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    Aux Tuileries, à Versailles, à Marly, à Sceaux..., dans une infinité de parcs et de jardins s'ébattent, au rythme capricieux des saisons, deux célèbres personnages de la mythologie gréco-romaine.

     

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    A Sceaux, dans les Hauts de Seine, près du bassin de l'Octogone, dans une partie agréablement boisée du domaine qui entoure le château musée de l'Île de France, Apollon saisit Daphné qui se cambre dans un essai de fuite. L’œuvre est un moulage de pierre créé dans la deuxième moitié du XVIIe siècle à partir d'un marbre conservé dans l'Orangerie locale et qui n'est pas accessible. Ce marbre reproduit une sculpture de Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin (1598-1680).

     

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    Photo RMN

     

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    Photo RMN

     

    En 1622, le Cardinal Scipione Caffarelli-Borghèse (1577-1633) commanda cette œuvre éperdument baroque et le groupe original, achevé en 1625 et illustrant un passage des Métamorphoses d'Ovide (43 avant J-C-17 ou 18 après J-C), se laisse admirer à la Galerie Borghèse de Rome.

     

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    Le mouvement suscité par les lignes foisonnantes et les corps en déséquilibre happe le regard.

     

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    Daphné est une nymphe, fille du dieu fleuve Pénée et de la déesse Terre.

     

    Après avoir vaincu le monstrueux serpent Python, Apollon rencontra Cupidon sur le bord du chemin. Il se vanta de sa réussite en raillant les sortilèges du chérubin. Piqué au vif, Cupidon décocha deux flèches, l'une, en or, sur Apollon qui s'éprit de la ravissante Daphné, et l'autre, en plomb, dans le cœur de la nymphe. Elle en éprouva de la répulsion pour les plaisirs charnels mais Apollon la poursuivit de ses assiduités. Épuisée, Daphné sollicita l'aide de son père et le dieu fleuve la métamorphosa en un bosquet de laurier rose (rhododaphné). Apollon la désigna alors comme son arbre sacré.

     

    « (...) Une lourde torpeur envahit ses membres, une mince écorce ceint sa délicate poitrine, ses cheveux poussent en feuillage, ses bras s'allongent en rameaux ; ses pieds, il y a un instant, si rapides sont fixés au sol par de solides racines, la cime d'un arbre occupe sa tête ; de sa beauté, ne demeure que l'éclat.

     

    Phébus, cependant, brûle de la même passion, la main droite posée sur le tronc, il sent encore, sous la nouvelle écorce, battre le cœur ; entourant de ses bras les rameaux - qui étaient les membres de Daphné - il étouffe le bois de baisers ; mais les baisers du dieu, le bois les refuse. Alors le dieu lui dit : " Puisque tu ne peux être ma femme, tu seras, du moins, mon arbre " ; laurier, tu pareras toujours ma chevelure, ma cithare, mon carquois ; (...) Péan avait fini de parler; alors le laurier inclina ses jeunes rameaux et on le vit agiter sa cime comme une tête. » (Péan est une épiclèse, c'est à dire une épithète associée à Apollon. )

     

    Apollon rattrape Daphné au moment où débute la métamorphose. La nymphe lève les bras. L'écorce l'enveloppe jusqu'aux hanches et son corps dessine une arabesque souple et passionnée. Son sang devient sève et sa peau, ses doigts, sa chevelure se changent en feuilles ondoyantes. Simultanément, une expression d'effroi se lit sur son visage. Apollon saisit sa taille d'une main mais il ne peut la faire revenir à son humanité.

     

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    Photo de Alvesgaspar

     

    La sculpture du Bernin est une œuvre de jeunesse qui appartenait à un ensemble de quatre statues et groupes sculptés. Elle était placée de telle sorte que les visiteurs découvraient Apollon de dos, s'élançant à la poursuite de la nymphe qui commençait à se métamorphoser.

     

    La présence de ce groupe sensuel et païen dans la villa du cardinal fut « justifiée » par un adage composé en latin par le cardinal Maffeo Barberini, futur pape Urbain VIII. Des mots gravés sur la base et disant : « Celui qui aime à poursuivre les formes fugaces du plaisir ne trouve que feuilles et fruits amers sous sa main. » Il fallait bien se justifier, en effet... Sourires !

     

     

    Au fil des siècles, le mythe d'Apollon et de Daphné a profondément inspiré les artistes...

     

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    Apollon et Daphné sont représentés à Pompéi, dans la Maison de l'Éphèbe, vers 70 après J.-C.

     

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    On les retrouve dans les pages d'un recueil de sonnets italiens datant du XVe siècle.

     

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     Ils s'ébattent dans un tableau du peintre Antonio del Pollaiuolo (1429/33-1498), réalisé entre 1470-1480 et conservé à la National Gallery de Londres.

     

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    J'aime beaucoup cette représentation de Daphné en argent ciselé, surmontée par une ramure de corail. Cet ornement de table fut créé, vers 1550, par Wenzel Jamnitzer (1507/08-1585), un célèbre orfèvre de Nuremberg. On peut l'admirer au Musée National de la Renaissance, à Écouen.

     

    L'artiste décrit le moment où s'opère la métamorphose de Daphné. L’œuvre élégante et influencée par la statuaire antique révèle aussi le goût des artistes de la Renaissance pour l’exotisme et les univers marins.

     

    Daphné repose sur un socle décoré de têtes d’anges et de mufles de lion d'où émergent des fragments de roches métamorphiques. Un certain mystère entoure cette pièce d'argenterie. Était-elle un luxueux centre de table associé aux armoiries d'un prince germanique, un ustensile médiéval appelé « languier » où l’on suspendait des « langues de serpent », dents de requin fossilisées utilisées pour détecter le poison, ou une « merveille », (mirabilia) recherchée par des collectionneurs?

     

    Pêché en grande profondeur en Méditerranée, le corail rouge était réputé pour ses vertus prophylactiques. On le considérait comme une espèce étrange qui oscillait entre végétal et minéral. Très apprécié pour sa beauté, il était fréquemment utilisé dans les arts à la Renaissance.

     

     

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    Apollon et Daphné par Paolo Caliari dit Véronèse (1528-1588), entre 1560 et 1565.

     

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    Apollon et Daphné par Pierre Paul Rubens (1577-1640).

     

    Cette huile sur bois conservée au musée Bonnat-Helleu, le musée des Beaux-Arts de Bayonne, est une étude réalisée en vue d'une commande pour le roi Philippe IV d'Espagne. On y retrouve les principales qualités artistiques de Rubens soit l'intensité du mouvement, le lyrisme narratif, les couleurs bruissantes.

     

     

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     A Versailles, Apollon et Daphné d'Antoine Coypel (1661-1722) se laissent admirer parmi les joyaux du Salon de Mercure.

     

     

    Aux Tuileries, Apollon et Daphné s'animent au-dessus du bassin de l'exèdre sud, dans leurs atours de marbre blanc et semblent prendre leur élan.

     

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    Daphné poursuivie par Apollon et d'Apollon poursuivant Daphné.

     

    Le dieu du soleil, sculpté par Nicolas Coustou (1658-1733), et la nymphe des bois, réalisée par Guillaume Coustou (1677-1746), ornèrent, vers 1713–1714, un des bassins des Carpes du Parc de Marly. En 1798, on les plaça dans l'exèdre Sud des Tuileries où ils demeurèrent jusqu'en 1940.

     

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    On les installa après la guerre au musée du Louvre où ils sont conservés.

     

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    Apollon

     

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    Daphné

     

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    Apollon et Daphné, 1625, par Nicolas Poussin (1594-1665).

     

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    Apollon et Daphné, 1681, par le peintre baroque Carlo Maratta (1625-1713).

     

     

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    Apollon et Daphné, 1702, par Paolo de Matteis (1662-1728), peintre baroque italien.

     

     

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     Apollon et Daphné par René-Antoine Houasse (1645-1710), peintre décorateur du Grand Siècle et l'un des plus fidèles collaborateurs de Le Brun aux Tuileries et à Versailles.

     

     

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    Cet éventail du XVIIIe siècle, conservé au Musée des Arts Décoratifs de Bordeaux, nous offre, par ses couleurs précieuses et son dessin raffiné, sa vision plus apaisée du mythe d'Apollon et Daphné.

     

     

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     Toujours sur le même thème, le Département des Arts Graphiques du Louvre conserve cette jolie miniature signée Jean-Honoré Fragonard (1732-1806).

     

     

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     Au musée Calvet à Avignon, on peut admirer ce tableau de l'école romaine du XVIIIe siècle, attribué à Pietro Bianchi (1694-1740) et très apprécié des historiens d'art pour la qualité de ses couleurs.

     

     

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     Ce bas-relief montrant Daphné surprise par Apollon provient de l'ancienne Folie de la Bouëxière, autrefois située dans le 18e arrondissement de Paris. Réalisé par Sébastien-Nicolas Adam (1705-1778), il est aujourd'hui conservé au Musée Carnavalet.

     

     

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    Apollon et Daphné par Francesco Trevisani (1655-1746), peintre italien représentatif du Baroque tardif. L’œuvre est conservée au Musée de l'Ermitage.

     

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    Apollon et Daphné par le graveur néerlandais Pieter Van Gunst (1659-1731).

     

     

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    Apollon et Daphné par Michele Rocca (1671-1751), peintre baroque italien.

     

     

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    Apollon et Daphné par le portraitiste et peintre d'histoire Jean-François de Troy (1679-1752). La sensualité de l’œuvre est remarquable !

     

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    Apollon et Daphné, 1736, par Jean-Étienne Liotard (1702-1789), peintre, pastelliste et miniaturiste orientaliste qui s'est inspiré de la sculpture du Bernin.

     

     

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     Apollon, Daphné et le dieu fleuve, père de Daphné, par le maître vénitien Giambattista Tiepolo (1696-1770), toile conservée à la National Gallery de Washington.

     

     

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     Apollon et Daphné, 1771, par Johann Heinrich Tischbein l'Ancien (1722-1789). L’œuvre se trouve au musée de Cassel en Allemagne. Le travail de métamorphose au niveau des mains de Daphné est particulièrement réussi.

     

     

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    Apollon et Daphné par le peintre italien néo-classique Andrea Appiani (1754-1817). L’œuvre est conservée à la Pinacothèque de Brera.

     

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     L'une de mes visions préférées du mythe d'Apollon et Daphné est sans conteste celle du peintre romantique et orientaliste Théodore Chassériau (1819-1856). Elle date de 1844.

     

    La transformation de Daphné est sublimée par les couleurs voluptueuses, la pureté des lignes, la grâce et le romantisme qui émanent de la composition. Le corps lunaire, chrysalide sensuelle sur fond de sylve, et l'attitude suppliante d'Apollon nous offrent un spectacle d'une troublante beauté.

     

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     Je suis également sous le charme de la composition de John William Waterhouse (1849-1917) : Apollon poursuivant Daphné, 1908.

     

    Le peintre, de sensibilité préraphaélite, nous livre une vision intime du mythe, centrée sur les jeux de regards et l'élégance des attitudes. La métamorphose s'opère dans un monde luxuriant où la femme devient une sorte de prêtresse épousant les forces de la Nature. Le tableau de Waterhouse révèle aussi une complexe attirance entre les personnages... On ne sent pas particulièrement de rejet mais des possibilités...

     

     

    La manière dont les artistes représentent Apollon et Daphné est très souvent renouvelée comme en témoignent les œuvres que nous contemplons.

     

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    Beauté formelle, conventionnelle et un brin glacée du couple, en 1810, par Robert Lefèvre (1756-1830), portraitiste et peintre d'histoire.

     

     

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     Ardeur et spiritualité avec Apollon et Daphné, en 1919, sous le pinceau d'Armand Point (1860-1932), le créateur de la Confrérie d'Hauteclaire à Marlotte, dans la forêt de Fontainebleau, un phalanstère d'art aux inspirations Symbolistes.

     

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    Daphné, imaginée par l'illustrateur de féerie et de fantasy Arthur Rackham (1867-1939).

     

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    Apollon et Daphné par George Spencer Watson (1869-1934), grand admirateur de l'art de la Renaissance Italienne, une course poursuite enflammée...

     

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    Apollon et Daphné, 1940, par le sculpteur allemand Arno Breker (1900-1991).

     

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    Apollon et Daphné, particulièrement « ravageurs » en 1969, dans la vision de l'illustrateur de fantasy Boris Vallejo, né en 1941.

     

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     Quelle intensité des regards et quel charme de la chair dans la représentation d'Apollon et Daphné par Hélène Knoop, une artiste norvégienne née en 1979 et inspirée par le Symbolisme et l'art de la Renaissance !

     

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    Apollon et Daphné, en état de transe onirique, par l'artiste surréaliste espagnole Beatriz Martin Vidal.

     

    Les relations d'Apollon et de Daphné, fascinantes, s'exercent à la fois dans le jardin et dans la sylve. Le mythe originel nous conte une histoire d'amour à la fois impossible et peut-être bien possible et l'on peut interpréter les rapports qui unissent le dieu et la nymphe de plusieurs manières.

     

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    Apollon et Daphné par Georges Patsouras (Ggaddict sur DeviantArt)

     

    -Daphné, victime d'un sort orchestré par le facétieux Cupidon (capable de donner autant que de reprendre, attention à ne pas contrarier ce sacré Chérubin!), est prise de frayeur à l'idée de vivre une passion charnelle avec Apollon. Elle s'échappe donc à travers la métamorphose, troquant son corps de femme contre une apparence végétale. L'amour ressenti par le dieu ne s'éteint pas pour autant...

     

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    -Daphné, à la fois nymphe et vierge n'a pas encore opéré les transformations naturelles de son corps de femme. Elle a peur de vivre les modifications liées à la perte de la virginité et demande l'aide de son père afin d'échapper à l'amant fougueux représenté par Apollon... Le soleil qui brûle le sang ! L'état végétal peut donc être assimilé à un état de chrysalide verte dans lequel Daphné prend le temps nécessaire à la maturation de ses désirs et de ses sentiments.

     

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    New Life par MrDexArts sur DeviantArt

     

    -Daphné incarne les cycles de la Nature... En tant que « femme verte », elle est l'un des avatars de la Grande Déesse des temps anciens. Elle se refuse d'abord aux désirs du dieu puis elle se livre lorsque celui la rejoint, sur un même plan d'initiation...

     

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    Tomasz Alen Kopera, artiste surréaliste né en 1976.

     

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    Séverine Pineaux, Les Amants de la Sylve.

     

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    Delphine Gache

     

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    Joséphine Wall, Nature's Embrace...

     

    A force de se poursuivre...wink2

     

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    Gros bisous et merci de votre fidélité !

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    Elle se dresse, élégante, sous les arbres du parc dont elle constitue l'une des fabriques, petite chapelle aux lignes pures qui fut consacrée en 1864.

     

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    Elle fut construite pour Alfred Caillebotte, demi-frère de Gustave, qui était prêtre et son nom est emblématique du charme bucolique de l'endroit.

     

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    Quand on s'approche, on imagine un ancien lieu de culte lunaire associé à une déesse mère parée de lierre, le « Gort » de la tradition celtique qui signifie « l'embrassement »  mais il apparaît surtout que la chapelle soit liée à la rivière et que le nom qu'elle porte soit le fruit d'un jeu d'écriture.

     

    A travers son nom, il faut « entendre » Notre-Dame de l'Yerres, rivière dont je vous ai parlé mais pour les personnes qui n'auraient pas lu mon premier article sur la propriété Caillebotte, voici ce que j'avais écrit :

     

    Cette rivière, en partie souterraine sur son cours supérieur, naît en Seine-et-Marne, à Courbon, près de l’étang de Guerlande. Elle « nourrit » les villages de Soignolles-en-Brie et de Brie-Comte-Robert, traverse le département de l’Essonne et rejoint la Seine à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne. Sinueuse à son point de départ, elle se nourrit de sources et de rus pour franchir autant de communes rurales que d'espaces très urbanisés. Son principal affluent se nomme Le Réveillon.

     

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     Créature de nuages à sa surface...

     

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    Bijou d'architecture, Notre-Dame du Lierre (ou de l'Yerres) mêle dans sa structure des éléments de style roman comme les baies en plein-cintre et des formes élancées et ciselées de style gothique.

     

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    J'écrivais plus haut qu'elle avait été construite pour Alfred Caillebotte...

    Petite incursion dans l'histoire de la famille Caillebotte

     

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     Rising road (Route ascendante), 1881.

     

    Vous l'avez constaté en vous « promenant » à travers mes articles, Gustave Caillebotte n'était pas un artiste maudit. La réussite de son père, Martial Caillebotte, lui permit d'être un généreux mécène pour les peintres impressionnistes et de pouvoir contribuer à la constitution d'une collection d’œuvres emblématiques de l'Impressionnisme, au-delà de ses propres réalisations.

     

    Grâce à la fortune paternelle, Gustave créa ses tableaux dans un cadre privilégié et l'un de ses frères, nommé Martial comme le père providentiel, put donner libre cours à sa passion pour la photographie.

     

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     Martial (1853-1910) et Gustave (1848-1894). Collection particulière.

     

    Issu d’une famille très fortunée de la bourgeoisie du Second Empire, Martial père naquit à Domfront, dans l’Orne, le 8 avril 1799. Négociant en draps, il avait hérité en 1830 de l’affaire familiale qu'il fit prospérer en venant à Paris. Puissant industriel, il fut également juge au Tribunal de Commerce de la Seine et reçut la distinction de Chevalier de la Légion d'Honneur. A travers l’histoire de sa famille, c’est l'histoire de l'élaboration des fortunes dans le Paris haussmannien qui nous est révélée.

     

    Martial Caillebotte père eut plusieurs fils : Alfred (1834-1896), né d'un premier mariage, Max qui mourut à la naissance dans le cadre d'un second mariage et, fruits d'une troisième union : Gustave, le célèbre peintre, Martial qui devint photographe et René qui mourut à l'âge de vingt cinq ans.

     

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    Le jeune à la fenêtre, 1876. (Ce portrait rend hommage à René, disparu le 1er novembre 1876. Il est emblématique d'une veine de portraits, fascinants et énigmatiques, présentés de dos).

     

    Alfred fut ordonné prêtre en 1858 et il eut semble-t-il, tout au long de sa vie, de bonnes relations avec ses demi frères. Doté d'une grande spiritualité, il fut vicaire de l'église Saint-Jean-Baptiste de Belleville puis curé de la toute nouvelle église Saint-Georges-de-La-Villette et enfin abbé de la célèbre Notre-Dame-de-Lorette.

     

    La construction de la chapelle Notre-Dame du Lierre était une façon pour son père de « l'inclure » dans l'existence de la famille Caillebotte recomposée.

     

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     Photographie de Martial Caillebotte « montrant » Gustave en promenade avec sa chienne Bergère, sur la place du Carrousel. Collection particulière.

     

    Une très belle relation unit Gustave à ses frères et plus particulièrement à Martial auprès de qui il donnait aisément libre cours à son inspiration.

     

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     Photo de Martial qui était aussi un remarquable pianiste.

     

    Gustave et Martial aimaient décrire chacun à leur manière les grandes modifications de leur temps et cette entité fascinante qu'était Paris en pleine mutation : les nouveaux squares et les jardins haussmanniens, les immeubles élégants, les infrastructures comme les gares, les ponts, les voies de communication... et bien évidemment les bords de rivières, les charmes secrets de l'eau, les loisirs aquatiques, les voiliers, les régates, le canotage... Ils aimaient aussi présenter leurs proches dans un cadre de vie plus intime.

     

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     Un balcon, boulevard Haussmann, 1880.

     

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     Les canotiers, 1877.

     

    Le 7 mai 1881, Gustave et Martial firent l'acquisition d'une parcelle au Petit Gennevilliers, au lieu-dit « L'île aux draps », proche du Cercle de voile de Paris, entre les ponts d'Argenteuil et de Colombes et s'y adonnèrent à leurs passions communes : philatélie, horticulture, yachting...

     

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     Le bateau jaune, 1891.

     

    En 1887, après le mariage de Martial avec Marie Minoret, mariage célébré par Alfred, Gustave racheta les parts que Martial possédait au Petit-Gennevilliers. Il fit agrandir la propriété et s'y installa définitivement pour y dessiner et construire des bateaux, y jouir des plaisirs de la voile et entretenir une collection florale dans de remarquables serres. Il y mourut hélas, encore jeune, d'une congestion cérébrale, mais ceci est une autre histoire...

     

    Les femmes furent aussi très importantes dans la famille Caillebotte. Il y eut notamment Léonie, sœur d'Alfred, qui mourut quand elle n'était qu'une petite fille et dont le souvenir hanta les jours de Martial Caillebotte père. Il y eut Céleste Daufresne, la matriarche, mère de Gustave, de Martial et de René et Marie Minoret qui eut deux enfants avec Martial : Geneviève et Jean.

     

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    Quatre femmes à Yerres, à l'ombre des orangers...

     

    Au premier plan dans la jolie robe bleue, on voit Marie Caillebotte, cousine de Gustave, puis dans un effet de perspective, l’artiste a représenté Marie Amanda Chaumont, sa tante, Madame Hue, une amie de la famille et enfin sa mère Céleste Daufresne, près du parterre de pélargoniums.

     

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     Une photographie de la famille Caillebotte déjeunant à proximité d'Aix.

     

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    Contempler la jolie chapelle Notre-Dame du Lierre m'a donné envie de vous parler de cette famille dont les membres furent des témoins privilégiés des évolutions de leur temps.

     

    Je compte publier des articles cet été alors je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour d'autres « aventures » artistiques. En attendant, je vous fais de gros bisous, merci de votre fidélité !

     

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    J'ajoute ces roses... pour le blogueur Marc de Metz, pour sa famille et ses amis. Marc nous a quittés. J'avais échangé quelques pensées très gentilles avec lui. Nous nous connaissions peu mais j'avais conservé le souvenir d'un homme attentif aux autres et généreux. Je pense à mon amie Annick qui l'appréciait énormément. Je déteste sentir qu'une amie a de la peine...

     

    Lien vers le très bel article hommage qu'Annick lui a consacré...

     http://annick-amiens.eklablog.com/

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    Chers aminautes, je vous invite à poursuivre notre exploration des fabriques de la propriété Caillebotte, à Yerres. Après l'histoire des lieux, l'étude du terme « fabrique » dans l'art des jardins et la contemplation du kiosque, de la glacière et de la chaumière normande, nous voici, devisant, devant l'exèdre.

     

    Dans l'antiquité gréco-romaine, l'exèdre était une composition architecturale destinée à former un espace de réunion. On y disposait des bancs en demi-cercle dans le but de favoriser la conversation.

     

    Dans plusieurs grandes villes de l'Antiquité, les exèdres étaient des monuments très sophistiqués, richement décorés de statues qui représentaient des dieux et des donateurs et elles étaient parfois intégrées dans les façades des bâtiments publics : thermes, hippodromes, forums...

     

    Les maisons patriciennes possédaient fréquemment une exèdre que l'on appelait « pièce de conversation », située le plus souvent face à la cour d'honneur ou « cour péristyle » de la demeure.

     

    L'exèdre de la propriété Caillebotte, essentiellement décorative, est un hommage rendu à ces « possibilités » philosophiques d'autrefois.

     

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    Des piliers surmontés de têtes sculptées rayonnent autour d'une statue centrale : L'Enfant à l'oie qui domine une vasque. Cet enfant est considéré comme le fils d'Asclépios, le dieu grec de la médecine. Il est censé combattre la fièvre paludéenne représentée par l'oie mais j'y reviendrai tout à l'heure.

     

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    Les différentes têtes qui couronnent les piliers évoquent des personnages antiques : héros, dieux, philosophes mais elles ont été déplacées plusieurs fois et aucun document ne relate dans quel ordre elles se trouvaient à l'époque où la famille Caillebotte vivait dans la propriété. Aujourd'hui, nous pouvons reconnaître parmi elles...

     

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    Asclépios, dieu médecin, fils d'Apollon et de Coronis, princesse de Thessalie (terre de haute magie) dont le nom signifie « corneille ». Dans sa jeunesse, Asclépios fut initié aux sciences, à la littérature et à l'art par le centaure Chiron.

    La déesse Athéna lui fit don de deux fioles contenant le sang de la terrible Méduse. Ces fioles représentaient l'essence même de la médecine. Avec l'une d'elles, on obtenait un poison violent et avec l'autre, un puissant élixir de guérison.

     

    Au XIXe siècle, on pouvait admirer près d'Asclépios des bustes de Pomone et de Vertumne, divinités protectrices des fruits et des jardins. Ils ont hélas disparu.

     

    Il demeure le buste du philosophe Platon (-428/-348) qui rend hommage à l'esprit de discussion associé à la conception de l'exèdre.

     

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    Platon

     

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    A côté de Platon, un visage jeune et empreint de noblesse, longtemps assimilé à celui du dieu Vertumne, évoque Antinoüs (111-130 après J.-C.), favori infortuné de l'empereur Hadrien.

     

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    Si vous désirez approfondir vos connaissances au sujet d'Antinoüs et d'Hadrien, je vous conseille la lecture des articles de monsieur Richard Lejeune, sur son blog Égyptomusée.

     http://egyptomusee.over-blog.com/2016/09/les-devenirs-d-antinous-de-la-fiction-romanesque-a-la-realite-archeologique.html

     (Il y a plusieurs articles, il suffit de suivre les liens...)

     

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    Aux extrémités de l'exèdre, on aperçoit des vases qui sont des répliques de ceux réalisés par le sculpteur grec Sosibios d'Athènes vers l'an 50 avant J.-C.

     

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    Méconnu aujourd'hui, Sosibios travaillait à Rome à la fin de la République et bénéficiait d'une aura de succès dans les milieux aisés. Plusieurs originaux de ses œuvres se trouvent au Louvre.

     

    L'enfant à l'oie

     

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    Au cœur de la composition, il nous séduit par la « joliesse » de ses lignes et la puissance de ses mouvements. Nombre de promeneurs qui passent par là pensent qu'il joue or ce n'est pas le cas. Il serre le cou de l'oie et selon les interprétations, soit il combat la fièvre paludéenne soit il impose sa domination sur l'oie pour lui faire rejoindre ses congénères sacrées du Temple d'Asclépios.

     

    L’œuvre originale, en bronze, a été attribuée à Boéthos de Chalcédoine, sculpteur en activité vers l'an 200 avant J.-C. On en découvrit, en 1792, une copie antique en marbre sur la Via Appia, au sud de Rome, dans la Villa dite des Quintilii. En 1799, elle fit partie des saisies napoléoniennes et fut placée au Louvre, au Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines.

     

    Boéthos s'était inspiré d'une statuette citée dans Les Mimes du poète grec Hérondas qui vécut au IIIe siècle avant J.-C.

     

    Les Mimes étaient dans l'Antiquité des petites scènes comiques représentant des gens de condition modeste dans l'ordinaire de leur vie. La statuette évoquait un enfant étranglant une oie et favorisant par ce geste la guérison de ceux qui la touchaient.

     

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    Sur cette photo vous apercevez l'une des façades du Casin, bâtiment dont je vous ai parlé dans mon premier article consacré à la propriété Caillebotte. Les statues que l'on devine sont celles de Vénus et d'Apollon.

     

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    L'enfant à l'oie a été représenté sur un timbre datant de 1955 et vendu au profit de la Croix-Rouge. Ce timbre a été dessiné et gravé par Jules Piel, artiste spécialisé dans ce qu'on appelle « l'art des figurines postales ».

     

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    Bien connu des collectionneurs de timbres, d'enveloppes premier jour, de monnaies et de médailles commémorative, Jules Piel (1882-1978) a également dessiné des billets de banque et illustré des livres. Il a notamment réalisé de belles planches pour Les Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet et Le Cantique des Cantiques.

     

    Je ne saurais que trop vous conseiller, si vous passez par Yerres, d'aller voir cette remarquable exèdre qui nous parle de culture, d'art et de philosophie. Ses éléments ont été « reconstitués » (du moins une partie) en 1998, par l'atelier de moulage du musée du Louvre, à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de Gustave Caillebotte (1848-1894).

     

    A très bientôt, chers aminautes, pour la suite de cette promenade essonnienne. Prenez bien soin de vous en ces temps de fortes chaleurs. J'ai de grosses difficultés à me servir de mon ordinateur. Mes pages se « voilent », mon traitement de texte va à une vitesse de limaçon et les photos sont très difficiles à publier en dépit de leur poids et de leur taille considérablement diminués. Christophe a passé un temps fou à tenter de mettre cet article en ligne alors j'espère qu'il sera visible en entier... J'ai renoncé à y ajouter d'autres photos parce que ce n'était pas possible.

    Merci de votre fidélité, gros bisous !

     

    PS : Pour les amoureux des oiseaux...

     

    Les oies photogéniques qui se dandinent sur le blog de Véronique (les oies du parc du château de Rambouillet)

    http://www.laparisienneetsesphotos.com/les-oies-du-parc-du-chateau-de-rambouillet-a130519550

     

    Les bébés mésanges de Laure (Mon jardin du bonheur) qui prennent si joliment leur envol (les petits ont quitté le nid)

     http://laurefeerie.canalblog.com/archives/2017/06/20/35390905.html

     

    La famille cygne et les pigeons très amoureux qu'Annick a immortalisés avec son APN

     http://annick-amiens.eklablog.com/monsieur-et-madame-cygne-nous-presentent-leurs-petits-a130390858

     http://annick-amiens.eklablog.com/des-cygnes-aux-pigeons-a130415466 (attention, article classé X!!!)

     

     Un grand bol d'air marin avec le « voyage » de Zaza sur son île aux couleurs chatoyantes ! Il fait bon voler par là-bas pour se rafraîchir.

     http://zazarambette.fr/arrivee-a-bon-port/#more-6641

     

    La poésie « Saturnine » de Jill qui m'a enchantée

     http://jill-bill.eklablog.com/saturnine-a130530194

     

    La baignade de l'accenteur sur le blog de Shuki

     https://le-monde-de-shuki.blogspot.fr/2017/06/baignade-de-laccenteur.html

     

    La balade médiévale de Canelle avec de drôles d'oiseaux en armure...

    http://www.dinclo56.com/2017/06/fouras-et-les-medievales.html

     

    Les oiseaux de Charles Trénet sur le blog de Gérard (Paris à nu)

     http://www.paris-a-nu.fr/les-oiseaux-de-paris-charles-trenet-1938/

     

    Petit clin d’œil amical « à tire-d'ailes » à Linda et à Picasso

     http://ekla-de-nature.eklablog.com/asperule-odorante-a130462038

     

    Ainsi qu'à Mamie Lucette

     http://chezmamielucette.eklablog.com

     

     

     

    Chers aminautes, j'aime profondément ce que vous faites. Je ne fais pas de favoritisme, j'ai pris le thème avicole avec du premier et du second degré et si je vous ai oublié(s) ou si je n'ai pas vu vos billets du jour, j'en suis désolée...

     

     

     

    A très bientôt

     

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    Je vous invite à Yerres, dans l'Essonne, pour découvrir la demeure familiale du peintre impressionniste Gustave Caillebotte (1848-1894), génie atypique dont les œuvres reflètent un sens très particulier de l'art du cadrage, considéré comme photographique.

     

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    Plusieurs articles nous permettront de contempler la propriété et son parc d'agrément de onze hectares, peuplé d'arbres remarquables et de fabriques, constructions pittoresques qui ont traversé le temps pour nous offrir leur élégante scénographie.

     

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    L'Yerres, un affluent de la rive droite de la Seine, irrigue les lieux. Cette rivière, en partie souterraine sur son cours supérieur, naît en Seine-et-Marne, à Courbon, près de l’étang de Guerlande. Elle « nourrit » les villages de Soignolles-en-Brie et de Brie-Comte-Robert, traverse le département de l’Essonne et rejoint la Seine à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne. Sinueuse à son point de départ, elle se nourrit de sources et de rus pour franchir autant de communes rurales que d'espaces très urbanisés. Son principal affluent se nomme Le Réveillon.

     

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    Gustave Caillebotte a peint près de quatre vingt dix toiles sur ses berges végétalisées et pendant plusieurs années, ses amis artistes ont pris plaisir à le rejoindre à Yerres pour écrire, peindre et deviser au bord de l'eau.

     

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    Martial Caillebotte, père de Gustave, a acquis ce lieu de villégiature pour en faire la résidence d'été familiale et ainsi « échapper » aux nouvelles contraintes du Paris Haussmannien. Martial Caillebotte avait fait fortune en fabriquant des toiles à matelas pour l'Armée Française. Son entreprise se nommait « Service des lits militaires ».

     

    Avant la Propriété Caillebotte, on trouvait au bord de la rivière un parc paysager à l'anglaise aménagé dans les années 1830 par Pierre-Frédéric Borrel, chef cuisinier du célèbre restaurant Le Rocher de Cancale, à l'emplacement d'un vaste domaine agricole ayant appartenu aux seigneurs d'Yerres.

     

    (Le Rocher de Cancale, institution gourmande parisienne, n'est évidemment pas le propos de cet article. Je l'ai photographié plusieurs fois au cours des années et bien sûr, à travers de prochains écrits, je vous le montrerai.)

     

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    Dans les années 1860, Martial Caillebotte fit ériger LE CASIN, maison de campagne à l'italienne, rythmée par de jolies colonnades, sur les vestiges de l'Hôtel de Narelles, manoir Renaissance de Nicolas Budé, le dernier seigneur d'Yerres. Il ne reste de cette construction que des caves voûtées qui ne se visitent pas.

     

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    Les façades de ce bâtiment aux lignes élégantes et pures ont été réhabilitées de 1997 à 2001.

     

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    On y admire de belles frises sculptées qui évoquent des divinités antiques, sans précision particulière.

     

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    Le « casin » a engendré le mot « casino » qui signifie littéralement « petite maison » et désigne un lieu de détente situé à l'écart des activités trop intenses de la ville.

     

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    Inscrite à « l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques » et labellisée en 2012 « Maison des Illustres » par le ministère de la Culture, la Propriété Caillebotte appartient depuis 1973 à la commune d’Yerres qui l’a entièrement restaurée. Haut lieu de l’Impressionnisme, elle est considérée comme l'équivalent de l’atelier et du jardin de Claude Monet à Giverny.

     

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    Le Parc, 1875.

     

    Dès l'âge de douze ans, Gustave Caillebotte a particulièrement aimé ces lieux. Pensionnaire tout au long de l'année hormis en été, il pouvait retrouver ses parents aux grandes vacances et profiter, à Yerres, d'un bonheur bucolique. Ce fut donc naturellement qu'il se mit à peindre les différents points de vue et les endroits pittoresques du parc.

     

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    Vue sur le Casin, 1876.

     

    Entre 1875 et 1879, plusieurs de ses tableaux majeurs ont été peints dans l'écrin verdoyant de la demeure. Il a cheminé le long de la rivière, étudié les jeux d'ombre et de lumière sur les façades des différentes dépendances, observé l'évolution du potager... Son style atypique s'est défini à cette époque là, mêlé de poésie impressionniste et d'une modernité très personnelle.

     

    En 2014, quarante trois de ses œuvres ont été exposées à Yerres et le rendez-vous était d’autant plus exceptionnel que ces tableaux n’avaient jamais été, pour la plupart, présentés devant le public.

     

    On a donc pu admirer le célèbre triptyque peint en 1878 qui se compose de Pêche à la ligne, Baigneurs, bords de l’Yerres et Périssoires sur l’Yerres et l’œuvre intitulée Partie de Bateau, dit aussi Canotier au chapeau haut de forme.

     

    Le Triptyque

     

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    Pêche à la ligne, 1878.

     

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    Baigneurs, bords de l'Yerres, 1878.

     

    Ce tableau fut raillé, moqué, décrié de manière très violente, par les critiques à l'Exposition Impressionniste de 1879 où le trio de toiles fut présenté sous la forme de panneaux décoratifs.

     

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    Périssoires sur l'Yerres, 1878.

     

    La périssoire, sous sa forme monoplace, est un canot qui mesure entre trois mètres cinquante et quatre mètres de longueur. Il existe des périssoires de course qui sont environ deux fois plus grandes.

     

    Embarcation très maniable mais susceptible de chavirer facilement, d'où la référence au verbe « périr » , la périssoire était très en vogue au XIXe et au début du XXe siècle, en Europe et dans le Nouveau Monde. Elle dérive de la pirogue Cajun, utilisée par les Français de Louisiane et fut peu à peu détrônée par le canoë kayak.

     

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    Partie de bateau dit aussi Canotier au chapeau haut de forme, 1875-1878, collection particulière.

     

    Ce célébrissime tableau, peint à Yerres, fut qualifié en son temps de « fantaisie ultra-naturaliste » ce qui se voulait très péjoratif. Le modèle est inconnu. Un homme en tenue de ville capte l'attention du spectateur. La vigueur du mouvement est hautement perceptible. La composition est très originale et moderne : le champ de vision n'accueille qu'une partie du corps du personnage dont le regard, détourné de celui du spectateur, effleure le vague de l'atmosphère... Avec cette oeuvre profondément personnelle, Caillebotte a rompu avec toutes les conventions de l'art ce qui lui fut intensément reproché.

     

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    Le parc à Yerres, 1877.

     

    Chaque fois que je me promène avec Christophe dans les allées et les petits coins secrets du parc entourant la demeure (Yerres se situe sur notre ligne de RER, la ligne D), j'imagine l'artiste arpentant les lieux avec ses toiles et ses pinceaux à la main... C'est un endroit que nous aimons beaucoup !

     

    Depuis LE CASIN, on aperçoit l'ORANGERIE, bâtiment néo-classique dont la façade principale est orientée plein sud afin de recueillir un maximum de lumière et de chaleur solaires.

     

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    A l'époque de Gustave Caillebotte, elle abritait non seulement des orangers, des citronniers, des grenadiers et des mandariniers mais aussi de superbes collections d'orchidées qui ne sont plus visibles aujourd'hui.

     

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    Joliment restauré, le bâtiment dévoile ses fins ornements : une nymphe gracieuse et une séduisante Vénus assise sur un dauphin fantastique.

     

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    Des œuvres contemporaines ont été installées à différents endroits du parc et notamment à côté de l'Orangerie. Petit florilège...

     

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    Voici « Le Grand Assis » de Denis Monfleur.

     

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    Cette œuvre de 2013 a été sculptée dans de la lave de Chambois, un granit gris, aux reflets argentés, extrait des carrières volcaniques du Puy de Dôme.

     

    Né en 1962, Denis Monfleur est un amoureux des matières dures comme le granit et le basalte. Armé de puissantes scies à diamants, il aime s'attaquer à des blocs massifs et leur donner vie en y insufflant « l'animé », visualisation de ses possibilités d'artiste. Il est le créateur de formes énigmatiques qui évoquent des idoles gardiennes de l'énergie spirituelle de l'Humanité.

     

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    Sur la pelouse qui mène à l'Orangerie, se dressent des formes mystérieuses... celles de la Suite musicale d'Alain Kirili, oeuvre de fer conçue en 2014.

     

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    Né en 1946, Alain Kirili est l'un des grands noms de la sculpture contemporaine. Inspiré par la calligraphie coréenne, l'écriture hébraïque et passionné par ce qu'il appelle « les mots de l'inconscient », il est devenu l'auteur d'un étrange alphabet scriptural. Le Président Georges Pompidou était un grand admirateur de son œuvre.

     

     

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    Depuis la terrasse de l'Orangerie, la vue sur le Casin est magnifique et quelques pas suffisent pour découvrir un bronze d'Antoine Bourdelle (1861-1929), sculpteur incontournable de la 2e moitié du XIXe et des premières décennies du XXe siècle.

     

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    Grand guerrier avec jambe, 1893-1902 : une œuvre prêtée par le Musée Bourdelle à Paris.

     

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    Ami et collaborateur d'Auguste Rodin pendant près de quinze ans, sans pour autant céder à ce que certains appelaient « l'emprise du maître », Bourdelle défendit, tout au long de sa vie, son droit à l'indépendance et à l'originalité. Grand amoureux des mythes, il appréciait le lyrisme mais il aimait aussi simplifier les formes et faire dialoguer les pleins et les vides, de façon très personnelle.

     

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    En « quittant » la statue de Bourdelle et en revenant vers le Casin, on découvre le CHALET SUISSE, beau bâtiment de bois agrémenté d'élégantes découpures. Utilisé comme laiterie, à l'époque de Gustave Caillebotte, il accueille un restaurant gastronomique : celui du chef Philippe Detourbe.

     

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    Vue sur le Casin, le Chalet Suisse et l'entrée principale de la propriété.

     

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    Je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour découvrir d'autres aspects du parc. En attendant, merci de votre fidélité et gros bisous !

    Plume

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    C'est une promenade aux couleurs de l'amitié que je vous propose aujourd'hui. J'ai sillonné avec CHRIS, (du blog  Au fil des jours et des menus plaisirs), les chemins inattendus de Sarcelles, cité emblématique du Val d'Oise et de la banlieue nord parisienne.

     

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    Je te remercie, Chris, pour les moments de joie et de complicité que nous avons partagés. Ils sont aussi lumineux que ces fleurs.

     

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    Amis lecteurs, je vous invite à découvrir les balades intimistes de CHRIS dans Paris, ses escapades en Île de France et ses décorations fort réussies mais vous la connaissez peut-être déjà...

     

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    Si vous vous demandez ce que Sarcelles offre en matière de verdure et de patrimoine, mon article vous surprendra sûrement. En dépit de sa réputation négative, le lieu est loin d'être inhospitalier et recèle, dans sa partie la plus ancienne, de véritables petits trésors.

     

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    Sarcelles est mon « chez moi » depuis plus de dix ans mais Paris est mon royaume de rêves et une terre infinie d'exploration. Osciller entre les deux nourrit mon inspiration...

     

    Autrefois, Sarcelles était nichée dans la campagne, au coeur d'un territoire luxuriant, constitué de vignes, de champs, de cultures potagères (choux-fleurs, petits pois) et de vergers (poiriers, pommiers) dont les récoltes étaient acheminées, par voie ferrée, jusqu'à Paris. A la fin du XIXe siècle, on y construisit d'élégants pavillons mais à partir des années cinquante, l'urbanisation galopante donna naissance à de grands ensembles, destinés, de prime abord, à accueillir les rescapés de l'Hiver 54 et les français rapatriés d'Algérie.

     

    Cette « nécessité immobilière » modifia sans concessions le visage des lieux. La bourgade champêtre se métamorphosa en une banlieue tentaculaire peuplée de tours immenses et un terrible mal de vivre, appelé « sarcellite », fit son apparition.

     

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    (Image trouvée sur le Net)

     

    Cette angoisse mortifère, soulignée avec force détails en mars 1962, naquit dans la première phase du Grand Ensemble. Au milieu des barres de béton, elle suscita une vague de troubles psychologiques et de suicides mais elle s'atténua quand les quartiers furent équipés de commerces, d'écoles, de bureaux de poste, de bibliothèques et d'espaces de loisirs.

     

    Le Canard Enchaîné lui consacra sa une, le 9 février 1966 et le livre Regards et témoignages sur Sarcelles de Claude Mezrahi, publié en 1986, en décrivit les différentes manifestations.

     

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    Le ciel au crépuscule, contemplé depuis ma fenêtre, au coeur du Grand Ensemble.

     

    Sarcelles est l'union de deux entités: le vieux Sarcelles, dit Sarcelles Village et la ville nouvelle, appelée Sarcelles Lochères.

     

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    Sarcelles Village

     

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    Sarcelles Lochères fut le premier exemple de « ville neuve », érigée entre 1955 et 1970 à l'initiative de François Bloch-Lainé, président de la Société immobilière de la Caisse des Dépôts et Consignations (SCIC). Il confia la réalisation du projet aux architectes Jacques-Henri Labourdette (1915-2003) et Roger Boileau.

     

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    Les immeubles de Jacques-Henri Labourdette ont été conçus pour s'adapter aux contraintes d'une ville très dense. Leur écriture architecturale est fondée sur les exigences du rationalisme constructif. Baies vitrées, panneaux de pierre et bandeaux de béton rythment les plus grands bâtiments qui abritent aussi bien des logements que des bureaux et des activités libérales.

     

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    Labourdette est connu pour avoir édifié, en 1960, avec Édouard Albert, la Tour Albert, premier gratte-ciel de Paris. Sa hauteur de 61 mètres suscita une âpre controverse mais son ossature tubulaire en acier était si novatrice pour l'époque que le bâtiment est considéré, aujourd'hui encore, comme un exemple de modernisme.

     

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    La Tour Albert, 33, rue Croulebarbe, photographiée par Jacques Mossot pour Structurae (Base de données internationale du patrimoine du génie civil).

     

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    Les « Labourdettes » érigées sur le Cours Belsunce, à Marseille, entre 1960 et 1962. Ces trois tours ont obtenu le label « Patrimoine XXe siècle ». (La photo est de Xavier de Jauréguiberry pour Djibnet.)

     

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    J'habite à l'ombre des « Labourdettes » de Sarcelles, dans un immeuble de quatre étages. Comme vous pouvez le constater, la Nature a retrouvé une place importante dans la ville.

     

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    Depuis plusieurs années, des espaces verdoyants, des massifs de fleurs et des arbres vigoureux, qui s'élancent plus haut que certains immeubles, ont adouci l'hydre de béton.

     

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    Sous l'orage, une inquiétante et fascinante poésie...

     

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    Le paysage s'est considérablement modifié par rapport à l'époque du « tout béton », comme en témoignent ces séductrices photographiées au pied de mon habitation.

     

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    Quand je longe ces « espaces de respiration » émaillés de roses voluptueuses, je songe aux premiers temps de la ville moderne, à la grisaille omniprésente et je me dis que les lieux ont bien changé.

     

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    Que serions-nous sans ces beautés opulentes, caressées par les larmes du ciel?

     

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    Le patrimoine vert de Sarcelles constitue près de 25% du territoire de la commune (source Mairie) et chaque petite place est agrémentée de compositions florales.

     

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    Cette réécriture végétale et colorée de l'espace urbain est particulièrement appréciée par les riverains.

     

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    Mon arrêt de bus

     

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    Rubdbeckias couleur de soleil, pensées et pétunias composent une palette de soie et de lumière.

     

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    Devant la gare...

     

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    Un petit coin de prairie découvert en cheminant vers Sarcelles Village qui a préservé son authenticité, parmi les squares verdoyants et les monuments classés, à l'instar de l'église et de l'Hôtel de Ville.

     

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    Ancienne Place de la Mairie, la Place de la Libération se dresse à l'emplacement de l'ancien cimetière (1730).

     

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    Ce bel espace ombragé, orné de roses, honore la mémoire du docteur Marius Galvani (1844-1920).

     

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    Le nom de ce médecin au grand coeur est indissociable du combat contre le choléra.

     

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    Marius Galvani naquit à Zante, une île d'Ionie, le 20 novembre 1844. Pendant la guerre de 1870, il s'engagea dans les ambulances volantes des armées de terre et de mer. Diplômé de médecine à Paris en 1874, il s'établit à Sarcelles, en 1875, et devint conseiller municipal. Pendant l'épidémie de choléra de 1892, il soigna sans relâche les malades sarcellois et reçut la Légion d'honneur.

     

    Le monument fut érigé grâce à des fonds collectés auprès des anciens malades, en 1938, et inauguré en 1946.

     

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    Les lieux avant l'aménagement du square. De récentes campagnes de fouille ont révélé qu'il s'agissait du premier établissement humain à Sarcelles.

     

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    Quelques pas nous conduisent au square d'Hattersheim, un lieu ravissant qui célèbre le jumelage de la ville d'Hattersheim, en Allemagne, avec Sarcelles, le 14 juin 1987.

     

    Bien que située dans une zone fortement industrialisée, Hattersheim s'est épanouie au bord de l'eau, sur les rives du Main. Elle est appelée « la ville des roses » car, dès la fin du XIXe siècle, des horticulteurs se spécialisèrent dans la culture et l'exportation de roses coupées. En 1997, une somptueuse roseraie y fut inaugurée. On y contemple aujourd'hui plusieurs centaines de variétés de roses, une pyramide ornementale géante, des bassins parsemés de roses aquatiques... On y donne, sous les frondaisons parfumées, des « Concerts de Sérénades ».

     

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    La roseraie d'Hattersheim. (Image trouvée sur le net).

     

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    Rose d'Hattersheim

     

    En attendant de consacrer un article à la reine des fleurs, je veux offrir celle-ci à une délicieuse poétesse, Corinne (Cronin), qui signe d'une rose ses vers exquis et ses missives d'amitié.

     

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    Nous sommes accueillis par une allégorie de l'abondance, gracieuse incarnation de l'esprit des vignes qui couvraient autrefois la campagne sarcelloise.

     

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    Un peu floue sous un rideau de pluie...

     

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    Dans sa grâce juvénile, cette vendangeuse au visage poupin rayonne, telle une nymphe des fleurs.

     

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    A ses pieds, jaillit un tapis de verdure et de fleurs colorées, tableau chamarré où les couleurs chaudes s'entremêlent...

     

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    Elle se dresse à côté du manoir de Miraville (l'actuel hôtel de ville) et regarde en direction de l'église du village.

     

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    Le manoir de Miraville fut construit en 1885 par Frédéric Aylé, un collectionneur d'objets d'art strasbourgeois, qui devint maire de Sarcelles, de 1878 à 1881 et de 1884 à 1896. Je vous ferai visiter ce remarquable bâtiment dans un prochain article.

     

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    L'église Saint-Pierre et Saint-Paul, dont le porche Renaissance fut construit par le célèbre architecte et sculpteur Jean Bullant(1515-1578). J'ai prévu de lui consacrer un article dans quelques temps.

     

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    Je suis ravie de vous avoir montré différents visages de Sarcelles qui, avant d'être « la zone » est un lieu de vie et une ville chargée d'histoire.

     

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    Je remercie CHRIS de sa visite. J'ai savouré chaque moment de notre promenade estivale, si éloignée des persiflages, des regards condescendants et des phrases du genre: « ah, vous habitez LE Sarcelles »...

     

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    Avec l'arrivée du Tram dans les prochains mois, Sarcelles se métamorphose encore. Nombre de quartiers seront désenclavés mais trottoirs et routes ont déjà pris un sacré coup de neuf.

     

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    Essais du tram photographiés en août 2012.

     

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    Avant que le froid de l'automne les fasse glisser dans le sommeil hivernal, je vous offre des fleurs de Sarcelles, sans oublier quelques vues représentatives de mon « univers ».

     

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