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Par maplumefee le 21 Avril 2019 à 10:22
Fertile, habile et facétieux, le Lapin ou Lièvre de Pâques dépose des œufs en chocolat et des œufs peints dans les jardins, les parcs et différents lieux de nature. Très attendu par les gourmands, il est traditionnellement considéré comme l'émissaire des forces de Reverdie !
Il est l'animal sacré de la déesse Ostara, divinité féminine associée à la Lune et à l'Aurore qui a donné son nom à la fête germanique du Printemps. L'équivalent anglo-saxon d'Ostara est Eostre.
À la période de Pâques (Easter, Oyster...), le Lapin ou Lièvre du Printemps est honoré en Alsace, dans les Vosges, en Allemagne et en Angleterre sous le nom d'Osterhase. On le dit gardien des œufs prêts à éclore ou géniteur de ces précieux talismans de fécondité et on le représente, depuis l'Antiquité, sur une profusion de stèles, de statues, de plaques de cheminée, de moules à pâtisserie, etc...
© Mickie Mueller, Ostara, the sabbat with the rabbit
La déesse Ostara gouverne les festivités de l'équinoxe de printemps (21, 22 ou 23 Mars) et les forces calendaires du mois d'Avril. En son honneur, des combats symboliques étaient organisés, simulant la lutte des énergies printanières et de l'hiver finissant. Les prêtresses d'autrefois plaçaient des œufs dans des barques miniatures glissant au fil de l'eau, enfouissaient des œufs et des figurines d'écorce dans la terre et jetaient des œufs décorés dans les brasiers rituels.
© Katherine Toms, Ostara
Animal ambivalent, le lièvre suscitait la méfiance dans la Grèce antique et symbolisait la fécondité dans la Rome ancienne où sa viande était réputée aphrodisiaque. Consacré à Vénus/Aphrodite, la déesse de l'amour, il incarnait paradoxalement la luxure et la vertu, sa morphologie lui permettant de détaler face aux tentations.
Dans la mythologie de Pâques, il apparaît comme le messager du printemps. Un peu avant la période des Rameaux (Pâques Fleuries) où se mélangent coutumes populaires et actions liturgiques chrétiennes, il prépare les œufs gourmands puis il élabore son plan de distribution de cadeaux-talismans.
Dans l'ancienne Angleterre, dans le monde germanique et dans plusieurs régions de France, sa présence est perceptible aux premières lueurs de l'aube. Il caracole aussi au crépuscule, sous la ronde lune et quand l'astre des nuits dessine un croissant argenté. Il fraye sur les vieilles voies, s'ébat à proximité des cercles de pierre, des anciens lieux de culte, des rivières et des sources. On le trouve près des rameaux verts, rameaux qui, avant d'être consacrés au Christ, étaient dédiés à Apollon, le dieu grec de la lumière et des arts, à la déesse Ostara et aux esprits des fleurs et des fruits.
© Pascal Moguérou, L'Heure des Fées...
Le Lapin/Lièvre est très important dans le folklore européen et bien au-delà. Rusé, avisé, gourmand, maître des connaissances cachées et des comptines d'enfance, il est le familier de ceux qui pratiquent les Arts Anciens: Astrologie, Divination, Sorcellerie, Alchimie, Médecine magique...
© Janie Olsen
À des périodes choisies, il s'aventure dans l'herbe tendre et va cueillir les plantes celtiques de longue vie: l'armoise de pleine lune qui favorise les visions secrètes, l'achillée matricielle qui nettoie et nourrit le sang, l'alchémille des elfes, le trèfle étoilé, la camomille au cœur de miel, la pimprenelle et la menthe aquatiques, la sauge des sortilèges, le serpolet, le lycopode, la verveine, le mouron d'eau, le romarin...
© Janie Olsen
© Janie Olsen, Lièvre seigneur de la fécondité, lié à la magie des abeilles et à la puissance guérisseuse du miel.
© Janie Olsen
Comme je l'écrivais au début de mon article, il est Osterhase, celui qui annonce la venue des forces nouvelles, chasse les derniers fléaux de l'hiver, « ouvre les chemins » et attise les pouvoirs mystérieux de la terre. Il ranime les énergies d'Eos, l'Aurore aux doigts de rose et « pond », de manière magique, des œufs rouges, gorgés du sang de la vie.
Dans la tradition de Pâques, les enfants lui préparent un nid douillet, tapissé d'herbes et de fleurs, dans un lieu dont l'emplacement est gardé secret. Amant et guerrier lunaire, il y dépose des œufs incandescents et multicolores après avoir affronté, un coq cuirassé d'or.
© Amanda Clark, Abondance
© Karen Davis, The Starlight Hare...
Symbole Universel, il apporte la chance, insuffle la créativité, stimule la clairvoyance...
Chez les Aztèques, appelé Tochtli, il représentait le huitième jour du calendrier et apparaissait comme le signe de la Lune et du bonheur.
Dans la Chine ancienne, maître des remèdes alchimiques appelé Lapin de Jade et célébré à la mi-automne, il prononçait des incantations de guérison en écrasant des branches de cannelle dans un mortier sacré.
Dans les mondes amérindiens, en Asie, pour les Égyptiens, les Celtes, les Saxons, les Hottentots... il était l'incarnation du pouvoir magique, fécond, régénérateur de la Lune printanière. Il est également honoré dans l'Islam.
Petits Lapins de la Tapisserie de la Dame à la Licorne, réalisée vers 1500. Ils représentent, à travers un luxuriant bestiaire et une farandole de symboles végétaux, la fécondité et la force du désir.
© Robert Bissell, Les Magiciens
Le Lapin/Lièvre est un Trickster, expert en espiègleries. Vénéré par de nombreuses civilisations, il a été rejeté par l'église chrétienne. Assimilé au Malin, il est considéré dans le monde chrétien comme un emblème de luxure et un vecteur de maladies mais en tant qu'esprit de la reverdie, il a plus d'un tour dans son sac et les « gens du pagus » ont continué de le célébrer.
On le trouve là où pousse la Verveine (Ferfaen en vieille langue celte, Trombhad en gaélique), herbe d'amour qui régénère le sang,la peau, apaise les migraines et décongestionne les foies épuisés.
© Robert Bissell, Le Secret
© Robert Bissell, Initiation
En magie druidique, sous l'obédience du lièvre, on utilise la verveine (herbe de l'enchanteur, herbe du chef, herbe sacrée...) pour encourager la circulation de l'Awen, force de l'inspiration, apaiser les conflits et repousser les peurs qui empêchent d'avancer. On boit du thé de verveine mêlé d'armoise et d'achillée pour stimuler la sensibilité prophétique. On balaye les espaces sacrés avec des tiges et des feuilles de verveine...
© Robert Bissell, The Inquiry (L'Enquête)
© Donella Arts, Le Lièvre et le Tor
Dans les Comtés d'Angleterre, on donne au Diable le surnom de Lapin quand il séduit les Sorcières pour les conduire au Sabbat mais pour autant le lapin/lièvre, dans le monde anglo-saxon, n'est pas empreint de négativité. Il va et vient sur ce qu'on appelle le Old Path, (le Vieux Chemin), route sacrée tissée de lignes d'énergies (Ley Lines) qui sillonne l'Angleterre et traverse, entre autres, dans le Somerset, la ville de Glastonbury.
©Lisa O'Malley, Magic of the Tor
À Glastonbury, s'élève le Tor, une tour dédiée à Saint-Michel sur une colline considérée comme sacrée. Le Tor est perçu comme une aiguille d'énergie pure protégeant les secrets de la vieille Angleterre, celle des enchanteurs et des villes mythiques, comme la Cité de Camelot, fief du Roi Arthur. Le Tor évoque le Graal et le bâton d'aubépine magique de Joseph d'Arimathie.
Hare Print Spirit Path to Avalon Glastonbury by © eveningstardust
Gardien des cycles calendaires, le Lapin/Lièvre est une figure initiatique, un maître des temps secrets, à l'instar du Lapin Blanc d'Alice au pays des merveilles.
White Rabbit par John Tenniel (1820–1914).
Illustration de John Tenniel.
Frederick Morgan (1847-1927), Feeding the rabbits (Nourrir les lapins), scène issue d'Alice au pays des merveilles.
© Lisa Parker, Moongazing Hare.
De nombreux artistes ont célébré le Lapin/Lièvre... Il faudrait une encyclopédie pour tous les citer ! J'aime tout particulièrement les représentations des illustratrices Beatrix Potter (1868-1943), Susan Wheeler et Marjolein Bastin.
The Tale of Peter Rabbit, un ouvrage de fantasy animalière signé Beatrix Potter dont la première édition parut en octobre 1902.
Beatrix Potter
© Susan Wheeler
Les lapins de Susan Wheeler sont tellement addictifs ! Cette artiste née en 1955, spécialiste de la carte de vœux, a grandi en Nouvelle-Angleterre et s'est passionnée très jeune pour la Nature et la vie des animaux. Elle a imaginé des mondes enchantés et notamment l'univers apaisant, familial, merveilleusement utopique de Holly Pond Hill où vivent des créatures des bois aux délicieuses petites manières...
© Susan Wheeler
© Susan Wheeler
© Marjolein Bastin
J'espère que vous penserez aux lièvres magiques en vous promenant dans les champs ou lorsque vous dégusterez, qui sait, une infusion de verveine! Sourires...
Et n'oublions pas que sur le corps diamanté de la ronde lune, palpitent des taches qui d'après de nombreuses légendes, dessinent la forme d'un lapin...
Pour les personnes qui s'interrogeraient, voici la différence entre un lièvre et un lapin :
Le lièvre et le lapin sont des Lagomorphes. Le lapin vit en colonie dans un terrier que sa petite famille a creusé. Il est plus petit que le lièvre, il a des oreilles plus courtes, une tête ronde et un museau aplati. Sa queue est plutôt blanche.
Le lièvre, bien plus grand, est un solitaire qui ne creuse pas de terrier, préférant s'installer sous une haie ou des buissons. Sa queue est de préférence noire.
Le lapin pèse environ 1,5 kilos. Le lièvre oscille entre 3 et 5 kilos.
Le lapin aime le soir et l'aurore pour frayer en dehors de son terrier mais sans trop s'en éloigner.
Le lièvre parcourt davantage de distance lorsqu'il sort de son habitation. Il aime le crépuscule et la nuit.
Joyeuses Pâques chers Aminautes !
Si vous voulez retrouver mes précédents articles sur le sujet, il vous suffit de cliquer sur les liens ci-dessous :
Mystères et Traditions de Pâques
Petits sourires avec ces chenapans de Lapins Crétins !
Gros bisous et merci de votre fidélité !
35 commentaires -
Par maplumefee le 1 Avril 2019 à 07:24
Plaisanteries, boutades et rencontres espiègles se multiplient, en ce jour qui lâche la bride aux esprits facétieux. Les poissons d'avril, les gourmandises et les déclarations d'amour sont à l'honneur.
Des poissons chargés d'histoire...
Émanation de traditions printanières et de très anciens rites de fertilité, le poisson nous séduit par sa riche symbolique et la délicieuse iconographie qui lui est associée. Il s'inscrit, tel un initiateur, au cœur des festivités qui marquent le renouvellement des forces vives de l'année.
Jusqu'au XVIe siècle, le début de l'année variait suivant les diocèses. A Lyon, l'année commençait le jour de Noël; à Vienne, c'était le 25 mars. Dans certaines régions, le jour de Pâques ouvrait les portes du calendrier et dans d'autres provinces, c'était le premier avril.
Le roi Charles IX (1550-1574) décida de résoudre cette « complication » en fixant au premier janvier, dans l'ensemble de la France, le début de l'année civile. Le 9 août 1564, le tout jeune souverain signa, en présence de sa mère, la régente Catherine de Médicis, l'édit de Roussillon qui n'entra en vigueur qu'en 1567.
Portrait de Charles IX, 1561, par François Clouet (1505/15-1572).
« Oyez braves gens, le premier janvier marque une fois pour toutes le début de l’année. »
En 1582, la mesure fut étendue à l'ensemble du monde catholique grâce à l'adoption du calendrier grégorien.
La tradition du poisson d'avril semble tirer ses origines du fameux édit de Roussillon, car, en souvenir des anciennes célébrations du premier avril, les gens continuèrent d'échanger des cadeaux, de préférence teintés de burlesque.
Mais un ouvrage comme le Dictionnaire de Trévoux (1704-1771), synthèse jésuite des dictionnaires français du XVIIe siècle, proposa une autre origine au poisson fatidique. Le Christ aurait été contraint, lors de son jugement, de se rendre d'un tribunal à un autre, sous une profusion de railleries. On aurait donc pris l'habitude de faire courir et de renvoyer, d’un endroit à un autre, le premier avril, les personnes dont on voulait se moquer.
De nos jours, les plaisantins accrochent un poisson en papier dans le dos de leurs victimes. Quand la farce est découverte, ils s'écrient « Poisson d'avril »!
Entre amis, entre collègues et dans le cadre familial, les esprits taquins rivalisent de créativité et certains canulars, de plus ou moins grande ampleur, sont organisés dans les médias.
Les poissons d'avril dans le monde
Depuis l'an 2000, le premier avril est aussi la Journée Internationale des Livres Comestibles. Cette célébration, conçue par Judith Hoffberg et Béatrice Coron, invite les bibliophiles à réaliser des gourmandises en forme de livre. Les amateurs photographient leurs créations et les publient sur le site du Edible Book Day.
Au Brésil, le premier avril est appelé « Jour du Mensonge ». Les enfants créent des poissons colorés avec du tissu et du papier et les adultes rivalisent d'ingéniosité pour élaborer le plus « gros » mensonge.
Au Mexique, la coutume consiste à dérober provisoirement un objet appartenant à un ami. La « victime » recevra des friandises et un message lui révélant qu'il s'est fait piéger.
Aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, le jour des fous d'avril, April Fool's Day, ou All Fool's Day (Jour de tous les fous) apparaît comme une sorte de réminiscence de la Fête des Fous médiévale mais dans une version plus édulcorée.
(Charivari du Roman de Fauvel, miniature du XIVe siècle.)
En Écosse, les farceurs œuvrent jusqu'au 3 avril alors qu'en Espagne et en Amérique Latine, les traditions ludiques du premier avril se déroulent le 28 décembre, Jour des Saints-Innocents. En ce jour qui mêle le souvenir du massacre des enfants de Bethléem âgés de moins de deux ans par le roi Hérode et les festivités associées à l'antique Fête des Fous, les enfants accrochent un petit personnage en papier dans le dos des personnes qu'ils ont choisi de chahuter.
Dans de nombreux pays, le premier avril est l'occasion de rire, de manière plutôt débonnaire, aux dépens des personnes que l'on apprécie.
Le poisson d'avril, messager de l'amour et du Printemps
Si les canulars associés au premier avril sont toujours bien vivants, l'image du poisson était autrefois utilisée pour exprimer son ardeur amoureuse. Aux alentours de 1900, les cartes illustrées de poissons étaient très répandues. Le messager des forces printanières était accompagné d'angelots, d'enfants, de belles jeunes femmes ou de couples amoureux. Des vers romantiques et facétieux complétaient l'ensemble.
Ces cartes s'inscrivent dans la lignée de celles de la Saint-Valentin et du Premier Mai. Les amoureux y déclarent leur flamme avec espièglerie et sensibilité.
La vogue des cartes illustrées était l'occasion de célébrer, avec poésie, humour et tendresse, le cycle des saisons et le renouveau printanier.
Cette iconographie au charme suranné est truffée de symboles d'amour et de chance. Le fer à cheval est considéré depuis fort longtemps comme un porte-bonheur, indissociable des rituels amoureux. Des rubans roses ou rouges étaient glissés dans les trous de l'objet avant d'être offerts à la personne désirée. Si le contexte était favorable, ils pouvaient être dissimulés sous son matelas ou son oreiller.
Les jeunes hommes frottaient des petits fers à cheval sur la lettre destinée à l'élue de leur cœur.
Protecteur du foyer contre les tempêtes et les forces malveillantes, le fer à cheval était placé, les pointes vers le haut, au-dessus des portes ou des cheminées. Réputé attirer l'amour et la prospérité, il était posé, les nuits de pleine lune, sur le rebord des fenêtres. Il accompagnait aussi les pêcheurs dans leurs activités.
Depuis la plus lointaine antiquité, les roses symbolisent l'amour. Leur douce couleur rose-thé s'harmonise avec les nageoires et la queue des poissons.
Incarnation des forces printanières, le poisson d'avril met à l'honneur une magie populaire qui offre au monde de l'enfance une place privilégiée.
Le poisson peut être assimilé à la légendaire cigogne, bonne fée qui apporte les nourrissons dans les foyers.
Les cartes du premier avril étaient aussi agrémentées de messages d'amitié.
On vendait, dans les boutiques en vogue à la Belle Époque, des poissons en sucre, en chocolat et de jolies boîtes colorées en forme de poisson, remplies de gourmandises. Cette tradition a survécu à travers la « friture » de Pâques, florilège de chocolats en forme de créatures aquatiques.
Au cours des repas, on plaçait sur la table des petits objets imitant la nourriture afin d'amuser les convives et des boîtes miniatures en forme de poisson pour y loger quelque chose de précieux.
La symbolique du poisson
Le poisson fraye et se love dans les eaux matricielles, les mondes mystérieux et les profondeurs de l'inconscient. Dans les religions anciennes, il était porteur d'un symbolisme lié à l'amour et à la fécondité.
Des poissons aux couleurs chatoyantes peuplaient les bassins des temples, les fontaines et les étangs sacrés.
Guillaume Rondelet (1507-1566), L'histoire ancienne des poissons, 1558.
Des déesses mères à queue de poisson étaient célébrées au Proche-Orient, à l'instar de la déesse lunaire syrienne Atargatis, représentée avec une queue de sirène.
The Mermaid, par le peintre préraphaélite John William Waterhouse (1849-1917).
Les premières sirènes ressemblaient à des Harpies. Leurs ailes d'oiseaux claquaient dans le vent comme les voiles des bateaux. D'après la légende, battues par les Muses dans un concours de chant, elles perdirent leurs plumes, utilisées pour tresser des couronnes.
Ulysse et les Sirènes, 1891, par J.W. Waterhouse.
Ulysse et les sirènes, par le peintre victorien Herbert James Draper (1863-1920).
Le milieu marin a toujours inspiré la fascination et l'effroi. Des auteurs comme Pline l'Ancien (23-79 après J.-C.) le qualifient de « mère des monstres » mais l'eau, si mortifère soit-elle, est habitée par des forces magiques et régénératrices.
The Land Baby, par le peintre préraphaélite John Collier (1850-1934).
Poisson volant, par le peintre victorien Herbert James Draper (1863-1920).
Dans la Grèce ancienne, le poisson était consacré à Aphrodite, la déesse de l'amour et de la beauté, née de l'écume de la mer.
La naissance de Vénus, vers 1485, par Sandro Botticelli (1445-1510).
Dans la Rome antique, le premier avril, les femmes vénéraient la déesse Vénus Verticordia et la Fortune virile. Le poète latin Ovide (43 avant J.C.- 18 après J.-C.) relate que la statue vénusienne, dépouillée de ses bijoux et de ses diverses parures, était baignée et parfumée. Les prêtresses la paraient ensuite de colliers d'or et de roses fraîches.
Vénus Verticordia, 1868, par Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), artiste préraphaélite.
Ce portrait, dont il existe quatre versions, représente Vénus Verticordia, «celle qui change les cœurs», une des nombreuses épiclèses de la déesse de l’Amour. (Une épiclèse est une épithète accolée au nom d'une divinité.)
Alexa Wilding, l'un des modèles favoris de Rossetti, prêta ses traits à la déesse, beauté victorienne flamboyante, auréolée de papillons d'or et jaillissant d'un buisson de pivoines et de roses. Elle tient une flèche dans la main droite et une pomme dans la main gauche, fruit de connaissance et de sensualité évoquant le péché originel mais aussi le jugement de Pâris. La flèche est l'attribut de Cupidon, le dieu qui insuffle le désir.
Le premier avril, les femmes romaines se lavaient dans de l'eau vive, énonçaient des voeux de fécondité et portaient des couronnes de myrte vert, arbuste sacré de la déesse. Elles offraient de l'encens à la Fortune Virile, qui devait les aider à dissimuler aux hommes les petits défauts de leur anatomie. Dans les temples, elles savouraient un breuvage mystique, mélange de lait, de miel et de suc de pavot. D'après les anciennes croyances, Vénus avait absorbé cet élixir lors de ses noces avec Vulcain, le dieu du feu et de la forge.
© Annie Stegg
Le poisson, avatar et compagnon des déesses antiques, devint, dès le début de la chrétienté, un symbole du Christ.
Signe secret de reconnaissance des premiers chrétiens, le nom grec du Christ, ikhtus, peut être considéré comme un acronyme des mots: Iesos Khristos Théos Huios Sotèr soit « Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur ».
Dans les traditions d'avril et de Pâques, il est question de résurrection des forces naturelles et de pêche miraculeuse.
Les pêcheurs, décor du pavement de la basilique d'Aquilée, en Italie.
Sur les murs des Catacombes, les lampes à huile, les poteries et les sarcophages paléochrétiens, le poisson représente le sacrement de l'Eucharistie, communion suprême du Christ avec ses disciples. Il évoque le passage et le cheminement des âmes vers l'au-delà.
Le poisson figure, à côté du pain et du vin, sur la table de la Cène. Les premiers Pères de l'Église qualifiaient les croyants de pisciculi: « petits poissons » et appelaient les fonts baptismaux piscina: « le vivier, l'étang aux poissons ».
Gardien des connaissances mystérieuses, guide spirituel, symbole de chance et de fécondité, le poisson est un initiateur, célébré dans toutes les civilisations, en orient comme en occident.
En Chine, le poisson (yü) signifie le bonheur et l'abondance. Les mouvements de sa queue et de ses nageoires dans l'eau sont assimilés au plaisir sexuel.
Au Japon, on le considère comme un emblème de courage, de force et d'endurance. (Estampe d'Hiroshige (1797-1858), Mulet gris et camélia.)
Il conduit aussi les âmes bienheureuses à travers les mondes aquatiques, vers les Îles Fortunées, et protège l'Oeuf de la Vie qui fait renaître le Printemps.
Enracinés dans l'imaginaire collectif, les poissons d'avril sont les messagers des forces de reverdie et les protecteurs des anciennes croyances. Ils confrontent ceux qui en sont les « victimes » à une sorte de rite de passage. Ils frayent dans les eaux magiques, à la croisée des fluides de mort et de vie, et nous invitent à laisser papillonner notre imagination.
Je souhaite qu'Avril vous soit particulièrement favorable. Merci pour votre fidélité, je pense bien à vous!
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Par maplumefee le 17 Mars 2019 à 20:23
Le Printemps palpite. Le vieil hiver s'affaiblit et la magie lumineuse de la verte Erin ne demande qu'à être célébrée. A cette occasion, je veux partager avec vous une partie de ma collection de cartes de la Saint-Patrick.
La Saint-Patrick est une grande fête populaire et folklorique qui célèbre la vie, chaque 17 mars ou à partir du 17 mars et durant plusieurs jours. L'histoire et le folklore se confondent à travers bien des aspects de cette fête qui commémore la christianisation de l'Irlande au Ve siècle -et pas seulement- par un écossais nommé Maewyn Succat (385-461).
Fils d’un centurion romain originaire de Grande Bretagne, Maewyn fut enlevé à l’âge de 16 ans par des pirates qui le vendirent à un chef de clan irlandais. Il découvrit la religion chrétienne et en 409, après avoir rêvé que Dieu lui demandait de prendre la mer, il parvint à s'échapper.
Devenu prêtre, il voyagea et se rendit aux îles de Lérins, près de Cannes, puis il s’établit, pendant deux années, au monastère de Saint-Honorat où il fit des études de Théologie.
Un jour, le pape Célestin Ier lui ordonna de partir évangéliser l’Irlande Il entama donc, à partir de 411, une tournée de conversion sur les terres druidiques.
Il rencontra le roi Aengus et la légende dit qu'il expliqua à ce dernier le concept de Trinité (le Père, le Fils, et le Saint Esprit) en lui montrant un trèfle fraîchement cueilli. Aengus fut conquis...
L'évangélisation du pays se poursuivit et Maewynn, qui fut ordonné évêque, prit le nom de Patricius/Patrick. On lui attribue d'avoir chassé de la terre d'Irlande tous les serpents (à la fois les Druides et les symboles de la Déesse des temps anciens) en frappant un « vipérin » avec un bâton tréflé.
Il mourut le 17 mars 461 dans la ville de Downpatrick et chaque année, les Irlandais lui rendent hommage en chantant, dansant, festoyant...
Il est amusant de constater que, une fois encore, l'église a tenté d'annihiler, sans y parvenir, une fête païenne et matriarcale, en l'occurrence la fête de la Déesse Ostara, jeune fille aux couleurs d'aurore que l'on célèbre au moment de l'équinoxe de Printemps (généralement, le 21 mars)...
Les Symboles de la Saint-Patrick
Le Leprechaun
Le Leprechaun est un personnage incontournable des légendes irlandaises et une véritable « icône » au moment de la Saint-Patrick.
Créature magique, le Leprechaun est doté d'un caractère à la fois facétieux et ombrageux. De petite taille (il mesure environ 90 centimètres), il est vêtu de vert et arbore un joli pourpoint ou un tablier de cordonnier que l'on nomme « leigh bhrogan » en gaélique irlandais. Il fume des herbes de la lande avec sa pipe et boit une liqueur chimérique appelée « Dudeens » ainsi que du whisky fait maison.
Il serait, d'après le savoir oral, un être hybride, fruit de la rencontre amoureuse entre un humain et un esprit des anciens mondes.
Doué pour la cordonnerie, il est aussi le banquier de la communauté du Petit Peuple. Redoutable gardien de trésors, gardien de l'or, métal aussi magique que précieux, il possède un chaudron d'abondance, rempli de pièces qu'il dissimule au pied d'un arc-en-ciel ou sous une petite colline qui change de place régulièrement. Il se méfie des humains car beaucoup cherchent à le piéger pour s'emparer de ses biens mais il aime malgré tout « jouer » avec les « grandes gens ». Il s'amuse à leurs dépens et file, rapide comme l'éclair, à travers des paysages mystérieux.
Si l'on voit un Leprechaun, les anciens grimoires préconisent de ne pas cligner des yeux car un simple mouvement de paupières peut le faire disparaître...
Il existe à Dublin un musée entièrement consacré aux traditions et aux mythes entourant le Leprechaun : le National Leprechaun Museum. Tout ce que l'on voit dans ce musée est gigantesque afin que le visiteur se sente « miniaturisé » et puisse « entrer dans la peau » d'un farfadet.
©DesignbyCorene sur Etsy
Le Trèfle (Shamrock)
L'emblème officiel de l'Irlande est une harpe, la harpe celtique associé au dieu Dagda, l'Omniscient. Mais le trèfle est l'emblème populaire le plus connu.
Plante pérenne qui abonde dans les prairies d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord, le trèfle se décline en plusieurs variétés... Trèfle blanc, trèfle violet, trèfle étoilé, trèfle patte-de-lièvre...
Le trèfle de Saint-Patrick, évoqué comme emblème chrétien, est beaucoup plus ancien puisqu'il entrait dans la pharmacopée et l'eschatologie druidiques. On le nommait « Seamrag Chapaill » et il était également sacré pour les bardes, maîtres du langage poétique et magique.
Le trèfle est associé à la Déesse Mère Brigid ou Brigit qui règne sur l'inspiration créatrice, aux trois divinités du Destin, à la déesse Tailtiu, mère adoptive du dieu solaire Lugh... ainsi qu'au Green Man, l'Homme Vert, le maître feuillu, seigneur secret de la sylve...
Green Man par Brian Froud
Le Tarot de la Sorcière Verte
Imprégné du pouvoir de certaines constellations, le trèfle est réputé posséder de grandes vertus guérisseuses et protectrices. Selon le médecin et naturaliste grec Dioscoride (20/40-90 après J.-C), il soignait, sous forme de cataplasmes et d'infusions, les fièvres et les inflammations les plus tenaces. Au Moyen Âge, on l'a longtemps utilisé pour apaiser les quintes de toux et les douleurs articulaires. Sa feuille est devenue un emblème dans l'architecture avec l'arche gothique trilobée et elle possède un rôle de première importance dans le jeu de cartes auprès du cœur, du pique et du carreau.
Dans le Jeu de Tarot divinatoire, le trèfle correspond à la suite des bâtons.
Historiquement, le trèfle est lié à l'idée de rébellion. Sous le règne de Victoria (1819-1901), il était le signe de ralliement des opposants à la Couronne et les personnes qui portaient un trèfle risquaient de connaître la peine capitale.
Le trèfle à trois feuilles (trifolium) est une représentation stylisée du triskèle, motif populaire de l'art celte et de l'awen, énergie de vie et feu d'inspiration. Au moment de l'équinoxe de Printemps, Ostara ou Alban Eilir pour les Druides, il concentre la puissance des trois rayons sacrés de lumière qui palpitent sur les chemins de Dame Ceridwen, maîtresse du chaudron de connaissance et de régénération. Il est à la fois le symbole des Bardes, des Ovates et des Druides.
Il « incarne » aussi les trois Vertus Théologales soit la Foi, l'Espérance et la Charité. Le trèfle à trois feuilles est le plus répandu mais il existe des trèfles à quatre feuilles (symboles de richesse, d'amour, de santé et de chance ou de célébrité, de richesse, de santé et d'amour loyal).
Les trèfles à quatre feuilles sont d'une rareté extrême. On dit qu'il y en existe un seul pour dix mille trèfles à trois feuilles et d'après les livres de folklore, ce serait Ève qui aurait ramené du Paradis un trèfle quadrifolié.
Le trèfle quadrifolié est réputé combattre les effets du venin de serpent et pour les Druides, posséder un trèfle à quatre feuilles cueilli lors de certaines phases de lune permettait de voir les démons et les créatures enchantées.
Symbole de chance dans nos sociétés, le trèfle à quatre feuilles est aussi l'emblème de la marque Alfa Roméo (Quadrifoglio Verde)...
Pour l'anecdote, en 2009, au Japon, un fermier nommé Shigeo Obara a cueilli un trèfle à 56 feuilles qui figure dans le Livre des Records...
Il existe un trèfle à cinq feuilles, encore plus rare que le trèfle à quatre feuilles et son message est ambivalent. Soit, il porte chance, soit il la prend... Méfiance ! Et savez-vous ce qu'est un Ultratrifoliophile ? Il s'agit d'une personne qui collectionne les trèfles à 4 feuilles ou plus. Un collectionneur américain est réputé en posséder plus de 160000 !
Allons rêver sur des chemins de féerie et butiner gaiement les charmes du Printemps ! Je vous souhaite plein de jolies choses et vous adresse mes pensées d'amitié...
Image offerte par mon Amie Fée Laure
http://laurefeerie.canalblog.com/
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Par maplumefee le 14 Février 2019 à 13:20
Voici la mi-février et son cortège de giboulées scintillantes, en attendant les caprices météorologiques de mars, d'avril ou de mai...
Et voici les Valentines Galantes, messages d'amour colorés que l'on s'adressait jadis en les achetant par exemple sur le Pont-Neuf à Paris.
Je reprends ici l'un de mes textes fétiches, écrit il y a quelques années et j'y ajoute des illustrations collectées au fil du temps. J'en ai trouvé plusieurs sur la toile et d'autres viennent de ma collection personnelle...
Je vous souhaite une bonne dégustation de ces Valentines d'Amour en n'oubliant pas que l'Amour se célèbre tous les jours avec des petits riens qui enchantent le cœur et l'âme.
Tous les jours, avec des attentions sincères et vives et aussi le 14 février, en prenant plaisir à célébrer une fête venue du fond des âges...
Très Joyeuse Saint-Valentin !
Au XVe siècle, il était d'usage de faire parvenir à sa bien aimée des messages d'amour afin de célébrer le retour du printemps mais il fallut attendre le XVIe siècle pour que les lettres d'amour soient joliment qualifiées de « valentines ».
Au XVIIIe siècle, on trouvait, dans toute l'Europe, de superbes valentines, décorées de cœurs, de roses et de Cupidons.
A l'époque victorienne (1840-1860), en Angleterre, elles se parèrent d'un décor très subtil et gracieux. Délicatement parfumées, elles furent agrémentées de petits ornements de soie, de dentelle, de plumes, de rubans, de fleurs fraîches ou séchées.
Esther Allen Howland (1828-1904), la fille d'un célèbre papetier américain, lança, vers 1850, la production en série des cartes de Saint-Valentin.
Quant à la chromolithographie, procédé d'impression en couleurs mis au point par le lithographe Godefroy Engelmann (1788-1839) en 1837, elle contribua également, tout au long du XIXe siècle, à la diffusion des images de la Saint-Valentin.
Dans la France et l'Angleterre des XIVe et des XVe siècles, les jeunes filles choisissaient leur « Valentin », un cavalier courtois qui leur offrait des cadeaux et leur dispensait de galantes attentions.
Plusieurs « Valentin » sont fêtés le 14 février, en France et dans d'autres pays, ce qui n'a pas manqué d'attirer l'attention des mythologues et des historiens. Une telle mise en lumière ayant généralement pour effet de « camoufler » un substrat de divinités pré-chrétiennes.
La légende de Saint-Valentin naquit sous le règne de l'empereur Claude II, dit le Gothique (214-270). En proie à certaines difficultés pour constituer ses légions, Claude fit interdire, en l'an 268, les fiançailles et les mariages sur l'ensemble du territoire qu'il dominait mais un prêtre nommé Valentin choisit de braver ses ordres et d'unir secrètement les jeunes couples. L'empereur le fit arrêter et condamner à mort par décapitation.
Dans sa prison, Valentin rencontra Augustine, la fille de son geôlier, une jeune aveugle à qui il rendit la vue, grâce à des prières. Elle prit soin de lui et il lui adressa, avant son exécution, une lettre qu'il aurait signée « Ton Valentin ».
Dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine, Valentin fut emprisonné pour avoir refusé de se prosterner devant les divinités de Rome. Il s'éprit de la fille de l'empereur Claude, une jeune aveugle qu'il s'efforça de guérir. L'empereur promit de se convertir si l'issue était heureuse mais Valentin subit tout de même le martyre. Il laissa à la demoiselle de son cœur un billet doux qui devint une « Valentine ».
Cette belle et tragique histoire a été façonnée dans un but politique et religieux, celui de « gommer » le souvenir érotique des Lupercales, fêtes de la fertilité célébrées jadis à Rome, le 15 février.
Les prêtres de Lupercus, le dieu loup de la fécondité, couraient dans la ville, vêtus de peaux de chèvre. Ils fouettaient, avec des lanières en cuir de chèvre, les femmes qui croisaient leur chemin, afin de stimuler leur pouvoir de fertilité. La course sauvage des Luperques avait pour but de purifier la cité, d'éloigner les démons et les épidémies et de repousser les êtres atteints de lycanthropie.
Lupercus était le protecteur des animaux à cornes, des troupeaux et des futures récoltes. On organisait en son nom une « loterie d'amour ». Les jeunes hommes tiraient au sort le nom de la jeune fille qui deviendrait leur « compagne des festivités » et sur laquelle ils veilleraient, l'espace d'une année.
En l'an 496, le pape Gélase Ier décida de contrer les survivances des Lupercales en instituant la Saint-Valentin. La fête romaine, tissée de coutumes païennes, disparut au profit de célébrations plus « convenables » mais il fallut attendre la fin du XVe siècle pour que, sur l'initiative du pape Alexandre VI, Valentin devienne le patron officiel des amoureux.
Saint patron des amoureux, Valentin est aussi très intéressant par les pouvoirs qui lui sont attribués dans le folklore de France et d'Europe.
Tel un Cupidon, il s'efforce d'unir les amants mais il veille ensuite à la bonne santé du couple. On l'invoque pour fortifier le cœur, apaiser les tourments physiques et moraux, les rhumatismes, les douleurs récurrentes, faire tomber la fièvre, purifier le sang. En Belgique, il est considéré comme un protecteur contre les blessures et les hernies.
Dans la région d'Hurtigheim, en Alsace, on trouve dans certaines chapelles des statuettes de Saint-Valentin, réputées apaiser les rhumatismes. Les personnes souffrantes offrent au saint une poule noire.
Depuis fort longtemps, Valentin est le protecteur des nourrissons contre la mort subite. Il repousse les maladies qui touchent les animaux, détruit la vermine et garde les cultures contre les caprices de la météorologie.
Il préserve les terres de la sécheresse et règne sur le vent comme en témoigne un vieux dicton du Centre de la France:
« Jour de Saint-Valentin
Vent au moulin ».
Dans le vieux Nice, on avait coutume de dire:
« Danse à la Saint-Valentin
Soleil sur le chemin ».
Comme le fait remarquer Philippe Walter dans son passionnant ouvrage intitulé Mythologie chrétienne, Fêtes, rites et mythes du Moyen Âge, Valentin est un saint très mystérieux, fêté à la période du Carnaval et entretenant avec celle-ci des rapports très étroits. Il se présente comme la forme christianisée d'une vieille divinité pré-chrétienne « possédant la syllabe val dans son nom ou son surnom ». P.88. Sa décapitation s'inscrit, à l'instar de celle des géants de Carnaval, dans un cycle solaire et cosmique de mort et de renaissance.
Les Amours des Oiseaux
La Saint-Valentin est associée aux parades nuptiales des oiseaux qui commencent à s'accoupler et sont considérés comme les messagers du printemps. Au cours de leurs voltes amoureuses, ils se livrent à des jeux mêlés de chants qui stimulent l'éveil des puissances naturelles.
Ils accompagnaient dans l'Antiquité les Gamélies athéniennes, célébrations rituelles des noces de Zeus et d'Héra qui se déroulaient de la mi-janvier à la mi-février. On offrait à la déesse des oiseaux sacrés, d'un blanc immaculé, tandis que les fiancés échangeaient des vœux d'amour en buvant du vin dans des coupes en forme d'oiseaux.
L'image des oiseaux a souvent été utilisée de manière symbolique pour représenter les élans de l'amour. Le verbe « oiseler », très employé au XVIIIe siècle, signifie d'ailleurs « faire l'amour ».
Oracles de l'amour et du printemps, médiateurs entre les hommes et les esprits de la Nature, les oiseaux sont dotés de capacités surnaturelles, au moment de la Saint-Valentin. Ils dévoilent dans les rêves des renseignements précieux sur la future épouse ou le futur mari. Ils font croître les bourgeons en battant des ailes. La tradition préconise de faire un vœu, en tenant une plume ramassée quelques instants après le lever du soleil.
Pendentif de 1940
Le rouge-gorge qui sautille dans la rosée ou qui agite un brin d'herbe évoque un mariage avec un voyageur ou un marin.
La présence d'un moineau au petit jour près de la chambre augure d'un mariage d'amour.
Le chardonneret signale à la jeune fille qui l'aperçoit qu'elle fera la connaissance d'un riche parti.
Un vol de cygnes présage d'un mariage heureux mais un merle posé sur l'appui de la fenêtre annonce la venue d'un beau parleur.
Deux colombes qui s'embrassent sous le gage d'une union prospère et sans nuages.
La vue d'une mésange signifie que les époux auront de nombreux enfants. Ce ne sont que quelques exemples emblématiques de l'importance que nos ancêtres accordaient à cette période de l'année...
Quant aux amoureux de la Saint-Valentin, dans le doux pépiement des oiseaux, ils allaient autrefois à la fête des Brandons, le premier dimanche de Carême. Les futurs couples échangeaient des présents et des baisers autour d'un grand feu puis les garçons allaient « brandonner » à travers les champs et les vignes. Par ce geste à caractère magique, (brandir un bâton autour duquel crépitait un brin de paille enflammé), ils voulaient stimuler la croissance des futures récoltes et attirer la prospérité sur les champs et sur leurs familles.
Afin de voir en rêve leur futur amoureux, les jeunes filles avaient l'habitude de cueillir, après les douze coups de Minuit, le 14 février, cinq feuilles de laurier. Elles en épinglaient une à chaque extrémité de leur oreiller et plaçaient la cinquième au milieu. Puis elles récitaient sept fois la prière suivante avant de s'endormir: « Ô grand Saint-Valentin, protecteur de ceux qui s'aiment, fais que je puisse voir en mon dormant celui qui sera un ami fidèle et un merveilleux amant ».
Une vieille coutume préconisait de porter des crocus jaunes dans les cheveux au lever du soleil pour attirer l'époux de ses rêves.
Un autre rituel d'amour consistait à frotter doucement la surface d'un miroir avec un tissu rouge avant d'ouvrir la fenêtre et d'allumer deux chandelles rouges. On étudiait ensuite les formes qui se dessinaient à la surface du miroir, les taches de lumière, les cristallisations et les effets de givre, afin de connaître les secrets d'un futur époux.
Pendant des siècles, dans le Kent, en Angleterre, les jeunes filles fabriquaient un « homme de houx » et les jeunes hommes une « demoiselle de lierre ». Ce couple végétal était promené dans les rues et symboliquement marié avant d'être brûlé, avec les cadeaux de sa dot. Les cendres recueillies étaient répandues dans les champs pour stimuler la croissance des jeunes pousses.
A Anvers, en Belgique, les jeunes filles recevaient de la part de leurs admirateurs des effigies du Greef, un personnage en spéculoos ou en massepain. Le nombre de figurines à croquer qu'elles obtenaient était proportionnel à l'affection qu'on leur portait.
Le cœur, siège de l'amour, de la vie et de l'âme, organe des fluides et de la circulation sanguine, est le motif magique par excellence...
Le cœur percé d'une flèche évoque l'amour et la passion mais se présente aussi comme un symbole protecteur contre les dangers et les maléfices.
Quant à la rose rouge, elle est un emblème de désir et de passion mais aussi un gage d'amour et de fidélité. La rose rose évoque la délicatesse des sentiments.
Je publierai dans quelques jours le billet que j'ai écrit sur les Amoureux de Peynet... En attendant, chers aminautes, je vous souhaite de savourer le bonheur et l'amour à pleines bouchées. Gros bisous tendres et passionnés !
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Par maplumefee le 3 Février 2019 à 21:02
© Chris Ortega, Dancing in the snow
Déesse qui règne sur les météores du froid, entité de la glace, du givre et de la neige, Chioné investit les paysages des villes et des champs, tissant de blanches dentelles et des soieries d'argent au gré de sa progression.
Déesse de la neige dite Chioné, nuit de Noël, 1905, par René-Jules Lalique (1860-1945).
Dans la Grèce antique, Chioné/ Khiónê (Χιονη), principe féminin hivernal, déployait sa magie sur le corps ensommeillé de Dame Nature. Le terme Khiôn signifie la neige.
Trois Chioné sont connues dans la mythologie.
La première Chioné est la fille de Borée, le dieu du vent du Nord et d'Orythie, séduisante princesse athénienne. Chioné eut un fils nommé Eumolphos avec Poséidon, le dieu de la mer. Un fils qu'elle n'éleva pas et qui fut confié à Benthésicymé, une princesse des eaux. (Les noms ne s'improvisent pas!)
Des auteurs comme le poète Homère (fin du VIIIe siècle avant J.-C.), dans l'Odyssée ; le grammairien Hygin (64 avant J.-C-14 après J.-C), dans Les Fables ; le géographe Pausanias (115-180 après J.-C.), dans la Périégèse ou encore le mythographe et encyclopédiste Apollodore (actif à Athènes vers 150 avant J.-C), dans La Bibliothèque évoquent les « aventures » d'une autre Chioné.
Chioné par © Emily Balivet
Cette Chioné là, que l'on nommait « Blanche-Neige », était la fille d'un guerrier appelé Dédalion, un guerrier révéré pour sa vaillance et sa force au combat.
Dédalion était le fils d'Eosphoros, le « Porteur de la Lumière de l'Aurore » que l'on appelait également Étoile du Matin, Phosphoros, plus connu sous le nom de Lucifer. Eosphoros était le gardien du char de sa mère, la sublime Eos aux doigts de rose.
Aurore par © Joséphine Wall
Déesse de la glace et de la neige, Chioné ou Skadi (divinité nordique du froid) par ©Sébastien Grenier sur DeviantArt.
A l'âge de quatorze ans, Chioné qui était déjà fort belle comptait de nombreux soupirants parmi lesquels se trouvaient les dieux Mercure et Apollon.
« Apollon et le fils de Maïa, revenant l'un de Delphes, l'autre, du mont Cyllène, en même temps ont vu Chioné, en même temps ils sont atteints d'une flamme imprévue. Apollon jusqu'à la nuit diffère ses plaisirs. Mercure, plus impatient, touche Chioné de son caducée, et soudain à ce dieu le sommeil la livre sans défense. Déjà la nuit semait d'étoiles l'azur des cieux; Apollon, à son tour, paraît sous les traits d'une vieille femme, et sous cette forme, il trompe la fille de Dédalion ». (Ovide, Métamorphoses).
Chioné fit l'amour la même nuit avec Apollon et avec Mercure. Neuf mois plus tard, elle donna naissance à des jumeaux qui n'avaient pas le même père : Autolycos (le fils de Mercure) et Philammon (le fils d'Apollon).
Autolycos, « Loup Véritable », devint l'un des plus célèbres voleurs de l'Antiquité, une sorte de Robin de Bois connu pour ses ruses et son panache. Il reçut de son père le don de ne jamais se faire prendre et des pouvoirs magiques. Il pouvait notamment changer l'apparence des animaux (il dérobait souvent des troupeaux) qu'il convoitait.
L'un des descendants d'Autolycos est le célèbre Ulysse, héros de l'Odyssée.
Philammon, le fils d'Apollon était quant à lui un jeune homme « doué pour les arts ». Devenu un musicien talentueux, il créa un chœur de jeunes filles dont les voix étaient réputées pour leur tessiture « céleste ».
Chioné, Snow Bride par © Nene Thomas
Chioné, encore embellie par la maternité, continua d'être désirée par les mâles qui croisaient son chemin. Fière de ses attraits et d'avoir été aimée par deux dieux, elle osa comparer ses charmes à ceux de la déesse Artémis et prétendre qu'elle était plus séduisante que la déesse de la Lune et de la Chasse.
Artémis en prit ombrage. Elle mit en garde Chioné mais celle-ci persista dans ses dires. La déesse prit alors son arc d'argent et transperça d'une flèche la langue de Chioné.
Nicolas Poussin (1594-1665), La mort de Chioné, 1622. Musée des Beaux-Arts de Lyon.
« Mais que sert à Chioné d’être mère de deux enfants, et d’avoir inspiré de l’amour à deux divinités ? Que lui sert d’avoir un père illustre et Jupiter pour aïeul ? Hélas ! la gloire elle-même n’est-elle pas fatale à plusieurs ? Ne le fut-elle pas à Chioné ? Elle osa se préférer à Diane et mépriser la beauté de la déesse. Diane irritée : « Peut-être, s’écrie-t-elle, ne mépriseras-tu pas mes flèches ». Aussitôt elle courbe son arc, tend la corde, et une flèche va traverser la langue de la criminelle Chioné. Elle veut parler ; sa langue est impuissante ; elle perd tout à la fois et son sang et sa vie. » Les Métamorphoses, Ovide, Livre onzième (441-442).
Pour des auteurs comme Hygin et Ovide, on peut interpréter cette partie du mythe comme le retour des forces printanières. Chioné incarnant la blanche neige, le sang coulant de sa bouche favoriserait la naissance des fleurs sur la terre encore engourdie par le froid.
Après la mort de Chioné, son père Dédalion, anéanti par le chagrin, se jeta du haut du Mont Parnasse mais le dieu Apollon décida de le sauver. Invoquant la lumière du soleil, il changea Dédalion en faucon ou en épervier.
Chioné par © Michael Whelan
Une troisième Chioné associée à la neige était la fille du dieu fleuve Nil et de l'Océanide Callirhoé. Mariée à un époux brutal, un propriétaire terrien, elle fut délivrée par le dieu Mercure, sur l'ordre de Zeus, le seigneur des Olympiens. Emportée dans le ciel, elle fut transformée en un doux amas de nuages susceptibles d'apporter la neige.
D'après certaines croyances, elle peut apparaître sous la forme d'une fée...
© Kat Mary
En vous souhaitant de belles journées de février, je vous dis merci pour votre fidélité...
Amicales pensées !
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