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Le Poème du Mardi : Albert Mérat, La Petite Rivière
Je continue avec plaisir la tradition du Poème du Mardi... avec des pensées pour Lady Marianne.
J'ai choisi ce texte en m'imaginant suivre le cours de cette petite rivière de poésie... Aller gambader, caracoler, papillonner au bord de l'eau qui chante et laisser toute perturbation derrière soi... Quel bonheur de ressentir la vie ainsi, une vie qui pétille dans le charme des couleurs et la symphonie des reflets aquatiques.
« La petite rivière, bleue
Si peu que le ciel ait d'azur,
D'ici fait encore une lieue,
Puis verse au fleuve son flot pur.
Plus grande, elle serait moins douce,
Elle n'aurait pas la lenteur
Qui dans les herbes mène et pousse
Son cours délicat et chanteur.
Elle n'aurait pas de prairies
Plus vertes si près de la main,
Non plus que ces berges fleuries
Où marque à peine le chemin.
Ni le silence si paisible,
Ni parmi les plantes des eaux
L'étroit chenal presque invisible
Entre les joncs et les roseaux.
Et le moulin qui sort des branches
N'aurait pas à bruire ailleurs
Plus d'eau dans ses palettes blanches,
Ni plus de mousses et de fleurs.
La petite rivière est gaie
Ou mélancolique, suivant
Qu'un oiseau chante dans la haie
Ou qu'il pleut et qu'il fait du vent.
Selon l'heure, joyeuse ou triste,
Couleur du soir ou du matin,
Comme une charmeuse elle insiste,
Lorsque l'œil la perd au lointain,
Derrière le saule incolore
Ou le vert des grands peupliers,
A montrer une fois encore
Ses caprices inoubliés.
Albert Mérat
J'aime énormément cette petite rivière. Je ressens son énergie bienfaisante à travers la lecture du poème d'Albert Mérat (1840-1909), poète parnassien plutôt méconnu du grand public.
Dans sa jeunesse, Albert Mérat fit des études de Droit puis il travailla à la Préfecture de la Seine. Passionné de poésie, il fréquenta les milieux littéraires et rencontra Paul Verlaine avec qui il tissa des liens profonds. Il fut apprécié de son vivant pour son talent mais à la différence d'autres poètes de son temps, il fut oublié ensuite dans nombre d'ouvrages et malmené par la postérité.
Rimbaud le qualifia « d'artiste visionnaire », Verlaine lui dédia un poème appelé « Jadis » et il fut l'auteur de plusieurs poésies pour la revue intitulée « Le Parnasse Contemporain ».
Le mouvement littéraire du Parnasse naquit sur une opposition aux effets lyriques du Romantisme. Le chef de file de cette école d'art et de pensée fut Leconte de Lisle et ses membres principaux furent Théodore de Banville, Théophile Gautier, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, José Maria de Heredia, Stéphane Mallarmé, Sully Prud'homme, François Coppée... Il y eut aussi Baudelaire dont la manière et le talent s'aventurèrent jusqu'au Symbolisme.
La Poésie Parnassienne décrit et explore la vie de manière pittoresque, en faisant appel à un sens solide et scientifique de l'observation. Elle englobe souvent des notions historiques et archéologiques mais nombre d'artistes liés au Parnasse ont développé un art plein de fougue et de sensibilité, loin des grands effets de style et de certaines froideurs associées aux Sciences dont pourtant ils se réclamaient.
Albert Mérat eut une vie riche sur un plan artistique et il partagea une belle amitié avec Verlaine. En revanche, ses relations furent plus tendues avec Rimbaud. Dans la dernière partie de sa vie, nommé Chevalier de la Légion d'honneur il devint bibliothécaire au Palais du Luxembourg, l'actuel Sénat.
Mes photos illustrant ce billet vous montrent bien une « Petite Rivière ». Il s'agit du Petit Rosne de Sarcelles, la rivière qui coule dans ma ville. Depuis peu d'années, le Petit Rosne revit. Il a été oublié pendant très longtemps, on l'avait transformé en cloaque et enterré depuis le début du XIXe siècle. Désormais, son chant se fait entendre avec un aménagement qui fait plaisir aux habitants de Sarcelles.
Grâce à un projet chapeauté par le SIAH (Syndicat Intercommunal pour l’Aménagement Hydraulique des Vallées du Croult et du Petit Rosne, créé en 1945) et la ville de Sarcelles, le Petit Rosne a été nettoyé, réaménagé et il coule à ciel ouvert.
Le Petit Rosne naît à Bouffémont, au pied de la forêt de Montmorency et se charge des eaux de ruissellement venant de petits cours d'eau dotés de noms pittoresques : le Ruisseau des Quarante-Sous, le Ruisseau des Longs-Prés...
Au Ier siècle de notre ère, des thermes gallo-romains furent installés sur ses berges et il fut qualifié, quelques temps plus tard, de « Fluvio Rodono », un vocable celtique.
Au IXe siècle, après une donation effectuée par Eudes, le roi des Francs, l'eau du Petit Rosne irrigua un paysage où se dressaient des moulins à blé. Il traversait une vallée fertile et bien placée pour les échanges commerciaux avec la capitale. Le blé obtenu par les meuniers était de qualité et au début du XVIIIe siècle apparurent des moulins à tissu. Mais au XIXe siècle, les machines utilisant l'électricité et la vapeur détruisirent les industries de la région.
Les moulins périclitèrent, la pollution s'installa et les rivières locales, à l'instar du Petit Rosne, furent condamnées, enterrées, effacées des mémoires de nombreux habitants. Cependant, en 1929, une terrible inondation eut lieu à Sarcelles-Village et en 1992, le Village fut noyé sous 1,60 mètres d'eau.
Le Petit Rosne est aujourd'hui bien présent, avec sérénité, dans le paysage urbain, à l'instar d'un autre cours d'eau dont il est l'affluent, le Croult. Cela est le résultat d'un travail de longue haleine, comme vous vous en doutez.
J'aime me promener sur les berges agréablement recréées et cheminer à travers une jolie petite zone humide peuplée de mares miniatures, d'un « ponton pédagogique », d'une « passerelle-observatoire » et agrémentée d'une végétation composée « d'espèces autochtones comme l’épilobe à grandes fleurs, l'eupatoire chanvrine, le roseau commun, la lysimaque commune, le fenouil d’eau, la salicaire commune, la menthe aquatique, le jonc hérissé...
Je suis contente de vous montrer notre Petit Rosne, je l'apprécie beaucoup...
Mon ami le rocher au bord de l'eau, voyez-vous son visage ?
Notre Petit Rosne en pleine ville, se dirigeant vers les Halles du Marché de Sarcelles.
De l'autre côté, vers la passerelle-observatoire.
Gros bisous, chers Aminautes !
« Le Tableau du Samedi : Norman Rockwell, Is he coming ?, 1920Le Tableau du Samedi : Nicolas Lancret, L'Hiver, 1738 »
Tags : petit, rosne, eau, petitsMérat, Albert
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Commentaires
Un poème très classique dans la mesure où en le lisant, il me rappelle les poèmes d'autrefois que je devais apprendre et réciter en classe. J'ai le sentiment de retrouver ma jeunesse et de la joie, la vie qui s'écoule. Et ton petit Rosne est magnifique. Il donne envie de baguenauder à travers champs.
Bonsoir chère Cendrine, quel billet rafraichissant, apaisant, sur ce petit ruisseau qui serpente dans ce coin de campagne urbain... Quelle vie mouvementée a eu cette petite rivière qui peut enfin courir librement sous le ciel. Comme il doit doit être agréable de longer ses rives quand il fait beau ! Je t'imagine très bien en balade, suivant son cours, goûtant ces petits moments de bonheur... J'aime beaucoup le "visage" de ton rocher penché sur les eaux du Petit Rosne, on dirait presque un chat prêt à se désaltérer ! Le beau poème d'Albert Mérat illustre à merveille cet endroit paisible, merci pour la découverte de ce poète... Passe un bon week-end ma Cendrine, je pense bien souvent à toi et ton Christophe, prenez soin de vous, gros bisous de Shuki
le bel article Cendrine avec de magnifiques photos,il fait soleil chez nous vraiment très beau pour un mois de Janvier,je te souhaite un très bon Vendredi,bises
Bonjour Cendrine,
pas de soleil ce matin, le ciel est gris, il fait 10°..
Bonne journée, gros bisous
16Golondrina63AuvJeudi 23 Janvier 2020 à 17:42Ton billet correspond à mes goûts
La rivière , la nature et ces rencontres caillouteuses qui ont un visage
Ce poème est si vrai , une rivière peut nous offrir le bonheur , c'est la vie quad elle se veut tranquille
Bonne fin de soirée
Bises
Bonjour Cendrine,
hier j'ai oublié de te dire que tes photos sont superbes..
Il doit être agréable de se promener à côté de ce petit ruisseau..
Bonne journée, gros bisous
Bonjour Cendrine,
Un beau poème que je découvre ainsi que ta jolie rivière ... Je ne connais pas du tout ta ville et je suis surprise de voir autant de verdure. C'est bien sympa chez toi ...
Tu as vu comme il fait froid, le matin chez moi tout est blanc, il gèle pendant la nuit. Ce matin je serais bien restée au lit !!
Passe une bonne journée, prends soin de toi, grosses bises, Véronique
10Promeneur75Mardi 21 Janvier 2020 à 22:22Bonsoir Plume Fée,
Jolie petite rivière qui revient à la vie .... Il est étonnant de remarquer comment le monde actuel tend à faire revivre ce que pendant des décennies la mauvaise modernité a voulu recouvrir de béton. L'humain d'aujourd'hui serait-il plus humble dans ses gestes face à l'environnement qu'il n'a pu l'être avant ? Plus humble ou plus conscient de notre fragilité ....
Quoiqu'il en soit, le fait est de constater que la Nature est rendue à elle-même de plus en plus et qu'en effet l'humain d'aujourd'hui tente de réparer les erreurs d'hier.
Sinon, j'ai bien aimé le poème simple mais vivant comme un petit cours d'eau. Triste de constater combien la célébrité est éphémère.
Bonne nuit à vous
Quelle jolie petite rivière ! Et celle du beau poème que tu as choisi ainsi que ton petit Rosne si charmant !
Dans ton ami le rocher je vois un visage de chat !!
J'ai beaucoup aimé ton billet.
Je t'embrasse chère Cendrine et merci encore pour tes belles illustrations laissées sur mon blog
8timiloMardi 21 Janvier 2020 à 18:04Mon village est situé au confluent de deux rivières qui viennent des montagnes environnantes, juste assagies pour qu'enfant on puisse s'y baigner, pêcher , et plus grand, adolescent tendrement flirter. J'y retourne encore taquiner la truite dès le mois de mars ..
J'ai poétisé leurs berges mille fois,j'espère qu'elles ne m'en veulent pas...
Tu as choisi un bien joli poème...
Douce journée CENDRINE
Bisous
timilo
Un très très joli choix et tes illustrations vont superbement bien avec et en plus oui un moment on voit du bleu.....Merci jolie page. Bisous
Bonjour Cendrine,
un article bien complet ce matin, une jolie poésie,
la biographie de l'auteur et pour terminer l'histoire de ce petit ruisseau qui coule à côté de chez toi...
Bonne journée chère petite amie fidèle, bonne journée, bons baisers
Tout ce qui est petit est mignon, je préfère encore un ruisseau à un fleuve, la vie autour qui s'écoule lentement, paisiblement, sa petite faune qui séjourne-là... merci, bises
bonjour
une poésie que j aime beaucoup
les riviéres me charment aussi , j aime m 'arrêter pour les voir couler , surtout au printemps
j aime aussi traverser les petits rus , tant pis pour les pieds mouillés ,
c'est beau le chant d 'une riviére
tes photos sont superbes
bonne journée Cendrine
bises
Coucou Cendrine,
Quel bonheur d'avoir un tel endroit près de chez soi ♥ Merci pour son histoire.
J'ai tout de suite vu ce visage qui nous fait un clin d'oeil avant de lire tes mots j'adore ♥
Je te souhaite une douce journée ainsi qu'à Christophe
De gros bisous à vous partager
Hello Cendrine
Ce mois de janvier chez nous, on a beaucoup de chance car le temps printanier nous permet de nous promener le long de ces petits ruisseaux ...
Je te souhaite un bon Mardi
bizz
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Merci à toi pour le commentaire que je viens de lire au fil de mes pas
Je te souhaite une bonne soirée
Bisous