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    Alors que j'écris la suite des « Trésors de l'Orangerie », je vous propose une récréation romantique au Parc Monceau, un lieu que j'aime profondément.

     

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    Ce bel endroit est né, au XVIIIe siècle, sur les terres de Louis-Philippe d'Orléans (1747-1793), le Duc de Chartres.

     

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    Philippe d'Orléans en Grand Maître du Grand-Orient de France.

     

    Le Duc fit aménager, par l'architecte Louis-Marie Colignon, un pavillon octogonal et un jardin à la française sur une parcelle du village de « Mousseaux ». Il confia ensuite la création d'un jardin de style « anglo-chinois » à l'architecte paysagiste Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1806).

     

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    Naquit un « pays d'illusions » peuplé de fabriques, monuments qui traduisaient la vogue de l'époque pour l'histoire et l'archéologie. De 1773 à 1778, Carmontelle élabora un jardin-théâtre imprégné d'exotisme et annonciateur des valeurs esthétiques du romantisme. Il le peupla de ruines féodales, de moulins et de tombeaux. Il y édifia une pagode, une pyramide, un obélisque, un temple romain, une naumachie, un minaret, des tentes turques et tartares, des tours et des îles miniatures.

     

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    Vue des tentes turques, gravure de Jean-Baptiste Delafosse d'après Carmontelle, 1779.

     

    Carmontelle possédait bien des talents. Il fut professeur de mathématiques, dessinateur, peintre, graveur, auteur dramatique, lecteur du Duc d'Orléans, paysagiste, topographe pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763)... Il orchestra également des fêtes somptueuses.

     

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    Des petites comédies appelées Proverbes le rendirent célèbre. Elles se composaient d'une trame sur laquelle les personnages de la Cour étaient invités à broder des histoires. Il croquait aussi ses contemporains à travers des portraits au crayon, « lavés d'aquarelle et parfois rehaussés de gouache ou de pastel ». Mais il fut surtout connu pour ses Transparents. Cette technique consistait à tendre un rouleau de toiles peintes entre deux bobines et à l'éclairer par des bougies ou à contre-jour. Des paysages défilaient, fantasmagories élégantes et ludiques où les personnages des Proverbes étaient mis en scène.

     

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    Un rouleau de quarante-deux mètres, constitué de 119 feuilles de papier collé, se déroulait et s'enroulait à l'envi, panorama « enchanté » illustrant des scènes de vie champêtre, sur le thème des quatre saisons.

     

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    Au sujet du Parc Monceau, Carmontelle écrivit avoir voulu « réunir dans un seul jardin tous les temps et tous les lieux. »

     

    La Naumachie

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    Dans la Rome antique, elle désignait un bassin de grande taille dans lequel se déroulait un combat naval. Elle pouvait être grandiose, à l'image de celle que Jules César fit réaliser à Rome, en 46 avant J.-C. Plusieurs milliers d'hommes s'affrontèrent dans un décor luxuriant avec de véritables bateaux. A l'intérieur d'un bassin géant, cette reconstitution se voulait un témoignage vivant de la puissance et de la grandeur de Rome mais ce divertissement très spectaculaire fut aussi particulièrement sanglant.

     

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    Bordé de colonnes corinthiennes, le bassin ovale du Parc Monceau évoque un passé lointain dont la mise en scène se fondait sur une recherche d'exactitude associée à un goût pour l'anecdotique et l'intemporalité. Les vestiges recomposés traduisaient l'engouement de l'époque pour la quête historique et créaient une atmosphère propice à la rêverie.

     

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    La colonnade provient de l'édifice Notre-Dame de la Rotonde à Saint-Denis. Démoli en 1719, ce monument circulaire était destiné à devenir le mausolée des Valois.

     

    La Poésie et l'Esthétique des Ruines

     

    Avec la découverte des cités d'Herculanum, en 1709, et de Pompéi, en 1748, les ruines, témoignages de la grandeur ensevelie des empires, ont exercé au XVIIIe et au XIXe siècle une puissante fascination sur de nombreux artistes. A la fois éléments de décor et supports de méditation, les ruines étaient l'expression d'une antiquité sublimée, d'un âge d'or pittoresque.

     

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    Alexandre le Grand devant le Tombeau d'Achille, 1755-1757, par Hubert Robert (1733-1808).

     

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    Au XIXe siècle, les « folies » architecturales étaient à la mode en France. Outre la « folie » de Carmontelle, celle de Bagatelle et le jardin anglo-chinois appelé « Désert de Retz » connurent une grande célébrité.

     

    En Angleterre, les aristocrates firent construire des ruines, antiques et médiévales, dans les parcs de leurs châteaux et les jardins de leurs riches demeures.

     

    Les archéologues britanniques Nicholas Revett (1720-1804) et James Stuart (1713-1788) ont beaucoup œuvré pour la connaissance des monuments de l'Italie et de la Grèce antiques. Nicholas Revett fut à l'origine du style Greek Revival qui cherchait à recréer l'harmonie et les proportions majestueuses des temples grecs de l'Antiquité.

     

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    La recherche archéologique passionna les intellectuels dans un contexte de multiplication des sociétés littéraires et scientifiques, des clubs et des académies. La Société des Dilettanti, une société savante anglaise créée aux alentours de 1733, assura les frais de voyage de Revett et de Stuart dont les ouvrages, richement documentés, favorisèrent l'étude et la compréhension des monuments du passé.

     

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    La littérature du XIXe siècle s'empara du thème des ruines et leur associa une réflexion sur le temps qui s'écoule, la déliquescence des empires, le mystère et la mort.

     

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    Quand les contours de l'architecture se fondent dans les formes et les couleurs de la Nature, les œuvres humaines retournent à un état « prénatal » mais leur délitement est majestueux. Il émane de la force et de la grandeur de leurs silhouettes rongées. La pierre traverse les âges, se nourrissant des variations de la lumière, des chatoiements de l'eau, des teintes contrastées du ciel...

     

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    La Pyramide

     

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    Réalisée entre 1769 et 1773 par Bernard Poyet (1742-1824), elle s'inspire de celle de Caïus Cestius à Rome.

     

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    A l'époque médiévale, cette pyramide était réputée être le tombeau de Rémus, le frère de Romulus, mythique fondateur de Rome.

     

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    Une statue de la déesse Isis, reine voilée et dame noire de Paris était autrefois lovée dans la salle aménagée à la base de la pyramide du Parc Monceau, encadrée par deux effigies de pharaons.

     

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    Symbole d'éternité, associée aux puissances de mort et de vie, la pyramide se dresse à la croisée des mondes humain et divin. Symbole de création et d'ouverture sur les anciens mystères, elle est un territoire initiatique.

     

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    Une des quatre vasques se dressant à chaque angle de la pyramide dans ce qu'on appelait autrefois le « Bois des Tombeaux ».

     

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    La Porte Saint-Jean, ouverte sur le paysage

     

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    Cette belle arcade Renaissance est un vestige de l'ancien Hôtel de Ville de Paris qui fut incendié, le 24 mai 1871, pendant la Commune de Paris.

     

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    Entre 1781 et 1793, le paysagiste écossais Thomas Blaikie (1750-1838), créateur du Parc de Bagatelle, dessina de nouvelles allées et effectua des aménagements au Parc Monceau. Il fit évoluer la « folie » de Carmontelle en jardin à l'anglaise articulé autour d'un réseau d'allées ombragées et comprenant un jardin d'hiver et une serre chaude. Il élabora une galerie, une grotte mystérieuse peuplée de sombres rochers, des fontaines et fit planter de nombreux arbres. Il fit venir d'Angleterre des plantes qu'il installa dans les serres majestueuses, préalablement agrandies.

     

    La Rotonde de Chartres

     

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    En 1785, l'architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) édifia la fameuse rotonde de l'entrée qui borde l'actuel boulevard de Courcelles.

     

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    Sur une idée du chimiste et fermier général Lavoisier, le contrôleur général des finances, Charles Alexandre de Calonne, donna l'autorisation de dresser une enceinte autour de Paris, le Mur des Fermiers Généraux. Constitué de barrières d'octroi, ce mur devait combattre les activités de contrebande qui se multipliaient.

     

    Architecte « utopiste », Claude-Nicolas Ledoux érigea, entre 1785 et 1787, cinquante barrières d'octroi appelées « Propylées de Paris », de style néo-classique. Une formule populaire circulait alors au sujet de ces barrières: « Le mur murant Paris rend Paris murmurant »...

     

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    En 1860, la Ville de Paris hérita du terrain et des vestiges de la « folie du Duc de Chartres ». Misant sur la spéculation immobilière, les frères Pereire acquirent plusieurs hectares du parc et se lancèrent, tout autour, dans une politique de lotissement. Les « hôtels Pereire » et les immeubles cossus fleurirent dans les rues attenantes.

     

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    Simultanément, Gabriel Davioud, (1823-1881) architecte et inspecteur général des travaux d'architecture de la ville de Paris et Adolphe Alphand, (1817-1891) ingénieur des Ponts et Chaussées, donnèrent au jardin son visage actuel.

     

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    Napoléon III inaugura ce nouvel espace romantique en 1861.

     

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    Le charmant petit pont vénitien, très apprécié des amoureux...

     

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    La transformation du Parc Monceau en jardin public s'inscrivait dans le projet hygiéniste d'embellissement de Paris initié par le Baron Haussmann (1809-1891). Chef d'orchestre des transformations de la capitale sous le Second Empire, il fit ouvrir de grandes avenues, édifier des immeubles spacieux où entrait la lumière et créer une profusion de squares et de parcs.

     

    Alors que Paris était engorgé par un lacis de rues étroites, obscures et insalubres, Napoléon III, très marqué par son voyage à Londres, dans les années 1846-1848, voulut offrir à la France une capitale moderne, aérée et recomposée.

     

    Le Baron Haussmann s'employa, sur le modèle des quartiers ouest de Londres, reconstruits après le grand incendie de 1666, à favoriser la circulation de l'air et des habitants. Pour autant, l'un de ses buts, moins avoué, consistait à pouvoir étouffer de potentiels soulèvements populaires.

     

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    Les somptueuses grilles, émanation du style éclectique en vogue sous Napoléon III, sont l'œuvre de Gabriel Davioud.

     

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    Les Statues du Parc Monceau

     

    A différents endroits du parc, se lovent des statues et des groupes sculptés d'écrivains, de poètes et de musiciens qui contribuent à créer une ambiance de rêverie romantique. Elle font référence à l'attrait exercé par ce lieu sur les artistes à la fin du XIXe siècle.

     

    Le monument à Guy de Maupassant

     

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    Ce beau marbre, réalisé par le sculpteur Raoul Verlet en 1897, inaugura la série de monuments consacrés aux artistes. La Société des Gens de Lettres avait ouvert une souscription en 1893, année de la mort de Maupassant. Les fonds recueillis permirent l'érection de ce groupe sculpté qui devait figurer au cimetière du Père Lachaise et fut placé au Parc Monceau.

     

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    Sous le buste de l'écrivain, apparaît l'élégante héroïne du roman Fort comme la Mort (1889).

     

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    Elle se présente aussi comme l'allégorie d'une jeune femme songeuse après sa lecture.

     

    Fort comme la mort est le cinquième roman de Maupassant, édité en mai 1889. Son titre est issu du Cantique des Cantiques: « L'amour est fort comme la mort et la jalousie est dure comme le sépulcre. »

     

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    Le monument à Edouard Pailleron

     

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    Ce bel ensemble sculpté, caractéristique de la Belle-Époque (1907), est l'œuvre du sculpteur russe Leopold Bernard Bernstamm (1859-1939). Il se dresse à l'est du jardin, près de l'avenue Vélasquez.

     

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    Définir Edouard Pailleron (1834-1899) en quelques mots est difficile tant cet esprit brillant a accompli de choses. Il fut auteur dramatique, poète, avocat, journaliste, dragon pendant deux ans, directeur de la Comédie-Française, gendre du fondateur de la Revue des Deux-Mondes dont il devint le codirecteur, membre de l'Académie Française à partir de 1882...

     

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    Il déploya dans ses pièces une puissante énergie créatrice et certaines d'entre elles, comme Le monde où l'on s'ennuie, furent jouées plus de mille fois. Ses comédies de moeurs croquèrent avec une verve bien particulière la bourgeoisie de son époque. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise.

     

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    La jeune femme qui décore le monument d'une guirlande de roses est l'actrice Jeanne Samary. Égérie de son époque, elle est représentée dans le rôle qu'elle tenait dans l'Étincelle, pièce parue en 1879.

     

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    Apprécions le doux modelé de la silhouette, la gracieuse position des bras et le plissé de la robe qui aimante la lumière...

     

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    La Tragédie et la Comédie

     

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    Rose de pierre

     

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    Le jeune faune de Félix Charpentier (1858-1924).

     

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    En 1884, cette œuvre gracile fut inspirée par la sculpture antique. Félix Charpentier excellait dans l'art du portrait et la représentation du Nu. Ses sculptures sont imprégnées de grâce, de naturel et de mouvement.

     

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    Légendaire protecteur des bois et maître des forces de fécondité, le faune est aussi celui qui murmure aux oreilles des poètes depuis les sombres épaisseurs sylvestres...

     

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    Le monument à Alfred de Musset(1810-1857)

     

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    En 1889, le banquier Daniel Osiris (1825-1907) commanda le groupe sculpté à Alexandre Falguière (1831-1900) et à Antonin Mercié (1845-1916) mais après la mort de Falguière, Mercié exécuta l'ensemble du monument. Celui-ci fut inauguré le 23 février 1906 devant la Comédie-Française, enlevé en 1964 et installé en 1981 au Parc Monceau.

     

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    L'artiste s'est inspiré du poème La Nuit de Mai, paru en 1835. Un dialogue subtil s'établit entre la Poésie et le Poète, confronté aux vicissitudes de la création et lové dans ses souffrances.

     

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    Le monument à Charles Gounod (1818-1893)

     

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    Ce groupe sculpté, réalisé par Antonin Mercié en 1902, se dresse au sud du jardin, près de l'avenue Ruysdaël.

     

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    Le buste du compositeur est entouré de trois figures féminines appuyées sur une nuée. Elles évoquent ses opéras les plus célèbres: Marguerite dans Faust, Juliette dans Roméo et Juliette et Sapho.

     

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    Gounod vivait à proximité du parc, au numéro 20 de la Place du Général Catroux.

     

    Le monument à Chopin (1810-1849)

     

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    Ce groupe de facture romantique fut réalisé en 1906 par Jacques-Froment Meurice (1864-1948).

     

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    Le sculpteur immortalise l'instant où Chopin compose au piano la Marche Funèbre.

     

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    La Douleur, enveloppée dans un drapé sensuel, sanglote à ses pieds.

     

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    Au sommet de l'oeuvre, un ange majestueux déploie ses ailes et répand une pluie de fleurs, allégorie mêlée de la Nuit et de l'Harmonie, muses du créateur... Le travail des figures est d'une grande finesse. Jacques Froment-Meurice était sculpteur et graveur sur médaille, issu d'une famille d'orfèvres renommés.

     

    Le monument à Ambroise Thomas(1811-1896)

     

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    Alexandre Falguière (1831-1900), sculpteur renommé du Second Empire, réalisa cette oeuvre imprégnée de mélancolie.

     

    Directeur du Conservatoire de Musique de Paris, Ambroise Thomas composa des opéras qui lui firent connaître la célébrité. Mignon, d'après Goethe, en 1866 et Hamlet, d'après Shakespeare, en 1868.

     

    Écrin, sous la IIIe République, pour ces groupes sculptés élaborés autour d'une thématique commune, le Parc Monceau abrite aussi des arbres remarquables et notamment un vieux platane que je vous invite à admirer.

     

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    Ce Platane d'orient (Platanus orientalis) fut planté au début du XIXe siècle. Sa silhouette d'arbre de conte de fées et son « visage » débonnaire se dévoilent le long d'une allée.

     

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    De nos jours, le platane se dresse au bord des routes, étirant ses branches tortueuses et formant contre le ciel un maillage d'ombre et de lumière. La plupart du temps, nous passons à côté de lui sans lui accorder d'attention particulière mais dans l'Antiquité, il était vénéré et appelé « fils de Gaïa », la déesse de la terre.

     

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    Les dendrophores ou « porteurs d'arbres » menaient, dans les villes et les provinces de la Rome ancienne, la procession du pin sacré en l'honneur d'Attis, le seigneur de la végétation. Au cours de ce qu'ils appelaient « l'arbor intrat », l'arbre divinisé pouvait être le tronc ou les branches d'un platane sacré, transporté au moment de l'équinoxe de printemps.

     

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    Un platane majestueux se dressait sur l'île de Kos, dans le temple d'Asclepios, le dieu grec de la médecine. Le célèbre médecin Hippocrate dispensait son enseignement sous son ombrage. Le caducée est une baguette de platane ailée autour de laquelle s'enroulent deux serpents. D'ailleurs plus le platane vieillit, plus son écorce se fissure, formant des écailles qui lui donnent l'aspect d'une peau de serpent.

     

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    Dans l'ancienne Carthage, le platane était consacré à Tanit, la déesse de la fécondité. Dans la mythologie grecque, ayant abrité les amours de Zeus et de la nymphe Europe, il fut décidé qu'il ne perdrait plus ses feuilles.

     

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    Curiosités du parc

     

    Le long d'une allée, une plaque enfoncée dans la végétation a attiré mon regard.

     

    Image72 Elle rend hommage à André-Jacques Garnerin (1769-1823), qui s'élança d'un ballon, le 22 octobre 1797, pour accomplir au-dessus du parc, devant une foule médusée, le premier saut en parachute de l'histoire.

    Sa fiancée, Jeanne Labrosse, fut la première femme à effectuer un saut en parachute, le 12 octobre 1799.

     

    Le Parc Monceau est un lieu à part où se rencontrent différentes époques, où se conjuguent visions oniriques et mise en scène de la réalité. Il suffit de franchir les grilles majestueuses et de s'ébattre jusqu'aux limites de son imagination... Si chaque jardin est l'émanation de la vie, celui-ci est peut-être plus encore le carrefour des désirs, le territoire des gourmandises, la parenthèse indispensable pour se ressourcer.

     

    Je terminerai cette promenade à travers la Nature et l'Histoire en citant les vers de l'abbé Jacques Dellile.

     

    « J'en atteste, Ô Monceau, tes jardins toujours verts,

    Là, des arbres absents, les tiges imitées,

    Les magiques berceaux, les grottes enchantées,

    Tout vous charme à la fois. Là bravant les saisons,

    La rose apprend à naître au milieu des glaçons;

    Et les temps, les climats, vaincus par des prodiges,

    Semblent, de la féerie, épuiser les prestiges. »

     

    Les jardins ou l'art d'embellir les paysages. (1782)

     

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    Bibliographie

     

    Adolphe ALPHAND: Les promenades de Paris. 1867-1873.

     

    Edouard ANDRÉ: L'art des jardins.1879.

     

    Abbé Jacques DELLILE: Les jardins ou l'art d'embellir les paysages.Paris, 1782.

     

    Jules LACROIX DE MARLÈS: Paris ancien et moderne ou Histoire de France divisée en douze périodes appliquées aux douze arrondissements de Paris, et justifiée par les monuments de cette ville célèbre.Paris: Parent-Desbarres. 1837-1839. 3 volumes.

     

    Marquis Félix DE ROCHEGUDE: Promenades dans toutes les rues de Paris par arrondissements. Paris: Hachette, 1910.

     

    Catalogue d'exposition: De Bagatelle à Monceau, 1778-1978, les folies du XVIIIe siècle à Paris. Paris. Domaine de Bagatelle, Musée Carnavalet, 1978-1979.

     

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    132 commentaires
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    Cet angelot regarde en direction de l'avenue de l'Observatoire.

     

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    La majestueuse promenade fut créée en 1866 et aménagée par Gabriel Davioud en 1867. Elle relie le Jardin du Luxembourg à l'Observatoire de Paris, en passant par le Jardin des Grands Explorateurs, la Fontaine de l'Observatoire, la Place Camille Jullian et la Maison des Fontainiers.

     

     

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    Depuis la Place André Honnorat, on aperçoit la rue Auguste Comte.

     

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    Au numéro 7, cet immeuble, érigé par l'architecte Henri Delormel en 1923, ressemble à un gigantesque navire.

     

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    Réalisé en belle pierre de taille, il se pare d'un étonnant bestiaire.

     

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    Des éléphants et des lions encadrent les fenêtres. Des guirlandes de fleurs et des têtes d'angelots, des putti aux chevelures délicatement bouclées, des rinceaux et de fines palmettes ornent la façade.

     

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    L'École Nationale d'Administration Publique, de style néo-mauresque, se dresse face à cet imposant bâtiment.

     

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    Ancienne École Coloniale, elle se situe à l'angle de l'avenue de l'Observatoire et de la rue Auguste Comte.

     

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    Elle fut édifiée, entre 1895 et 1911, par l'architecte Maurice-Adolphe Yvon (1857-1911).

     

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    De grandes fenêtres aux arcs outrepassés sont insérées dans des mosaïques décorées de rinceaux.

     

    Un arc outrepassé désigne une variante de l'arc courant, dit en plein-cintre. Ses pointes s'accentuent et se rapprochent l'une de l'autre pour lui donner l'aspect d'un fer à cheval. Il est caractéristique de l'art hispano-mauresque et se retrouve aussi dans l'architecture préromane.

     

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    En 1902, la Manufacture de Sèvres réalisa, d'après des dessins de Charles Lameire, de fines mosaïques en grès cérame ressemblant à de la faïence.

     

    Le grès cérame est constitué d'argile, de quartz et de feldspath. Il peut imiter la texture et la couleur de la pierre, du marbre, du bois, du métal et du cuir.

     

    Charles Lameire (1832-1910) conçut plusieurs décors pour des bâtiments religieux et civils comme l'Église de la Madeleine, l'Hôtel de Ville et le Palais du Trocadéro à Paris.

     

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    La Faculté de Pharmacie se situe à côté de l'École Coloniale.

     

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    Ce monument tout en longueur, décoré par de nombreux médaillons, fut construit en 1876 par l'architecte Charles Laisné (1819-1891) sur l'ancienne pépinière de l'enclos des Chartreux.

     

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    Il se compose d'un bâtiment principal, d'une aile consacrée aux travaux pratiques et d'un jardin botanique.

     

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    L'Institut National d'Histoire de l'Art

     

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    Construit par l'architecte Paul Bigot (1870-1942), il se présente comme une sorte de synthèse des grands styles et des arts de l'Antiquité, du Moyen-âge et de la Renaissance. Il mêle des références à de prestigieux monuments comme le Palais des Doges à Venise, le Palais Pitti à Florence, l'Alhambra de Grenade ainsi que des influences mauresques.

     

    Ses façades de briques rouges recréent « l'habillage » sobre et puissant de certaines demeures de la Renaissance Siennoise et Florentine et de l'Espagne Mudéjar (sous domination arabe).

     

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    On aperçoit de petites fenêtres géminées qui s'inspirent de l'architecture des églises romanes.

     

    Une frise luxuriante décore chaque pan de l'édifice. Elle est constituée de bas-reliefs qui font renaître des chefs-d'oeuvre de l'Histoire de l'Art, de l'Égypte ancienne à la Renaissance italienne.

     

     

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    La silhouette du dieu Anubisse dessine parmi les effets colorés et plastiques de la façade.

     

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    Une jeune femme joue de la double flûte ou aulos, un instrument de musique caractéristique de la Grèce antique. D'après la légende, cette flûte fut créée par la déesse Athéna.

     

     

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    Les pittoresques bucranes

     

    Ce sont des crânes de taureaux ou de boeufs. Leurs cornes sont attachées à des guirlandes végétales ou décorées de rubans et de couronnes de fleurs et de feuilles. Ils constituent des motifs récurrents dans les frises antiques et les décors de la Renaissance.

     

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    La Maison du Génie de la Sculpture Décorative

     

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    Au numéro 4 de la rue des Chartreux, cette belle maison est appuyée contre la façade de l'Institut d'art et d'archéologie. Le Génie ou l'Ange tient dans la main gauche une branche feuillue et dans la main droite une colonne ionique et une tête de statue.

     

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    Un lion gardien de porte

     

     

    Le Jardin des Grands Explorateurs

     

    Il était réuni, à l'origine, avec le Jardin du Luxembourg, dans une zone peuplée de pépinières et de vergers.

     

    Comme je l'ai précédemment écrit, (voir l'article en question), quatre groupes sculptés en marbre blanc rythment la perspective qui se déroule vers l'Observatoire.

     

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    Le jardin s'étire vers le sud où se dresse, comme en apothéose, la Fontaine des Quatre Parties du Monde.

     

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    Conçue par Gabriel Davioud (1823-1881), elle se compose d'un bassin spacieux dans lequel se reflètent des chevaux marins, des dauphins et des tortues, oeuvres d'Emmanuel Fremiet (1824-1910).

     

    Au sommet, quatre figures féminines réalisées par Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) soutiennent un globe terrestre entouré par les signes du Zodiaque. Elles incarnent l'Europe, l'Afrique, l'Asie et l'Amérique.

     

     

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    Le Zodiaque de Pierre Legrain (1889-1929).

     

     

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    La Place Camille Jullian

     

    Espace de respiration et carrefour de nombreuses voies, elle accueille le monument qui contient les cendres de Francis Garnier.

     

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    Ce groupe sculpté par Denys Puech (1854-1942) rend hommage au célèbre explorateur et officier de marine assassiné au Vietnam par les Pavillons Noirs.

     

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    La statue du Maréchal Michel Ney(1769-1815)

     

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    Figure historique du Premier Empire, il fut accusé de trahison pour s'être rallié à Napoléon, pendant l'épisode des Cent-Jours, alors qu'il devait exécuter les ordres du roi Louis XVIII. La statue qui lui rend hommage se dresse là où il fut fusillé, le 7 décembre 1815.

     

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    Le monument consacré à Stéphane Tarnier(1828-1897)

     

    Il se situe au coin de l'avenue de l'Observatoire et de la rue d'Assas.

     

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    Ce professeur émérite était « le pionnier de l'obstétrique moderne. » Préoccupé par l'hygiène et le bien-être des mères et des nourrissons, il mit au point des moyens de lutter contre les infections puerpérales. Il inventa plusieurs instruments dont le forceps qui porte son nom. Il créa un modèle de couveuse et écrivit un Traité de l'art des accouchements.

     

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    Le monument dédié à Théophile Roussel

     

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    Il fut érigé en 1906 à l'angle de l'avenue de l'Observatoire et de l'avenue Denfert-Rochereau.

     

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    Les figures empreintes d'émotion, réalisées par le sculpteur Jean-Baptiste Champeil (1866-1913), rendent hommage à ce médecin, parlementaire et philanthrope, auteur de lois destinées à protéger les enfants abandonnés et victimes de maltraitance.

     

    Son buste était représenté sur les diplômes des nourrices.

     

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    « Le mot d'ordre de toute vie c'est bienfaisance et bonté. Protéger l'enfance c'est aimer deux fois les hommes. » Ces mots, signés Théodore Tissier, décorent une des faces du monument.

     

    Au fil de notre marche vers l'Observatoire, se révèle une succession de façades raffinées.

     

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    De puissants immeubles semblent naviguer...

     

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    Le mariage élégant de la brique et de la pierre de taille.

     

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    Frontons jumeaux, agrafes ciselées, mascaron gracieux, l'ensemble crée une véritable symphonie ornementale.

     

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    Le travail du bois et de la pierre, la qualité de la ferronnerie sont remarquables.

     

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    La Maison des Fontainiers (au numéro 42)

     

    Entre 1619 et 1623, Marie de Médicis (1575-1642) fit construire un aqueduc pour approvisionner en eau le Palais et le Jardin du Luxembourg ainsi que les habitants de la rive gauche de Paris.

     

    Au débouché du fameux aqueduc, un élégant bâtiment en pierre de taille fut érigé par les architectes Salomon de Brosse (1565 ou 1571-1626) et Louis Métezeau (1560-1615). L'ingénieur hydraulicien Thomas Francine (1571-1651) et ses héritiers y habitèrent et s'occupèrent, au XVIIe et au XVIIIe siècle, de la gestion des eaux de Paris, de Versailles et de Saint-Cloud.

     

     

    L'Observatoire de Paris (au numéro 61)

     

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    Cette sobre construction fut réalisée, entre 1667 et 1671, d'après les plans de Claude Perrault (1613-1688) et de François d'Orbay (1634-1697), sous la direction de Colbert (1619-1683). Le 21 juin 1667, jour du solstice d'été, les mathématiciens de l'Académie marquèrent le tracé de l'Observatoire et du Méridien de Paris.

     

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    Les quatre faces du bâtiment sont orientées vers les points cardinaux. Une tour carrée s'élève au nord. Au sud, deux tours octogonales ornées de coupoles livrent la position du soleil au moment des solstices et des équinoxes.

     

    Les plus prestigieux astronomes s'y succédèrent:

     

    Les Cassini: une brillante dynastie de scientifiques qui « régnèrent » sur l'Observatoire de 1671 jusqu'à la Révolution. Ils effectuèrent le tracé de la première carte topographique de la France ou Carte Cassini.

     

    François Arago (1786-1853): célèbre pour ses expériences sur l'optique, il fit placer en 1845 une coupole sur la tour orientale afin d'y installer une grande lunette astronomique.

     

    Léon Foucault (1819-1868): inventeur du gyroscope, il est particulièrement connu pour son fameux pendule.

     

    Urbain Le Verrier (1811-1877): il découvrit en 1846 la planète Neptune. Sa statue, réalisée par Henri Chapu, se dresse devant la façade nord de l'édifice.

     

     

    Au terme de cette riche promenade, je n'ai qu'une envie: explorer davantage ces rues chargées d'histoire qui nous offrent tant de beauté à contempler...

     

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    Bibliographie

     

    Emmanuel AMOUGOU: Architecture et ethnographie au XIXe siècle. Lecture des conférences de la Société centrale des architectes français. L'Harmattan: 2008.

     

    Pierre Thomas Nicole HURTAUT: Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs. Moutard, 1779.

     

    Antoine QUATREMÈRE DE QUINCY: Dictionnaire historique d'architecture.2 vol. Paris, 1832.

     

    Henri SAUVAL: Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris.3 tomes. Paris: Charles Moette et Jacques Chardon, 1724. Réédité sous le titre: Paris ancien et moderne.

     

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    Ce marbre gracieux, appelé « La Bocca della Verita », se dresse dans le Jardin du Luxembourg. Il fut réalisé par le sculpteur Jules Blanchard (1832-1916) vers 1872.

     

    Une jeune femme nue glisse sa main dans la bouche d'un étrange masque, le masque de la Vérité. Selon une légende en vogue dans la Rome antique, on n'en retire sa main intacte que si on ne dissimule aucun mensonge.

     

    Le masque repose sur une colonne décorée d'un miroir et d'une branche de laurier. Emblème solaire dans ce cas, le miroir évoque l'impossibilité de cacher ou de travestir la Vérité de quelque manière que ce soit. Les anciens livres d'iconologie nous apprennent que le laurier « est toujours vert, et que la foudre ne le peut endommager, nous en donnons pour cet effet une Couronne à la Vertu, pour ce qu'il n'est point d'ennemi qui la puisse vaincre, et qu'elle ne craint ni les embrassements, ni les disgrâces, non plus que les autres violences de la Fortune. »

    Iconologie ou explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes et autres figures hiéroglyphiques des Vertus, des Vices, des Arts, des Sciences, des Causes naturelles, des Humeurs différentes et des Passions humaines. Tirées des recherches et des figures de César Ripa, moralisées par Jean Baudoin. A Paris, chez Mathieu Guillemot, 1644. P. 196.

     

    Ici, la Vérité et la Vertu se confondent sous une apparence séduisante et une attitude empreinte de sérénité.

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    La Bocca della Verita

    Il existe à Rome un vieux masque en marbre doté, d'après la croyance populaire, de mystérieux pouvoirs. Datant du 1er siècle après J.-C., il révèle un visage d'homme barbu. Ses yeux, son nez et sa bouche sont creux.

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    Il fut inséré en 1632 dans le mur du porche de l'église Santa Maria in Cosmedin. Cette belle église en briques rouges se situe non loin du Tibre dans la partie Sud de Rome. Elle se dresse sur les vestiges d'un ancien marché: le Forum Boarium.

     

    La fonction initiale du masque n'est pas vraiment établie. Les chercheurs hésitent entre un élément de fontaine, une bouche d'impluvium ou un couvercle d'égout en raison de sa proximité avec le célèbre Cloaca Maxima. Il représentait probablement une divinité aquatique ou fluviale.

     

    Le masque était réputé capable de « détecter » les mensonges et la fourberie. Si un menteur introduisait sa main dans la bouche fatidique, celle-ci lui croquait les doigts!

     

    Lucas Cranach (1472-1553) a transposé ce thème dans la peinture à travers un conte médiéval, en vogue dans les pays du Nord de l'Europe. Un « automate merveilleux » en forme de lion devait punir les épouses infidèles mais une jeune femme rusée fit revêtir à son amant des habits de fou et lui demanda de la toucher devant une foule inquisitrice. Insérant les doigts dans la bouche de la vérité, elle jura en toute tranquillité que personne n'avait posé la main sur elle en dehors de son mari et...du fou!

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    La Bouche de la Vérité, vers 1525-1530.

    (L'image provient du site du Musée du Luxembourg.)

     

    Ces différentes « bouches » expriment le rapport mystérieux que l'homme entretient avec sa conscience par le biais de l'invisible. Dans le monde antique, des masques et des statues étaient dotés du pouvoir de révéler les secrets. Il existait aussi à Rome, à Venise et à Gênes des « bouches de vérité » ou « bouches de lion » désignées comme « bouches de dénonciation ». Répandues entre le XIVe et le XVIIIe siècles, elles étaient encastrées dans les murs de certains bâtiments, comme au Palais des Doges de Venise.

     

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    Ces « bouches parlantes » ou « bouches secrètes » figuraient aussi sur des fontaines et des bas-reliefs. Représentées en miniature, elles étaient utilisées comme amulettes.

     

    Alors que le vieux masque de Santa Maria in Cosmedin attire chaque jour les visiteurs curieux, le marbre sensuel du Jardin du Luxembourg aimante la douce lumière de l'automne et m'inspire un poème...

     

    La Vérité

    Je suis nue parmi les parures
    Je ne faiblis devant personne
    Je brise toutes les armures
    Je n'ai ni doute ni couronne

    -- --

    Tombe le masque je te vois
    Dans le lac noir où tu te noies
    Les mots fardés sont sans pouvoir
    Quand je découvre mon miroir...

     

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  • Comme je l'ai écrit dans un précédent article, le Parc Monceau est né, au 18e siècle, sur les terres de Louis-Philippe d'Orléans (1747-1793), le Duc de Chartres. Après avoir fait aménager un premier jardin à la française, il confia la réalisation d'un jardin de style « anglo-chinois » à l'architecte paysagiste Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1806).

     

    Carmontelle mit en scène un « pays d'illusions » peuplé de fabriques, des monuments qui traduisaient la vogue de l'époque pour l'histoire et l'archéologie. De 1773 à 1778, il fut le concepteur d'un jardin-théâtre imprégné d'exotisme et annonciateur des valeurs esthétiques du romantisme. Il le peupla de ruines féodales, de moulins et de tombeaux. Il y édifia une pagode, une pyramide, un obélisque, un temple romain, une naumachie, un minaret, des tentes tartares, des tours et des îles miniatures.

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    Image2 Reflets aquatiques

     

     

    Image3 Mur feuillu

     

    A propos de Carmontelle

    Dessinateur, peintre, graveur, auteur dramatique, paysagiste, topographe pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763)... Carmontelle possédait bien des talents. Il orchestra également des fêtes somptueuses.

     

    Des petites comédies appelées Proverbes le rendirent célèbre. Elles se composaient d'une trame sur laquelle les personnages de la Cour étaient invités à broder des histoires. Il croquait aussi ses contemporains à travers des portraits au crayon, « lavés d'aquarelle et parfois rehaussés de gouache ou de pastel ». Mais il fut surtout connu pour ses Transparents. Cette technique consistait à tendre un rouleau de toiles peintes entre deux bobines et à l'éclairer par un système ingénieux. Des paysages défilaient, fantasmagories élégantes et ludiques où les personnages des Proverbes étaient mis en scène.

     

    Au sujet du Parc Monceau, Carmontelle écrivit avoir voulu « réunir dans un seul jardin tous les temps et tous les lieux. »

     

     

    La Naumachie

    Dans la Rome antique, elle désignait un bassin de grande taille dans lequel se déroulait un combat naval. Elle pouvait être grandiose, à l'image de celle que Jules César fit réaliser à Rome, en 46 avant J.-C. Plusieurs milliers d'hommes s'affrontèrent dans un décor luxuriant avec de véritables bateaux. A l'intérieur d'un bassin géant, cette reconstitution se voulait un témoignage vivant de la puissance et de la grandeur de Rome mais ce divertissement très spectaculaire fut aussi particulièrement sanglant.

     

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    Bordé de colonnes corinthiennes, le bassin ovale du Parc Monceau évoque un passé lointain dont la mise en scène se fondait sur une recherche d'exactitude associée à un goût pour l'anecdotique et l'intemporalité. Les vestiges recomposés traduisaient l'engouement de l'époque pour la quête historique tout en créant une atmosphère propice à la rêverie.

     

    La colonnade provient de l'édifice Notre-Dame de la Rotonde à Saint-Denis. Démoli en 1719, ce monument circulaire devait être le mausolée des Valois.

     

     

    Image6 La porte sur l'eau...

     

    La Poésie et l'Esthétique des Ruines

    Avec la découverte des cités d'Herculanum, en 1709, et de Pompéi, en 1748, les ruines, témoignages de la grandeur ensevelie des empires, ont exercé au 18e et au 19e siècle une fascination puissante sur de nombreux artistes. A la fois éléments de décor et supports de méditation, les ruines étaient l'expression d'une antiquité sublimée, d'un âge d'or pittoresque.

     

    Au 18e siècle, les « folies » architecturales étaient à la mode en France. Outre la « folie » de Carmontelle, celle de Bagatelle et le jardin anglo-chinois appelé « Désert de Retz » connurent une grande célébrité.

     

    En Angleterre, les aristocrates firent construire des ruines, antiques et médiévales, dans les parcs de leurs châteaux et les jardins de leurs riches demeures.

     

    Les archéologues britanniques Nicholas Revett (1720-1804) et James Stuart (1713-1788) ont beaucoup œuvré pour la connaissance des monuments de l'Italie et de la Grèce antiques. Nicholas Revett fut à l'origine du style Greek Revival qui cherchait à recréer l'harmonie et les proportions majestueuses des temples grecs de l'Antiquité.

     

    La recherche archéologique passionna les intellectuels dans un contexte de multiplication des sociétés littéraires et scientifiques, des clubs et des académies. La Société des Dilettanti, une société savante anglaise créée aux alentours de 1733, assura les frais de voyage de Revett et de Stuart dont les ouvrages, richement documentés, favorisèrent l'étude et la compréhension des monuments du passé.

     

    La littérature du 19e siècle s'empara du thème des ruines et leur associa une réflexion sur le temps qui s'écoule, la déliquescence des empires, le mystère et la mort.

     

    Quand les contours de l'architecture se fondent dans les formes et les variations colorées de la Nature, les œuvres humaines retournent en quelque sorte à un état « prénatal » mais leur délitement est majestueux. Il émane de la force et de la grandeur de leurs silhouettes rongées. La pierre traverse les âges, se nourrissant des variations de la lumière, des chatoiements de l'eau, des teintes contrastées du ciel...

     

    Entre 1781 et 1793, c'est le paysagiste écossais Thomas Blaikie (1750-1838) qui dessine de nouvelles allées et effectue des aménagements, parallèlement à ceux de Bagatelle. Il crée une galerie, une grotte mystérieuse peuplée de sombres rochers, des fontaines et fait planter de nombreux arbres. Il fait venir d'Angleterre des plantes qu'il installe dans les serres majestueuses, préalablement agrandies.

     

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    La Pyramide

    Symbole d'éternité, associée aux puissances de mort et de vie, la pyramide se situe au carrefour des mondes humain et divin. Symbole de création et d'ouverture sur les anciens mystères, elle est un territoire initiatique.

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    Le Tombeau

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    Eros et Thanatos

     

     

    Les colonnes jumelles

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    La Porte Saint-Jean, ouverte sur le paysage

     

    Cette belle arcade Renaissance est un vestige de l'ancien Hôtel de Ville de Paris qui fut incendié, le 24 mai 1871, pendant la Commune.

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    Les statues du Parc Monceau

     

    A différents endroits du parc, se lovent des statues et des groupes sculptés d'écrivains, de poètes et de musiciens qui contribuent à créer une ambiance de rêverie romantique. Elle font référence à l'attrait exercé par ce lieu sur les artistes à la fin du 19e siècle.

     

    Le monument à Guy de Maupassant

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    Ce beau marbre, réalisé par le sculpteur Raoul Verlet en 1897, montre, au pied du buste de Maupassant, une jeune femme songeuse après la lecture d'un roman.

     

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    Le monument à Edouard Pailleron

     

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    Définir Edouard Pailleron (1834-1899) en quelques mots est difficile tant cet esprit brillant a accompli de choses. Auteur dramatique, poète, avocat, journaliste, dragon pendant deux ans, directeur de la Comédie-Française, gendre du fondateur de « La revue des Deux-Mondes » dont il devint le codirecteur, membre de l'Académie Française à partir de 1882... il déploya une puissante énergie créatrice à travers ses pièces dont certaines, comme Le monde où l'on s'ennuiefurent jouées plus de mille fois. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise.

     

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    Image19 Edouard Pailleron, rêveur...

     

     

    Sa statue en buste au Parc Monceau et le monument qui l'accompagne datent de 1906 et sont l'œuvre du sculpteur Leopold Bernard Bernstamm.

     

     

    Image20 Masques

     

     

     

    Image21 Rose de pierre

     

    Le jeune faune de Félix Charpentier (1858-1924).

     

    En 1886, cette œuvre gracile fut inspirée par la sculpture antique.

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    Les grilles majestueuses

     

    Elles sont l'œuvre de Gabriel Davioud (1823-1881), un représentant du style éclectique, « en vogue sous Napoléon III ».

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    Les beaux arbres du parc

     

    Image30 Silhouettes sylvestres

     

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    Image32 Vieux platane endormi

    (Vous pouvez consulter dans ce blog mon article à propos de cet arbre remarquable.)

     

     

    Image33 Platane féerique

     

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    Non, ce n'est pas un rocher! Mais la partie inférieure d'un platane conséquent qui plonge avec délices ses racines dans l'eau.

     

     

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    Petite île romantique

     

     

    Image39 « L'arbre est une flamme qui fleurit. » (Novalis)

     

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    Curiosités du parc

     

    Le long d'une allée, une plaque enfoncée dans la végétation a attiré mon attention.

     

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    Elle rend hommage à André-Jacques Garnerin (1769-1823), l'inventeur du parachute. Le 22 octobre 1797, il s'élança d'un ballon et accomplit, au-dessus du parc, devant une foule médusée, le premier saut en parachute de l'histoire. Sa fiancée, Jeanne Labrosse, fut la première femme à effectuer un saut en parachute, le 12 octobre 1799.

     

    Au bout de l'allée Garnerin, on croise l'allée de la Comtesse de Ségur avant d'apercevoir un majestueux bâtiment, situé au numéro 7 de l'avenue Vélasquez. Il s'agit du Musée Cernuschi, consacré aux Arts d'Asie et d'Extrême-Orient.

     

    Cet hôtel particulier appartenait à Henri Cernuschi (1821-1896) qui légua ses collections d'art oriental à la Ville de Paris en 1896. Le musée fut inauguré en 1898 et rénové entre 2001 et 2005.

     

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    Sur la façade du musée, on aperçoit deux médaillons en mosaïque représentant Léonard de Vinci et Aristote.

     

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    Je terminerai cette promenade à travers la Nature et l'Histoire en citant les vers de l'abbé Jacques Dellile.

     

    « J'en atteste, Ô Monceau, tes jardins toujours verts,

    Là, des arbres absents, les tiges imitées,

    Les magiques berceaux, les grottes enchantées,

    Tout vous charme à la fois. Là bravant les saisons,

    La rose apprend à naître au milieu des glaçons;

    Et les temps, les climats, vaincus par des prodiges,

    Semblent, de la féerie, épuiser les prestiges. »

     

    Les jardins ou l'art d'embellir les paysages. (1782)

     

    Bibliographie

     

    Adolphe ALPHAND: Les promenades de Paris. 1867-1873.

     

    Edouard ANDRÉ: L'art des jardins.1879.

     

    Abbé Jacques DELLILE: Les jardins ou l'art d'embellir les paysages.Paris, 1782.

     

    Jules LACROIX DE MARLÈS: Paris ancien et moderne ou Histoire de France divisée en douze périodes appliquées aux douze arrondissements de Paris, et justifiée par les monuments de cette ville célèbre.Paris: Parent-Desbarres. 1837-1839. 3 volumes.

     

    Marquis Félix DE ROCHEGUDE: Promenades dans toutes les rues de Paris par arrondissements. Paris: Hachette, 1910.

     

    Catalogue d'exposition: De Bagatelle à Monceau, 1778-1978, les folies du XVIIIe siècle à Paris. Paris. Domaine de Bagatelle, Musée Carnavalet, 1978-1979.

     

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      encement sur http://www.etoile-blog.com

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  • Le quartier de la Plaine Monceau naquit sur le territoire de la grande forêt de Rouvray, peuplée, disait-on, par des chênes légendaires. Après la création de plusieurs hameaux et de cultures, notamment des vignes, l'endroit devint « célèbre » grâce à la mise en œuvre du parc.

     

    Même si son décor et son architecture originels ont été modifiés, il demeure certains vestiges et des « fragments d'atmosphère » de cette folie anglo-chinoise réalisée au 18e siècle par Louis Carrogis de Carmontelle pour le Duc de Chartres.

     

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    Le duc fit l'acquisition, en 1769, d'une parcelle en friche dans ce qu'on appelait alors « le village de Monceau ». Il chargea Carmontelle de concevoir une « folie », palais de fantaisie lové dans un parc élégant peuplé de « fabriques », des édicules ayant l'apparence de vestiges archéologiques.

     

    De 1773 à 1778, la scénographie élaborée par Carmontelle réunissait des bâtiments pittoresques: un moulin à vent hollandais, un moulin à eau en ruines, une pyramide égyptienne, un obélisque, une colonnade corinthienne, un temple de Mars, une naumachie (dans la Rome ancienne, ce terme désignait le bassin dans lequel se tenait le spectacle d'une bataille navale), un carrousel chinois, des tentes tartares, un minaret, une tour gothique avec un pont-levis, une allée des tombeaux et même une petite île avec des moutons.

     

    Monceau2Les colonnes grecques

     

    Le jardin de fantaisie du Duc de Chartres était un monde fantasmé, un parc à rêves où la Nature recomposée formait un théâtre avec l'Architecture.

     

    En 1793, Thomas Blaikie, le créateur du Parc de Bagatelle, fit évoluer la « folie » de Carmontelle en jardin à l'anglaise articulé autour d'un réseau d'allées ombragées et comprenant un jardin d'hiver et une serre chaude.

     

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    En 1860, la Ville de Paris hérita du terrain et des vestiges de la « folie du Duc de Chartres ». Misant sur la spéculation immobilière, les frères Pereire acquirent plusieurs hectares du parc et se lancèrent, tout autour, dans une politique de lotissement. Les « hôtels Pereire » et les immeubles cossus fleurirent dans les rues attenantes. Simultanément, Gabriel Davioud et Adolphe Alphand donnèrent à ce qui restait du jardin son visage actuel et Napoléon III inaugura ce nouvel espace romantique en 1861.

     

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    Il suffit de franchir les grilles majestueuses conçues au 19e siècle par l'architecte Gabriel Davioud pour ressentir les différentes « ambiances ». Ici et là, des amoureux dans leur bulle, des lecteurs, des promeneurs en plein songe, des mariés, des joggeurs et des enfants qui s'ébattent jusqu'aux limites de leur imagination... Si chaque jardin est l'émanation de la vie, celui-ci est peut-être plus encore le carrefour des désirs, le territoire des gourmandises, la parenthèse indispensable pour se ressourcer.

     

     

    La rotonde de l'entrée est l'une des barrières d'octroi qui appartenaient au Mur des Fermiers généraux. Ce pavillon qui borde l'actuel boulevard de Courcelles fut érigé en 1787 par l'architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806).

     

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    Le Mur des Fermiers généraux était une barrière, édifiée autour de Paris, afin de combattre les activités de contrebande qui se multipliaient.

     

    La Pyramide

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    Philippe d'Orléans, le Duc de Chartres, était le Grand Maître du Grand Orient de France. Il semble que des réunions secrètes et des rencontres à caractère initiatique se soient tenues à certains endroits du parc.

     

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    La pyramide, oeuvre d'éternité, évoque les anciens mondes et plusieurs rites associés à des pratiques maçonniques. Dans la salle aménagée à l'intérieur de celle-ci se trouvait une statue de la déesse Isis.

     

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    Au Printemps, de petits arbres aux pétales floconneux exhalent leurs parfums sucrés.

     

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    Autour du Parc Monceau s'étendent de grandes avenues et des rues spacieuses portant le nom de célèbres peintres du 17e siècle, comme les avenues Vélasquez, Ruysdaël etVan Dyck et les rues Rembrandt et Murillo.

     

    Au 4, avenue Ruysdaël, on trouve un magnifique hôtel qui abrite le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens.

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    Les belles gouttières de l'Hôtel Gaillard

     

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    Emile Gaillard, régent de la Banque de France et grand collectionneur d'art, décida de faire construire un hôtel particulier au centre de la Plaine Monceau afin de mettre en valeur ses collections. En 1878, il acheta un terrain face à l'hôtel du peintre Meissonier et chargea l'architecte Victor-Jules Février de réaliser la demeure de ses rêves.

     

    Entre 1879 et 1884, ce dernier s'inspira des châteaux de Blois et de Gien pour édifier un petit palais de brique et de pierre dans le goût Renaissance.

     

    En 1919, l'hôtel fut racheté pour devenir une succursale de la Banque de France.

     

    Autour du parc se dressent le musée Cernuschi et le magnifique musée Nissim-de-Camondo mais en attendant d'écrire un article sur le sujet, je vous souhaite une excellente promenade!

    Référencement sur http://www.etoile-blog.com

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