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    Le Printemps ouvre les yeux. Les bourgeons brillent dans l'air sucré. Dans sa robe immaculée, la fée Flore d'Alphonse Mucha, artiste emblématique de l'Art Nouveau, nous promet bien des délices...

     

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    Une rencontre précieuse et aromatique sur une petite place de Paris.

     

     

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    Dans la pureté de ses atours...

     

    Flore est la déesse de tout ce qui fleurit. Quand revient l'équinoxe de Printemps, elle préside aux noces du jour et de la nuit. Dans la Rome antique, elle était « reine d'avril » et célébrée jusqu'à la fin du mois de mai. Les Floralia débutaient le 28 avril. Une statue de la déesse, couronnée de fleurs et tenant une corne d'abondance était promenée triomphalement dans les rues. Les auteurs anciens rapportent la grande licence et les excès qui se déroulaient pendant ces fêtes.

     

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    D'après certaines légendes, Flore offrit, à la fin de l'hiver, un lys enchanté à la déesse Junon. Cette fleur magique permit à la « mère des dieux »de concevoir, par simple contact, le dieu Mars, seigneur de la guerre et des festivités de Printemps.

     

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    A bien des égards, les pouvoirs de Flore se rapprochent de ceux de Vénus/Aphrodite, la déesse de l'amour.

     

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    L'allégorie du Printemps de Sandro Botticelli, peinte en 1482, met en scène un monde sylvestre et merveilleux, un âge d'or peuplé de déesses et de dieux.

     

    Sous l'égide de Vénus, placée, comme une madone en majesté, devant un buisson de myrte, la Nature renouvelle ses charmes. Les regards convergent, au centre de la composition, vers son ventre arrondi.

     

    Cupidon se tient au-dessus d'elle, prêt à décocher une flèche enflammée en direction des trois Grâces.

     

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    Ces beautés, qui symbolisent la féminité sublimée, forment une ronde délicate à côté du dieu Mercure.

     

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    Le messager divin brandit son caducée vers la voûte végétale, en direction des nuages qui pourraient troubler la quiétude du jardin.

     

    Gardien des connaissances hermétiques et du « bosquet sacré » associé aux pouvoirs de Vénus et de Flore, Mercure protège ce lieu intemporel que l'on peut identifier au Jardin des Hespérides. Les arbres y sont couverts de fruits d'or, pommes et agrumes placés sous la garde des filles du géant Atlas et de Ladon, un dragon à cent têtes.

     

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    L'oranger dévoile son feuillage vert, ses fleurs parfumées et ses fruits délicieux qui symbolisent le Paradis. A l'instar de Jupiter qui offrit à Junon des fleurs d'oranger le jour de leurs noces, les dieux en mêlaient aux parures des déesses et les matrones aux couronnes des mariées. L'orange est un fruit d'or, précieux et aromatique, qui évoque parfois la rédemption.

     

    Le tableau nous révèle surtout deux visions conjointes de Flore qui se complètent remarquablement: une jeune fille au corps fertile et une femme affirmée, de toute beauté.

     

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    Le Printemps renaît, dans cette prairie magique, où foisonnent les fleurs, gouttes colorées, comme en suspension sur l'herbe sombre. Un poème enivrant mêlé de petites jacinthes, de pâquerettes, d'iris, d'oeillets, de bleuets, de myosotis, de tussilage...

     

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    A l'extrémité de l'image, la ravissante Flore plonge son regard dans celui de Zéphyr, le dieu du vent de l'ouest, humide et chaud, qui lui insuffle son désir. Dans sa robe blanche translucide, elle est encore la nymphe Chloris, célébrée depuis la Grèce ancienne. Une guirlande de fleurs, emblème de renouveau et de félicité, jaillit de sa bouche.

     

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    De leurs amours naîtra Carpos, le fruit...

     

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    Sur ce portrait, la Flore virginale est devenue la déesse des fleurs sauvages et cultivées. Elle arbore avec majesté une robe somptueuse, parsemée de pâquerettes, de roses et de violettes, qui révèle sa superbe maturité. A la période de Pâques, la pâquerette illumine l'herbe des prés et symbolise la reverdie.

     

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    Son étymologie dérive des mots « pasquis, pasquier » qui signifient « pâturage » en ancien français. Son nom latin, « bellis perennis », évoque la beauté éternelle mais aussi la douceur des sentiments, les liens d'amour et la protection de l'innocence.

     

    Ses jolis boutons, ses feuilles et sa racine sont comestibles. Elle possède aussi des vertus médicinales. Elle est réputée soigner les inflammations de la bouche, de la gorge et des voies respiratoires, résorber les oedèmes et les entorses, nettoyer le sang, raffermir la peau, réduire l'hypertension, apaiser les maux de tête et cicatriser les plaies. Elle est souvent représentée dans la peinture médiévale et Renaissance.

     

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    Sous le pinceau de l'artiste, Flore se présente comme une personnification de la ville de Florence, la ville des fleurs et des plaisirs raffinés. Les aristocrates florentines raffolaient des motifs floraux qui décoraient les riches tissus de leurs robes.

     

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    Dans la naissance de Vénus, Botticelli met en scène une Grâce vêtue d'une magnifique robe brodée de bleuets. Le manteau qu'elle s'apprête à offrir à la déesse nue est orné de fleurs qui dessinent un herbier précieux.

     

    La pâquerette est l'emblème d'une Flore hybride et recomposée qui règne sur l'hortus conclusus ou jardin clos des manuscrits médiévaux. Elle éclot dans le Jardin de Paradis où les fleurs sont chatoyantes et parfumées et devient la récompense des élus.

     

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    Tous droits réservés

     

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    A l'instar de Marie, Flore est accompagnée du lys blanc, de l'ancolie, de l'oeillet carminé, du narcisse, de la jacinthe et de la violette mais, sous son apparence de madone, elle demeure la déesse des plaisirs charnels qui ressuscitent au Printemps. Les rencontres sexuelles étaient nombreuses pendant les jeux qui lui étaient consacrés et les fleurs les plus capiteuses étaient mêlées au vin en son honneur...

     

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    En 1630, sous le pinceau de Nicolas Poussin, la Flore licencieuse des jeux de Printemps se pare des attributs du triomphe antique. Promenée sur un char tiré par des amours, elle est entourée de nymphes, d'éphèbes et d'angelots facétieux, dans un paysage harmonieux et champêtre.

     

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    Cette allégorie du Printemps, intitulée le Triomphe de Zéphyr et de Flore, est l'un des chefs-d'oeuvre du peintre vénitien Giovanni Baptista Tiepolo. L'oeuvre, peinte entre 1734 et 1735, décrit les amours du dieu du vent et de la déesse des fleurs.

     

    Le couple est appuyé sur une formation nuageuse qui jaillit au milieu d'un subtil jeu de clair-obscur. Ces nuages, qui ressemblent à de gros rochers, témoignent du caractère ambivalent des puissances célestes. Les draperies tourbillonnantes sont gorgées de vent mais l'amour triomphe, comme en témoigne la présence des génies du bonheur et de la fécondité.

     

    J'aime particulièrement les ailes de Zéphyr dont le scintillement coloré est sublimé par la merveilleuse palette de Tiepolo.

     

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    L'Empire de Flore, par Tiepolo, vers 1743.

     

    Dans l'alchimie précieuse des couleurs, Flore évoque avec grâce et sensualité la résurgence des forces de vie.

     

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    Lumière suave, charmes veloutés...

     

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    La déesse Ostara, illustrée en 1884 par Johannes Gehrts.

     

    Dans le monde anglo-saxon, Flore est Eostre ou Eastre, dont le nom dérive de « Easter » qui signifie Pâques. Son équivalent germanique est Ostara, déesse de l'aurore, qui a donné son nom à la fête païenne de l'équinoxe de Printemps et à sa résurgence néo-païenne.

     

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    Son animal sacré est le lièvre, un avatar païen qui a survécu à travers les légendes du lièvre de Pâques ou Osterhase. (L' illustration vient des Publications Clare Madicott).

     

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    (Collection personnelle)

     

    Symbole printanier par excellence, le lièvre est réputé pondre les oeufs de lune de la déesse. Quelques jours avant l'équinoxe et pendant la Semaine Sainte, les enfants lui confectionnent un nid douillet, tapissé d'herbes et de fleurs.

     

    Une légende prétend que la déesse Ostara envoya un coq aux trousses du lièvre de Pâques afin qu'il ponde des oeufs rouges incandescents, gorgés de puissance solaire.

     

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    « Ostara » était aussi le nom donné à une revue germanophile, parue entre 1905 et 1913, et très appréciée par Adolf Hitler qui y puisa un certain nombre de ses thèses aryennes mais il serait dommage de diaboliser ceux qui s'intéressent aux anciennes coutumes. Les croyances relatives au retour du Printemps et le vieux fonds culturel européen qui leur sont associés existaient bien avant les Nazis qui n'ont cessé de dévoyer les symboles pour leur infâme propagande...

     

    Guidée par le souffle des fleurs, c'est dans le murmure parfumé d'Ostara, la jeune fille féconde et la mère protectrice, que je veux me lover.

     

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    La jacinthe rose, au parfum capiteux, désigne le bonheur d'aimer, le renouveau, l'insouciance...

     

    D'après la mythologie grecque, elle naquit du sang de Hyacinthe, superbe jeune homme, amant du dieu Apollon mais aussi de Zéphyr. Hyacinthe mourut lors d'une joute sportive et Apollon lui rendit hommage en faisant naître une fleur à la troublante fragrance.

     

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    Dans les squares de Paris, le Printemps revêt ses plus beaux atours...

     

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    Un talisman d'amour, de chance, de force, de longévité... Tendons l'oreille, les dieux ou les génies de l'arbre à voeux chuchotent dans ses branches.

     

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    Les arbres à loques (dans lesquels on suspend des morceaux d'étoffe, des papiers votifs, des sachets talismans, des figurines, etc) existent dans toutes les civilisations. Les voeux montent avec la sève et l'éclosion des fleurs stimule les croyances d'espoir.

     

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    De minuscules soleils odorants qui forment un tapis de lumière... la jonquille est sans conteste la fleur fétiche du mois de Mars. Dans le langage floral, elle signifie « je vous désire » et symbolise l'affection partagée.

     

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    Des pompons sucrés qui dessinent un ciel onirique.

     

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    Dans sa beauté éphémère et sacrée...

     

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    Mystique des couleurs...

     

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    A la tombée du soir, les elfes se cachent dans les fleurs papillons...

     

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    Ces grappes de glycine symbolisent la tendresse et l'amitié. Leur envoûtant parfum célèbre les amours de Zéphyr, le souffle primordial, le maître débridé de la fécondité et de Flore, l'âme-fleur, mère de la vie...

     

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    En Chine, la glycine est orientée vers la lumière de la lune dont le rayonnement mystérieux est réputé nourrir et soigner les fleurs. En Occident, le folklore prétend qu'elle abrite des lutins et des fées qui tissent les rayons lunaires et voyagent à travers l'esprit des dormeurs.


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    Le réveil de Flore

    Les magiciennes l'ont bercée
    dans les racines du vieux hêtre
    son âme fauve entrelacée
    aux âmes qui l'ont vue renaître...

    Soyeuse aurore qui fusionne
    avec ses prunelles dorées
    le ciel de glace tourbillonne
    son parfum hante la forêt

    Les loups et les spectres du froid
    fondent sous sa peau de rosée
    les sorcières des nuits d'effroi
    se figent dans l'air embrasé

    Entrons dans la ronde immortelle
    le souffle mêlé de désir
    Flore sous la lune nouvelle
    épouse le sang de Zéphyr...

    (Cendrine)

     

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    161 commentaires
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    La guirlande des amours


    Chaque année, à la mi-février, des rites d'amour et de très anciennes croyances fleurissent pour annoncer le réveil de la Nature, après les sombres nuits d'hiver. Dans ce contexte, le 14 février est célébré sous le patronage de Valentin, le saint des « fiancés, des jeunes filles et des garçons à marier » mais, malgré son importante popularité, le personnage se pare d'une aura de mystère.

    La légende de Saint-Valentin
    Plusieurs « Valentin » sont fêtés le 14 février, en France et dans d'autres pays, ce qui n'a pas manqué d'attirer l'attention des mythologues et des historiens. Une telle mise en lumière ayant généralement pour effet de « camoufler » un substrat de divinités pré-chrétiennes.

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    La brouette d'amour


    La légende de Saint-Valentin naquit sous le règne de l'empereur Claude II, dit le Gothique (214-270). En proie à certaines difficultés pour constituer ses légions, Claude fit interdire, en l'an 268, les fiançailles et les mariages sur l'ensemble du territoire qu'il dominait mais un prêtre nommé Valentin choisit de braver ses ordres et d'unir secrètement les jeunes couples. L'empereur le fit arrêter et condamner à mort par décapitation.

    Dans sa prison, Valentin rencontra Augustine, la fille de son geôlier, une jeune aveugle à qui il rendit la vue, grâce à des prières. Elle prit soin de lui et il lui adressa, avant son exécution, une lettre qu'il aurait signée « Ton Valentin ».

    Dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine, Valentin fut emprisonné pour avoir refusé de se prosterner devant les divinités de Rome. Il s'éprit de la fille de l'empereur Claude, une jeune aveugle qu'il s'efforça de guérir. L'empereur promit de se convertir si l'issue était heureuse mais Valentin subit tout de même le martyre. Il laissa à la demoiselle de son coeur un billet doux qui devint une « valentine ».


    Les Lupercales romaines

    Cette belle et tragique histoire a été façonnée dans un but politique et religieux, celui de « gommer » le souvenir érotique des Lupercales, fêtes de la fertilité célébrées jadis à Rome, le 15 février.

    Les prêtres de Lupercus, le dieu loup de la fécondité, couraient dans la ville, vêtus de peaux de chèvre. Ils fouettaient, avec des lanières en cuir de chèvre, les femmes qui croisaient leur chemin, afin de stimuler leur pouvoir de fertilité. La course sauvage des Luperques avait pour but de purifier la cité, d'éloigner les démons et les épidémies et de repousser les êtres atteints de lycanthropie.

    Lupercus était le protecteur des animaux à cornes, des troupeaux et des futures récoltes. On organisait en son nom une « loterie d'amour ». Les jeunes hommes tiraient au sort le nom de la jeune fille qui deviendrait leur « compagne des festivités » et sur laquelle ils veilleraient, l'espace d'une année.

    En l'an 496, le pape Gélase Ier décida de contrer les survivances des Lupercales en instituant la Saint-Valentin. La fête romaine, tissée de coutumes païennes, disparut au profit de célébrations plus « convenables » mais il fallut attendre la fin du XVe siècle pour que, sur l'initiative du pape Alexandre VI, Valentin devienne le patron officiel des amoureux.


    Les amours des oiseaux

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    La Saint-Valentin est associée aux parades nuptiales des oiseaux qui commencent à s'accoupler et sont considérés comme les messagers du printemps. Au cours de leurs voltes amoureuses, ils se livrent à des jeux mêlés de chants qui stimulent l'éveil des puissances naturelles.

    Ils accompagnaient dans l'Antiquité les Gamélies athéniennes, célébrations rituelles des noces de Zeus et d'Héra qui se déroulaient de la mi-janvier à la mi-février. On offrait à la déesse des oiseaux sacrés, d'un blanc immaculé, tandis que les fiancés échangeaient des voeux d'amour en buvant du vin dans des coupes en forme d'oiseaux.

    L'image des oiseaux a souvent été utilisée de manière symbolique pour représenter les élans de l'amour. Le verbe « oiseler », très employé au XVIIIe siècle, signifie d'ailleurs « faire l'amour ».


    Charles d'Orléans, le chantre de l'amour

    La tradition d'écrire des cartes de Saint-Valentin est étroitement liée à ce prince de France, neveu du roi Charles VI, qui naquit en 1394 et mourut en 1465. Charles Ier d'Orléans était le fils de Louis Ier, duc d'Orléans et de Valentine Visconti, fille du puissant duc de Milan, Jean Galéas Visconti.

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    Fait prisonnier à la bataille d'Azincourt, le 25 octobre 1415, il fut emmené en Angleterre et retenu captif à la Tour de Londres pendant 25 années. Il sublima sa souffrance grâce à l'écriture de chansons, de ballades, de complaintes et de rondeaux. Il composa aussi des poésies en langue anglaise.

    Le thème de l'absence, la cruelle solitude alors que les oiseaux « apportent » le printemps, l'espoir qui veut survivre et l'amour ardent nous offrent un chant sublime, mêlé de fièvre et de noirceur. Le coeur à vif, le poète nous entraîne, avec les rougeoiements de sa plume, dans le cycle implacable et grandiose des saisons.

    Le beau soleil, le jour Saint-Valentin

    Le beau soleil, le jour Saint-Valentin,
    Qui apportait sa chandelle allumée,
    N'a pas longtemps entra un bien matin
    Privéement en ma chambre fermée.
    Cette clarté qu'il avait apportée,
    Si m'éveilla du somme de Souci
    Ou j'avais toute la nuit dormi
    Sur le dur lit d'ennuyeuse pensée.

    Ce jour aussi, pour partir leur butin
    Les biens d'Amours, faisaient assemblée
    Tous les oiseaux qui, parlant leur latin,
    Criaient fort, demandant la livrée
    Que Nature leur avait ordonnée
    C'était d'un pair (1) comme chacun choisi
    Si ne me peux rendormir, pour leur cri,
    Sur le dur lit d'ennuyeuse pensée.

    Lors en mouillant de larmes mon coussin
    Je regrettai ma dure destinée,
    Disant: « Oiseaux, je vous vois en chemin
    De tout plaisir et joie désirée.
    Chacun de vous a pair qui lui agrée,
    Et point n'en ai, car Mort, qui m'a trahi,
    A pris mon pair dont en deuil je languis
    Sur le dur lit d'ennuyeuse pensée. »

    Envoi:

    Saint-Valentin choisissent cette année
    Ceux et celles de l'amoureux parti
    Seul me tiendrai de confort dégarni
    Sur le dur lit d'ennuyeuse pensée

    (1): « Pair » signifie compagne ou compagnon en français médiéval. Formé sur la même racine que le mot anglais « partner », il s'écrit aussi « per ».

    Charles d'Orléans écrivit le rondel suivant pour sa jeune belle-soeur, Marguerite de Rohan.

    « A ce jour de Saint-Valentin
    Puis qu'êtes mon pair cette année,
    De bien heureuse destinée,
    Puissions-nous partir le butin!

    Menez à beau frère hutin
    Tant qu'ayez la pense levée
    A ce jour de Saint-Valentin. »

    Il rapporta la coutume de la Saint-Valentin en Touraine après sa libération d'Angleterre, en 1441, et la tradition des messages d'amour se répandit ensuite dans le reste du royaume et dans les cours européennes.


    La vogue des « Valentines »

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    La courte échelle


    Au XVe siècle, il était d'usage de faire parvenir à sa bien aimée des messages d'amour afin de célébrer le retour du printemps mais il fallut attendre le XVIe siècle pour que les lettres d'amour soient joliment qualifiées de « valentines ».

    Au XVIIIe siècle, on trouvait, dans toute l'Europe, de superbes valentines, décorées de coeurs, de roses et de Cupidons.

    A l'époque victorienne (1840-1860), en Angleterre, elles se parèrent d'un décor très subtil et gracieux. Délicatement parfumées, elles furent agrémentées de petits ornements de soie, de dentelle, de plumes, de rubans, de fleurs fraîches ou séchées. Image6

    Esther Allen Howland (1828-1904), la fille d'un célèbre papetier américain, lança, vers 1850, la production en série des cartes de Saint-Valentin. Image7

    L'échelle d'amour


    La chromolithographie, procédé d'impression en couleurs mis au point par le lithographe Godefroy Engelmann (1788-1839) en 1837, contribua également, tout au long du XIXe siècle, à la diffusion des images de la Saint-Valentin.

     

    Supertistions et coutumes de la Saint-Valentin
     

    Dans la France et l'Angleterre des XIVe et des XVe siècles, les jeunes filles choisissaient leur « Valentin », un cavalier courtois qui leur offrait des cadeaux et leur dispensait de galantes attentions.

    Le « Valentin » accompagnait sa « Valentine » à la fête des Brandons, le premier dimanche de Carême. Les futurs couples échangeaient des présents et des baisers autour d'un grand feu puis le « Valentin » allait « brandonner » à travers les champs et les vignes. Par ce geste à caractère magique, (il brandissait un bâton autour duquel crépitait un brin de paille enflammé), il voulait stimuler la croissance des futures récoltes et attirer la prospérité sur les champs et les familles.

    Afin de voir en rêve leur futur amoureux, les jeunes filles cueillaient, après les douze coups de Minuit, le 14 février, cinq feuilles de laurier. Elles en épinglaient une à chaque extrémité de leur oreiller et plaçaient la cinquième au milieu. Puis elles récitaient sept fois la prière suivante avant de s'endormir: « Ô grand Saint-Valentin, protecteur de ceux qui s' aiment, fais que je puisse voir en mon dormant celui qui sera un ami fidèle et un merveilleux amant ».

    Une vieille coutume préconise de porter des crocus jaunes dans les cheveux au lever du soleil pour attirer l'époux de ses rêves.

    Un autre rituel d'amour consistait à frotter doucement la surface d'un miroir avec un tissu rouge avant d'ouvrir la fenêtre et d'allumer deux chandelles rouges. On étudiait ensuite les formes qui se dessinaient à la surface du miroir, les taches de lumière, les cristallisations et les effets de givre, afin de connaître les secrets d'un futur époux.

    Pendant des siècles, dans le Kent, en Angleterre, les jeunes filles fabriquaient un « homme de houx » et les jeunes hommes une « demoiselle de lierre ». Ce couple végétal était promené dans les rues et symboliquement marié avant d'être brûlé, avec les cadeaux de sa dot. Les cendres recueillies étaient répandues dans les champs pour stimuler la croissance des jeunes pousses.

    A Anvers, en Belgique, les jeunes filles recevaient de la part de leurs admirateurs des effigies du Greef, un personnage en speculoos ou en massepain. Le nombre de figurines à croquer qu'elles obtenaient était proportionnel à l'affection qu'on leur portait.

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    1905


    La divination par les oiseaux

    Oracles de l'amour et du printemps, médiateurs entre les hommes et les esprits de la Nature, les oiseaux sont dotés de capacités surnaturelles, au moment de la Saint-Valentin. Ils dévoilent dans les rêves des renseignements précieux sur la future épouse ou le futur mari. Ils font croître les bourgeons en battant des ailes. La tradition préconise de faire un voeu, en tenant une plume ramassée quelques instants après le lever du soleil.

    Le rouge-gorge qui sautille dans la rosée ou qui agite un brin d'herbe évoque un mariage avec un voyageur ou un marin.

    La présence d'un moineau au petit jour près de la chambre augure d'un mariage d'amour.

    Le chardonneret signale à la jeune fille qui l'aperçoit qu'elle fera la connaissance d'un riche parti.

    Un vol de cygnes présage d'un mariage heureux mais un merle posé sur l'appui de la fenêtre annonce la venue d'un beau parleur.

    Deux colombes qui s'embrassent sous le gage d'une union prospère et sans nuages.

    La vue d'une mésange signifie que les époux auront de nombreux enfants.


    Les symboles de la Saint-Valentin
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    (Carte de 1910)


    Le coeur, siège de l'amour, de la vie et de l'âme, organe des fluides et de la circulation sanguine, est le motif magique par excellence...

    Le coeur percé d'une flèche évoque l'amour et la passion mais se présente aussi comme un symbole protecteur contre les dangers et les maléfices.

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    Chromolithographie ancienne de roses, 1894, par Francis Dubreuil et Madame Laurent Simons,
    trouvée sur le très joli site " roses anciennes en France.org "



    La rose rouge est un emblème de désir et de passion mais aussi un gage d'amour et de fidélité. La rose rose évoque la délicatesse des sentiments.   Image11

    Cupidon

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    (Fresque d'Annibal Carrache, au Palais Farnèse, 1595-1597).



    Incarnation antique de l'amour et du désir, Amour ou Cupidon, Eros en grec, est le fils d'Aphrodite, la déesse de l'amour et d'Arès, le dieu de la guerre. Cabotin, joueur, imprévisible et capricieux, il transperce les coeurs avec des flèches d'or ou d'argent. Son pouvoir est incommensurable. Il peut susciter l'amour aussi bien chez les hommes que chez les dieux.

    De son union avec la belle Psyché, est née une fille qui  se nomme Volupté.
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    Amour et Psyché, par Antonio Canova, 1793.

     


    Les pouvoirs de Valentin

    Saint patron des amoureux, Valentin est aussi très intéressant par les pouvoirs qui lui sont attribués dans le folklore de France et d'Europe.

    Tel un Cupidon, il s'efforce d'unir les amants mais il veille ensuite à la bonne santé du couple. On l'invoque pour fortifier le coeur, apaiser les tourments physiques et moraux, les rhumatismes, les douleurs récurrentes, faire tomber la fièvre, purifier le sang. En Belgique, il est considéré comme un protecteur contre les blessures et les hernies.

    Dans la région d'Hurtigheim, en Alsace, on trouve dans certaines chapelles des statuettes de Saint-Valentin, réputées apaiser les rhumatismes. Les personnes souffrantes offrent au saint une poule noire.

    Depuis fort longtemps, Valentin est le protecteur des nourrissons contre la mort subite. Il repousse les maladies qui touchent les animaux, détruit la vermine et garde les cultures contre les caprices de la météorologie.

    Il repousse la sècheresse et règne sur le vent comme en témoigne un vieux dicton du Centre de la France:

    « Jour de Saint-Valentin
    Vent au moulin ».

    Dans le vieux Nice, on avait coutume de dire:

    « Danse à la Saint-Valentin
    Soleil sur le chemin ».

    Comme le fait remarquer Philippe Walter dans son passionnant ouvrage intitulé Mythologie chrétienne, Fêtes, rites et mythes du Moyen Âge, Valentin est un saint très mystérieux, fêté à la période du Carnaval et entretenant avec celle-ci des rapports très étroits. Il se présente comme la forme christianisée d'une vieille divinité pré-chrétienne « possédant la syllabe val dans son nom ou son surnom ». P.88. Sa décapitation s'inscrit, à l'instar de celle des géants de Carnaval, dans un cycle solaire et cosmique de mort et de renaissance.


    Un village nommé Saint-Valentin

    Au coeur du Berry, les « traditions valentines » ont fait renaître de ses cendres un charmant village, considéré, depuis plusieurs décennies, comme le fief des amoureux. La fête de la Saint-Valentin étant très appréciées au Japon, un jumelage a eu lieu entre le village français et le temple bouddhiste de Sakuto-Cho, en octobre 1997.

    De nombreux couples viennent s'y marier et poser devant « le kiosque des amoureux » , érigé, par les Compagnons du Tour de France, en hommage à l'illustrateur Raymond Peynet.

    Près de l'arbre-à-voeux, les visiteurs suspendent des feuilles en forme de coeur gravées de leurs noms, dans de grandes structures arborescentes de métal.

    L'emblème de la commune est le « coeur saignant », de ravissantes fleurs bicolores qui dessinent des coeurs roses ornés d'une sorte de plumet blanc.
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    Les « Amoureux » de Peynet

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    Raymond Peynet (1908-1999) apprit les techniques du dessin publicitaire à l'École des Arts Appliqués à l'Industrie. Son diplôme lui fut remis par un des frères Lumière.

    Avec humour et sensibilité, il réalisa des étiquettes de parfums, des affiches, des encarts publicitaires, des dessins de presse et des décors de théâtre (notamment ceux du théâtre de la Huchette, dans le quartier Saint-Michel) mais il connut une célébrité mondiale avec ses « Amoureux », dédiés à son épouse et muse au nom prédestiné, Denise Damour.

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    Ces personnages délicats, nés sous le kiosque à musique de Valence, dans la Drôme, ont séduit un public considérable, à travers une profusion de livres et d'objets (écharpes, porcelaines fines, médailles, poupées, statues...). En 1942, Raymond Peynet écrivit à leur sujet: « Assis sur un banc, j'ai dessiné le kiosque qui se trouvait devant moi, avec un petit violoniste qui jouait tout seul sous l'estrade et une petite femme qui l'écoutait et l'attendait. On voyait aussi les musiciens qui, ayant rangé leurs instruments dans leurs étuis, s'en allaient dans le parc de Valence ».

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    Les Amoureux aux colombes



    Les Amoureux ont traversé le temps sans prendre une ride. Depuis l'époque de leur publication par Max Favalelli, dans le périodique Ric et Rac, leurs vêtements se sont adaptés aux évolutions de la mode et à la ronde des saisons. Ils sont accompagnés de symboles d'amour incontournables: le coeur, les roses, les angelots et les oiseaux.

    Ils ont inspiré des chansons comme « Les bancs publics », créée par Georges Brassens et « Les amoureux de papier », composée par Charles Aznavour et chantée par Marcel Amont.

    Une de leurs statues se dresse à Hiroshima, au Japon, face au Mémorial de la Bombe Atomique.

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    Peynet peignit aussi des tissus et décora des ouvrages de Jean Anouilh, d'Alfred de Musset et d'Eugène Labiche, comme Le voyage de Monsieur Perrichon en 1939.

    Une longue tradition de cadeaux

    Dans l'ancienne Europe, à la mi-février, les rituels d'amour étaient accompagnés par des cadeaux: petites sculptures réalisées dans du bois d'arbres fruitiers, couronnes et bracelets de fleurs, coeurs et figurines de cire, moules à gâteaux, chansons, poèmes... A partir de la Renaissance et surtout au XVIIIe siècle, les gants, les bas, les éventails et les rubans décorés de perles, de plumes et de petits bijoux firent fureur. Les bouquets de fleurs, les cartes et le chocolat furent très appréciés à partir du XIXe siècle.

    Chacun est libre de croire que la Saint-Valentin n'est qu'une fête commerciale, peuplée d'ornements kitsch et de babioles sucrées or cette fête s'enracine profondément dans notre folklore et les plus jolies attentions n'ont pas besoin d'être assorties d'une valeur marchande.

    Aux États-Unis, au Canada et au Japon, la Saint-Valentin est l'occasion d'exprimer son amour mais aussi de présenter ses voeux d'amitié. Les écoliers américains fabriquent des cartes qu'ils distribuent à leurs camarades, à leur institutrice, aux membres de leur famille et aux personnes qu'ils apprécient. Ils s'offrent aussi des petits sachets de graines qu'ils sèmeront pour célébrer le retour du printemps.

    Bien loin des lieux communs et du dédain que certains manifestent à son égard, la Saint-Valentin est une broderie de traditions passionnantes et complexes qui ne demandent qu'à être explorées. Aussi je vous souhaite d'agréables moments de partage et de découverte ainsi que les opportunités d'exprimer votre amour, votre fantaisie et votre créativité, pas seulement ce jour mais tout au long de l'année! Joyeuse Saint-Valentin!

    Bibliographie

    Constant BEAUFILS: Étude sur la vie et les poésies de Charles d'Orléans. Paris: A. Durand, 1861.

    Henri DONTENVILLE: Mythologie française. Paris: Payot, 1973.

    Claude GAIGNEBET: Le Carnaval. Paris: Payot, 1974.

    Arnold VAN GENNEP: Manuel de folklore français contemporain. Paris: Picard, 1947.

    Philippe WALTER: Mythologie chrétienne. Paris: Imago, 2003.

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    « C'est le coeur qui donne naissance à toute connaissance ». (Proverbe de l'Égypte ancienne.)

     

     

    Essai21

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    Le 23 Janvier 2012, le Lapin de Métal s'en est allé, cédant la place à une figure majeure de la mythologie chinoise, le Dragon d'Eau, seigneur du Zodiaque et des éléments. Avec fantaisie et majesté, il règne, dans ses rutilants atours, sur l'Ancien Monde et rayonne sur le Nouveau.

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    La Fête du Printemps est célébrée le premier jour du premier mois lunaire. Ses origines remontent à la dynastie Shang (1766-1122 avant J.-C.). Renouvelée, sous l'égide du puissant dragon, elle promet, d'après les croyances asiatiques, prospérité, fécondité, succès et renaissance.

    Le nouvel an chinois évolue chaque année entre le 21 janvier et le 20 février, en raison du calendrier luni-solaire qui se fonde sur une connaissance aiguë des cycles saisonniers. C'est à Nankin, à l'observatoire de la Montagne Pourpre, que l'apparition de la nouvelle lune est déterminée.

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    Un défilé haut en couleurs

    Le 28 janvier, sur le parvis de l'Hôtel de Ville, les « enfants du Dragon », les amateurs de folklore et de mythologie et les curieux de tous bords s'étaient donné rendez-vous.

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    Ce rose printanier illumine l'atmosphère orageuse du premier samedi de l'année.


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    Le rouge et l'or, couleurs sacrées, protectrices contre les forces malveillantes.


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    Les génies de la chance et de la prospérité
    accompagnent avec bonhomie ce festival lunaire.


    Le vert évoque la poussée de l'énergie vitale et le retour du Printemps. Associé à l'Est, au foie et aux muscles, il stimule la bonté et la santé.

    Le jaune est la couleur des vêtements impériaux et de la Terre, l'élément du Centre, symbole de fertilité. Les eaux du fleuve Jaune favorisent le renouveau de la végétation.

    Avec quelques touches de rose, le pouvoir de la Nature s'éveille doucement à travers les fleurs de cerisier.

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    Une galerie de costumes somptueux
    pour stimuler les forces bienfaisantes de l'année
    et honorer les dieux de la prospérité.


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    Les Traditions du Nouvel An

    Le passage d'une année à l'autre s'effectue suivant un ensemble de rites associés à la purification et à la protection du foyer.

    Une semaine avant la fête du Printemps, on dit traditionnellement adieu à Zaòwángyé, le dieu du foyer, dont le portrait est affiché dans les cuisines. Ce personnage magique entreprend un long voyage vers l'Empereur de Jade, la divinité suprême du taoïsme, auquel il révèle les bonnes et les mauvaises actions effectuées par chacun. Dans la crainte de son jugement, on lui offre des bonbons et des aliments collants. Pour adoucir ses propos, on applique des gourmandises sur sa bouche et on brûle ses effigies sacrées afin que son énergie s'envole avec la fumée. Quelques jours après, on installe de nouvelles effigies.

    Les habitations sont soigneusement nettoyées et purifiées avec de l'encens. Certaines personnes évitent d'utiliser des ciseaux et des couteaux de crainte de « sectionner » le fil de la bonne fortune.

    Le dernier jour de l'année, on décore les maisons avec des images traditionnelles. Des caractères de chance (duilian), des voeux et des souhaits, tracés sur du papier rouge, sont collés sur les portes.

    Autrefois, on y accrochait les effigies des dieux Shen Tu et Yu Lei, sculptées dans du bois de pêcher.

    Les voeux de Printemps sont des formules poétiques, inscrites sur des bandes de papier que l'on suspend dans les maisons, traditionnellement à l'envers. En effet, le mot « renversé » se lit « tao » en mandarin, comme le mot « arrivé » qui signifie le retour du Printemps et de la prospérité; et le mot « bonheur » se retrouve aussi la tête en bas...

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    De manière personnelle, il est conseillé de se confronter aux problèmes non résolus de l'année précédente et d'entamer une discussion avec ses ennemis.

     


    Le Réveillon ou banquet familial

    Il se déroule autour d'une succession de plats raffinés. En règle générale, les membres de la famille qui ne peuvent pas se déplacer ont tout de même une place à table. Les aliments sont investis d'une valeur symbolique et procurent, à ceux qui les consomment, bonheur, chance et prospérité.

    On déguste par exemple des raviolis qui ressemblent à des petits lingots dorés, de la carpe qui évoque le « surplus » afin de ne jamais manquer, du canard pour la bonne fortune, des crevettes pour le bonheur, des nouilles pour la longévité, des haricots rouges pour chasser les démons, des sucreries de forme ronde ou ovale pour célébrer l'union de la famille.

    Un poisson servi avec la tête et la queue signifie le début et la fin de l'année.

    On prépare des fa-kao, une sorte de gâteau de riz dont le dessus forme des craquelures. Plus ces dernières sont larges, plus la joie et la richesse sont censées régner dans le foyer. J'ai déjà pu apprécier leur robe croustillante et leur fondant intérieur...

    A la fin du repas, on partage le gâteau du nouvel an (niángāo). Deux couches de pâte de riz gluant enserrent de la pâte de haricot rouge et de sucre de canne complet, parfumée au longane et parfois au thé vert.

    Le longane est le fruit du Dimocarpus longan, un petit arbre à feuilles persistantes, originaire du sud-est de la Chine. Ce délice végétal, qui ressemble un peu au litchi, signifie « oeil de dragon ».

    On offre des mandarines et des oranges qui représentent la richesse, le bonheur et la bonne fortune.

    On honore les ancêtres avec du vin et des gâteaux de farine de riz glutineux, en forme d'animaux, cuits à la vapeur. On échange des souhaits et des cadeaux et on remet aux enfants les fameuses enveloppes rouges (hóng bāo) qui contiennent de l'argent et qui portent bonheur.

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    Les personnages symboliques, les couleurs et les danses magiques ont pour fonction de repousser le « monstre de l'année ».

    Nian ou Nien était un monstre légendaire qui donna son nom au cercle de l'année. Émanation de l'incréé, du chaos et des abysses nocturnes, il rôdait autour des villages, à l'instar de nos croquemitaines occidentaux. Pendant la « nuit de Nian », les habitants veillaient et allumaient une profusion de flambeaux, lumières vivantes et protectrices.

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    Créature hybride, dotée d'une tête de lion et d'un corps de taureau, Nian apparaît dans les danses de lions qui neutralisent son pouvoir maléfique.

    Guidé par sa voracité, il surgit de la mer ou de la forêt, il descend des montagnes afin de dévorer les hommes et les animaux mais il ne supporte pas le bruit, la lumière vive et la couleur rouge. Dans les temps anciens, les villageois plaçaient des chiffons écarlates sur les portes pour l'effrayer.

    Les pétards qui retentissent sont censés mettre en déroute ce terrible monstre et les créatures malveillantes qui évoluent dans son sillage. D'après les légendes, le vacarme, les danses serpentines et la couleur rouge ont de puissantes vertus.

    Les premiers pétards étaient réalisés avec des tiges de bambou. Aujourd'hui, ce sont des chaînes de petits pétards rouges appelés « démons » qui sont utilisées.

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    Émanation du yang, la couleur rouge (hung), règne sur l'été et le sud, à l'opposé du yin, associé au noir, au nord et à l'hiver. Elle est apotropaïque, c'est à dire réputée éloigner les forces négatives. (Le mot « apotropaïque » vient du grec apotropein qui signifie « détourner ».)

    « Au théâtre chinois, le dieu de la guerre a le visage peint en rouge, couleur du sang et des blessures, mais les cartes du nouvel an sont rouges et les pêches rouges sont un présent de mariage car le rouge est aussi la couleur de la joie et de la chance envoyées par les dieux. »
    J. Gernet: Problèmes de la couleur. Bibliothèque générale de l'École Pratique des Hautes Études, VIe Section, Sorbonne, 1957.

    Le rouge est la couleur des noces. La jeune mariée, vêtue de rouge et installée dans un palanquin rouge, est conduite au logis de son époux. Les portes de sa nouvelle maison sont couvertes de laque rouge.

    Les lanternes rouges et dorées sont des symboles de richesse et de félicité.

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    Des couleurs précieuses sous le ciel de tempête...



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    Les dragons qui virevoltent apportent la joie, la force et la prospérité. Leurs danses ondoyantes s'enracinent dans le culte des ancêtres, l'hommage aux divinités et la réminiscence du pouvoir impérial. Elles honorent aussi les dieux de la pluie fécondante qui font croître les moissons.

    Les acrobaties du dragon symbolisent la bravoure, la force et la noblesse. Tel un long ruban précieux, il se gorge d'air et tourbillonne parmi les passants émerveillés.

     



    La danse des Lions

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    Au rythme des cymbales, du gong et du tambour, les lions aux couleurs vives s'ébattent dans des positions qui mélangent la danse et les arts martiaux. Chaque lion est incarné par deux danseurs. Le corps et la queue sont animés par des liens souples alors que la tête est contrôlée par des tiges de bambou. Cette activité requiert une grande force, beaucoup de coordination et de vitalité.

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    Ces danses soigneusement codifiées sont réputées éloigner les esprits malveillants, attirer la chance et stimuler la fertilité. Elles sont exécutées pendant les mariages, à l'occasion du nouvel an et pour célébrer l'ouverture d'une nouvelle boutique.

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    Au coeur de cette ronde fantastique, un petit garçon accomplit des katas.



    Les festivités du nouvel an s'étendent sur une période d'environ trois semaines, rythmée par des cérémonies grandioses et des moments plus intimes. La phase de préparation, que nous avons étudiée précédemment, le Réveillon et les jours qui suivent sont imprégnés de sagesse et de magie.

     


    Le Premier Jour
    On « salue l'année » en portant des vêtements neufs, de préférence rouges. On ne mange généralement pas de viande afin de purifier son corps et son esprit. On présente ses voeux à la famille et aux amis. On se rend au temple et on honore les tombes des ancêtres. Les effigies des ancêtres et des dieux du foyer sont renouvelées.

    Le Troisième Jour: la visite et les noces des Souris
    D'après une ancienne croyance, comme les souris n'entrent que dans un foyer prospère, on laisse des provisions à leur intention. Quand elles sont repues, elles peuvent célébrer les noces de leurs enfants. Il est donc conseillé d'aller se coucher tôt, ce soir-là, pour ne pas les déranger.

    Le Quatrième Jour: le retour du Dieu du Foyer
    Zaòwángyé revient de son périple à travers les mondes célestes. On lui prépare des offrandes et un savoureux repas.

    Le Cinquième Jour: le retour au travail
    Le cinquième jour marque la reprise du travail et l'échange des voeux entre collègues. Les commerçants commandent des danses de lions. Le dieu de la richesse et ses avatars, les dieux de la fortune, reçoivent des offrandes.

    Pendant les premiers jours de l'année, l'utilisation du balai est fortement déconseillée car les bonnes énergies risqueraient d'être chassées avec la poussière.

    Le Quinzième Jour: la Fête des Lanternes
    Elle vient clore ce festival printanier et célébrer la pleine lune du début de l'année, dotée de grands pouvoirs. Pour les anciens peuples de la Chine, elle dévoilait les esprits qui chevauchent dans les airs. Les lanternes rougeoyantes, ornées de symboles, célèbrent ces entités bienveillantes.

    D'après une vieille légende, le dieu du feu voulait incendier la capitale ce jour-là. Les habitants tentèrent de le convaincre que la ville était dévorée par les flammes. Ils allumèrent pour cela une myriade de lanternes et le dieu fut dupé.

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    La lumière et les flammes sont reines. Les lanternes de toutes formes (dragon, cheval, phénix, lotus, pivoine, personnages de théâtre, de dessins animés...) et de diverses matières (papier, tissu, plastique...) oscillent dans la nuit. On voit aussi scintiller des lanternes de glace.

    Le plat traditionnel de la fête est la soupe de yuanxiao, des boulettes de pâte de riz farcies de pâte de haricots rouges, de cacao, de cannelle, de sésame, etc, dont la rondeur symbolise l'union et l'harmonie.


    Les Pouvoirs du Dragon


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    Le dragon chinois est doté d'un long corps serpentin ou anguiliforme, de bois ou de cornes et d'une puissante gueule barbue. Il ne possède pas d'ailes mais la crête qui couronne son crâne lui permet de voler. Avant de revêtir sa forme définitive, il se métamorphose pendant des milliers d'années. Il est une sorte de long poisson mythique et, d'après certains archéologues, son effigie dérive de représentations stylisées d'animaux bien réels, comme des poissons, des serpents et des crocodiles.

    Image22 Animal sacré, à l'instar du Phénix, de la Licorne et de la Tortue, le Dragon permet aux puissances célestes de se manifester auprès des hommes.

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    L'expression « deng longmen » signifie « franchir la passe du dragon », c'est à dire « réussir sa carrière ».

    Si une carpe parvient à franchir la « porte du dragon », elle se métamorphosera en dragon. La « porte du dragon » est une porte mythique et allégorique symbolisant les efforts déployés pour atteindre son but.

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    Le Seigneur des métamorphoses
    Créature gorgée de magie, le dragon peut tisser les nuages, se changer en gouttes d'eau et de feu, scintiller dans les ténèbres, devenir invisible, revêtir l'apparence d'autres animaux, prendre une forme humaine ou hybride (comme un corps d'homme et une tête de dragon).

    Le Dragon d'Eau
    Émanation de l'élément yang, le dragon est investi du pouvoir de création et de fécondité mais il est aussi en adéquation avec l'élément yin et les puissances aquatiques. Il est le seigneur des eaux en mouvement, fécondes et jaillissantes, dont il contrôle le pouvoir de vie et de mort.

    Maître du calendrier et de la météorologie, il se love dans les eaux matricielles (rivières, lacs, océans) et règne sur les eaux célestes. Il serpente à travers les nuages et fait tomber la pluie.

    Les cours d'eau, les bras de mer, les étangs, les rivières et les lacs ont leurs dragons-esprits.

    Pendant l'hiver, les dragons s'enfoncent dans les entrailles de la Terre. Ils remontent à la surface au début du deuxième mois, pour apporter les pluies fécondantes. Le deuxième jour, ils sont honorés avec des feux d'artifice.

    Le rite du Qiu se déroule pendant les périodes de sécheresse. Pour invoquer le pouvoir bienfaisant du dragon d'eau, un dragon de papier est fixé à une armature de bois et placé dans un lit de rivière asséché. Les chamanes lancent des incantations et frappent des tambours pour imiter le grondement du tonnerre, invitant, par ce bruit caractéristique, le roi-dragon à libérer la pluie.

    Les combats et les accouplements de dragons font aussi venir la pluie. Ils sont symbolisés par les « joutes des bateaux dragons ».

    Les oeufs de dragons, brillants, nacrés, multicolores, iridescents, naissent des souffles mêlés des dragons mâles et femelles, sur les berges des rivières. Ils peuvent contrôler la météorologie.

    Le Sculpteur de paysages
    Le dragon représente les forces changeantes de la Nature, la mutation des espaces au rythme des saisons, les ondulations étranges des roches et de la terre.

    Les montagnes et les collines ont été façonnées par le passage ou le souffle incandescent des dragons. Les très vieilles pierres sont associées à leurs dents et à leurs os.

    Le Seigneur de la végétation
    Les dragons verts incarnent la force contenue dans les graines et les bourgeons, l'énergie sinueuse des feuilles et des branches. Ils crachent des bouquets verdoyants.

    A la période du solstice d'hiver, ils combattent, de manière rituelle, et leur sang noir et jaune se répand sur la terre pour que renaisse le printemps.

    D'après la légende, le jade est né de l'union de la semence du dragon avec la terre, au moment où pulsent les énergies printanières.

    Le magicien des éléments
    De nombreux dragons vivent dans les nuages dont ils tissent les contours avec leurs griffes ou qu'ils engendrent avec leur haleine. Liés au vent, aux orages fécondants et au tonnerre, ils peuvent provoquer des cyclones et des tsunamis.

    Ils ont aussi une incidence sur les heures du jour et de la nuit. Un dragon crée le jour en ouvrant les paupières et ferme les yeux pour appeler l'obscurité.

    Certains dragons suscitent des éclipses en poursuivant la lune et le soleil.

    Le médiateur entre les mondes
    A certaines périodes, les dragons sont chevauchés par les âmes qu'ils emportent dans l'au-delà.

    Dans les régions montagneuses, des bannières représentant des dragons claquent au vent pour attirer les bons esprits.

    Image25 Quand il ne conduit pas les âmes vers les mondes célestes, le dragon poursuit une grosse boule brillante, jaune et dorée, qui symbolise le renouveau, la graine de lotus, émanation des nourritures terrestres et spirituelles.

    Le Dragon et la Perle

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    Au creux de sa gorge ou de sa bouche, entre ses griffes ou dans un luxuriant palais situé au fond des mers, le dragon protège la perle sacrée, emblème de la « parole précieuse ». Des intrépides tentent parfois de la dérober car elle a la réputation d'exaucer les voeux.

    Quand deux dragons jouent avec une perle, celle-ci incarne « la balle du tonnerre ». En montant très haut dans les airs et en roulant brusquement sur le sol, elle attire les pluies fertilisantes et stimule le réveil de la Nature.

    D'après la croyance populaire, en Chine, le tonnerre féconde les coquillages et les perles s'y développent, gorgées de clarté lunaire.

    Symbole de sagesse et de connaissance, de chance et d'immortalité, la perle est bénéfique pour le sang et les yeux. La tradition voulait qu'une perle soit placée dans la bouche des défunts fortunés.

    L'Empereur Dragon
    Le dragon apparaît comme l'emblème du pouvoir harmonieux, celui de l'Empereur, fils du Ciel et de la Terre et médiateur entre les « différents plans de réalité ».

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    L'empereur T'ai Tsung de la dynastie des Tang (626-649).



    Le dragon à cinq griffes était représenté sur les vêtements impériaux, les murs des palais et les objets à caractère rituel ou décoratif.

    Pour l'anecdote, le dragon à quatre griffes est un des symboles de la Corée et le dragon à trois griffes, d'inspiration Japonaise.

    Le Gardien de l'Ordre cosmique
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    Un gu ou tambourin, orné d'un dragon. Reflet de l'harmonie du cosmos, la musique tisse un lien subtil entre le Ciel et la Terre.

    Les cloches possèdent un anneau de suspension en forme de dragon.

     



    Image29 Ces dragons représentent les cinq éléments de la cosmogonie chinoise: le bois (vert), le feu (rouge), la terre (jaune), le métal (blanc) et l'eau (noir), reliés par des cycles complexes. (L'illustration est issue du livre intitulé Voies et vertus de la médecine chinoise de Jean-François Cludy et Régine Tiburce-Cludy, P.21).

    Le chiffre du Dragon

    Il s'agit du chiffre neuf, quintessence de sagesse et de chance.

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    Un des dragons du Mur des Neuf Dragons de la Cité Interdite.



    Sur ce magnifique mur, construit en 1774, sous le règne de l'empereur Qian-Long et composé de 270 carreaux de céramique vernissés, ondulent neuf dragons sacrés, protecteurs du sanctuaire impérial contre les esprits maléfiques. Sur un fond tourbillonnant de vagues et de nuages, les dragons cherchent à attraper une perle.

    Une immense variété de Dragons
    Les dragons chinois sont de puissantes divinités, des rois des mers, des gardiens de trésors et de lieux sacrés, des médiateurs entre les mondes, des fondateurs de temples et de cités. Ils insufflent l'étincelle de vie, règnent sur les eaux célestes et matricielles, propagent la sagesse des dieux et des ancêtres. Le plus souvent bienveillants, ils possèdent un tempérament ombrageux, versatile et capricieux et transforment parfois les ondes telluriques en fluides mortifères mais cette part sauvage et chaotique de leur caractère n'affaiblit pas la vénération qu'ils suscitent.

    Tian-lung est le dragon céleste, le protecteur des palais divins qu'il soutient avec sa colonne vertébrale.

    Shen-lung est un magnifique dragon, doté d'écailles azurées. A partir de la dynastie des Han (206 avant J.-C. -220), ce dragon bleu-vert se présente comme le symbole de l'empereur et de l'Orient, de la pluie printanière et du soleil levant. Il règne sur le cinquième signe du Zodiaque et préside au renouvellement de la végétation. Il danse sur les nuages et fait tomber la pluie sur les cultures. On invoque son énergie fécondante mais il peut lever des tempêtes et des vents destructeurs.

    Di-lung règne sur les sources et les cours d'eau.

    Fu-zang-lung est le gardien des trésors et des objets magiques. Il connaît l'emplacement des veines précieuses de la terre et des filons métallifères.

    Huang-lung est le cheval dragon ou le dragon jaune. Il a jailli du fleuve Jaune mythique et s'est incliné devant l'empereur légendaire Fu Hsi avant de lui transmettre les secrets de l'écriture et du Yi King.

    Le dragon blanc représente l'Occident et la mort. Le souverain des eaux de l'est, du nord, du sud et de l'ouest est un majestueux dragon rouge-sang. Les dragons dorés concentrent une infinité de pouvoirs.

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    Omniprésent dans les croyances chinoises, le dragon ouvre les portes d'une année considérée comme propice pour la réalisation des projets et les naissances car les « enfants du dragon » sont réputés éloigner le malheur et les coups du sort.

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    Pour célébrer l'année du Dragon, la Maison de Thé Mariage Frères a élaboré un thé vert, fruité et acidulé, aux baies de goji du Tibet.

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    On peut contempler cette belle vitrine dans le Carrousel du Louvre.



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    Un dragon de cristal signé Lalique.



    Jusqu'au 10 février 2013, où son règne sera remplacé par celui du Serpent, le Dragon nous insufflera son charisme et sa vigueur flamboyante. On l'invoquera secrètement pour attirer la chance, le bonheur et la prospérité même s'il faudra sûrement composer avec les turbulences de son caractère...

    Dans les contes et les légendes d'Occident, les récits religieux et l'imaginaire collectif, les dragons sont malheureusement perçus comme des tueurs impitoyables. Souvent dotés, comme les démons, de grandes ailes membraneuses, il font preuve d'une voracité sans limites et tombent sous les coups de lance ou d'épée des saints guerriers. Mais ils apparaissent aussi comme des initiateurs, liés aux anciens cultes agraires. Je leur consacrerai un article dans quelques temps.

    Je vous souhaite à présent une excellente année sous le signe du Dragon Chinois et vous invite à explorer avec passion les mondes fabuleux et les traditions millénaires qu'il gouverne!

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    Un « papertoy » dragon signé Tina Kraus, illustratrice allemande.




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    Bonne année: Xῑnnián hăo!



    Bibliographie

    Marcel GRANET: La civilisation chinoise. Albin Michel, 1930. La pensée chinoise. Albin Michel, 1994.

    Martine LEYRIS: La Chine du dragon impérial, collection »Les grands Empires » chez Robert Laffont, 1982.


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  •   Et si nous nous promenions dans les jardins de Flore...

     

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    Déesse des fleurs dans la Rome antique, Flore nous offre des trésors de couleurs et de fécondité alors que tombent les feuilles...

     

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    De sa corne d'abondance jaillissent de flamboyantes beautés.

     

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    Dans la lumière du soir, un air vif fouette le sang, annonçant déjà l'hiver mais les roses d'automne nous offrent une parenthèse enchantée.

     

     

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    La Dame Blanche... fleur fantôme et pourtant si charnelle...

     

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    Une mini forêt se dévoile, en tournant les pages d'un carnet de promenades.

     

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    Le rouge et le blanc, couleurs alchimiques évoquant l'union des contraires, la passion charnelle et la virginité, les visages de la lune et de la féminité.

     

     

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    Dans le Jardin du Palais-Royal, les Grâces se sont incarnées. Elles représentent la pureté, la sagesse, la Mère Universelle...

     

     

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    Les Trois Soeurs

     

    Les roses blanches musquées sont associées à la nouvelle lune, propice à la purification et à la magie, à l'Autre Monde des Celtes et des esprits de la Nature.

     

     

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    A l'instar de l'anémone et du mûrier, la rose est née d'une effusion de sang. Quand la déesse Aphrodite s'est piqué le doigt, les premières roses blanches se sont métamorphosées.

     

    Dans le Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare, la fleur de Cupidon apparaît comme une des plus puissantes herbes magiques. Dans l'ancienne Angleterre, lors des célébrations de Midsummer (le solstice d'été), la rose était la fleur primordiale, gardienne des clans, des passages vers les anciens mondes et des secrets.

     

     

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    Un petit bout de Nature où caracolent sûrement quelques fées. Le lieu regorge de moineaux facétieux, gourmands et très habiles à se cacher.

     

     

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    Soleils fuchsias

     

    Le dahlia est une fleur magnifique, originaire d'Amérique Centrale, des hauts plateaux du Mexique et du Guatemala. Il en existe plus de 40000 variétés, de formes et de tailles très diverses.

    Il était cultivé par les Mayas et les Aztèques qui le nommaient « acocotli », c'est à dire « canne à eau ».

     

     

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    Sub rosa: « sous le sceau du silence »...

     

    Lors des festins antiques, quand on échangeait des propos sous une rose suspendue, on se plaçait sous la protection d'Harpocrate, le dieu du silence. Le secret des mots partagés était alors de mise.

     

     

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    Les fées ont laissé, bien en évidence, leurs bouquets de mariées, le temps de s'ébattre et de comploter, dans les allées du Parc Monceau. Gare à ceux qui s'aviseraient de vouloir dérober ces merveilles roses!

     

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    En toute fleur sommeille une enchanteresse prête à souffler ses sortilèges...

     

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    Y aurait-il une porte derrière ce bosquet, ovale comme un oeil de chat?

     

    Une odeur sucrée monte dans l'air. J'imagine Flore et son parèdre Faunus, lovés dans la fraîcheur mystérieuse.

     

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    Eôs, l'Aurore aux doigts de rose, dessine ses pensées le long du chemin...

     

     

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    Des couleurs qui se respirent...

     

     

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    Châtelet, le territoire des roses

     

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    Avec leurs pétales soyeux et leurs ondulations frissonnantes, les roses évoquent les mystères de la féminité. Le rouge et le blanc mélangés engendrent des nuances douces et voluptueuses, à caresser du regard...

     

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    Eclosion de flamme

     

     

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    Calices de fées, gants de sorcières, moufles de lutins...

     

    La digitale pourprée se dévoile dans les squares, à l'abri de l'agitation urbaine. Prenons le temps de la contempler et de décrypter les dessins mystérieux qui tapissent l'intérieur de ses clochettes. Une écriture hantée, peut-être...

     

    (Pour connaître davantage de détails au sujet de la digitale, vous pouvez consulter mon article dans ce blog.)

     

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    Entre mars et septembre, la digitale est appréciée par les abeilles qui y récoltent un nectar capiteux et vénéneux mais la proportion de miel de digitale que l'on peut trouver dans une ruche est généralement limitée.

     

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    La pensée est une petite fleur rêveuse, au visage bien dessiné, qui symbolise le souvenir. Elle travers les saisons avec force et délicatesse, dans sa jolie robe de velours.

     

    Dans l'Angleterre élisabéthaine, elle appartenait à un herbier magique et portait des noms pittoresques: « love-in-idleness », « heartsease », « amuse-coeur », « rose-coq », « trois-têtes-sous-un-chapeau »...

     

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    Tutti frutti...

     

     

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    La fleur d'Iris, la messagère des dieux, dans la mythologie grecque, à la fois compagne et personnification de l'arc-en-ciel.

     

    Dans les reflets « irisés » de ses pétales, le folklore prétend qu'à la nouvelle lune, on peut apercevoir, à la clarté d'une chandelle, une fée qui révèle les secrets oubliés.

     

    Vénéré dans l'Egypte ancienne, symbole de pouvoir et de royauté, emblème de connaissance, l'iris fut stylisé en fleur de lys héraldique.

     

    Il est doté d'un rhizome, grosse racine gorgée d'éléments nutritifs et irriguée par des radicelles (petites racines courantes) qui forment des touffes et des noeuds. Très prisé en parfumerie, ce rhizome permet d'obtenir une essence aromatique jadis appréciée par Catherine de Médicis.

     

    Au XVIIe siècle, le rhizome séché était pilé pour obtenir une poudre au délicieux parfum de violette, bénéfique pour la peau et les cheveux.

     

     

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    Au chevet de la cathédrale Notre-Dame, les roses sont reines. La lumière et les ombres tissent leurs sublimes atours. Si nous prêtons l'oreille à leurs chuchotements, nous entendrons peut-être les légendes du vieux Paris, les sabots des licornes et le souffle des dragons...

     

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    Peuplée de sorcières, de vampires, de fantômes et de créatures issues du folklore anglo-saxon, la fête d'Halloween jaillit dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Importée aux Etats-Unis par les Irlandais, les Gallois et les Ecossais vers le milieu du XIXe siècle, Halloween plonge ses racines complexes dans le terreau des siècles celtiques. Dans ces périodes lointaines, on célébrait Samain ou Samhain, Samon ou Samonios en Gaule et Soween, en Irlande, qui signifie « fête de l'entrée dans l'hiver ».

     

    Sacrée pour les Celtes et les Gaulois, cette nuit mystérieuse ouvrait les portes de « l'année sombre », du 31 octobre au 31 avril.

    Image2 (Illustration ancienne venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)

     

     

    Une fête aux multiples visages

     

    A cette date fatidique, les tribus se réunissaient autour de grands brasiers pour affronter l'obscurité, peuplée d'êtres maléfiques. Des festins se succédaient, marquant la fin des activités guerrières au début de l'hiver. Agapes initiatiques au cours desquelles on « dévorait » rituellement le roi de l'ancienne année avant d'introniser le nouveau.

     

    Des porcs, animaux chthoniens, conducteurs des âmes et messagers entre le monde humain et celui des dieux, étaient sacrifiés.

     

    Des repas étaient dédiés aux ancêtres. Des chants, accompagnés de danses à caractère prophylactique, éclataient dans la nuit. Les outils agricoles étaient mis au repos.

     

    Présente sous de nombreuses formes, la mort est initiatique et nourricière. Dans les légendes celtiques, elle attend le roi et ses guerriers dans le ventre d'un chaudron magique, sorte de puits ouvert sur le monde d'en-bas, espace temps d'épreuves et de dangers qui régénèrent l'impétrant, renouvellent ses forces en même temps que celles de la communauté.

     

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    (La Déesse à la Pomme, illustration venant du Tarot de Merlin, créé par R.J. Stewart et illustré par Miranda Gray).

     

     

    Dans la terre profonde, entremêlée de racines que les sorcières utilisent pour concocter leurs différentes mixtures, vivent des esprits qui s'incarnent sous la forme de lutins maraudeurs et d'animaux noirs. Ces « entités » sont particulièrement voraces à la période d'Halloween.

     

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    Héritière de superstitions et de rituels très anciens, ancrés dans le folklore anglo-saxon, Halloween se présente comme la résurgence de nos propres traditions, réveillant un code symbolique commun à plusieurs régions de France.

     

    Parés de costumes et de masques, les enfants et les adultes défilent dans les rues en tenant des lampions, des lanternes, des balais de sorcières et différents accessoires magiques.

     

    Dans le monde anglo-saxon, les enfants frappent aux portes des maisons et prononcent une phrase consacrée: « trick or treat » qui signifie « un bonbon ou un sort » ou « tu payes ou tu as un sort »! Ils reçoivent des sucreries, des babioles ou des pièces de monnaie dans un sac ou un petit chaudron.

     

    Un peu partout, se dressent des citrouilles évidées et sculptées dans lesquelles sont placées des bougies, de manière à créer des visages de feu qui défient l'obscurité de la nuit.

     

     

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    (Illustratrice Ellen H. Clapsaddle (1865-1934), collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)

     

     

    « Fruits-visages » et lampes d'Halloween

     

    Originellement, ces lampes fantastiques étaient creusées dans de gros légumes et dans des fruits. A partir de l'équinoxe d'automne, les racines, les rhizomes et les tubercules se « chargent » de pouvoir. Transformés en lanternes flamboyantes, ils sont réputés éloigner les démons tapis dans les ténèbres et le froid.

     

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    Ces « têtes lumineuses » étaient placées autrefois à la croisée de plusieurs chemins (lieu associé aux apparitions du Diable, aux sabbats des sorcières, aux rencontres avec l'au-delà), à l'entrée des cimetières et devant les bâtiments en ruines, repaires de rôdeurs maléfiques...

     

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    La tradition des Rommelbootzen ou « têtes de mort de la Toussaint » existe toujours en Lorraine et en Moselle. De grosses betteraves sont creusées en formes de masques grotesques et illuminées par de petites bougies. Elles sont ensuite placées aux croisées de chemins, au pied des calvaires et sur le rebord des fenêtres. La coutume veut que les sculpteurs de betteraves y « transfèrent » un peu de leur âme.

     

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    (Affiche du festival des « Betteraves Grimaçantes »
    qui se déroule au château Saint Sixte de Freistroff,
    près de Bouzonville en Moselle, du 26 au 31 octobre 2011.)

     

    Les racines relient le monde des profondeurs au monde de la surface où évoluent les vivants. Dans le folklore du nord de l'Europe, certaines racines sont « habitées » par des esprits dont il faut se concilier les faveurs. Les légendes allemandes font référence à Rübezahl, le « compteur de navets », un démon de la terre que l'on appelle aussi « Maître Jean », « Seigneur Jean » ou « Sire Jean ».

     

    Originaires d'Amérique, les grosses citrouilles oranges (pumpkin), se développent sur des lianes luxuriantes. Leur peau épaisse se partage en quartiers. Leurs grandes feuilles vert vif forment des vrilles décoratives. Leurs fleurs jaune d'or en forme d'entonnoirs se forment à la fin du printemps. Gorgées de graines à la période d'Halloween, elles évoquent la fécondité et la mort. Elles symbolisent la connaissance et tissent des liens subtils entre les mondes. Leurs graines rissolées sont des trésors d'énergie et de vitamines à déguster.

     

    Le potiron vient aussi des Amériques. Ce beau fruit se distingue par ses couleurs variées, du rouge vif au vert foncé en passant par l'orange lumineux. Sa chair appétissante excite les papilles et stimule l'imagination des gourmands. Sa chair est moins filandreuse et plus sucrée que celle de la citrouille.

     

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    Courges musquées, butternut ou spaghetti, giraumons, potimarrons, pâtissons... le monde des cucurbitacées nous régale de bienfaits. Avec leurs couleurs solaires et leurs silhouettes bizarres, ces « merveilles végétales » sont les emblèmes d'Halloween.

     

    Le lendemain d'Halloween, on aborde la « sobre » Toussaint, suivie, le 2 novembre, du « Jour des Morts ».

     

    Contrariée par la survivance des rituels de Samain, l'Eglise voulut substituer le culte des saints à celui des esprits et des âmes. Au IXe siècle, sous l'égide du pape Grégoire IV et de l'empereur Louis le Pieux, la Toussaint telle que nous la connaissons prit davantage d'importance. Mais l'Eglise ne put éradiquer les vieilles croyances qui perdurèrent, sous des formes plus ou moins actives, suivant les régions.

     

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    A la fin du Xe siècle, l'abbé Odilon de Cluny ordonna qu'une messe soit célébrée pour les morts, le 2 novembre, mais chaque 31 octobre, l'ancienne tradition est perpétuée par les chandelles brillantes, les citrouilles grimaçantes, les incantations ludiques et les déguisements facétieux.

     

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    Halloween Greetings!

     

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    (Illustration ancienne venant de la collection de Gabriella Oldham. Carte éditée en 1988 par Dover Publications.)

     

     

    Bibliographie

     

    MARKALE, Jean: Halloween: histoire et traditions. Imago Editions, 2000.

     

    PREAUD, Maxime: Les Sorcières Catalogue d'exposition. Paris, 16 Janvier-20 Avril 1973, B.N. Paris: Bibliothèque Nationale, 1973.

     

    RONECKER, Jean-Paul: Halloween.Puiseaux: Pardès, 2000.

     

    VALENCE, Marie de: S comme sorcière.Vallon-en-Sully: Cercle Beltane, 2000.

     

    WARGNY, Guy de: La France des sorciers.Saint-Pierre-lès-Nemours: EUREDIF, 1980.

     

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