôtels particuliers et, à proximité, les vestiges de la folie du Duc de Chartres, gracieusement lovés dans l'écrin verdoyant du Parc Monceau.

     

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