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    Butine, ensorcelée, la couleur de l'instant

    Fouille l'or et la soie, la rosée et l'encens

    Corsetée de mystère au velours d'un regard

    Souffle dans la lumière ton feu de nectar...

     

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    Je vous ai présenté, il y a quelques semaines, l'histoire des vignes et du château de Bercy. Je suis ravie de vous retrouver dans le parc qui en perpétue le souvenir, à quelques encablures de la Seine, dans le 12e arrondissement de Paris. Au tout début du mois de septembre, alors que les raisins se délectaient à mûrir dans la lumière dorée, le jardin s'est paré de tons et de reflets merveilleux.

     

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    Entre 1993 et 1997, les architectes Bernard Huet, Madeleine Ferrand, Jean-Pierre Feugas et Bernard Leroy, assistés des paysagistes Philippe Raguin et Ian Le Caisne, ont réalisé, entre les pavillons de Cour Saint-Émilion et le Palais Omnisports de Paris Bercy, un ensemble de trois jardins spécifiques.

     

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    Notre flânerie commence dans le « Jardin Romantique » dont la végétation évoque les parcs à l'anglaise, à proximité des anciens chais qui témoignent de l'âge d'or du négoce du vin.

     

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    Nous voici devant la Maison du Lac, ancien poste de garde des entrepôts, qui se contemple dans un miroir dormant. Les gardiens veillaient à ce que les habitants de Bercy ne récupèrent pas, à la nuit tombée, plus de vin qu'ils n'étaient autorisés à collecter chaque jour soit dix litres par personne!!!

     

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    Sur cette photo datée de 1900, vous apercevez la grille d'entrée des entrepôts et la maison des gardiens dans le fond.

     

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    Elle accueille aujourd'hui des expositions consacrées à l'art des jardins. L'eau et les arbres (cèdres du Liban, pins de Corse, arbres aux quarante écus, bouleaux, saules, chênes, liquidambars) composent tout autour une romantique scénographie.

     

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    « L'Oeil... Tout l'Univers est en lui, puisqu'il voit, puisqu'il reflète. » Guy de Maupassant (1850-1893), Le Horla (1886-1887).

     

    Dans les spires de l'eau, fusionnent l'ombre et l'instant soyeux, les lignes vives et les ondulations mystérieuses. Aimantée par les sortilèges aquatiques et les mues chatoyantes du paysage, je songe à la riche histoire des lieux...

     

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    On a retrouvé, à proximité de cette jolie bâtisse, des vestiges de l'ancien village néolithique de Bercy, vestiges que l'on peut admirer au musée Carnavalet.

     

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    Le minutieux travail des archéologues exhumant de la grève sableuse l'une des pirogues monoxyles en bois de chêne. Crédit photographique INRAP (Iconothèque de l'Institut National de recherche archéologique préventive.)

     

    Des fouilles ont été menées à Bercy en 1990, en 1991, en 1992 et en 1996, afin de mettre au jour les restes d'un village installé sur les berges de la Seine depuis l'époque néolithique (4500-2000 avant J.-C.). Dans le cadre du « Projet Archéo 2000 », les objets collectés ont été installés dans l'ancienne Orangerie du musée Carnavalet.

     

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    Outre les pirogues que j'ai présentées dans mon article consacré aux vignes de Bercy, un arc de chasseur en bois d'if, datant de la période de Cerny (4600-4400 avant J.-C.), a été retrouvé. Il s'agit vraisemblablement du plus ancien arc conservé dans sa totalité. Taillé dans un if âgé de plus de 50 ans, il permettait de tirer des flèches d'environ 68 centimètres de long.

     

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    Moulage et reconstitution de l'arc d'après l'original. Ce travail a été accompli par Mr Blaise Fontannaz, facteur d'arc, spécialisé dans l'archerie traditionnelle.

     

    Situé sur la rive gauche de la Seine, à l'emplacement d'un ancien chenal, le gisement archéologique de Bercy a dévoilé des milliers d'objets de la vie quotidienne: outils de pierre, de silex et d'os, haches et meules de pierre, statuettes, céramiques décorées, figurines en bois de cervidé, ossements de poissons, de sangliers et de petits carnassiers...

     

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    De nombreuses coupes à socle datant du Chasséen (vers 4200 avant J.-C.), aux parois hachurées et ornées de motifs en damier et en losanges, ont été retrouvées dans la partie supérieure de l'ancien chenal, au-dessus des vestiges de l'époque de Cerny.

     

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    Cette hache en silex poli date du néolithique final (2700-2200 avant J.-C.). Elle a été exhumée lors des fouilles de 1991.

     

    Malgré les inondations périodiques qui ont obligé les habitants à reconstruire leurs maisons et à déplacer leur village au gré des caprices de l'eau et du ciel, les lieux ont été occupés pendant près de trois mille ans.

     

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    L'eau continue d'occuper une place très importante à Bercy où elle donne à certaines parties du jardin des allures de cité lacustre.

     

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    En face de la Maison du Lac, sur un îlot dominant un tapis de nénuphars, se dresse une fascinante sculpture contemporaine: la dixième des vingt « Demeures » réalisées par l'artiste contemporain Étienne-Martin en 1968. (Le trait d'union entre Étienne et Martin n'est pas une coquille. L'artiste a choisi de le placer entre son prénom et son nom.)

     

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    Divinité gardienne des cycles du temps, la Demeure 10 semble se nourrir des frissons de l'eau, des métamorphoses des couleurs, du souffle des éléments et des trilles des oiseaux. « Oeuvre-lieu » puissamment fantasmagorique, elle épelle de silencieuses sonorités vers les « mondes en contrebas ».

     

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    Elle se dévoile à fleur d'eau, au-dessus d'un magma d'ombres vertes et de lacis de lumière.

     

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    Corps enchevêtrés qui forment une maison-visage, émanation du ventre et de l'abri originels, la sculpture incarne le désir de se lover dans la hutte primordiale, la crypte matricielle du fond des âges et des eaux/os. « Elle s'enracine dans la nuit des réminiscences originelles; elle est à la fois l'idole caverneuse, l'infernale demeure et le vestige reconstitué, transposé en termes plastiques, des maisons des souvenirs de l'artiste. » Pierre Volboudt.

     

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    Étienne-Martin (1913-1995) est né à Loriol, dans la Drôme. A l'âge de 16 ans, il s'est inscrit à l'École des Beaux-Arts de Lyon, et, après un apprentissage qualifié de « traditionnel », il a décidé d'étudier la sculpture, de 1934 à 1939, à l'Académie Ranson de Paris, auprès de Charles Malfray (1887-1940), maître sculpteur, tailleur de pierre et survivant des tranchées de Verdun.

     

    La sculpture était pour lui quelque chose de profondément sensuel et matriciel, un art des creux, des gouffres et des cavités que l'on ne peut aborder autrement qu'avec le corps et en faisant appel à tous les sens.

     

    Inspiré par les « spiritualités mystérieuses », il a travaillé, de 1951 à 1956, à un « Hommage à l'écrivain Howard Phillips Lovecraft » qui s'appelait initialement « le Grand Rythme ». Ce plâtre monumental n'existe plus mais le souvenir de ses structures alvéolées complexes perdure dans les anfractuosités des Demeures où s'entrelacent les cauchemars et les rêves.

     

    H P Lovecraft (1890-1937) est un auteur américain rendu célèbre par ses récits fantastiques, oniriques, macabres, ses contes d'horreur et ses ouvrages de dark fantasy et de science-fiction. Un petit clin d'oeil aux aficionados du Necronomicon et du Mythe de Cthulhu...

     

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    Étienne-Martin a commencé en 1954 la série des Demeures et a reçu en 1966 le grand prix de sculpture à la 33e Biennale de Venise. Il existe vingt Demeures de taille variée, réalisées chacune dans des matériaux différents. Elles le ramènent toutes à la maison natale de Loriol dont il dira: « Un jour, j’ai été obligé de me séparer de ma maison, là où j’étais né, et j’en ai été choqué et peiné. Mais elle est restée tellement présente en moi que j’ai eu le désir de l’explorer. (…) En travaillant sur ce thème, j’ai retrouvé la forme, la lumière, les gens, tout ce qui constituait l’âme de cette maison.»

     

    « Construire, c'est pénétrer dans la matière, traverser l'épaisseur où se lovent les hantises originelles... »

     

    Étienne-Martin aimait les sculptures d'Océanie aux cavités gorgées de « sacré », les tabernacles et les sculptures-tombeaux étrusques. Il était également fasciné par l'art égyptien monumental, les pyramides et les colosses d'Abou Simbel. Il invoquait sous ses doigts d'artiste ce qui naît, meurt et renaît dans la terre et le sable.

     

    Il considérait le bois comme la matière primordiale et la pierre comme une source de résonances infinies. Les végétaux aux formes étranges, les fleurs séductrices et les plantes dotées de profondes racines l'inspiraient aussi.

     

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    En contemplant les nénuphars gorgés de soleil qui s'épanouissent au pied de la Demeure X, on se détache doucement des bruits de la ville. Le regard caresse les délicats pétales blancs et les larges feuilles ovales, épaisses, cireuses et d'un vert satiné, qui flottent à la surface de l'eau.

     

    Le nénuphar blanc ou nymphaea alba est une plante aquatique, originaire d'Inde, qui fleurit, de juin à août, dans les eaux calmes et les étangs d'Europe et d'Asie. Ses noms vernaculaires: « reine des lacs » « lys des étangs », « clef de Vénus », « rose ou lune d'eau »... témoignent de sa nature enchanteresse.

     

    On l'appelle aussi « horloge des eaux » car il commence à se déployer à l'aube. A midi, il s'ouvre bien au-dessus de l'eau et à partir de quatre heures, il se referme lentement. Sa tige est un rhizome spongieux qui traverse les profondeurs de l'eau pour engendrer une multitude de petites racines. Son fruit gorgé de graines ressemble à une capsule de pavot.

     

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    Les vertus du nénuphar sont connues depuis des temps très anciens. Le nom de cette « sorcière des eaux » vient du sanscrit « nilotpatan » ou « nipplupal » qui devint « nilufar » ou « ninûfar » en arabe et finalement « nénuphar ».

     

    La mythologie grecque nous rapporte que le héros Hercule transforma en nénuphar une nymphe qui se consumait de passion pour lui.

     

    Fleur sacrée, compagne des déesses indiennes, aimée pour ses nacres issues des « eaux primordiales » dans l'Égypte ancienne, elle devint l'un des motifs les plus utilisés dans l'Art Nouveau. Les maîtres ébénistes et verriers de l'École de Nancy déclinèrent ses formes poétiques à travers de nombreux matériaux.

     

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    Le Nénuphar, 1898, par Alfons Mucha (1860-1939).

     

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    Vitrail aux nénuphars de Jacques Grüber (1870-1936).

     

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    Lampe nénuphar en pâte de verre et en bronze doré et ciselé, conçue par Louis Majorelle (1859-1926) et exécutée par la maison Daum en 1902.

     

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    Lit aux nénuphars en acajou, bois d'amourette, marqueterie de bois précieux et bronze doré et ciselé, réalisé entre 1905 et 1909 par Louis Majorelle. On peut admirer ce chef-d'oeuvre au musée d'Orsay.

     

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    Le nénuphar inspirait les artistes Art Nouveau en raison de la sensualité de ses formes mais dans l'Antiquité on l'utilisait pour réprimer le désir et dissiper les songes érotiques. A l'époque médiévale, on le qualifiait d'« herbe aux moines » ou de « plante aux moniales ». Son nom savant de « nymphaea » désigne la blancheur virginale de ses pétales consacrés aux nymphes et aux jeunes mariées.

     

    Il existe aussi des nénuphars jaunes, roses ou tirant vers le fuchsia.

     

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    Photo Aquatic Bezançon

     

    L'onguent de nénuphar était jadis employé pour adoucir la peau, atténuer plaques et rougeurs et apaiser certaines inflammations.

     

    Riche en tanins et en amidon, le rhizome était utilisé pour apprêter les cuirs, teindre les tissus en noir et fabriquer une farine dite « de disette ».

     

    Dans le folklore de l'ancienne Europe, le nénuphar était réputé éloigner les esprits malfaisants, protéger les voyageurs et le bétail contre les animaux nuisibles et les créatures vampiriques de la nuit.

     

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     Il était aussi le gardien des petites fées...

     

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    Le nénuphar, aquarelle de John Lafarge (1835-1910), peintre et maître verrier américain.

     

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    Dans le Jardin Romantique de Bercy, on se laisse happer par le murmure du vent dans les hautes herbes et les chants d'oiseaux facétieux.

     

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    Nous évoluons dans une utopie végétale qui reflète, entre désir de mémoire et soif de modernité, la passion de ses créateurs.

     

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    L'eau verte serpente entre les hautes herbes et forme un gracieux petit étang.

     

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    Les promeneurs et les oiseaux apprécient cette construction sur pilotis qui se dévoile avec élégance dans le paysage.

     

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    Espace de rencontre, de rêverie ou de méditation à fleur d'eau...

     

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    A la saison propice, les fleurs sont souveraines.

     

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    Les roses trémières m'ont enchantée...

     

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    Au bord de l'eau, palpite une végétation luxuriante où s'abritent de nombreux oiseaux.

     

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    Poules d'eau, canards, et même un héron cendré s'ébattent joyeusement dans cet espace privilégié.

     

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    Les poules d'eau (gallinula chloropus) se laissent approcher de plus en plus facilement.

     

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    Les poules d'eau adolescentes, dont la couleur diffère avec celle de leurs parents, s'occupent des poussins avec beaucoup de soin.

     

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    Mais qu'aperçois-je de bon matin, immobile comme une statue?

     

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    Monsieur héron cendré, un grand oiseau gris, au port majestueux, doté de longues pattes grêles jaune grisâtre, d'un cou étiré et d'un grand bec jaune grisâtre en forme de poignard. Son ventre, le dessus de sa tête et son cou sont zébrés de noir. Il émet des cris rauques et perçants.

     

    Le héron apprécie les zones humides peu profondes (étangs, marais, cours d'eau) et riches en nourriture. La nature de l'eau: douce, salée, saumâtre, vive ou dormante, lui importe peu. Redoutable chasseur, il peut rester appuyé, sur une seule patte, pendant des heures avant de fondre sur sa proie, de préférence des poissons, des anguilles et des batraciens. Il se nourrit aussi de petits rongeurs, d'insectes, de reptiles et de crustacés.

     

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    Le héron cendre est devenu la mascotte de Bercy, mascotte à laquelle une jeune fille a donné le nom d'Henry. Il se régale des poissons rouges qui nagent dans les eaux calmes du parc et savoure aussi des carpes et des petits gardons.

     

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    Étant donné la quantité de poissons qui s'offre en ces lieux, Henry n'est pas près de crier famine!

     

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    Sources et bibliographie

     

    «Les Demeures», ouvrage collectif, catalogue d'exposition, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1984

     

    MULLER Joseph-Émile: L'art au XXe siècle. Paris:Larousse, 1967.

     

    PESSARD Gustave: Nouveau dictionnaire historique de Paris. Paris: Lejay, 1904.

     

    VALLIER Dora: L'art abstrait. Paris: le livre de poche, 1980.

     

    VOLBOUDT Pierre: Étienne-Martin, revue du XXe siècle, numéro 39, décembre 1972, pages 130 à 132.

     

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    Le Parc de Bercy nous réservant bien d'autres surprises, je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour la suite de cette promenade. Je vous remercie de m'avoir accompagnée sur ces chemins buissonniers qui se fondent dans les méandres du temps...

     

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    Avec mes amicales pensées, gros bisous!

    Plume

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    131 commentaires
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     Une rose pour vous dire merci!

     Merci d'avoir pris, si gentiment, de mes nouvelles pendant les semaines « troublées » que j'ai vécues. Vous avez toujours été là et vos petits mots, vos cartes postales et vos mails m'ont beaucoup touchée. Je vous souhaite, ainsi qu'à vos familles, une excellente rentrée.

     

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    Les vignes de Bercy

     

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    En cheminant vers l'automne, je vous invite à une promenade, gorgée de mille et une saveurs entre les vignes de Bercy. Elles s'épanouissent dans un parc aux ombrages luxuriants, aménagé en 1995 à l'emplacement d'entrepôts viticoles qui ont été fermés aux alentours de 1970. (Les premières fermetures ont débuté dans les années cinquante.)

     

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    Les rues pavées, traversées par des rails sur lesquels circulaient les wagons remplis de tonneaux, ont été conservées.

     

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    Le parc nous offre une grande variété de paysages, entre végétation exotique, ilots romantiques, orangerie, roseraie, bassins peuplés de nénuphars et de poissons, labyrinthe et jardin de senteurs mais bien avant que l'âge d'or du vin ne rayonne en ces lieux, Bercy fut une terre de prédilection pour les peuples qui venaient du fleuve.

     

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    Le long d'un chenal de la Seine, on retrouva en 1991 les vestiges d'un village âgé de 6000 ans: des outils, des figurines, des céramiques, un arc en bois d'if et un ensemble de pirogues monoxyles (taillées dans une seule pièce) de chêne qui ont rejoint les collections permanentes du musée Carnavalet.

     

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    (Photo musée.)

     

    Avant Bercy, il y eut Percy, nom qui apparut au XIIe siècle dans un acte de donation du roi Louis VI le Gros (1081-1137) aux moines de l’abbaye de Montmartre. Puis il y eut la « Grange de Bercix » et, en 1415, l'établissement de la première Seigneurie de Bercy, sous l'obédience de la puissante famille de Montmorency.

     

    Les demeures de plaisance se développèrent sous le règne de Louis XIII (1601-1643) et le village de Bercy connut un formidable essor au temps de Louis XIV (1638-1715).

     

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    Au XIXe siècle, Bercy avait la réputation d'être le plus grand centre mondial de négoce de vins et de spiritueux mais, au XIIIe siècle, le vignoble parisien était déjà considéré comme l'un des plus importants d'Europe.

     

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    Les Vendanges, d'après le manuscrit des Très Riches Heures du Duc de Berry (début du XVe siècle).

     

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    A l'origine du premier entrepôt vinicole

     Un jour de 1704, Louis XIV assistait à la messe à l'église Notre-Dame-de-Bercy quand son attention fut attirée par un homme qui semblait se tenir debout parmi les fidèles agenouillés. Un garde se précipita mais il constata que l'homme, un vigneron de Bourgogne, était bel et bien à genoux. Solide comme un chêne et doté d'une taille de géant, il dominait de plusieurs têtes chaque membre de l'assemblée. A la fin de l'office, le roi voulut le rencontrer. Le vigneron s'empressa de lui expliquer les difficultés qu'il rencontrait pour créer un commerce à Paris. Amusé par son étonnante stature et son franc parler, Louis XIV lui assura qu'il pourrait vendre chaque année ses vins, affranchis de tous droits, sur la grève de Bercy. Cette promesse fit date. Ainsi naquit le premier entrepôt.

     

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    Extrait du plan de la ville de Paris de Roussel, établi aux alentours de 1730.

     Bercy devint, aux portes de la capitale, un territoire prisé des seigneurs de la Cour et des puissants financiers, aimantés par le prestige de certaines demeures et le fastueux Château de Bercy.

     

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     Celui-ci fut édifié, à partir de 1658, par François Le Vau (1613-1676), frère du célèbre architecte Louis Le Vau, pour Charles Henri de Malon de Bercy, marquis de Nointel, petit-neveu de Colbert et intendant des finances de Louis XIV.

     

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     André Le Nôtre y réalisa de magnifiques jardins, comme en témoignent les tableaux de Pierre-Denis Martin (1663-1742), peints vers 1725-1730 et conservés dans la salle à manger du château de Brissac (Maine-et-Loire). Derrière la façade principale du château, on distingue le donjon du château de Vincennes.

     

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     Nous ne pouvons qu'apprécier la finesse des topiaires d'if et des parterres de broderies sans oublier les silhouettes animées des deux jardiniers qui brandissent pelle et râteau.

     

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     Cette vue cavalière du château nous montre que les jardins, qui s'étageaient jusqu'à la Seine, attiraient de nombreux visiteurs.

     

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     On aperçoit l'une des chaloupes de Bercy, embarcations très en vogue et richement décorées qui longeaient les berges du fleuve.

     

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     Des lions bordaient l'allée centrale qui se déployait jusqu'à une « terrasse du bord de l'eau ».

     

    Le château de Bercy était également connu pour ses boiseries, somptueux témoignage de l'Art Rocaille. Certaines furent préservées et réinstallées au Palais de l'Élysée et dans plusieurs hôtels particuliers de Paris.

     

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     Ces deux photographies d'Eugène Atget (1857-1927), datées de 1909, montrent l'une des portes du château remontée dans l'hôtel de la comtesse de Cosnac, au numéro 33 de la rue de l'Université, dans le VIIe arrondissement de Paris.

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    Très dégradé après la disparition du dernier héritier de la famille Malon de Bercy, le château fut détruit en 1861 et de nombreuses auberges et guinguettes s'installèrent sur les bords de Seine. Dans ce qu'on appela le « Joyeux Bercy » se mélangèrent négociants, ouvriers, amateurs de vins avec ou sans le sou, artistes en goguette ou en quête d'inspiration. Ils fréquentaient des établissements comme le Rocher de Cancale, les Marronniers, la Pomme d'Or et le Soleil d'Or...

     

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    Les premiers magasins à vin furent établis sur les rives de la Seine mais au XIXe siècle des entrepôts furent construits à l'emplacement des magnifiques propriétés des XVIIe et XVIIIe siècles qui portaient des noms évocateurs de fortune et de villégiature: le Petit-Bercy, la Folie Rambouillet (fort appréciée pour ses vastes jardins ouverts au public) ou le domaine des frères Paris. Les entrepôts se dressaient à l'extrémité de la barrière d'octroi de la Rapée, ainsi les vins n'étaient pas soumis à l'impôt.

     

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    La barrière de La Rapée, d'après un dessin de Sébastien-Joseph Misbach (1775-1853). (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b77.)

     

    Cette barrière, érigée par Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), appartenait à une ceinture de monuments néoclassiques appelés « Propylées de Paris ». Elle se situait au niveau du pont de Bercy et portait le nom d'un ancien commissaire aux guerres du roi Louis XV.

     

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    Gravure issue du Moniteur Vinicole, Journal de Bercy et de l'Entrepôt.

     

    En 1825, le baron Joseph-Dominique Louis (1755-1837), ministre des Finances, acquit plusieurs terrains sur lesquels se trouvaient de vieux entrepôts qu'il fit réaménager.

     

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    En 1860, la commune indépendante de Bercy fut dissoute et partagée entre Paris et Charenton. Dans le même temps, la consommation de vin augmenta dans la capitale.

     

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    Les bateaux remontaient la Seine, chargés de tonneaux, et leur précieuse cargaison était acheminée par wagon-citerne, depuis la gare de La Rapée (aujourd'hui disparue) jusqu'aux chais qui abritaient une profusion de vins de Bourgogne et du Beaujolais.

     

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    A partir de 1869, les entrepôts furent rénovés et agrandis et, en 1877, deux grands entrepôts furent construits, sur les plans d'Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), près de la prospère Halle aux Vins.

     

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    Wagons-foudre photographiés par Jacques Boyer.

     Vers 1880, ces wagons composés d'un ou deux tonneaux de chêne fixés sur une surface plate, dévolus au transport du vin, se généralisèrent.

     

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    Le lieu devint une fourmilière pour de nombreux corps de métiers.

     

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    Les tonneliers, vers 1900.

     

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    Les soutireurs de vin.

     

    Le soutirage du vin consiste à changer le vin de contenant afin de l'oxygéner et à retirer les premières lies issues de la fermentation, sans les agiter. Il faut être vigilant pour éviter l'oxydation du breuvage.

     

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    Le dépotage du vin, opération visant à ôter les sédiments de fond de cuve, les débris végétaux et certaines cristallisations.

     

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    Le filtrage ou clarification du vin, photographie de Jacques Boyer. A cet effet, on utilisait du blanc d'oeuf aussi croisait-on, le long des entrepôts, un personnage chargé de vendre les jaunes récupérés. On l'appelait le « jaune d'oeuf ».

     

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    Le contrôle des vins.

     

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    La berge des entrepôts en 1900, agence Roger Viollet (LL-28242A).

     

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    Le quai de Bercy, 1907, par Maurice Branger (BRA-28878).

     

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    Pendant la crue de 1910, la Seine transforma Bercy en une ville lacustre, créant une étendue d'eau plus de cinq mètres de profondeur et hissant tonneaux et fûts, à certains endroits, jusque dans les arbres et sur le toit des maisons.

     

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    Image Le Monde.fr


    L'architecture des entrepôts fait aujourd'hui partie intégrante d'un quartier neuf et d'une zone de commerces et de loisirs qui porte le nom d'une ville d'Aquitaine, célèbre pour ses grands crus et son patrimoine historique exceptionnel: Saint-Émilion.

     

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    Les ruines des entrepôts, photographiées en 1984.

     

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    Les Chais Lheureux, appelés aujourd’hui Pavillons de Bercy, bordent la rue des Pirogues de Bercy. Créés en 1886 par Louis-Ernest Lheureux (1827-1898), élève de Victor Baltard, le célèbre architecte des Halles de Paris, ils furent l'épicentre d'une activité intense, activité qui déclina avec la destruction des fortifications de Thiers entre 1920 et 1929. Restitués dans leur état d’origine, ils présentent des murs épais en pierre de meulière et de belles ouvertures voûtées. Ils dominent des rues aux noms évocateurs (Chablis, Mâcon, Pommard...) dont les pavés ont été classés à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques.

     

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    Une vue des lieux en 1908.

     

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    On y trouve aujourd'hui un cinéma, d'agréables boutiques, des restaurants et d'excellents salons de thé.

     

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    Un des anciens chais a été conservé dans le parc. Tout en briques, il domine un potager pédagogique et constitue pour les amis des jardins un agréable lieu de rencontre et de rêverie.

     

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    Chaque année, plusieurs milliers de petits parisiens viennent s'y familiariser avec les techniques du jardinage biologique. Ils y font pousser des fleurs mellifères, des fruits savoureux et des herbes aromatiques grâce à du compost et du mulch faits maison.

     

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    Le mulch est constitué, dans le potager de Bercy, de fragments de bois, de paille, de tontes de gazon, de feuillages divers, d'ortie et de fougère. Dans le commerce, il se compose d'un mélange d'écorces de pin, de paillettes de lin ou de chanvre et de coquilles de fèves de cacao concassées appelées mulcao. Il est utilisé contre les herbes indésirables au printemps, contre la sécheresse estivale et les premiers froids de l'automne. Il permet aussi d'améliorer la structure des sols.

     

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    Les enfants y rivalisent de créativité. Je vous présente Blue Pom, l'épouvantail fétiche de l'école Pommard, dans le 12e arrondissement de Paris.

     

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    Et monsieur Chat, l'ami de la sorcière des bois...

     

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    Les fleurs s'offrent, luxuriantes, à la caresse du soleil.

     

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    En quittant le chai et en suivant les anciens rails, on découvre une insolite cheminée tronconique de brique rouge autour de laquelle s'épanouissent 400 pieds de chardonnay et de sauvignon ainsi que du raisin de table de grande qualité: muscat de Saumur et de Hambourg, raisin bleu de Frankenthal et chasselas de Fontainebleau aux grains d'or.

     

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    Le vignoble de Bercy se déploie sur une superficie de 660 m2, au voisinage des tours de la Bibliothèque Nationale de France.

     

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    Après avoir disparu dans les années 1940, en grande partie à cause du phylloxera et du mildiou, la vigne est aujourd'hui de plus en plus représentée dans le tissu francilien. On en trouve à Suresnes, au Clos du Pas Saint-Maurice, dans les Hauts-de-Seine; au flanc de la Butte Montmartre; au pied des vestiges de l'ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dans le square Félix Desruelles (VIe arrondissement de Paris); dans le jardin du presbytère de l’Eglise Saint-François Xavier, Boulevard des Invalides (VIIe arrondissement); au Parc Georges Brassens (XVe arrondissement ), au Parc de Belleville, à Bagatelle, à Bagneux ou encore au Trianon de Versailles.

     

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    Depuis des années, des passionnés redonnent vie à ces vins franciliens qui fournissaient autrefois les tables les plus prestigieuses.

     

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    D'après le journaliste Alain Poret, auteur d'un ouvrage intitulé Histoire du grand vignoble d'Île-de-France, de la Gaule à nos jours: «A son apogée, au XVIIIe siècle, l'Île-de-France était la plus grande région viticole de France avec 42 000 ha, contre 35 000 à la Champagne et 18 000 pour l'Alsace.»

     

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    Bibliographie

     AUDOT Louis-Eustache: Traité de la composition et de l'ornement des jardins: avec cent soixante et une planches représentant, en plus de six cents figures, des plans de jardins, des fabriques propres à leur décoration, et des machines pour élever les eaux. Paris: Audot, éditeur du Bon Jardinier, 1839. (Rue du Paon, 8, école de Médecine.)

     

    BERTOUT DE SOLIÈRES F: Fortifications de Paris à travers les âges. Rouen: Girieud, 1906.

     

    CHADYCH Danielle: Le guide du promeneur, 12e arrondissement. Paris: Parigramme, 1995.

     

    PORET Alain: Histoire du grand vignoble d'Île de France, de la Gaule à nos jours. Presses de Valmy, Daniel Bontemps éditeur.

     

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    Le parc de Bercy recèle encore bien des trésors que je vous ferai découvrir dans un prochain article. En attendant que mûrissent les grains rubis et or, je vous souhaite une excellente visite, en remerciant ceux qui m'ont écrit pendant ma pause et ceux qui se sont promenés, silencieusement, dans mon espace ainsi que mes nouveaux abonnés.

     

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    Soyez gourmands, faites vous plaisir et consommez « avec modération » le précieux élixir de la Dive Bouteille!

     

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    George E Forster (1817-1896): Fruits et vin blanc.

    Plume

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  • (Promenade au Ranelagh Chapitre Deux)

     

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    Je vous retrouve avec plaisir au Ranelagh, ce bel espace de verdure à l'anglaise qui prolonge la Chaussée de la Muette et ses immeubles pittoresques, dans le 16e arrondissement de Paris. Si vous souhaitez découvrir ou redécouvrir le premier chapitre de cette promenade il vous suffit de cliquer ICI ou sur la photo ci-dessous.

     

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    Je vous avais donné rendez-vous devant le monument dédié à Jean de la Fontaine (1621-1695).

     

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    A l'intersection de l'avenue Ingres et de l'avenue du Ranelagh, se dresse une imposante statue du fabuliste, accompagné du corbeau et du renard. Le sculpteur portugais Charles Correia (1930-1988) a conçu cet ensemble en 1983 et les personnages en bronze ont été exécutés par la fonderie italienne Mapelli.

     

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    Ce monument remplace un groupe sculpté inauguré, le 26 juillet 1891, à l'initiative du Comité La Fontaine.

     

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    Créé en 1884, ce Comité comptait parmi ses membres le poète et académicien Sully Prudhomme (1839-1907), le docteur Pierre Marmottan (1832-1914) qui devint maire du 16e arrondissement, Victor Hugo (1802-1885) et Armand Fallières (1841-1931) qui fut tour à tour ministre de l'Intérieur, de la Justice, de l'Instruction Publique et Président de la République, de 1906 à 1913.

     

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    Après sept années de travail intensif, l'oeuvre fut financée par une souscription publique, le produit de concerts et d'expositions et diverses subventions de la Ville de Paris. Sculptée en plâtre par Alphonse Achille Dumilâtre (1844-1923), elle fut exécutée en bronze par le fondeur Thiébaut et présentée à l'Exposition Universelle de 1889. Elle fut hélas détruite en 1942 par les allemands.

     

    En vertu d'une loi promulguée par le Gouvernement de Vichy, le 11 octobre 1941, les statues métalliques non ferreuses devaient être fondues, ce qui fit disparaître de nombreuses sculptures dans les jardins et sur les places de Paris.

     

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    L'oeuvre figure sur une publicité réalisée pour le chocolatier Guérin-Boutron dont l'usine se situait rue du Maroc, aux numéros 23 et 25, dans le 19e arrondissement de Paris. Ce fabricant de fin chocolat aux accents prononcés de vanille possédait deux boutiques dans la capitale, une au numéro 29 du boulevard Poissonnière, la seconde au numéro 28 de la rue Saint-Sulpice. L'image, trouvée sur le site Culture.gouv.fr, appartient à une série de 78 sujets représentant les statues de Paris. Ces images, très prisées des collectionneurs, furent éditées à l'initiative de la maison Guérin-Boutron dont les chocolats reçurent la Médaille d'Or aux Expositions Universelles de 1889 et de 1900.

     

    Avant les chocolats Poulain, qui en firent la célébrité, la Maison Guérin-Boutron joignit à ses tablettes de chocolat des petites images lithographiques représentant des personnages historiques ou relevant de l’imaginaire populaire. Ces images étaient publiées en courtes séries dans le but de fidéliser la clientèle.

     

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    Le buste de la Fontaine était entouré par une femme ailée, un lion majestueux et différents animaux: un serpent, un renard, un singe, un chat, un corbeau tenant un fromage, des alouettes, deux pigeons...

     

    Les personnages étaient appuyés sur un soubassement semi-circulaire signé Frantz Jourdain (1847-1935).

     

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    Frantz Jourdain était le premier architecte de la Samaritaine, le fondateur et le président du Salon d'Automne où furent découverts les Impressionnistes. Le soubassement qu'il a créé existe toujours. Il soutient la nouvelle statue de l'écrivain, penchée vers le corbeau et le renard de la célèbre fable.

     

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    Le Corbeau et le Renard

     

    Maître Corbeau, sur un arbre perché,

    Tenait en son bec un fromage.

    Maître Renard, par l'odeur alléché,

    Lui tint à peu près ce langage :

    « Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.

    Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !

    Sans mentir, si votre ramage

    Se rapporte à votre plumage,

    Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. »

    A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;

    Et pour montrer sa belle voix,

    Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.

    Le Renard s'en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,

    Apprenez que tout flatteur

    Vit aux dépens de celui qui l'écoute :

    Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »

    Le Corbeau, honteux et confus,

    Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

     

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    Les rencontres et les facéties de ces personnages n'ont cessé d'imprégner nos mémoires et d'inspirer les artistes.

     

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    François Chauveau (1613-1676), « graveur illustre du roi », réalisa une suite de dessins et de gravures pour le premier recueil des Fables, paru en 1668, chez Barbin. Dédié au fils aîné de Louis XIV, le Dauphin, alors âgé de six ans, il se composait de 124 fables, réparties en 6 livres.

     

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    Illustration de Claude Gillot (1673-1722) conservée au musée Condé de Chantilly. (Culture.gouv.fr.)

     

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    Illustration de Sébastien Le Clerc (1637-1714) conservée au musée des Beaux-Arts de Rennes.

     

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    Illustration de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) pour la prestigieuse édition des Fables choisies de 1755-1759 (Desaint&Saillant-Durand).

     

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    Lithographie d'Hippolyte Lecomte (1781-1857) pour l'édition des Fables choisies de 1818.

     

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    Illustration de Jean-Jacques Grandville (1803-1847), célèbre caricaturiste de Nancy, pour l'édition des Fables de 1838.

     

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    Le Corbeau et le Renard illustrés par Gustave Doré (1832-1883) pour l'édition des Fables de 1867.

     

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    Aquarelle d'Auguste Delierre (1829-1891) pour l'édition des Fables de 1883.

     

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    Planche en couleurs de Paul-Émile Colin (1867-1949) pour les Imageries réunies de Jarville-Nancy, 1900.

     

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    Gravure sur bois de Pierre Jean Jouve (1887-1976), datée de 1929. (Archives Larbor).

     

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    Miniature d'Henry Lemarié (1911-1991) qui illustra les Fables de 1961 à 1967.

     

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    Illustration de Dagnélie Tjienke (1918-2001) pour l'édition des Fables de 1964.

     

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    Illustration d'André Quellier (1925-2010) pour l'édition des Fables de 1991, d'après les dessins gravés de Jean-Baptiste Oudry.

     

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    Le corbeau et le renard, peints par Léon Rousseau (1829-1881), sur un panneau vertical ornant le couloir du musée de Château-Thierry, dans l'Aisne, élégant logis du XVIe siècle et maison natale de Jean de la Fontaine...

     

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    et revus par Salvador Dali (1904-1989), en pleine fièvre surréaliste.

     

    Ce florilège d'illustrations témoigne de la vitalité des Fables d'où émane une poésie intemporelle, celle de la tradition orale et des narrations devant l'âtre, dans les campagnes d'autrefois.

     

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    Dictionnaires et encyclopédies s'accordent sur le fait que Jean de la Fontaine est le plus connu des auteurs français du XVIIe siècle. Tout au long de sa vie, il posa sur la société un regard sans concessions, s'interrogea sur les rapports entre le pouvoir et la nature humaine et donna à la fable, genre mineur de la littérature, ses lettres de noblesse. Il n'oublia pas de « plaire » mais il ne perdit jamais de vue que le désir d'instruire motive toute démarche littéraire digne de ce nom.

     

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    Portrait de Jean de la Fontaine par Hyacinthe Rigaud (1659-1743).

     

    Il naquit le 7 ou le 8 juillet 1621 dans une famille d'« officiers » de la bourgeoisie provinciale. Son père, Charles, conseiller du roi et maître des Eaux et Forêts, épousa Françoise Pidoux, la veuve d'un négociant à Coulommiers.

     

    Touche à tout brillant, il entama des études de rhétorique latine et de droit qu'il interrompit au profit d'un début de noviciat à l'Oratoire mais, faute de vocation, il poursuivit, au bout d'un an et demi, sa formation juridique.

     

    A l'âge de vingt-six ans, il épousa Marie Héricart, la cousine de Jean Racine, âgée de quatorze ans. Elle était ravissante et fine d'esprit, ils s'apprécièrent mais ne réussirent pas à s'accorder.

     

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    Jules Louis Philippe Coignet (1798-1860), le Chêne et le Roseau, 2e quart du XIXe siècle.

     

    En 1652, la Fontaine fit l'acquisition d'une charge de maître des Eaux et Forêts à Château-Thierry, en Picardie. Cette activité le confronta aux différents aspects du monde rural qu'il décrivit, avec une saveur irrésistible, dans les Fables.

     

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    Il exerça sa charge pendant une vingtaine d'années avant de s’en dessaisir et de fréquenter assidûment les milieux lettrés. Il se lia avec « les Chevaliers de la Table Ronde », des jeunes gens férus de littérature et de libre pensée.

     

    La cour de Fouquet (1658-1661)

     

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    En 1658, Nicolas Fouquet (1615-1680), surintendant des Finances et seigneur de Vaux-le-Vicomte, était au faîte de sa puissance. Entouré par une cour d'écrivains, il prit La Fontaine sous sa protection et lui versa une pension.

     

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    La Fontaine lui dédia un roman mythologique intitulé Adonis (1658) et une oeuvre composite, le Songe de Vaux, dans laquelle il décrit la construction de la somptueuse demeure.

     

    Mais en 1661, Fouquet tomba en disgrâce. Accusé de malversations et de complot contre l'État, il fut emprisonné sur ordre du roi. La Fontaine lui resta fidèle et composa une Élégie aux nymphes de Vaux (1661) et une Ode au roi pour M. Fouquet (1663).

     

    Outre une période d’exil à Limoges, son « amitié » envers l'ancien ministre lui valut, pendant des années, l'inimitié de Louis XIV et la rancune du puissant Colbert. Une expérience amère du « théâtre politique » qui imprègne chacune de ses Fables.

     

    Le salon de Mme de La Sablière (1673-1693)

     

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    Marguerite de la Sablière (1636-1693) peinte par Pierre Mignard (1612-1695).

     

    Après une période de flottement, la Fontaine parvint à se placer dans l'entourage des puissantes familles de Conti et de Bouillon et à obtenir un emploi de « gentilhomme » au palais du Luxembourg, au service de la duchesse douairière d’Orléans. Après la mort de celle-ci, il devint, en 1673, le secrétaire et l'ami personnel de Madame de La Sablière qui tenait un salon fréquenté par de brillantes personnalités (médecins, hommes de science, poètes, philosophes...). Une multitude de sensibilités et d'idées nouvelles s'y rencontraient, annonçant le siècle des Lumières.

     

    Les succès littéraires (1664-1687)

     

    Les Contes, les Fables et bien d'autres oeuvres encore...

     

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    En 1665, la Fontaine publia un premier recueil de Contes et de Nouvelles en vers, oeuvres libertines grâce auxquelles il connut la célébrité mais la gloire vint avec les Fables dont le premier recueil parut en 1668.

     

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    (Gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54).

     

    L'année 1668 fut très prolifique puisqu'il fit paraître les six premiers livres des Fables et un nouveau recueil de Contes. Il écrivit aussi les Amours de Psyché et de Cupidon, un roman en prose et en vers qui parut en 1669. Il y décrit une conversation entre quatre amis qui se promènent dans les jardins de Versailles.

     

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    Versailles, détail du bassin du Dragon.

     

    La Fontaine oscilla constamment entre inspiration érotique, verve profane issue du « merveilleux païen » et sentiment religieux qu'il exprima dans les Poésies chrétiennes (1671) et le Poème de la captivité de Saint Malc (1673).

     

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    En 1674, la censure interdit la publication des Nouveaux Contes mais le deuxième recueil des Fables (1678-1679) connut un immense succès.

     

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    En 1684, après une première élection suspendue au nom du roi (1683), la Fontaine réussit à se faire élire à l’Académie française, à la succession de son ennemi Colbert. Il lut, au moment de sa réception, un Discours-Hommage à Madame de La Sablière.

     

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    Pendant la querelle des Anciens et des Modernes, polémique sur les mérites comparés des artistes de l'Antiquité et des artistes de l'époque de Louis XIV, il prit parti pour les Anciens dans l'Épître à Huet (1687).

     

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    Gravure de Grandville, aux alentours de 1838.

     

    Dans la dernière période de sa vie, La Fontaine, malade, renia les Contes et prit l'engagement, devant une délégation de l’Académie Française, de ne plus écrire que des oeuvres de piété.

     

    Quand Madame de La Sablière s'éteignit, en 1693, il se réfugia dans la famille du banquier d'Hervart où il rédigea ses dernières fables. Il mourut le 13 avril 1695.

     

    En 1817, son corps fut transporté au cimetière du Père-Lachaise.

     

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    Sculpté dans le marbre par Bernard Seurre (1795-1867).

     

    La Fontaine n'a cessé de pratiquer « l'esthétique de la variété », s'opposant ainsi aux volontés littéraires de son époque, propice à la distinction des genres et des styles. Il écrivit des pièces de théâtre, des récits en prose, de la poésie héroïque, élégiaque et galante, des poèmes mondains, des discours en vers et en prose, des textes religieux et même un essai de poésie scientifique (Poème du Quinquina, 1682). Il unit les codes de la narration romanesque, du discours et de l’écriture poétique. Il entremêla les genres, l'héroïque et le galant, les vers et la prose, le baroque et le classique. Il prit position pour les Anciens tout en appréciant la verve novatrice des Modernes. Il maniait l'humour et le sérieux avec autant d'aisance.

     

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    Il donna libre cours à sa verve libertine dans les Contes qui connurent des parutions régulières tout au long de sa vie: 1665, 1666, 1671, 1674, 1685. Il y prolongea la tradition savoureuse des fabliaux du Moyen-âge et des contes de la Renaissance, dans la lignée de l’Arioste, de Boccace, de Marguerite de Navarre et de Rabelais. Il mit en scène des maris trompés, des nonnes dévergondées et des moines lubriques, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Il prit pour cible les gens pétris de bien-pensance et souligna les contradictions sexuelles des ecclésiastiques, ce qui lui valut autant de lecteurs fidèles que d'ennemis.

     

    En 1674, les Nouveaux Contes furent interdits par le lieutenant de police mais ils circulèrent « sous le manteau ».

     

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    En 1770, Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), peintre et illustrateur de génie (j'ai pour lui la plus grande admiration et j'ai effectué, en grande partie, des études d'Histoire de l'Art grâce à l'émotion ressentie devant ses créations), entreprit d'illustrer les Contes. Il composa 57 dessins qu'il rehaussa de lavis de bistre. Ces dessins, conservés au musée du Petit-Palais depuis 1934, sont considérés comme des chefs-d'oeuvre dans le domaine de l'illustration.

     

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    Les Fables ont été pour La Fontaine une remarquable manière « d'adapter » les Anciens: le fabuliste grec Ésope et son alter ego latin Phèdre. La fable était pour les latins un propos, une conversation, bien avant d'être un genre populaire. Elle est très étroitement liée à l'idée de « l'oralité » et nous ramène à l'enfance du langage et de la société, tout en s'appuyant sur l'observation de la nature et des caractères humains.

     

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    Manuscrit des Fables d'Ésope (bibliothèque.colmar.fr).

     

    Les apologues d'Ésope, de courts récits dont on tire une instruction morale, connurent un grand succès auprès des écoliers et des orateurs. La Fontaine s'en inspira mais il rénova profondément les formes traditionnelles des contes et des fables en leur insufflant un rythme poétique et en recherchant en toutes circonstances le naturel et la subtilité.

     

    Ainsi, le narrateur occupe une place dominante dans les Fables et la narration en vers libres permet d'interpeller l'esprit du lecteur par des préceptes moraux tout en ciselant un récit riche en rebondissements.

     

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    Six feuilles de paravent sur les Fables d'Ésope tissées à la Savonnerie.
    (gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53046177x
    )

     

    Poète de la Nature, la Fontaine représentait celle-ci comme un décor et comme un personnage, nous faisant cheminer volontiers, grâce à la finesse et à l'émotion du langage, à travers ses arcanes mystérieux.

     

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    La forêt et le bûcheron, par Gustave Doré (1832-1883).

     

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    Sa charge de Maître des Eaux et Forêts lui fit prendre conscience de la beauté de la Nature environnante mais aussi des conditions de vie misérables des paysans et des « dégâts écologiques » résultant de l'exploitation des forêts.

     

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    Il s'insurgea également contre la théorie de René Descartes (1596-1650) exposant que les animaux ne pouvaient qu'être dénués d'âme et de pensée. La Fontaine aimait les animaux et les respectait.

     

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    Dans l'écrin des forêts, dans les campagnes verdoyantes et les champs cultivés, la Fontaine observa à loisir une myriade d'animaux qui devinrent personnages et lui permirent d'exprimer les travers et les ambiguïtés de son époque.

     

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    Sa statue se fond, d'élégante manière, dans la lumière changeante qui filtre sous les grands arbres du Ranelagh. Elle nous invite à redécouvrir les mots, les idées et les passions de son âme de fabuliste et à interroger tout autant notre humanité que la société qui nous entoure.

     

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    Au rythme des saisons et tout autour du monument, les couleurs du jardin se métamorphosent...

     

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    Le jardin du Ranelagh a encore bien des histoires à nous conter aussi je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour le troisième chapitre de cette promenade.

     

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    Sources et bibliographie

     

    Ma thèse d'Histoire de l'Art et l'abondante iconographie collectée à la Bibliothèque Nationale pour la circonstance.

     

    Le musée de Château-Thierry qui regorge de documentation.

     

     

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    Fables choisies de La Fontaine, illustrées par Jean-Baptiste Oudry, peintre animalier du roi et professeur à l'Académie Royale de Peinture, directeur de la manufacture de Beauvais pendant vingt ans. Paris: Desaint&Saillant et Durand, 1755-1759. Édition de référence pour laquelle il fallut 44 graveurs et typographes et cinq années de travail. Elle comporte 275 illustrations en couleurs et 200 motifs floraux dessinés par Jean-Jacques Bachelier.

     

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    Fables choisies de La Fontaine, ornées de figures de MM. Carle Vernet, Horace Vernet et Hippolyte Lecomte. Paris: Imprimerie Fain, 1818, 2 volumes in-folio oblongs.

     

    Fables illustrées par Marc Chagall (1887-1985). Rééditées en 2010. Une vision contemporaine et singulière de l'oeuvre de la Fontaine.

     

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    BASSY Alain-Marie: Les Fables de la Fontaine, quatre siècles d'illustration. Cercle de la Librairie, 1986.

     

    LANFRANCHI Jacques: Les statues des grands hommes à Paris. Coeurs de bronze. Têtes de pierre. L'Harmattan, 2004.

     

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    Je souhaite de belles vacances à celles et ceux d'entre vous qui sont ou seront bientôt en goguette et je vous remercie de votre fidélité!

     

    Cendrine

     

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     Je vous invite à explorer, dans le 16e arrondissement de Paris, les allées romantiques d'un jardin ombragé par des arbres centenaires. Dans le prolongement de la chaussée de la Muette, cette parenthèse d'élégance et de verdure « à l'anglaise » abrite un kiosque à musique, un théâtre de Guignol, un ancien manège de chevaux de bois et plusieurs statues et groupes sculptés. Les promeneurs apprécieront une représentation de Jean de la Fontaine, notre fabuliste national, ancien Maître des Eaux et Forêts. (Vous découvrirez son monument dans le second chapitre de cette promenade.)

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     J'aime beaucoup lire et musarder en ces lieux. Je m'y suis promenée en compagnie de CHRIS dont je vous encourage à connaître (si ce n'est pas déjà le cas) le blog « Au fil des jours et des menus plaisirs ».

    Chère Chris, en souvenir de notre flânerie d'amitié, je t'offre avec tendresse ces quelques fleurs, photographiées en mai 2013.

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     Cet espace bucolique, au plan triangulaire, fut aménagé en 1860, sous la conduite du Préfet Haussmann (1809-1891), par l'ingénieur Jean-Charles Alphand (1817-1891). Il s'étend sur une superficie de plus de 60 000 m2, à l'emplacement du « Petit Ranelagh », lieu très en vogue au XVIIIe siècle.

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     Sur les pelouses du château de la Muette, rendez-vous de chasse traditionnel des rois de France, un garde de la barrière de Passy nommé Morisan fit établir un « salon de danse avec café, restaurant et spectacle » que fréquentèrent assidûment les dames et les gentilshommes de la Cour.

     

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     Il faisait référence à un bal de « grande renommée » instauré à Londres par Lord Ranelagh, un noble irlandais devenu pair d'Angleterre. Ce « personnage » haut en couleurs avait fait installer dans sa propriété de Chelsea une rotonde à musique où se pressaient les membres de la bonne société.

     

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    La Rotonde du Ranelagh, 1754, par Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (1697-1768).

     

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     (Les peintures et les gravures illustrant mon article viennent du site « The Royal Borough of Kensington and Chelsea Library » et de Gallica.bnf.fr).

     

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     Dès son ouverture, le 25 juillet 1774, le « Petit Ranelagh » fut apprécié par Marie-Antoinette et son beau-frère le comte d'Artois. Il devint le rendez-vous incontournable des nobles en quête de plaisir.

     

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    Extrait du film Marie-Antoinette, réalisé par Sofia Coppola (2006).

     

    Le comte Charles Philippe d'Artois (1757-1836), futur Charles X, était un grand-ami de Marie-Antoinette qui partageait sa passion pour la fête et le jeu. En octobre 1777, naquit le domaine de Bagatelle, merveilleuse « folie » située à la lisière du bois de Boulogne, grâce à un pari lancé entre les deux jeunes gens.

     

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    Jusqu'en 1789, le Ranelagh fut le rendez-vous festif de la Cour et de la Ville. Fermé pendant la Révolution, il rouvrit sous le Directoire (1795-1799) et retrouva son immense popularité.

     

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    On y rencontrait les Muses de la capitale et parmi elles, trois figures emblématiques de leur époque. On appelait les « Trois Grâces » ou les « Gloires du Ranelagh ». Il s'agissait de Thérésa Tallien, de Juliette Récamier et de Joséphine de Beauharnais.

     

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    Les Trois Grâces dansant, 1799, par Antonio Canova (1757-1822).

     

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    Portrait de Theresa Tallien en muse de la poésie par Jean-Baptiste Isabey (1767-1855).

     

    Thérésa Cabarrus ou Madame Tallien (1773-1835) fut surnommée « Notre-Dame de Bon Secours » et « Notre-Dame de Thermidor » pour avoir aidé, pendant la Terreur, plusieurs centaines de condamnés à échapper à la guillotine. Emprisonnée, elle incita son amant et futur époux Jean-Lambert Tallien (1767-1820) à provoquer la chute de Robespierre (1758-1794).

     Séduisante et cultivée, amie de nombreux artistes, conteuse et comédienne, elle tenait un salon prestigieux et fut l'un des joyaux du Directoire. Elle eut des enfants avec le vicomte et homme politique Paul Barras (1755-1829) et le financier Gabriel-Julien Ouvrard (1770-1846).

     Elle arborait des tenues d'une grande sensualité, se parfumait au néroli et lança la mode des perruques blondes bouclées, confectionnées avec les cheveux des guillotinées. Ces perruques firent fureur au Ranelagh.

     

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     Muse et mécène, modèle et commanditaire des plus grands peintres, collectionneuse et initiatrice des modes, Juliette Récamier (1777-1844) reçut dans son salon toutes les personnes « importantes » de son temps.

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     Celle que l'on appelait « la belle des belles » était une étoile dont l'éclat et les connaissances aimantèrent les cercles littéraires et artistiques. Son influence sur les arts, les idées et la culture de son temps fut dominante. Épouse d'un banquier, elle gravita dans les milieux de pouvoir et fut initiée à de nombreux projets de conspiration contre Napoléon Ier qu'elle abhorrait. Elle fut l'amie de la sulfureuse, brillante et « féministe » Madame de Staël et l'égérie des plus grands artistes. Elle vécut avec Chateaubriand une passion flamboyante.

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    Buste en marbre de Juliette Récamier, 1805-1806, réalisé par Joseph Chinard (1756-1813).

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     Sa beauté, son charme et son intelligence rayonnèrent sur une foule d'admirateurs et firent des merveilles en Angleterre où elle se rendit en 1802. Elle y reçut un accueil digne d'une tête couronnée.

     

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    Son portrait, peint vers 1805 par François Baron Gérard (1770-1837) et surnommé «la Joconde de Carnavalet», est considéré comme l’un des plus beaux tableaux de l'histoire de l'art.

     Juliette y apparaît « alanguie » sur une chaise « étrusque », dans un décor rappelant celui d’une salle de bains antique. Elle lança, sous le Directoire, la mode vestimentaire « à la grecque » et joua un rôle de première importance dans la diffusion du goût « Antique » qui allait prévaloir sous l'Empire.

     Elle offrit le tableau, en 1808, à un de ses amoureux éconduits, le prince Auguste de Prusse qui lui fit parvenir ces mots enflammés « Pendant des heures entières, je regarde ce portrait enchanteur et je rêve un bonheur qui doit surpasser tout ce que l’imagination peut offrir de plus délicieux ».

     Après la mort du prince, en 1843, la toile fut restituée à Juliette. Elle entra en 1860 dans les collections de la ville de Paris.

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     Juliette Récamier lança la mode de la robe blanche en mousseline de coton importée des Indes, vêtement à la fois luxueux et imprégné de simplicité qui s'inspirait très largement des tuniques gréco-romaines. Il s'agissait d'une révolution vestimentaire car les dames de la Cour arboraient jusque là des robes en soie très larges et colorées, à paniers.

     

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    Juliette Récamier en 1800, par Jacques Louis David (1748-1825).

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    Juliette Récamier par Alexandre-Évariste Fragonard (1780-1850).

     Avec un tel vêtement, la femme devient une muse, investie du pouvoir des antiques déesses.

     Les robes étaient agrémentées de nombreux ornements, comme les guirlandes de fleurs brodées ton sur ton. Les bras étaient le plus souvent nus ou couverts de manches translucides donnant à la tenue un côté aérien et angélique.

     

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    Portrait de Juliette Récamier, 1801, peint sur ivoire par Augustin Jean-Baptiste Jacques (1759-1832).

     

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    Portrait de Juliette Récamier, 1807, par Firmin Massot (1766-1849). Conservé au Musée des Beaux-Arts de Lyon. Portraitiste et peintre de genre, Firmin Massot était l'un des principaux représentants de l’École Genevoise de peinture de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle.

     

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    Eau-forte gravée en 1802 par Antoine Cardon (1739-1822), d'après une miniature de Richard Cosway (1742-1821), collection privée. (Trouvée sur le site du musée des Beaux-Arts de Lyon.)

     

    Les accessoires étaient très importants pour Juliette Récamier. Elle raffolait des perles dont elle préférait l'éclat à celui des diamants et qui s'accordaient à merveille avec ses tenues. Elle arborait souvent un châle blanc en cachemire ou un voile de coton blanc, d'une finesse extrême, dans le but de camoufler très légèrement, tout en le sublimant, le grain de la peau. Elle portait des gants montants, parfois imprégnés de parfum, des bas en maille de coton, souvent brodés jusqu'aux chevilles, et des souliers en taffetas de soie blanche ou de couleur qui ressemblaient à des chaussons de ballerine.

     

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    Chaussure de Juliette Récamier, époque Restauration, en taffetas de soie lilas. (Paris, les Arts Décoratifs, musée de la Mode et du Textile.)

     

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    La Chambre ou Portrait de Juliette Récamier, huile sur bois peinte en 1826 par François-Louis Dejuinne (1786-1844).

     

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    Joséphine de Beauharnais (1763-1814) était aussi une « muse des modes ».

     

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    Portrait de Joséphine, 1805, par Pierre-Paul Prud'hon (1758-1823).

     

    Cette élégante créole, de son vrai nom Marie-Josèphe Rose Tascher de la Pagerie, vit le jour à la Martinique et connut une jeunesse libre et dorée avant d'épouser, en 1779, le chevalier Alexandre de Beauharnais. Deux enfants, Eugène et Hortense, naquirent de cette union.

     Six ans plus tard, séparée de son époux, elle vécut à Paris une vie mondaine en dépit de ses difficultés financières. Elle fut emprisonnée sous la Révolution et faillit connaître un sort funeste mais elle fut libérée après que son mari ait été guillotiné. Elle devint la maîtresse du jeune général Bonaparte et l’épousa quelques jours avant le début de la campagne d’Italie.

     Elle fut couronnée impératrice en 1804 et cristallisa la haine du clan Bonaparte en raison d'un mode de vie souvent très libre et audacieux.

     Elle exerça beaucoup d'influence sur son nouvel époux mais, ne pouvant lui donner un héritier, elle dut consentir au divorce le 15 février 1809.

     

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    Joséphine à la Malmaison, 1812, par Firmin Massot. (Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg).

     

    Mais l'Empereur qui l'aimait toujours lui accorda une somptueuse retraite au château de Malmaison et lui fit verser deux millions chaque année.

     

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    Les Trois Grâces par Antonio Canova (1757-1822).

     

    Les amies des « Trois Grâces du Ranelagh » étaient appelées « Merveilleuses ».

     

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    Une Merveilleuse sous le Directoire.

     

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    Portrait de Juliette Récamier, vers 1799, par Eulalie Morin (1765-1837).

     

    Ces jeunes femmes élégantes et audacieuses suivaient une mode féminine « à l'antique » qui reflétait une plus grande liberté des moeurs et tenait compte des formes et des mouvements du corps. Cette mode permettait de danser et de vaquer à ses occupations avec davantage d'aisance. Les Merveilleuses arboraient des vêtements de couleur claire qui faisaient référence aux tuniques de l'Antiquité. Elles les appelaient tuniques « à la Cérès » et « à la Minerve », robes « à la Flore », « à la Diane » ou « à l'Omphale » ou encore redingotes « à la Galatée ». Leur décolleté était souligné par un ruban. Leurs cheveux étaient bouclés et non poudrés. Elles étaient chaussées de sandales attachées au-dessus de la cheville par des rubans entrecroisés ou des lanières garnies de perles. L'abandon du corset, du panier et des accessoires qui entravaient la liberté du corps se fit en réaction contre la folie sanguinaire de la Révolution.

     

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    Sous les vastes allées ombragées du Ranelagh, les Merveilleuses avaient pour habitude de rencontrer les Incroyables ou Muscadins, leurs équivalents masculins, grand amateurs de tenues excentriques et de parfums précieux (musc, muscade...).

     

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    Au coeur de cette frénésie des plaisirs, auprès de Juliette Récamier et de Thérésa Tallien, évoluait la délicieuse Fortunée Hamelin (1776-1851).

     

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    Fortunée Hamelin en 1798 par Andrea Appiani (1754-1817).

     

    De la Révolution Française au Second Empire, elle séduisit par son intelligence, sa turbulence et sa beauté de nombreuses personnalités artistiques et politiques. Bonaparte, Talleyrand, Chateaubriand, Victor Hugo, entre autres, succombèrent à ses charmes. Ce portrait la fait apparaître plutôt « sage » mais la réalité était bien différente. Elle descendit un jour les Champs-Élysées seins nus et faillit provoquer une émeute. Elle était accompagnée de Madame de Châteaurenard, férue d'occultisme et surnommée Minerve et de l'excentrique Madame de Crény qui avait lancé la mode de chapeaux très originaux et d'énormes noeuds attachés dans la chevelure.

     

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    Certaines Merveilleuses se rendirent dans les jardins publics parisiens et notamment au Ranelagh vêtues de robes de gaze si diaphanes qu'on disait qu'elles portaient de « l'air tissu ». Le public fut très divisé sur la question. Si de nombreux messieurs appréciaient particulièrement la situation, des voix s'élevèrent pour dénoncer une atteinte impardonnable aux bonnes moeurs. Les « ultra Merveilleuses » durent alors renoncer à cette mise en scène de leur nudité.

     Ces attitudes débridées étaient une manière d'exorciser les violences révolutionnaires. Dans ce contexte « épidermique », les Merveilleuses et les Muscadins qui avaient perdu des membres de leur famille pendant la Terreur éprouvaient le besoin de faire leur deuil de manière théâtrale et « inconvenante ».

     

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    Le temps des « Grâces » disparut lorsque les pays européens s'allièrent contre l'Empire de Napoléon et l'occupation de la capitale par les cosaques, après la Bataille de Paris, le 30 mars 1814, eut raison de l'âge d'or du Ranelagh.

     Les cosaques pillèrent le Ranelagh afin de récupérer du bois de chauffage. Ces « guerriers indomptables », venus des steppes du sud de la Russie et de l'Ukraine, avaient intégré, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, les troupes tsaristes. Leur férocité légendaire était fortement redoutée.

     

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     En 1818, le Ranelagh fut reconstruit pour retrouver sa vocation première. On le transforma en bal en 1830 puis on le détruisit en 1848 et le nouveau Ranelagh fut aménagé à partir de 1860.

     

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     Le Ranelagh est remarquable par ses grands arbres qui dessinent de majestueuses voûtes de verdure. Certains sont âgés de plus de deux cents ans.

     

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     Au fil des saisons, on se régale à contempler les métamorphoses de la lumière dans les feuillages.

     

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    Au fil des allées, des statues Belle Époque se dévoilent dans cet écrin romantique de verdure et de fleurs.

     

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    Le marbre de Caïn, réalisé en 1871 par le sculpteur nantais Joseph-Michel Caillé (1836-1881).

     

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    « Méditation », aux charmes empreints de volupté.

     

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    Ce marbre naquit, en 1882, sous le ciseau d'Edme Anthony Paul Noël, dit Tony Noël (1845-1909). Ce sculpteur très prolifique travailla pour le Louvre après la destruction des Tuileries, le Grand Palais, l'Hôtel de Ville de Paris (…) et réalisa de nombreux portraits sculptés (Molière, Le Nôtre, La Boétie, Roméo et Juliette...) ainsi que des monuments commémoratifs.

     

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    Un pêcheur ramène dans ses filets la tête d'Orphée.

     

    Démembré par les Bacchantes jalouses de son amour pour la belle Eurydice, Orphée fut jeté dans le fleuve Euros au large de l'île de Lesbos, terre d'ivresse poétique.

     

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    Le mouvement imprègne l'oeuvre, datée de 1883 et signée Louis Eugène Longepied (1849-1888).

     

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    La lumière nous attire dans un cercle de verdure émaillé de fleurs chatoyantes.

     

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     D'après la légende, des chants mystérieux émanent de la tombe d'Orphée et des statues qui le représentent, entre ombre et lumière, aux changements de saison, quand le vent éparpille les nuages et les couleurs de la nuit... On dit aussi que le « souffle d'Orphée » propage les voeux d'amour et fait croître la végétation.

     

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     Je clos sur cette évocation poétique le premier chapitre de cette promenade et je vous donne rendez-vous, dans quelques jours, au pied du monument commémoratif à Jean de la Fontaine. Le fabuliste attend au Ranelagh les amoureux des Belles-Lettres et les visiteurs qui ont conservé leur âme d'enfant...

     

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    A bientôt donc si vous le désirez...

     

    Bibliographie

     

    CASTELOT André: Napoléon. Paris: Tallandier, 1969.

     

    HERRIOT Édouard: Madame Récamier et ses amis. Paris: Plon-Nourrit, 1909.

     

    JOANNE Adolphe: Paris illustré. Paris: Hachette, 1863.

     

    KJELLBERG Pierre: Le nouveau guide des statues de Paris. Paris: la Bibliothèque des Arts, 1988.

     

    PESSARD Gustave: Nouveau dictionnaire historique de Paris. Paris: Lejay, 1904.

     

     

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    Merci de votre fidélité, gros bisous!

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    Allégories de la Nuit

     

    Face aux grilles du Palais du Luxembourg, ce bel ensemble de verdure ouvre, depuis 1867, une élégante perspective au milieu de l'avenue de l'Observatoire. Il célèbre deux explorateurs  renommés: Marco Polo (1254-1324) et Robert Cavelier-de-la-Salle (1643-1687).

     

    Issu d'une famille de marchands et de voyageurs vénitiens, Marco Polo immortalisa dans ses récits les splendeurs de la Chine médiévale. Il fut chargé par l'Empereur mongol Kubilaï Khan de parcourir des territoires dangereux et luxuriants. Dans le Devisement du Monde ou Livre des Merveilles, il relate ses aventures pittoresques sur la Route de la Soie, le long des côtes d'Arabie, d'Afrique et de l'Océan Indien et sa traversée de pays fabuleux comme le Japon, la Russie, l'Iran, l'Inde, le Sri Lanka...

     

    Robert Cavelier-de-la-Salle sillonna la région des Grands Lacs d'Amérique du Nord, le fleuve Mississippi et les immenses forêts du Canada.

     


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    Des marronniers taillés en marquise bordent de grands parterres où se dressent quatre groupes sculptés en marbre blanc qui représentent les quatre principaux moments de la journée et personnifient la fuite du temps.

     

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    La Nuit, par Charles Gumery.


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    Le Crépuscule, par Gustave Crauk.

     

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    Le Jour, par Jean Perraud.


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    L'Aurore, par François Jouffroy.

     

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    L'Aurore a, depuis la précédente photo, perdu ses bras...

     

    Construit sur l'axe de l'ancien méridien de Paris qui conduit au célèbre Observatoire, le Jardin des Grands Explorateurs offre une vue superbe sur les vastes pelouses, les élégantes sculptures et le mobilier urbain raffiné.

     

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    La Nuit

     

    Elle symbolise la Grande Mère ou la Mère Primordiale, matrice de mort et de vie, associée aux mondes chthoniens et aquatiques. Elle est amoureusement appuyée contre un homme dont le corps reflète la puissance de la sculpture antique. Un chien les accompagne.

     

    Animal ambivalent, le chien est le fidèle compagnon de l'homme mais il apparaît aussi comme l'incarnation du Diable. Il est associé à la Lune,à la Nuit et au monde des esprits.

     

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    Le Jour


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    L'Aurore

     

    Ce gracieux ensemble fut aménagé sur une partie de l'ancien Château Vauvert qui, d'après la légende, était habité par le Diable. D'où l'expression pittoresque « aller au Diable Vauvert ». Aujourd'hui, des monuments du XIXe siècle, du début du XXe siècle et de l'Entre-Deux-Guerres se dressent le long de l'agréable promenade.

     

     

    L'Institut d'Art et d'Archéologie

     

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    Ce bâtiment de style éclectique, situé au numéro 8 de l'avenue de l'Observatoire, fut édifié de 1925 à 1928 par l'architecte Paul Bigot (1870-1942). Il se compose d'une ossature en béton armé et d'un revêtement de briques rouges de Gournay. Il mélange diverses influences et traduit une volonté historiciste, en réaction contre l'Art Déco et l'architecture Moderne.

     

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    Les briques offrent une variété de nuances colorées en fonction de la lumière ambiante et des jeux d'ouverture des fenêtres.

     

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    On remarque des caractéristiques de l'art italien de la Renaissance (les baies arrondies, le mélange de sobriété et de raffinement) et des éléments propres à l'architecture de l'Afrique Sub-Saharienne (la corniche dentelée et les petits édicules dressés vers le ciel).

     

    Le lieu a d'abord servi d'écrin à la Bibliothèque d'Art et d'Archéologie du mécène et couturier Jacques Doucet (1853-1929).

     

    Il accueille désormais les départements d'Histoire de l'Art et d'Archéologie des Universités Paris IV-Sorbonne et Paris I-Panthéon-Sorbonne.

     

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    La façade est sublimée par une frise de moulages en terre cuite qui révèlent une riche inspiration antique (égyptienne, grecque et romaine), médiévale et Renaissance. Ils ont été réalisés par la Manufacture de Sèvres.

     

    Une belle chimère semble se mouvoir parmi les jeux d'ombre et de clarté.

     


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    L'aigle et la couronne, en hommage à la Rome antique, au numéro 3 de la rue Michelet.

     

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    Guirlandes et bucranes

     

    Un bucrane est un motif gravé ou sculpté représentant le crâne d'un boeuf ou d'un taureau dont les cornes sont attachées à des guirlandes de feuilles. Traditionnellement utilisé dans les frises de l'Antiquité, il constitue un ornement récurrent à la Renaissance.


     

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    La Fontaine de l'Observatoire (1867-1874)

     

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    L'architecte Gabriel Davioud (1823-1881) en fut le concepteur.

     

    Quatre jeunes femmes aux lignes dynamiques, réalisées par Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), évoquent les « Quatre Parties du Monde »: l'Europe, l'Afrique, l'Asie et l'Amérique. Notons qu'il manque l'Océanie.

     

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    Les allégories soutiennent le globe terrestre orné des signes du Zodiaque.

     

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    Le globe, triomphalement dressé vers le ciel, est l'oeuvre de Pierre Legrain (1889-1929).


     

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    Les magnifiques chevaux de bronze, associés à des dauphins et à des tortues, ont été sculptés par Emmanuel Fremiet (1824-1910).


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    Des guirlandes mêlant fleurs et coquillages encerclent le piédestal. Elles ont été réalisées par le sculpteur Louis Vuillemot.

     

     

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    Le programme iconographique de la fontaine couronne avec grâce et puissance la perspective née depuis les grilles du Jardin du Luxembourg.

     

    Un bestiaire aquatique accueille les visiteurs dans un tourbillon baroque, même lorsque les bouches des statues sont muettes. Les corps impétueux des chevaux hybrides sont gorgés de vigueur. Les formes sinueuses des dauphins se fondent avec les reflets de l'eau et comme dans un rêve, les tortues semblent flotter à la surface du bassin.

     

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    Au-delà de la fontaine, l'avenue de l'Observatoire nous attire vers un palais de la connaissance aux lignes épurées. Tourné vers les secrets du ciel et de l'Univers, il clôt la majestueuse perspective mais ceci est une autre histoire...

     

    Plume4

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