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Par maplumefee le 5 Septembre 2017 à 20:39
Dans le Montmartre secret, au fond d'une impasse appelée Marie-Blanche, les promeneurs ont la possibilité de découvrir un trésor...
Une maison de style « troubadour », la Maison Eymonaud, fantaisie d'esprit gothique et renaissance mise en œuvre par Ernest Eymonaud, un antiquaire spécialisé dans la vente d'objets médiévaux.
Vue de l'ancienne impasse Constance, dans le quartier des Grandes-Carrières, qui devint passage Sainte-Marie et impasse Sainte-Marie-Blanche avant de prendre, en 1873, le nom d'impasse Marie-Blanche.
Au numéro 7, l'architecte Joseph-Charles Guirard de Montarnal conçut, entre 1892 et 1897, un lieu de vie et un atelier, en y intégrant des éléments d'un hôtel particulier disparu : l'Hôtel de l'Escalopier.
Agrémentée d’une tour carrée de deux étages, la Maison Eymonaud présente de belles balustrades et des fenêtres à meneaux, des vitraux et un riche décor sculpté incluant un bestiaire fantastique, des gargouilles, des escargots, des salamandres, des singes et toutes sortes de petits personnages facétieux...
Certaines photos sont un peu floues, j'ai fait ce que j'ai pu avec mon zoom...
Les Fous et leurs marottes, issus des Soties (satires dramatiques) du Moyen-Âge et du début de la Renaissance.
L'Hôtel de l'Escalopier naquit, en 1835, à l'initiative d'un personnage original et érudit : le comte Marie-Joseph-Charles de l'Escalopier (1812-1861).
Passionné d'archéologie, le comte de l'Escalopier descendait d'une vieille famille originaire de Vérone, les Della Scala. Il naquit le 9 avril 1812 dans la Somme, au château de Liancourt et fit ses études à Paris, au Lycée Charlemagne. Brillant élève, il publia son premier ouvrage à l'âge de 23 ans et en 1840, il devint conservateur à la bibliothèque de l'Arsenal sous la direction de l'académicien Charles Nodier (1780-1844).
Dès qu'il en eut la possibilité, il fit construire sous le règne de Louis-Philippe (1830-1848), en pleine vogue historiciste, une demeure que L'Annuaire de Paris et de ses environs de Leblanc de Ferrière décrit ainsi : « La façade sur la cour présente une tour en saillie crénelée en son sommet ; à gauche un avant-corps carré, surmonté d’une terrasse et d’un balcon ; les formes et les ornementations de l’édifice sont dans le style du Bas Moyen Âge, des années 1450, règne de Louis XI ; les encadrements des ouvertures, le balcon, les clochetons et les culs-de-lampe sont d’un gothique plein de délicatesse et de goût dans le choix et la réalisation ; le cadre d’une fenêtre au rez-de-chaussée est une copie fidèle de la porte de Jeanne d’Arc à Domrémy. »
L'Hôtel était agrémenté d'un vaste jardin, d'un gymnase et de serres remarquables : « Contiguës au bâtiment, elles sont exposées vers le sud, sur une ligne de cent vingt pieds de long et de douze pieds de large ; elles sont construites en fer ; ornées de roches et de bassins elles sont chauffées à la vapeur et renferment une collection remarquable de végétaux à propriétés historiques, les plus rares et les plus précieuses. On y entre par le salon dont la glace sans tain au-dessus de la cheminée offre une vue sur ces serres au centre desquelles un pavillon, de vingt-huit pieds de haut avec des colonnes ornées de chapiteaux dorés, est consacré à la culture des bananiers. Les serres contiennent des bambous, des papayers, des arbres à pain, des cocotiers ; tous ces arbres sont en pleine terre. Dans la quatrième serre se trouvent les plantes qui exigent le plus de chaleur : orchidées, bois de santal, muscadier, cacaoyer, copayer, mangoustanier, mancenillier, vanille… » Leblanc de Ferrière.
Mais le comte manqua rapidement de place pour mettre en valeur sa prestigieuse collection de livres. Il se résolut donc à remplacer les serres (après avoir donné son contenu au Jardin des Plantes) par une bibliothèque riche de cinq mille neuf cents ouvrages dédiés à l'Archéologie, à l'Histoire et à la Théologie.
Il créa un musée destiné à ses amis et aux visiteurs de passage où l'on pouvait admirer des bois sculptés, des émaux, des ivoires, de l'orfèvrerie ou encore des verres médiévaux. Il tomba malade en 1859 et regagna le domaine familial de Liancourt où il décéda en 1861. Ses collections furent léguées à la ville d'Amiens et l'Hôtel de l'Escalopier fut détruit en 1882.
Nous pénétrons dans la Maison Eymonaud par une porte dotée d'un bel encadrement de style Renaissance.
Le petit escargot lunaire, gardien du seuil, nous ouvre le chemin...
Son ami le lézard, parèdre solaire et avatar de la chimérique salamandre, également...
Les pièces de la demeure ont été transformées en bureaux et en appartements. Nous ne pouvons voir les richesses ornementales qu'ils abritent mais un escalier, magnifique ossature de bois, nous accueille et le sol est décoré de carreaux de pavement dans le style « Viollet-le-Duc ».
Une des « pierres figurées » de la collection d'Ernest Eymonaud qui possédait à cette adresse un atelier appelé « A l'Art Ancien ». Il y restaurait des meubles et il réalisait des copies très recherchées de meubles peuplant les intérieurs des plus beaux châteaux de France. Très sollicité par les amateurs du genre, il fit agrandir sa demeure parisienne en 1900 et en 1910.
Les panneaux de bois ciselés qui se dévoilent au fil de notre progression font référence aux thèmes du Zodiaque et des Travaux des Mois.
Vous reconnaîtrez des scènes de vendanges, de banquet, de chasse et de nombreuses activités agricoles...
Saynètes qui forment une fascinante bande dessinée...
Certaines me font penser au décor des stalles du chœur de l'église Saint-Gervais Saint-Protais, située à proximité de l'hôtel de ville de Paris, un sujet intéressant pour de futurs articles...
L'escalier est une sylve peuplée de créatures chimériques et de formes flamboyantes...
L'Homme Vert, le Feuillu, le Green Man, seigneur de la fécondité et de la parole magique à l'instar de l'Ogmios des Celtes, le maître du langage. Un excellent gardien de la demeure !
En poursuivant notre ascension, nous découvrons d'élégantes fenêtres et la verrière sommitale.
Puis nous observons le couronnement de la tour, belvédère de deux étages joliment intégré dans la structure néo-gothique des lieux.
Elle ne se visite pas mais la vue sur Montmartre doit être magnifique de là haut !
Voilà, il est temps de redescendre et de prendre congé de cette maison qui se love tout au fond d'une impasse du vieux Paris...
La Maison Eymonaud, fabuleuse « maison troubadour », inscrite au titre des Monuments Historiques par un arrêté du 14 septembre 1995, est « accessible » en juillet, en août et au moment des Journées du Patrimoine, en respectant bien sûr la tranquillité et l'intimité des habitants autrement dit en ne faisant pas ce que quelques visiteurs ont fait : tenter de pousser des portes « privées » et de photographier à travers les fenêtres des gens.
En espérant vous avoir fait plaisir avec cette découverte, je vous souhaite une excellente rentrée 2017 et vous envoie de gros bisous d'amitié !
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Par maplumefee le 24 Mars 2017 à 20:43
Au carrefour de la rue Saint-Dominique (numéro 123) et de l'avenue Bosquet, dans le VIIe arrondissement de Paris, je vous invite à découvrir l'une des plus prestigieuses demeures « Belle-Époque » de la capitale.
L'histoire des lieux commence à partir de 1866 lorsque la comtesse Amédée de Béhague (1807-1885), fit construire un « Grand Hôtel » de style classique, par l'architecte Gabriel-Hippolyte Destailleur (1822-1893).
En 1868, le fils d'Amédée, le comte Octave de Béhague (1827-1879) fit bâtir à proximité de ce « Grand Hôtel » un « Petit Hôtel » et, quelques années plus tard, de la réunion de ces deux édifices naquit un lieu d'une impressionnante beauté, appelé « la Byzance du VIIe arrondissement ».
Ce palais parisien fut aménagé, entre 1893 et 1904, par Walter-André Destailleur (1867-1940), fils de Gabriel-Hippolyte Destailleur, à l'initiative de Martine Marie Pol de Béhague (1869-1939), comtesse de Béarn et fille du comte Octave.
Portrait de Martine de Béhague, l'auteur est inconnu.
La Comtesse était un sacré personnage ! Collectionneuse, mécène, voyageuse accomplie, douée pour l'écriture et le théâtre, elle accueillit dans sa demeure des invités prestigieux à l'instar de Verlaine, Gabriele D'Annunzio, Isadora Duncan, Marcel Proust, Auguste Rodin ou encore Paul Valéry qui devint son bibliothécaire !
Après sa mort en 1939, l'État Roumain fit l'acquisition de l'hôtel pour y transférer son ambassade qui était jusque là située avenue de Wagram. La « Byzance » fut alors transformée en forteresse et rebaptisée « Ambassade de la Honte » pendant plusieurs décennies. On y séquestra, on y tortura, on y assassina... le sujet n'est pas le bienvenu dans le pays dit des Droits de l'Homme. Il est très difficile voire impossible de trouver des documents associés à ce qui s'est passé.
En décembre 1989, la Révolution Roumaine conduisit à la chute du Communisme et à l'exécution des époux Ceausescu. L'hôtel fut « nettoyé de ses pièces sinistres » et quelques temps plus tard, il rouvrit ses portes au public, presque comme si de rien n'était. Il est toujours considéré comme l'un des plus remarquables hôtels particuliers de Paris.
Au fil de la demeure...
On y pénètre par une double porte cochère et une imposante façade en belle pierre de taille, ornée de sculptures à l'aspect fantastique, se dresse devant nous.
Visages de femmes ornés de grandes ailes, démons séducteurs qui protègent les secrets du lieu... Ne sommes-nous pas à l'ambassade de Roumanie ?
Nous sommes accueillis -très gentiment- par les agents dans le vestibule où les célébrités mondaines se donnaient rendez-vous pour festoyer sur les « terres urbaines » de la Comtesse.
Baignant dans une lumière douce, le décor nous dévoile son élégante qualité : un portrait féminin dont l'auteur n'est pas mentionné et une toile anonyme du XVIIe siècle : la Mise au Tombeau du Christ.
La Mise au Tombeau. (Il n'était pas facile de prendre des photos en raison de l'éclairage et l'usage du flash était, cela va de soit, interdit.)
Le vestibule conduit au hall d'honneur qui s'ouvre sur le jardin, lieu romantique, agrémenté d'une colonnade ionique qui hélas ne se visite pas.
Un grand miroir devant lequel se dresse le Rapt de Ganymède, œuvre en marbre anonyme du XVIIIe siècle, donne à la pièce un majestueux effet de profondeur.
Les dieux choisirent Ganymède, le plus bel adolescent vivant sur terre, pour être l'échanson de Zeus. Le maître de l'Olympe, qui en tomba éperdument amoureux, lui offrit la jeunesse éternelle et se transforma en aigle pour l'enlever dans les airs.
Ganymède est associé à la constellation du Verseau.
Le hall mène à l'Escalier d'Honneur, merveille de marbre polychrome, de dorures et de fer forgé qui s'inspire de l'Escalier de la Reine à Versailles, bijou datant de 1680.
J'ai fait de mon mieux pour photographier cet espace mais sans le flash, j'ai surtout obtenu des photos floues. Elles vous donneront quand même une idée de la magnificence des lieux.
J'en ai réussi quelques unes et j'ai collecté les autres sur le net. Si quelqu'un souhaite que je retire sa photo, il suffit de me le demander.
Image trouvée sur Pinterest, je n'en connais pas l'auteur.
Photo www.parisdeuxième.com
Au sommet de l'escalier, se dévoile une imposante sculpture : le Temps emportant l'Amour, haut-relief de quatre mètres de hauteur, réalisé en 1898, par le sculpteur Jean Dampt (1854-1945).
A proximité de l'impressionnante sculpture, le sol et le mobilier sont, comme dans tout le reste de la demeure, magnifiques...
Nous évoluons sur ce gracieux damier et, quelques mètres plus loin, la Salle de Bal, aménagée en 1897, nous accueille dans son écrin de lambris vert et or datant du XVIIIe siècle.
Ces panneaux de style néo-rocaille ont été achetés dans différentes ventes aux enchères et soigneusement assemblés pour offrir aux visiteurs une cohérence esthétique. Les grandes portes viennent de résidences royales mais on ignore d'où précisément.
Les dessus de porte sont peints dans le style de Jan Brueghel l'Ancien, dit Brueghel de Velours (1568-1625), peintre baroque flamand et l'ensemble fait référence à l'une des merveilles du Marais : l'Hôtel de Soubise où se situent les Archives Nationales.
Boiseries d'apparat ornées de motifs d'inspiration rocaille : coquilles, entrelacs, oves, masques, palmettes, rinceaux, grappes de raisin, trophées de musique et d'art...
En quittant la Salle de Bal, nous traversons un petit salon octogone aux boiseries trop fragiles pour être photographiées et nous entrons dans la Salle à manger, parée de marbres polychromes et de savants trompe-l’œil.
On y découvre une niche dans laquelle se love une fontaine.
Fontaine dont la double vasque est dominée par un masque baroque, celui du dieu Neptune.
Au-dessus de la fontaine, on admire un relief inspiré de la sculpture versaillaise du Grand Siècle.
Décor bucolique agrémenté de nymphes, un travail remarquable de finesse.
Face à la fontaine, les visiteurs restent bouche-bée devant l'apparition d'un chef d’œuvre inestimable : La Naissance de Vénus de François Boucher (1703-1770), peintre emblématique des élégances et de la sensualité de l'art au XVIII siècle.
L’œuvre datée de 1731 nous ravit par l'expression d'une féminité voluptueuse. Dans cet univers rocaille où la nacre des chairs palpite sous des glacis délicats, la femme est sublimée par la touche amoureuse de l'artiste, « pourvoyeur en plaisir » au cours des fêtes privées du roi Louis XV.
Pour la petite histoire, trois peintres m'ont « incitée » à entreprendre des études de l'art : Antoine Watteau, François Boucher et Jean-Honoré Fragonard. J'ai étudié leurs œuvres pendant deux décennies et je m'émerveille dès que mon regard se pose sur elles, comme si c'était la première fois...
La suite de la visite nous conduit vers le théâtre byzantin, haut lieu de culture musicale. Le lieu est extrêmement sombre et très difficile à photographier. J'ai donc collecté une photo sur le site de l'Institut Roumain.
Institut Roumain.fr
Conçu par Gustave Gerhardt, Grand Prix de Rome d'Architecture, pour ressembler à une basilique byzantine, ce théâtre a accueilli des invités prestigieux à l'instar de la danseuse Isadora Duncan ou de Gabriel Fauré qui y dirigea son Requiem. Malheureusement modifié en 1954, il est aujourd'hui très abîmé et dans l'attente d'une restauration. Quarante millions d'euros sont vraisemblablement nécessaires pour lui redonner son lustre d'antan.
Après le théâtre, nous devons nous extraire de notre rêverie. Nous n'accédons pas au deuxième étage où se situent les bureaux de l'ambassadeur. Nous n'apercevons que de loin un somptueux escalier (somptueux... je pèse mes mots !) habillé de boiseries de chêne datant du XVIIIe siècle. Les photos sont interdites.
Un petit ascenseur a été aménagé au pied de l'escalier. Il conduit à la bibliothèque de la Comtesse (impossible à visiter), ovale et précieuse à l'instar d'un boudoir. La Comtesse y conservait des trésors : manuscrits médiévaux, brouillons d'ouvrages prestigieux, premières éditions dédicacées et son bibliothécaire, comme je l'ai écrit plus haut, n'était autre que « l'immense » écrivain Paul Valéry (1871-1945).
J'ai zoomé discrètement sur l'une des boiseries, le résultat est un peu flou mais on se fait une idée...
L'heure est venue de traverser un long couloir car un escalier nous attend pour nous conduire, de manière feutrée, vers la sortie.
En espérant vous avoir fait plaisir avec cette exploration de l'une des plus prestigieuses demeures de Paris, je vous souhaite de très belles journées de printemps. Merci de votre fidélité et une nouvelle fois, merci de votre soutien lorsque mon blog n'était plus accessible. A bientôt, gros bisous !
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Par maplumefee le 6 Décembre 2016 à 20:41
Au numéro 14 de la rue Saint-Julien le Pauvre, face à la petite église orthodoxe dont je vous ai parlé ICI, se dressent les élégants vestiges de l'Hôtel de Laffemas. Cette demeure du XVIIe siècle fut édifiée pour Isaac de Laffemas (1583-1657), lieutenant civil de la Prévôté de Paris, avocat, maître des requêtes et conseiller au Parlement de Bordeaux, à l'emplacement d'un bâtiment du XIVe siècle : la Maison de Carneaulx dont il subsiste quelques pierres incluses dans un morceau de façade.
L'hôtel ne se visite pas mais le fronton de sa porte monumentale est classé. Il abrite des sculptures de belle facture.
Thémis, la déesse de la Justice, de l'Ordre et de la Loi, est étendue entre des branches d'olivier. Accompagnée d'un angelot qui brandit une rose, elle tient la balance de l'Équité.
Sa présence se réfère aux hautes fonctions juridiques exercées par le maître des lieux.
Fille de Gaïa, la déesse de la Terre, Thémis eut avec Zeus, le seigneur des Olympiens, trois filles nommées Équité, Loi et Paix Universelle. Considérée comme une entité clairvoyante et une gardienne des secrets, elle est également décrite dans certains textes comme la mère du titan Prométhée. La fleur qu'elle serre dans sa main droite évoque l'irrémédiable fuite du temps alors qu'au fil des époques, la justice perdure.
Une belle agrafe sculptée domine la porte.
Le visage que nous observons est celui du héros Hercule paré de la dépouille du Lion de Némée. Ce motif est récurrent au-dessus des entrées de manoirs et d'hôtels particuliers.
Surtout connu pour ses activités de lieutenant civil et criminel de la Prévôté de Paris, à partir du 10 mars 1637, Isaac de Laffemas était un singulier personnage qui s'illustra dans sa jeunesse en tant que poète, acteur, dramaturge et auteur de Mazarinades.
La mazarinade est un pamphlet satirique, un libelle en prose burlesque publié à l'époque de la Fronde et visant le cardinal Mazarin (1602-1661). Il y eut des mazarinades particulièrement assassines et d'autres écrites en faveur du ministre afin de contrer les accusations des frondeurs.
Avocat au Parlement de Paris, Isaac de Laffemas devint conseiller du roi en 1613 et procureur en la chambre de justice en 1620. Dès qu'il entra au service du cardinal de Richelieu (1585-1642), il fut violemment décrié et quand il devint, après 1625, maître de requêtes au conseil privé du roi, ses détracteurs le firent convoquer devant ses pairs.
Malgré les oppositions farouches qu'il rencontra, il prouva que son passé artistique était compatible avec de hautes fonctions politiques et il occupa, soutenu par Richelieu, d'autres postes élevés : conseiller au parlement de Bordeaux, intendant en Champagne, dans le Pays Messin, dans la généralité d'Amiens...
L'Histoire a essentiellement retenu son comportement implacable envers les ennemis du Cardinal. À l'origine de la torture et de l'assassinat d'un grand nombre de personnes, il reçut les surnoms de « maître étrangleur » et de « bourreau de son Éminence ».
Victor Hugo (1802-1885) écrivit à son sujet dans la pièce Marion Delorme, créée le 11 août 1831 au théâtre de la Porte Saint-Martin : « Démon, j'ai dans les yeux la sinistre flamme de ce rayon d'Enfer qui t'illuminait l'âme. »
Marion Delorme relate l'histoire d'une courtisane qui vécut sous le règne de Louis XIII (1601-1643). L'affiche est signée Léon Choubrac (1847-1885).
Qui sait si le fantôme d'Isaac de Laffemas ne continue pas de hanter les couloirs de l'hôtel où il vécut ?
Le portail et les vestiges de sa demeure, photographiés en août 1899 par Eugène Atget (1857-1927). Paris, Musée Carnavalet. Les vieilles friches des dépendances de l'Hôtel-Dieu sont visibles au premier plan.
Le portail apparaît sur cette autre photographie d'Atget, prise avant la démolition du mur de l'annexe de l'Hôtel-Dieu. A cet emplacement, s'étend désormais le Square Viviani.
La rue Galande et la rue Saint-Julien le Pauvre en 1895, photographiées par Charles Marville (1813-1879). On aperçoit le portail de l'Hôtel de Laffemas.
Et sur ma photo, émanation d'un passé complexe et tourmenté, il se dresse encore.
La rue Saint-Julien le Pauvre, riche de monuments ancrés dans la mémoire du vieux Paris, est agréable et pittoresque, comme un petit coin de village niché dans la ville.
Juste à côté de l'Hôtel de Laffemas, on aperçoit cette devanture.
Ribouldingue est un mot populaire qui signifie faire la bringue, la java, la noce, la nouba, la foire... Quand on fait la ribouldingue, -on -riboule et on dingue, d'après de vieux langages régionaux-, on fait bombance sans modération !
Ribouldingue, Croquignol et Filochard sont les trois Pieds Nickelés, héros d'une BD caustique et pleine d'aventures comico-féroces qui fit voyager les lecteurs pendant la Première Guerre Mondiale, l'Exposition Coloniale de Paris en 1931 ou encore la Prohibition aux États-Unis.
Sur le web, le restaurant Ribouldingue est présenté comme fermé depuis quelques temps.
En vous remerciant de votre fidélité, je vous souhaite de belles journées de décembre et une joyeuse Saint-Nicolas. Gros bisous !
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Par maplumefee le 13 Mai 2016 à 21:30
A Vincennes, sur le chemin que l'on emprunte pour se rendre au château, se dévoilent de remarquables éléments d'architecture. Marquons une pause là où la rue de Montreuil rencontre la rue de Villebois-Mareuil et prenons le temps de contempler ce bâtiment Art Nouveau. A quelques encablures de la forteresse des rois de France et de l'élégant Parc Floral, il s'élève comme une sorte de vigie et nous séduit par sa polychromie, la richesse de son décor, la puissance et la fluidité de ses lignes.
Vous apprécierez le traitement de l'angle en pan coupé et les deux colonnes d'inspiration corinthienne appuyées sur un balcon ouvragé.
Il fut construit, en 1899, par Georges Malo, personnalité de l'histoire de Vincennes, à la fois architecte, promoteur et propriétaire du terrain mais je précise qu'il n'existe pas de véritable documentation à son sujet, en dépit du rôle important qu'il joua dans la ville. Il n'existe pas non plus de documentation fournie accessible à propos de cet immeuble. Je me suis donc lancée avec mes connaissances d'historienne de l'art en faisant ma propre étude.
L'immeuble est une harmonie de tons chauds, mêlés de notes précieuses et froides. La couleur turquoise, lumineuse et océane, domine les fenêtres et s'accorde à loisir avec les enroulements des magnifiques fers forgés.
Les façades se caractérisent par de multiples jeux d'animation dont la présence d'élégants bow-windows, la variété des matériaux utilisés (pierre de taille, brique vernissée, métal, céramique glaçurée, grès flammé) et le côté précieux des ornements que l'on aperçoit.
Lanternons et cabochons aux nuances bleutées, sont d'une superbe qualité.
Vous observerez la marque de l'ancienne fonderie de bronze et de fer Muller Roger et Cie, qui fabriquait, entre autres à Noyon (Picardie), des baignoires émaillées et qui devint Société générale de Fonderie puis société Jacob Delafon.
L'architecte a particulièrement soigné les détails de sa résidence personnelle...
...comme en témoignent les agrafes sculptées soutenant ce petit balcon, les volutes et les effets de liane, les savants jeux de courbes et de contre-courbes.
Un jeu subtil s'élabore entre l'architecture et le décor. En caressant la façade du regard, on découvre des tournesols, des feuilles de chardon et des arbres de vie.
L'architecture des immeubles Art Nouveau est toujours dotée d'une peau aux reliefs subtils, à la fois protectrice et ornementale. Le mouvement y est essentiel.
Ainsi, les ondulations de ces tiges de fleurs de tournesol sont caractéristiques de ce qu'on appelle la « ligne coup de fouet ». Une forme d'art que ses détracteurs qualifièrent de « style nouille » ou « style spaghetti » alors qu'il s'agit d'une véritable écriture ornementale.
L'Art Nouveau porte des noms différents selon les pays (Modern Style en Angleterre, Jugendstil en Allemagne, Sezessionstil en Autriche, Modernismo en Espagne, Style Floréal ou Liberty en Angleterre...) mais les thèmes floraux sont toujours à l'honneur.
Les fleurs ont une importance esthétique majeure, comme dans le mouvement Arts and Crafts en Angleterre, mouvement réformateur utopiste fondé par William Morris (1834-1896), en 1861, qui engendra, aux alentours de 1880, une vision de l'art fondée sur l'importance de l'artisanat et la glorification de l'ouvrier. Elles serpentent, avec luxuriance et subtilité, à des endroits bien précis de la façade, soulignant les lignes de force de l'architecture et, dans le cas de cet immeuble, elles semblent aussi rappeler la proximité de la forêt, la puissance et la vitalité des arbres entourant le château.
La rue de Montreuil et ses alentours étant particulièrement riches de belles choses à contempler, je vous propose de continuer cette promenade, dans les prochains jours. J'ai repéré d'autres immeubles de Georges Malo, notamment au 36, avenue des Minimes, à proximité de la forteresse des rois de France mais ceci est une autre histoire...
Merci de votre fidélité, je pense bien à vous !
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Par maplumefee le 18 Mai 2012 à 21:59
Ce bel édifice néogothique se dresse dans la forêt domaniale de Chantilly, face à l'étang de la Loge, près de la commune de Coye-la-Forêt. Au XIIIe siècle, les moines convers de l'abbaye de Châalis ont aménagé quatre étangs dans la vallée de la Thève, les étangs de Commelles.
On chemine vers ces vastes plans d'eau depuis la gare d'Orry la Ville/Coye-la-Forêt, située dans le département de l'Oise, à environ 35 km au nord de Paris. Accessible par la ligne D du RER et par le réseau TER Picardie, elle est appréciée par de nombreux randonneurs.
De belles portes et des fenêtres en ogive, des tourelles crénelées, une atmosphère de conte de fées... le château témoigne d'une inspiration romantique et de la vogue de l'époque pour le néogothique d'origine anglaise.
Histoire du Château
En 1293, Pierre de Chambly, le seigneur de Viarmes, acheta à l'abbaye de la Victoire les bois et les étangs de Chantilly et fit construire un logis, flanqué de quatre tourelles, au bord de l'eau.
En 1406, ses héritiers cédèrent au duc Louis d'Orléans, le frère du roi Charles VI, le bâtiment, les viviers à poissons créés par les moines et le bois environnant. Le duc transmit l'ensemble aux Célestins de Paris. En 1412, l'abbaye de Royaumont fit l'acquisition du domaine et la « Loge » fut agrémentée d'un moulin.
En 1658, Toussaint Roze, marquis de Coye et secrétaire du cabinet de Louis XIV, devint le propriétaire des lieux. Quand il mourut, en 1701, sa fille vendit l'ensemble au Prince Henri-Jules de Bourbon-Condé.
En 1788, Mandrou de Villeneuve, « manufacturier établi à Coye » acheta la « Loge de Viarmes » pour y installer un moulin à papier.
Après une période chaotique, le domaine fut racheté en 1823 par le duc Louis VI Henri de Bourbon-Condé, dernier prince de Condé. Il sollicita l'architecte Victor Dubois pour transformer l'ancien moulin en un petit château d'inspiration médiévale, destiné à devenir une halte de chasse.
N'ayant pas d'héritiers, il transmit ses biens, en 1830, à son filleul, le duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe. En 1897, le domaine fut légué à l'Institut de France.
Au fil des siècles, le bâtiment et ses dépendances changèrent plusieurs fois de fonction et d'aspect: moulin de tanneur en 1426, (on y lavait les peaux et on y travaillait les cuirs) moulin à fouler le drap, à foulon ou à maillets en 1533, moulin à blé en 1765, manufacture de papier en 1787.
A partir de 1825, Victor Dubois détruisit les constructions annexes pour créer une fantaisie néogothique inspirée par le séjour du duc de Bourbon en Angleterre pendant la Révolution. L'élégant rendez-vous de chasse devint incontournable pour la bonne société.
Le nom attribué à ce « castel de fantaisie » se réfère à la mère du roi Saint-Louis, la reine Blanche de Castille, mais il semble qu'elle n'y ait jamais séjourné.
Le balcon sculpté est soutenu par des consoles en forme d'animaux fantastiques.
Trois statues de chevaliers ont été sculptées par Messieurs Boichard et Thierry et placées sur la façade en 1828.
Les aménagements intérieurs:
Le château, qui ne se visite pas, se compose de deux pièces voûtées sur croisées d'ogives: un salon au rez-de-chaussée et une salle à manger au premier étage. En 1826, les murs ont été recouverts de tissus irlandais de couleur verte.
Une cheminée sculptée accueille les privilégiés dont nous aimerions beaucoup faire partie... Le décor est riche, de style gothique flamboyant, et le mobilier raffiné. Les fauteuils et les chaises ont de magnifiques dossiers sculptés qui ressemblent à « des stalles de cathédrale ». Une grande table de chêne, aux pieds voûtés en ogives, trône au milieu de la pièce.
Le lieu est magnifique. Nous l'avons découvert par une belle journée ensoleillée mais je suis impatiente d'y revenir un jour de brume et de ressentir son atmosphère ensorcelante et mélancolique.
Alors que nous savourions des sucreries face à l'étang, j'ai entendu le vent, l'espace d'un moment, chuchoter au creux de mon oreille. Il y versait un langage doux et sibyllin, mêlé des murmures de l'eau. Je me suis interrogée... l'esprit plus ouvert encore, entendrais-je la voix d'un être féerique?
Le royaume aquatique de la Reine Blanche
Même s'il apparaît vraisemblable que Blanche de Castille n'ait pas vécu dans le château, son empreinte « matriarcale » se dessine, de manière poétique, dans le paysage et le nom de cette reine drapée dans l'Histoire éveille un désir de mystère.
Dans ce monde de lumière, de chatoiements et de plantes aquatiques, on peut s'attendre à voir surgir la Nisse, croquemitaine des eaux, prête à happer l'imprudent et à l'entraîner sous les herbes profondes et les tourbillons mystérieux.
On rêve aussi de chasses sauvages dans un ciel de tempête, d'antiques voies sacrées, d'un réseau étoilé de routes légendaires qui s'enfoncent dans la vieille forêt de Chantilly, de biches et de cerfs blancs traversant les anciens mondes celtiques...
Racines mystérieuses...
Au XVe siècle, d'après un plan issu des archives du château de Chantilly, l'étang de la Loge se nichait entre deux larges chaussées où se dressaient des moulins: « la Loge Chapron en amont » et « la Loge de Viarmes en aval ». Au-delà de la Loge de Viarmes se situe l'étang de la Troublerie, lieu propice aux superstitions. Il abordait jadis le « chemin ferré de Saint-Martin » (actuelle Chaussée Brunehaut) qui « desservait Coye ».
Saint-Martin était le patron du royaume mérovingien et le protecteur du peuple franc. Il est particulièrement fêté, le 11 Novembre, dans le Nord de la France où son culte populaire révèle une longue tradition de partage de vêtements et de nourriture. Des rituels magiques, des coutumes pittoresques et des processions nocturnes aux flambeaux lui sont associés. A cette occasion, les enfants et les adultes fabriquent des lanternes fantastiques avec des courges, des betteraves, des potirons ou des pommes de terre qu'ils creusent et éclairent grâce à des petites bougies. A l'équinoxe d'automne, à la période de Samain/Halloween, au début du cycle hivernal, les célébrations de la Saint-Martin marquent leur empreinte dans le paysage. Des silhouettes fantastiques empruntent les fameux « chemins ferrés », à la frontière de la réalité et du conte...
Brunehilde ou Brunehaut (547-613) était une princesse wisigothe qui épousa Sigebert 1er, le roi des Francs en Austrasie. Elle apparut comme l'instigatrice d'une sorte de « vendetta » ou faide opposant Sigebert à son frère Chilpéric.
La faide (fehde en allemand), en vigueur dans les anciennes sociétés germaniques, consistait à exercer une vengeance de nature « privée » sur un individu reconnu coupable par un tribunal public.
Les livres d'histoire ont immortalisé les luttes fratricides et les intrigues de Brunehaut et de Frédégonde, l'épouse de Chilpéric.
Assassinée dans de terribles conditions, Brunehaut est considérée comme une reine damnée. Ses soldats la livrèrent à Clotaire II, l'unificateur du royaume Franc, fils de Frédégonde et de Chilpéric. Pendant trois jours, Brunehaut fut soumise aux brimades des hommes de troupe et finalement attachée par les cheveux à la queue d'un cheval.
D'après la légende, une pierre géante en grès fut édifiée, en guise de tombeau, pour son corps déchiqueté, là où s'arrêta la course endiablée du cheval. Cette Pierre Brunehaut se dresse en Belgique, près de Hollain, à la croisée de « six chemins ».
L'expression « Chaussée Brunehaut » évoque, depuis l'époque médiévale, un ensemble de routes mystérieuses qui auraient relié, suivant un tracé rectiligne, certaines cités de la Gaule. Ces routes énigmatiques ont suscité de nombreuses spéculations et controverses.
Les Chaussées Brunehaut sont-elles d'anciennes pistes néolithiques, des voies gauloises empruntées et restaurées par les Romains, des réseaux d'énergie tellurique révélés par un puissant archidruide, des routes tracées par le corps supplicié de Brunehaut ou d'autres légendaires chemins?
D'après d'anciennes inscriptions retrouvées sur des stèles ou des colonnes commémoratives, elles seraient des voies construites par les Romains et restaurées par l'infortunée Brunehaut.
Le château de la reine Blanche se love en terre de légendes, à l'instar du moulin qui contemplait autrefois l'étang de la Loge.
Au fil des époques, l'énergie générée par les moulins a permis aux hommes de moudre le grain, d'obtenir de l'huile, de broyer l'écorce des arbres riches en tanin (châtaignier, chêne) afin d'assurer la conservation des cuirs, de fouler les draps, de travailler le lin, la pâte à papier, de râper le tabac, de scier les troncs d'arbres, de forger le métal, de produire de l'électricité... Indispensables pendant des siècles, les moulins sont associés à une riche symbolique, celle des eaux fécondantes, de la roue et des forces matricielles. Au carrefour de l'eau et du vent, il évoque la régénération du temps, le cycle des saisons, la mort et la renaissance...
Sources et bibliographie
Ma thèse d'Histoire de l'Art à l'Université Michel de Montaigne (Bordeaux III).
Le Château de la Reine Blanche, une étude de Raoul de Broglie, conservateur-adjoint du Musée de Chantilly. APSOM/HR Mars 2009.
Nicolas BERGIER: Histoire des grands chemins de l'Empire Romain. 1736.
Louis GRAVES: Notice archéologique sur le département de l'Oise. 1839.
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