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Et si nous nous donnions rendez-vous dans une charmante impasse ombragée, située au cœur du Marais, où l'on chemine à des années lumière de l'agitation des grandes voies parisiennes ?
Abordons cette rue pleine de fleurs (les rhododendrons y éclatent de beauté !) qui doit son nom à un trésor véritable, exhumé en 1882 quand fut démoli l'Hôtel d'Effiat, joyau architectural du XVIIe siècle, remplacé, au nom de la sacro-sainte spéculation immobilière (!), par une série d'immeubles de rapport.
Dans les décombres de l'hôtel, on découvrit un vase de cuivre qui renfermait un trésor composé de monnaies d'or, des francs à cheval du roi Jean II le Bon (1319-1364) et des francs à pied de Charles V (1338-1380), le tout atteignant une somme de 7882 livres.
La rue qui fut alors percée à l'emplacement de l'hôtel, entre les rues Vieille-du-Temple et des Écouffes (les noms Écouffes ou Escouffes désignaient autrefois les Prêteurs sur Gages), fut appelée rue du Trésor.
Au XVIe siècle, se dressait à cet emplacement un imposant manoir, bâti sur les vestiges d'un fief médiéval, le fief d'Autonne. Le manoir Renaissance et ses dépendances étaient la propriété de la puissante famille de Marle qui compta parmi ses membres des hauts dignitaires du royaume (en l'occurrence un Conseiller du Roi, un avocat au Parlement Royal, un Prévôt des Marchands et un magistrat du Tribunal Royal).
Vous apprécierez le décor d'abondance en métal ouvragé de la jolie porte, de style « Monarchie de Juillet » (1830-1848).
Au début du XVIIe siècle, l'ensemble fut acquis par le Maréchal Jacques Vignier d'Effiat, père de Cinq-Mars, célèbre favori du roi Louis XIII et Surintendant de la Maison et des Finances du Prince de Condé.
Après la mort du Maréchal, sa veuve, Marie de Fourcy, sollicita le célèbre architecte Clément Métezeau (1581-1652) pour agrandir la demeure et l'agrémenter d'une élégante façade.
L'hôtel fut cédé, en 1696, par les descendants de Marie de Fourcy à Claude Le Peletier (1631-1711) Prévôt des Marchands qui devint Contrôleur Général des Finances à la mort de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683). Des aménagements furent entrepris (agrandissement du corps de logis et du jardin qui était à l'époque l'un des plus beaux du Marais et dont il ne reste rien...).
Après la Révolution, l'hôtel fut mis en location et en 1800, des négociants venus de l'Aisne, les Mareuse, en firent l'acquisition.
Au fil des années, le bâtiment fut géré par une bourgeoisie nouvelle, implantée dans les hôtels particuliers du Marais, et investi par des boutiques de négoce et d'artisanat. Il accueillit notamment le domicile d'Auguste Mariage, fondateur d'une célèbre maison de thé, véritable institution parisienne.
Exemples de belles vitrines...
Puis l'hôtel d'Effiat devint la propriété de la Compagnie Foncière de France et d'Algérie qui décida de le faire raser pour que soient érigés, à partir de 1882, sous la direction de l'architecte et maître d’œuvre Paul Fouquiau, huit petits immeubles de rapport.
A l'extrémité de la rue, on installa une fontaine dominée par le moulage du relief qui décorait jadis l'une des façades de l'hôtel d'Effiat mais le moulage n'est plus visible et la fontaine n'est plus en eau.
Le relief se situait là où l'on aperçoit une petite fenêtre qui a été percée illégalement (!) et rebouchée depuis la précédente photo...
Le relief original, en pierre, intitulé « Allégorie du Commerce ou du Bon Gouvernement » fut offert au Département des Sculptures du Musée du Louvre par Paul Fouquiau, en 1882.
Relief original © Musée du Louvre/P. Philibert
C'est donc une partie conséquente de l'histoire du Marais et de l'art de vivre au XVIIe siècle qui a disparu mais le souvenir de l'hôtel d'Effiat, indissociable de cette façade fontaine lovée dans les fleurs continue de hanter les lieux.
Et grâce à des photographes du vieux Paris, nous avons la possibilité de contempler des documents précieux où s'inscrivent des lambeaux de ce qui fut l'une des plus remarquables demeures aristocratiques de la capitale.
Souvenirs de l'hôtel d'Effiat, par Henri Chapelle (1850-1925), auteur d'un magnifique recueil de dessins à la plume recherché par les collectionneurs.
Hôtel d'Effiat en démolition, photographie attribuée à Henri Godefroy (1837-1913), l'un des photographes témoins les plus assidus des transformations de Paris, avec Charles Marville (1813-1879), Édouard Denis Baldus (1813-1889), Gustave Le Gray (1820-1884) et Eugène Atget (1857-1927)... Crédit photo musée Carnavalet/Roger-Viollet
Aujourd'hui, la rue du Trésor est une voie pleine de charme qui s'offre au visiteur, une halte délicieusement fleurie dans la ville.
Rénovée en 2004, elle accueille de charmantes boutiques. Le lieu est vraiment plaisant mais en 1930 voici ce qu'en disait un journaliste nommé Marius Richard : « Poursuivons notre chemin par le passage que des portes ferment, ou ne ferment pas, le soir. Les murs en sont criblés d'éraflures, de marques de coups d'on ne sait trop quoi... Les habitants du quartier ont les coudes bien pointus. C'est l'hiver qu'il faut venir dans ce boyau, lorsqu'un mauvais vent y pousse la pluie mêlée à la lumière sale du bec de gaz. Mais alors c'est un guet-apens où les courants d'air vous assassinent. »
Que de changements !
Quant au véritable trésor, il est réparti entre le Musée Carnavalet (Musée d'Histoire de la Ville de Paris) qui a fait l'acquisition du vase de cuivre et de plusieurs pièces et les collections de numismates privés. Comme je vous le disais au début de cet article, il se compose de francs à cheval et de francs à pied.
Image Musée Carnavalet
Sur le franc à cheval, on distingue le roi Jean II le Bon (chevauchant son destrier, armé d'un écu à fleur de lys et brandissant son épée avec le terme «Francorum Rex» (Roi des Francs). L'autre face montre une croix feuillue, lovée dans un quadrilobe. Il s'agit du premier franc frappé en or (1360) afin de payer la rançon du souverain, capturé par les Anglais à Poitiers, en 1356.
Dans ce contexte particulièrement troublé, les Français durent s'acquitter d'une rançon considérable, versée après plusieurs années de captivité. Le franc à cheval coûtait d'ailleurs si cher que la frappe en fut abandonnée, dès l'avènement de Charles V, en 1364.
Image Musée Carnavalet
Le franc à pied de Charles V date de 1365. Le roi est représenté debout et couronné, sous un dais accosté de lys. Il porte la cotte d'armes fleurdelisée et tient l'épée et la main de justice dans le but d'affirmer la vaillance de la dynastie des Valois face au pouvoir vorace des Plantagenêt.
Le temps s'est écoulé... Le trésor est constitué de nos jours par une parenthèse fleurie dans la toile ambivalente de la ville et l'on chemine en cette rue, accompagnés de rêveries qui prennent les couleurs soyeuses des rhododendrons...
Je vous souhaite un très bel été, avec d'amicales pensées en farandole !
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Que l'Été soit ! Vert chlorophylle, ciselé de douceur sous un ciel bleu intense, créatif et gorgé de délicieuses saveurs... Un été que je nous souhaite très favorable, chers aminautes ! Et à cette occasion, je ne résiste pas au plaisir de d'exposer ici un tableau que j'aime infiniment : Midsummer Eve, composé par le peintre anglais Edward Robert Hughes (1851-1914).
J'avais présenté ce tableau l'année dernière, sur mon autre blog : La Chimère écarlate et je me réjouis de laisser à nouveau caracoler mon esprit en des terres de fantaisie, invitée par les facétieux esprits de Midsummer.
Nuit magique du Solstice d'Été qui, à l'instar de la nuit de Beltane (30 avril) et de celle de Samain/Halloween (31 octobre), fait tomber le voile qui sépare le monde des humains et le territoire ambivalent du Sidh (Sidhe) où évolue le Petit Peuple...
L’œuvre, datée de 1908, décrit ces instants mystérieux ("Eve" dérive de evening, le soir).
Edward Robert Hughes (1851-1914) est un artiste à la touche élégante, très influencé par l'Esthétisme et le Préraphaélisme. Ses œuvres ont un charme infini (je les trouve superbes : Cœur des Neiges, la Nuit et son chariot d'étoiles etc...) mais là n'est pas mon propos en cet instant... Continuons d'évoquer Midsummer, nuit de fièvre magique où tout devient possible !
L'esprit féminin de Midsummer (Litha, pour le Druidisme) a appelé les créatures de la forêt qui s'assemblent autour d'elle pour former un fairy ring ou cercle de fées. Dotés d'ailes de papillons, ils portent des lampions et des lanternes en forme de boule ou de fleurs. Ces délicats éclairages évoquent la puissance créatrice des lucioles et des lampyres, coléoptères qui produisent de la lumière et font crépiter les velours d'onyx et les soies d'obsidienne de la nuit.
Pour les faire venir, la fée a utilisé une sorte de flûte dont l'extrémité est évasée. Elle est rousse, à l'instar des sirènes et des lamies, déités voluptueuses qui peuplent les toiles des peintres victoriens et sont la manifestation de leurs hantises (j'y reviendrai bien sûr, tant le thème me plaît et tant j'ai écrit de choses sur le sujet au fil de mes études). Rousseur et charme de feu... Elle porte une couronne de campanules stylisées, fleurs fétiches du Petit Peuple qui s'est regroupé pour festoyer.
Des fleurs roses ornent sa taille et sa robe dorée, superbement chatoyante, semble s'animer, dans le frisson des lueurs qui l'encerclent.
L'atmosphère est celle d'un monde fantastique et merveilleux... celui de Litha, festival de la lumière, fête du soleil triomphant qui nourrit les sillons fertiles de la terre.
À Midsummer, la chaleur palpite, les céréales grandissent. On célèbre avec des danses et des chants le jour le plus long de l'année et la force créatrice des éléments. On honore le feu, entité rouge et or qui dévore les monstres de l'obscurité. On va sur les chemins cueillir les « simples » guérisseurs et magiques avec une prédilection pour les herbes suivantes : armoise, achillée millefeuille, pissenlit, millepertuis, calendula, sauge, angélique, fenouil, reine des près, romarin, serpolet, thym, verveine, mélisse, menthe, plantain, pimprenelle, myrte, aubépine, capucine, bourrache, chélidoine, gentiane, hysope, lavande, marjolaine, joubarbe, lierre terrestre, marguerite, mauve, brunelle...
Midsummer Eve Party, image (c)Tricia Fountaine.
Je vais donc savourer ma tisane d'armoise en vous souhaitant un très bel été et une délicieuse fête de la musique ! Laissez filer votre imagination dans les sous-bois, autour des vieilles pierres et sur le bord des étangs... Vous verrez peut-être caracoler de minuscules lanternes au gré de l'instant !
Fairy Lights
Je pense bien à vous et je viens vous voir au rythme de mes possibilités. Mon épilepsie dont je ne parle que très peu depuis quelques temps est pourtant bien présente, avec son cortège de désagréments... Entre autres joyeusetés, j'ai très mal aux yeux et je dois prendre soin de ma rétine gauche déchirée, je fais donc comme je peux avec l'écran et un réseau Internet aussi brinquebalant que moi (sourires...) mais je ne vous oublie pas... Gros bisous !
J'ai grand besoin de me reposer...
David Delamare, Midsummer Dream...
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Des couleurs subtiles, des rêveries ambivalentes, de la magie et de la sensualité à fleur de toile... Miho Hirano, artiste japonaise contemporaine nous invite à pénétrer dans une sylve de féminité, à cheminer dans un monde où palpitent des chevelures torrentielles, où la flore est secrète, où les courbes des corps se dévoilent avec audace et enchantement.
Un séduisant voyage au cours duquel nous nous interrogeons. Et si nous prenions davantage soin de la Nature ? De cet écrin de Nature où se lovent des êtres subtils, beautés gardiennes d'une terre où l'être humain, espèce invasive, commet bien des méfaits...
A travers ce périple, nous rencontrons des filles fées lovées dans la sève et le sucre des fleurs, qui résonnent d'une vie diaphane, des nymphes au regard doux et farouche où perlent de troublantes mélancolies et dont les visages semblent refléter les enivrants mystères de l'entre-deux...
Des esprits de l'eau et de la forêt, des enchanteresses de l'air et de l'onde à la fois puissantes et fragiles...
Fragilité d'où naît une force, celle qui anime les roseaux dans le vent...
Diplômée en 2007 de la prestigieuse Musashino Art University, Miho Hirano rend hommage à l'un des thèmes majeurs de l'Art Nouveau, la « Femme Fleur » si bien représentée par Alfons Mucha mais là n'est pas notre propos.
Elle nous offre, avec luxuriance et douceur, les feux sinueux de son inspiration mêlée d'émotions fugitives ainsi qu'une fusion très personnelle entre courbes féminines, chevelures et forces élémentales et matricielles.
Sa technique consiste à réaliser un croquis au crayon et à l'animer via une peinture bleutée plutôt légère puis elle fait naître les ombres avec d'autres tons vaporeux. Ensuite vient l'étape de la peinture à l'huile.
Elle dépose sur les bouches et autour des yeux un rose glamour qui « empourpre » les carnations nacrées voire spectrales de ses héroïnes, accompagnées, le plus souvent, de papillons, de carpes koi, d'oiseaux, de fleurs de cerisier, de prunier, de lotus ou de pissenlit, fleur du vent aux akènes d'argent comme on peut le voir ci-dessus.
https://www.instagram.com/mihohiranoart/?hl=fr
https://www.facebook.com/miho.hirano.5621
Je prends plaisir à « illustrer en mots » les œuvres envoûtantes de cette artiste avec des haïkus composés par Bashô Matsuo (1644-1694), l'un des quatre grands poètes classiques (les autres étant Yosa Buson, Kobayashi Issa et Masaoka Shiki).
Les lunes et les fleurs :
voici les véritables
maîtres
Le son de la cloche s’apaise,
le parfum des fleurs
frappe le soir
De quel arbre en fleur?
Je ne sais
Mais quel parfum !
N'oublie jamais
La saveur solitaire
Des rosées blanches
Un pétale tombé
remonte à sa branche
C'est un papillon
Volutes d'encens
Ailes de papillon
Que parfume l'orchidée
Réveille réveille-toi
Je te prends pour ami
Papillon
Deux vies
entre elles ont vécu
les fleurs de cerisier
Le coquelicot blanc
d’une averse hivernale
a fleuri
Un papillon ne vole
que dans un champ
de soleil
Je vous souhaite une myriade de jolies choses et vous remercie de votre fidélité. Gros bisous !
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La rose ouvre les yeux, enivrée par l'éclat de ses fines fragrances, à l'heure où papillonnent mille et un secrets. Dans cette gangue de printemps moite où les couleurs s'affolent, exultent et se fondent parmi les spectres des fleurs de cerisier.
La rose ouvre les yeux, dans le mauve et le gris perlés de bleu changeant, à peine froissée par le sillage des giboulées. Quand le ciel ne sait plus s'il attise l'or du paysage ou s'il en trouble la fugacité. Rose de juin, à contretemps.
Et je suis là près d'elle, tissant des mondes éphémères sur la page qui tremble, filant ma fièvre sur l'écheveau de la lumière, au creux des ombres vertes. Ici et maintenant, sous le nuage qui veille, mouton de nacre au-dessus de la ville, étrange mue d'un sortilège...
(Cendrine)
Je repars en catimini, avec mon carnet et mon stylo adoré...
Belles pensées, gros bisous d'amitié!
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