• Le Poème du Mardi : Émile Verhaeren, Le Chant de l'Eau

     

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    Je continue la tradition du Poème du Mardi, un rendez-vous que j'apprécie beaucoup, en souvenir de Lady Marianne, avec des pensées d'amitié...

     

    C'est un chant magique, tissé d'émotions vives que fait palpiter, sur les mues de la page blanche, la plume magistrale d'Émile Verhaeren. Ardentes et subtiles, ses images me happent et sa musicalité m'attire, entre deux mondes, auprès des créatures issues de l'onde chimérique. Ce Chant de l'Eau, sous l'obédience de l'envoûtante Mélusine, est l'un de mes poèmes préférés !

     

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    « L'entendez-vous, l'entendez-vous

    Le menu flot sur les cailloux ?

    Il passe et court et glisse

    Et doucement dédie aux branches,

    Qui sur son cours se penchent,

    Sa chanson lisse.

     

    Là-bas,

    Le petit bois de cornouillers

    Où l'on disait que Mélusine

    Jadis, sur un tapis de perles fines,

    Au clair de lune, en blancs souliers,

    Dansa ;

    Le petit bois de cornouillers

    Et tous ses hôtes familiers

    Et les putois et les fouines

    Et les souris et les mulots

    Écoutent

    Loin des sentes et loin des routes

    Le bruit de l'eau.

     

    Aubes voilées,

    Vous étendez en vain,

    Dans les vallées,

    Vos tissus blêmes,

    La rivière,

    Sous vos duvets épais, dès le prime matin,

    Coule de pierre en pierre

    Et murmure quand même.

    Si quelquefois, pendant l'été,

    Elle tarit sa volupté

    D'être sonore et frémissante et fraîche,

    C'est que le dur juillet

    La hait

    Et l'accable et l'assèche.

    Mais néanmoins, oui, même alors

    En ses anses, sous les broussailles

    Elle tressaille

    Et se ranime encor

    Quand la belle gardeuse d'oies

    Lui livre ingénument la joie

    Brusque et rouge de tout son corps.

     

    Oh! les belles épousailles

    De l'eau lucide et de la chair,

    Dans le vent et dans l'air,

    Sur un lit transparent de mousse et de rocailles ;

    Et les baisers multipliés du flot

    Sur la nuque et le dos,

    Et les courbes et les anneaux

    De l'onduleuse chevelure

    Ornant les deux seins triomphaux

    D'une ample et flexible parure ;

    Et les vagues violettes ou roses

    Qui se brisent ou tout à coup se juxtaposent

    Autour des flancs, autour des reins ;

    Et tout là-haut le ciel divin

    Qui rit à la santé lumineuse des choses !

     

    La belle fille aux cheveux roux

    Pose un pied clair sur les cailloux.

    Elle allonge le bras et la hanche et s'inclina

    Pour recueillir au bord,

    Parmi les lotiers d'or,

    La menthe fine ;

    Ou bien encor

    S'amuse à soulever les pierres

    Et provoque la fuite

    Droite et subite

    Des truites

    Au fil luisant de la rivière.

     

    Avec des fleurs de pourpre aux deux coins de sa bouche,

    Elle s'étend ensuite et rit et se recouche,

    Les pieds dans l'eau, mais le torse au soleil ;

    Et les oiseaux vifs et vermeils

    Volent et volent,

    Et l'ombre de leurs ailes

    Passe sur elle.

     

    Ainsi fait-elle encor

    A l'entour de son corps

    Même aux mois chauds

    Chanter les flots.

    Et ce n'est qu'en septembre

    Que sous les branches d'or et d'ambre,

    Sa nudité

    Ne mire plus dans l'eau sa mobile clarté,

    Mais c'est qu'alors sont revenues

    Vers notre ciel les lourdes nues

    Avec l'averse entre leurs plis

    Et que déjà la brume

    Du fond des prés et des taillis

    S'exhume.

     

    Pluie aux gouttes rondes et claires,

    Bulles de joie et de lumière,

    Le sinueux ruisseau gaiement vous fait accueil,

    Car tout l'automne en deuil

    Le jonche en vain de mousse et de feuilles tombées.

    Son flot rechante au long des berges recourbées,

    Parmi les prés, parmi les bois ;

    Chaque caillou que le courant remue

    Fait entendre sa voix menue

    Comme autrefois ;

    Et peut-être que Mélusine,

    Quand la lune, à minuit, répand comme à foison

    Sur les gazons

    Ses perles fines,

    S'éveille et lentement décroise ses pieds d'or,

    Et, suivant que le flot anime sa cadence,

    Danse encor

    Et danse. »

     

    Émile Verhaeren

     

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    Biographie

     

    Émile Verhaeren (1855-1916) est un artiste belge flamand d'expression française, né dans le petit village de Saint-Amand (Sint-Amands), sur le fleuve Escaut, à la lisière de la Province d'Anvers.

     

     

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    Passionné par les grandes questions sociales de son temps, il aima profondément le Naturalisme et fut l'un des maîtres flamboyants du Symbolisme en littérature. Soucieux des gens et imprégné par les idées de l'Anarchisme, il publia un grand nombre d’œuvres dans la presse Libertaire.

     

    Issu d'un milieu aisé, (ses parents, Henri Verhaeren et Adélaïde De Bock, étaient commerçants dans le domaine du textile), Émile Verhaeren décrivit avec un mélange de Réalisme et de Lyrisme les atmosphères de la grande ville et son opposé tout aussi envoûtant, la campagne.

     

    Esprit brillant, il fut poète, dramaturge, critique d'art et auteur de récits dans la veine symboliste. Lié avec des artistes issus du Symbolisme et du Néo-Impressionnisme, il apparut comme l'un des « découvreurs » des peintres Fernand Khnopff (1858-1921), le maître de l'énigme et James Ensor (1860-1949).

     

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    Émile Verhaeren nourrit des liens privilégiés avec de nombreux peintres célèbres (Paul Signac, Maximilien Luce, Dario de Regoyos, Willy Schlobach, William Degouve de Nuncques, Théo Van Rysselberghe...) et des écrivains (André Gide, Stéphane Mallarmé, Maurice Maeterlinck, Camille Lemonnier, Albert Mockel...). Il fut, dans les années 1883-1899, l'un des principaux rédacteurs de la revue L’Art Moderne.

     

    Une femme compta particulièrement dans sa vie : il s'agissait de Marthe Massin (1860-1931), une artiste originaire de Liège. Quand Émile Verhaeren la rencontra, il pensait rester vieux garçon mais il eut un coup de foudre et sentit que l'influence de Marthe sur sa vie artistique ne pouvait que lui être bénéfique. Ils se marièrent en août 1891, n'eurent pas d'enfant et s'aimèrent jusqu'à la fin de leurs jours.

     

    Pendant la Première Guerre Mondiale, Émile Verhaeren composa des poèmes pacifistes, s'insurgeant contre la folie des hommes et il dut se réfugier en Angleterre où il lutta à sa manière en écrivant « Les Anthologies Lyriques », constituées de « La Belgique sanglante », « Parmi les Cendres » et « Les Ailes rouges de la Guerre ».

     

    De toutes ses forces, il essaya, au cours de conférences à succès, de renforcer les liens d'amitié entre la Belgique, la France et l'Angleterre et c'est dans ce contexte qu'il connut une fin tragique...

     

    Venu donner une conférence à Rouen, il fut poussé accidentellement sous un train, le 27 Novembre 1916, par la foule qui s'était amassée. Ses derniers mots auraient été, d'après la légende populaire, « Ma Femme, ma Patrie »...

     

    Le gouvernement français souhaita faire transférer son corps au Panthéon mais sa famille refusa. Sa dépouille fut placée au cimetière militaire d'Adinkerque puis au cimetière de Wulveringem, à Furnes, dans la Région Flamande et enfin, en 1927, elle rejoignit le village natal de Saint-Amand où fut créé, en 1955, le musée provincial Émile Verhaeren.

     

     

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    Pour célébrer son Chant de l'Eau, j'ajoute un petit florilège de photos prises au gré de mes promenades.

     

    Pour le plaisir d'une rêverie...

     

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    Belles pensées avec ce Chant de l'Eau, chers Aminautes...

     

    Prenez bien soin de vous !

    Plume

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  • Commentaires

    27
    Nico
    Mercredi 29 Juillet 2020 à 11:45
    Ton 3ème cliché est très beau. On dirait une lame en acier damas.
    Merci!
    26
    Vendredi 13 Mars 2020 à 15:27

    coucou Cendrine,un poème magnifique et de superbes tableaux j'adore, nous avons un soleil magnifique sur notre belle gironde,je te souhaite un très bon Vendredi,bises

    25
    Vendredi 13 Mars 2020 à 09:43

    La création du jour

    Bonjour Cendrine,  

    ce ne sont pas es jonquilles que je viens t'offrir mais ce magnifique bouquet  (composition florale d'Eugène Bidau)

    Bon vendredi 13, gros bisous

    24
    Jeudi 12 Mars 2020 à 21:16
    Véronique

    Cendrine , mon Amie 

    Le chant de l'eau , une balade initiatique qui réveille notre mémoire collective . Ce poème est une balade au fil de l'eau depuis la source jusqu'à la mer . Une chanson , notes gouttelettes de pluie , de ruisseaux , de lacs qui raisonnent en cascades aux rimes de ce magnifique poème . Le chant de l'eau est une musique naturelle , l'une des plus vieilles du monde , elle met l'homme en osmose avec son environnement , par le biais de l'élément fondamental le plus musical qui soit , le plus pur aussi . L'eau source de Vie , source de la légende de Mélusine .

    Tu connais ma profonde admiration pour Emile Verhaeren  . Ce poème nous ressemble tant ma Petite Fée . 

    Je te souhaite une douce soirée . Laissons-nous bercer par le chant de Mélusine … 

    Je t'embrasse de toute mon affection . 

    Véronique 

    Résultat de recherche d'images pour "Mélusine"  

     

     

    23
    Jeudi 12 Mars 2020 à 10:31

    La création du jour

    Bonjour Cendrine,

    pas de beau soleil ce matin mais de la pluie..

    Bonne journée, gros bisous

    22
    Jeudi 12 Mars 2020 à 07:32

                                                   Jeudi 12 mars 2019

    Que ta journée soit agréable 

    Bisous 

    21
    Jeudi 12 Mars 2020 à 06:06

    Bonjour Cendrine et merci pour ce poème. On se laisse porter, bercer par cette eau qui fredonne ses murmures magiques.

    Bonne journée.

    20
    Mercredi 11 Mars 2020 à 17:14

    Quel magnifique chant de l'eau.

    J'aime beaucoup la plume de ce poète à l'esprit brillant.

    Bisous ma chère Cendrine

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    19
    Mercredi 11 Mars 2020 à 11:07

    Oui je l'ai entendu 

    La chanson de l'eau 

    Sautillant sur les cailloux 

    Que tes photos sont belles 

    Et quel régal ce poème 

    Merci 

    Bisous 

    18
    Mercredi 11 Mars 2020 à 09:32

    La création du jour

    Bonne journée Cendrine, bons baisers

    17
    timilo
    Mercredi 11 Mars 2020 à 05:47

    Un poète que j'apprécie et ce chant de l'eau est merveilleusement écrit, on le voit on l'entend couler dans son lit , son chant réveille nos souvenirs et bouscule nos émotions.

    Joli choix qui ne me laisse pas indifférent

    Douce journée CENDRINE

    Bisous

    timilo

    16
    Mardi 10 Mars 2020 à 22:26

    c'est superbe c'est beau, la description de la nature à l'état pur

    dans sa magie sauvage et belle, associée à la beauté de la jeune fille, que demander de plus ?!

    bisous chère Cendrine

    15
    Promeneur75
    Mardi 10 Mars 2020 à 20:56

    Merci pour cette découverte et votre mise en scène de ce poème .

     

    Bonne soirée à vous

    14
    Mardi 10 Mars 2020 à 19:26
    colettedc

    Bonsoir Cendrine,

    C'est un excellent choix  !!! Quelle magnifique présentation et superbes photos ! Merci de cet agréable partage et douce soirée !

    Gros bisous♥

    13
    Mardi 10 Mars 2020 à 16:10
    Renée

    Je l'ai découvert justement grâce à la poésie du mardi et j'aime ce qu'il écrit c'est toujours si beau si juste.....Merci pour la balade au fil des tes cliché qui accompagne super bien. Bisous

    12
    Mardi 10 Mars 2020 à 15:23

    c'est un poete que j'aime beaucoup,   tu as bien fait de le mettre à l'honneur ;  

    Merci pour ces belles photos qui l'accompagne 

    bises 

     

    11
    Mardi 10 Mars 2020 à 14:08

    Bonjour Cendrine,

    Encore un beau poème ... L'eau, on ne peut vivre sans elle, et j'aime entendre son chant et son cliquetis sur mes carreaux ... surtout quand je n'ai pas à sortir lol !

    Emile Verhaeren est un poète que j'aime beaucoup.

    Passe une bonne journée, bises, Véronique

    10
    Mardi 10 Mars 2020 à 12:24
    FéeLaure♥

    Coucou Cendrine,

    Merci pour ce très joli poème que je découvre grâce à toi. Ce poète a eu une triste fin de vie !

    J'aime beaucoup tes photos, j'adore quand le soleil se reflète sur l'eau je trouve ça magique ♥

    Douce journée à vous deux et plein de bisous à vous partager

    9
    Mardi 10 Mars 2020 à 11:29

    bonjour 

     c'est un trés beau poéme 

     que j aime bien et que j avait lu , parce que  , j aime beaucoup  ces mots 

    j ai été enchantée de  le  relire 

     Le poéme du mardi c'est aussi un moment que j 'aime 

     bonne journée pour toi Cendrine 

     bises 

    8
    Mardi 10 Mars 2020 à 09:54

    La création du jour

    Bonjour Cendrine,

    très joli poème d'Emile Verhaeren  que tu as bien illustre.. C'est un poète que j'aime bien..

    Voici une peinture d'Eugène Bidau, j'en ai fait un article qui paraître bientôt..

    Bonne journée, gros bisous

    7
    Mardi 10 Mars 2020 à 09:24

    Un poête qui sait si bien dire  les choses ...merci à toi pour cette page et surtout sur l'histoire de ce grand Monsieur 

    Bises Cendrine 

    J'espère que tu vas mieux 

     

    6
    Mardi 10 Mars 2020 à 09:07

    Bonjour

    toujour de magnifique tableaux 

    et leau c'est vraiment superbe ton billet est sublime j(adore bise raymonde

    5
    Mardi 10 Mars 2020 à 08:54

    Coucou ma Cendrine,

    Tu as choisi un magnifique poème en mémoire de notre Lady et tes photos sont très belles.

    Bises et bon mardi à vous deux de la part d'une Zaza pas en très grande forme

    4
    Jacqueline
    Mardi 10 Mars 2020 à 08:11

    Bonjour, très beau poème , je l'avais appris en partie. Avec beaucoup de plaisir je le retrouve .Merci♥♥

    3
    Mardi 10 Mars 2020 à 08:04

    Je ne puis être sans connaître Emile un compatriote...  mais j'en ignorais la cause de son décès par contre ! Ah l'eau source enchantée du poète... merci Cendrine, bises

    2
    Mardi 10 Mars 2020 à 07:55

    déesse......

    1
    Mardi 10 Mars 2020 à 07:54

    Hello Cendrine

    J'entends battre deux coeurs....celui de la dense Harley Davidson et celui de la muse des eaux.

    Bon Mardi

    bizz

    Pat

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