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    Lorado Zadoc Taft (1860-1936), The solitude of the soul, 1914, Art Institute of Chicago.

     

    En écoutant les informations, ce mardi 23 mai au matin... tristesse, effroi, consternation...

    Une nouvelle fois, de la colère, de l'incompréhension... mais aussi de la compassion, de l'espoir en des jours meilleurs et beaucoup de tendresse envers les victimes de l'attentat de Manchester.

     

    J'ai détesté, les semaines écoulées, entendre en France certains banaliser ce qu'ils appellent « le temps des attentats ». Du genre, oui il y en a eu plusieurs et oui, il y en aura d'autres... alors on hausse les épaules et on attend le suivant... C'est sûr qu'on ne va pas s'empêcher de vivre mais ça veut dire quoi, que parce qu'il y en aura d'autres on va s'y « habituer » et qu'on ne doit pas/plus avoir d'émotion lorsqu'un nouvel attentat se produit ?

     

    Oui, il y en aura d'autres mais je ne me sentirai jamais blasée face à ces pousses humaines tombées en pleine vigueur où que ce soit sur cette terre...

     

    Continuons à prendre soin de nous et de ceux que nous aimons et que la culture éclaire notre monde !

     

    Je pense à vous...

     

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    Lorado Zadoc Taft était un sculpteur néoclassique et naturaliste. Il fut aussi écrivain et professeur à l'Institut d'Art de Chicago. Je vous laisse admirer la beauté de cette œuvre qui entre subtilement en résonance avec ce que l'on peut ressentir...

     

    Dans l'une des pièces de l'Institut des Arts de Chicago se dresse « The Solitude of the soul ». Les figures sont nues et la nudité des corps exprime celle de l'âme dans sa pureté.

     

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    Quatre personnages : deux hommes et deux femmes se tiennent (la deuxième jeune femme est cachée) autour d'un rocher, dans une atmosphère empreinte de gravité et même s'ils se touchent, chacun a son individualité. Leurs lèvres sont closes et pourtant chacun est « connecté » à un(e) autre dans un dialogue silencieux. Solitude inspirée... Silence où s'étreignent les âmes car seule une âme perçoit la voix, la vibration d'une autre âme.

     

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    Le silence est perçu comme le sanctuaire de l'âme. De l’œuvre émane un silence profond où les mains s'enlacent, brisant la solitude qui enferme les êtres et ce groupe devient le symbole de l'unité de la vie à travers le risque de la séparation.

     

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    Lorado Taft nous parle également d'Inspiration car celle-ci naît dans le creuset de l'âme. Inspiration... souffle de muse... Une voix pleine de lumière face à l'obscurantisme dont certains s'abreuvent sans modération...

     

    A très bientôt chers aminautes, merci de votre fidélité !

     

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    Je vous invite à Yerres, dans l'Essonne, pour découvrir la demeure familiale du peintre impressionniste Gustave Caillebotte (1848-1894), génie atypique dont les œuvres reflètent un sens très particulier de l'art du cadrage, considéré comme photographique.

     

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    Plusieurs articles nous permettront de contempler la propriété et son parc d'agrément de onze hectares, peuplé d'arbres remarquables et de fabriques, constructions pittoresques qui ont traversé le temps pour nous offrir leur élégante scénographie.

     

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    L'Yerres, un affluent de la rive droite de la Seine, irrigue les lieux. Cette rivière, en partie souterraine sur son cours supérieur, naît en Seine-et-Marne, à Courbon, près de l’étang de Guerlande. Elle « nourrit » les villages de Soignolles-en-Brie et de Brie-Comte-Robert, traverse le département de l’Essonne et rejoint la Seine à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne. Sinueuse à son point de départ, elle se nourrit de sources et de rus pour franchir autant de communes rurales que d'espaces très urbanisés. Son principal affluent se nomme Le Réveillon.

     

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    Gustave Caillebotte a peint près de quatre vingt dix toiles sur ses berges végétalisées et pendant plusieurs années, ses amis artistes ont pris plaisir à le rejoindre à Yerres pour écrire, peindre et deviser au bord de l'eau.

     

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    Martial Caillebotte, père de Gustave, a acquis ce lieu de villégiature pour en faire la résidence d'été familiale et ainsi « échapper » aux nouvelles contraintes du Paris Haussmannien. Martial Caillebotte avait fait fortune en fabriquant des toiles à matelas pour l'Armée Française. Son entreprise se nommait « Service des lits militaires ».

     

    Avant la Propriété Caillebotte, on trouvait au bord de la rivière un parc paysager à l'anglaise aménagé dans les années 1830 par Pierre-Frédéric Borrel, chef cuisinier du célèbre restaurant Le Rocher de Cancale, à l'emplacement d'un vaste domaine agricole ayant appartenu aux seigneurs d'Yerres.

     

    (Le Rocher de Cancale, institution gourmande parisienne, n'est évidemment pas le propos de cet article. Je l'ai photographié plusieurs fois au cours des années et bien sûr, à travers de prochains écrits, je vous le montrerai.)

     

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    Dans les années 1860, Martial Caillebotte fit ériger LE CASIN, maison de campagne à l'italienne, rythmée par de jolies colonnades, sur les vestiges de l'Hôtel de Narelles, manoir Renaissance de Nicolas Budé, le dernier seigneur d'Yerres. Il ne reste de cette construction que des caves voûtées qui ne se visitent pas.

     

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    Les façades de ce bâtiment aux lignes élégantes et pures ont été réhabilitées de 1997 à 2001.

     

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    On y admire de belles frises sculptées qui évoquent des divinités antiques, sans précision particulière.

     

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    Le « casin » a engendré le mot « casino » qui signifie littéralement « petite maison » et désigne un lieu de détente situé à l'écart des activités trop intenses de la ville.

     

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    Inscrite à « l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques » et labellisée en 2012 « Maison des Illustres » par le ministère de la Culture, la Propriété Caillebotte appartient depuis 1973 à la commune d’Yerres qui l’a entièrement restaurée. Haut lieu de l’Impressionnisme, elle est considérée comme l'équivalent de l’atelier et du jardin de Claude Monet à Giverny.

     

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    Le Parc, 1875.

     

    Dès l'âge de douze ans, Gustave Caillebotte a particulièrement aimé ces lieux. Pensionnaire tout au long de l'année hormis en été, il pouvait retrouver ses parents aux grandes vacances et profiter, à Yerres, d'un bonheur bucolique. Ce fut donc naturellement qu'il se mit à peindre les différents points de vue et les endroits pittoresques du parc.

     

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    Vue sur le Casin, 1876.

     

    Entre 1875 et 1879, plusieurs de ses tableaux majeurs ont été peints dans l'écrin verdoyant de la demeure. Il a cheminé le long de la rivière, étudié les jeux d'ombre et de lumière sur les façades des différentes dépendances, observé l'évolution du potager... Son style atypique s'est défini à cette époque là, mêlé de poésie impressionniste et d'une modernité très personnelle.

     

    En 2014, quarante trois de ses œuvres ont été exposées à Yerres et le rendez-vous était d’autant plus exceptionnel que ces tableaux n’avaient jamais été, pour la plupart, présentés devant le public.

     

    On a donc pu admirer le célèbre triptyque peint en 1878 qui se compose de Pêche à la ligne, Baigneurs, bords de l’Yerres et Périssoires sur l’Yerres et l’œuvre intitulée Partie de Bateau, dit aussi Canotier au chapeau haut de forme.

     

    Le Triptyque

     

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    Pêche à la ligne, 1878.

     

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    Baigneurs, bords de l'Yerres, 1878.

     

    Ce tableau fut raillé, moqué, décrié de manière très violente, par les critiques à l'Exposition Impressionniste de 1879 où le trio de toiles fut présenté sous la forme de panneaux décoratifs.

     

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    Périssoires sur l'Yerres, 1878.

     

    La périssoire, sous sa forme monoplace, est un canot qui mesure entre trois mètres cinquante et quatre mètres de longueur. Il existe des périssoires de course qui sont environ deux fois plus grandes.

     

    Embarcation très maniable mais susceptible de chavirer facilement, d'où la référence au verbe « périr » , la périssoire était très en vogue au XIXe et au début du XXe siècle, en Europe et dans le Nouveau Monde. Elle dérive de la pirogue Cajun, utilisée par les Français de Louisiane et fut peu à peu détrônée par le canoë kayak.

     

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    Partie de bateau dit aussi Canotier au chapeau haut de forme, 1875-1878, collection particulière.

     

    Ce célébrissime tableau, peint à Yerres, fut qualifié en son temps de « fantaisie ultra-naturaliste » ce qui se voulait très péjoratif. Le modèle est inconnu. Un homme en tenue de ville capte l'attention du spectateur. La vigueur du mouvement est hautement perceptible. La composition est très originale et moderne : le champ de vision n'accueille qu'une partie du corps du personnage dont le regard, détourné de celui du spectateur, effleure le vague de l'atmosphère... Avec cette oeuvre profondément personnelle, Caillebotte a rompu avec toutes les conventions de l'art ce qui lui fut intensément reproché.

     

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    Le parc à Yerres, 1877.

     

    Chaque fois que je me promène avec Christophe dans les allées et les petits coins secrets du parc entourant la demeure (Yerres se situe sur notre ligne de RER, la ligne D), j'imagine l'artiste arpentant les lieux avec ses toiles et ses pinceaux à la main... C'est un endroit que nous aimons beaucoup !

     

    Depuis LE CASIN, on aperçoit l'ORANGERIE, bâtiment néo-classique dont la façade principale est orientée plein sud afin de recueillir un maximum de lumière et de chaleur solaires.

     

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    A l'époque de Gustave Caillebotte, elle abritait non seulement des orangers, des citronniers, des grenadiers et des mandariniers mais aussi de superbes collections d'orchidées qui ne sont plus visibles aujourd'hui.

     

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    Joliment restauré, le bâtiment dévoile ses fins ornements : une nymphe gracieuse et une séduisante Vénus assise sur un dauphin fantastique.

     

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    Des œuvres contemporaines ont été installées à différents endroits du parc et notamment à côté de l'Orangerie. Petit florilège...

     

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    Voici « Le Grand Assis » de Denis Monfleur.

     

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    Cette œuvre de 2013 a été sculptée dans de la lave de Chambois, un granit gris, aux reflets argentés, extrait des carrières volcaniques du Puy de Dôme.

     

    Né en 1962, Denis Monfleur est un amoureux des matières dures comme le granit et le basalte. Armé de puissantes scies à diamants, il aime s'attaquer à des blocs massifs et leur donner vie en y insufflant « l'animé », visualisation de ses possibilités d'artiste. Il est le créateur de formes énigmatiques qui évoquent des idoles gardiennes de l'énergie spirituelle de l'Humanité.

     

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    Sur la pelouse qui mène à l'Orangerie, se dressent des formes mystérieuses... celles de la Suite musicale d'Alain Kirili, oeuvre de fer conçue en 2014.

     

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    Né en 1946, Alain Kirili est l'un des grands noms de la sculpture contemporaine. Inspiré par la calligraphie coréenne, l'écriture hébraïque et passionné par ce qu'il appelle « les mots de l'inconscient », il est devenu l'auteur d'un étrange alphabet scriptural. Le Président Georges Pompidou était un grand admirateur de son œuvre.

     

     

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    Depuis la terrasse de l'Orangerie, la vue sur le Casin est magnifique et quelques pas suffisent pour découvrir un bronze d'Antoine Bourdelle (1861-1929), sculpteur incontournable de la 2e moitié du XIXe et des premières décennies du XXe siècle.

     

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    Grand guerrier avec jambe, 1893-1902 : une œuvre prêtée par le Musée Bourdelle à Paris.

     

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    Ami et collaborateur d'Auguste Rodin pendant près de quinze ans, sans pour autant céder à ce que certains appelaient « l'emprise du maître », Bourdelle défendit, tout au long de sa vie, son droit à l'indépendance et à l'originalité. Grand amoureux des mythes, il appréciait le lyrisme mais il aimait aussi simplifier les formes et faire dialoguer les pleins et les vides, de façon très personnelle.

     

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    En « quittant » la statue de Bourdelle et en revenant vers le Casin, on découvre le CHALET SUISSE, beau bâtiment de bois agrémenté d'élégantes découpures. Utilisé comme laiterie, à l'époque de Gustave Caillebotte, il accueille un restaurant gastronomique : celui du chef Philippe Detourbe.

     

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    Vue sur le Casin, le Chalet Suisse et l'entrée principale de la propriété.

     

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    Je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour découvrir d'autres aspects du parc. En attendant, merci de votre fidélité et gros bisous !

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     Georges Lawrence Bulleid (1858-1933), peintre victorien. Jeune fille en robe classique tenant des tulipes.

     

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    D'après une légende persane, la tulipe naquit des larmes et du sang versés par une jeune fille à la recherche de son bien-aimé dans le désert. Elle est appelée «celle qui brûle mon cœur»...

     

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    Originaire d'Asie Centrale, la tulipe est une plante vivace bulbeuse de la famille des Liliacées. Sa tige solitaire, quelquefois ramifiée vers le haut et garnie de feuilles charnues mais peu nombreuses, atteint environ 80 cm de hauteur. Au début du XVIIe siècle, on cultivait déjà cent quarante espèces de tulipes et plusieurs milliers de variétés.

     

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    La tulipe apprécie les lieux ensoleillés mais de préférence protégés du vent. Les bulbes plantés entre l'automne et l'hiver fleurissent au printemps. Les fleurs délicates révèlent alors leurs coloris variés, unis, bicolores ou striés, du blanc pur au bleu presque noir, du rose au rouge, du violet au jaune...

     

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    Le mot tulipe dérive du turc tülbend et du persan tulipan qui signifient « turban ». Dans certaines chroniques persanes datant du XIVe siècle, les turbans jaunes et rouges des soldats sur les champs de bataille étaient comparés à d'immenses champs de tulipes.

     

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    La tulipe est un symbole d'amour. Quand elle frissonne doucement, elle embrase le cour des amants. Incarnation de l'amour divin, elle est réputée flétrir si elle est éloignée des rayons du soleil.

     

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    Dans l'ancienne Perse et en Turquie, ses bulbes jouaient un rôle crucial dans les échanges commerciaux. Elle fut introduite en Occident au XVIe siècle.

     

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     Les tulipes rouges, les tulipes panachées et les tulipes « célestes » furent, au fil des siècles, particulièrement appréciées.

     

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    Les pétales marbrés, véritables « friandises visuelles », sont nés d'un virus, le potyvirus, appelé aussi « virus de la mosaïque de la tulipe ».

     

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     Le naturaliste et apothicaire Pierre Belon (1517-1564) voyagea dans les Pays du Levant vers le milieu du XVIe siècle.

     

    Il publia en 1553 un ouvrage dans lequel il décrivit la tulipe, appelée lil rouge, avec une grande précision. Il ramena des bulbes en Europe, de même qu'Ogier Ghiselin de Busbecq, ambassadeur de l'empereur Ferdinand Ier à la cour du sultan de Constantinople Soliman le Magnifique.

     

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     Ogier Ghiselin de Busbecq (1522-1592), bibliophile et fervent admirateur de la tulipe. Il enrichit avec passion les collections florales des châteaux de son époque.

     

    Mais la notoriété accordée à la tulipe dans les villes et les cours d'Occident est indissociable des travaux de Charles de l'Écluse (1525-1609).

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     Ce médecin et botaniste flamand fut l'initiateur d'un des premiers jardins botaniques d'Europe. La culture de la tulipe devint aux Pays-Bas une véritable institution et cette vogue se transforma en tulipomanie au XVIIe siècle.

     

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     En 1559, le médecin, naturaliste et encyclopédiste Conrad Gesner (1516-1565) décrivit, dans le jardin d'un magistrat à Augsburg, en Allemagne, une somptueuse tulipe rouge, qui lui fit penser à un lys écarlate. La tulipe prit le nom de tulipa gesneriana.

     

    En 1561, il publia la première illustration de sa fameuse tulipe dans le De Hortis Germaniae Liber Recens.

     

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    L'engouement pour la tulipe fut tel qu'on institua à Amsterdam une bourse spécialisée dans la vente de bulbes. Les passionnés, toujours plus nombreux, parièrent sans relâche sur les nouvelles couleurs obtenues au fil du temps.

     

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     Le bulbe de cette tulipe, appelée « vice-roi », se négociait à prix d'or soit de 3000 à 4200 florins.

     

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    La tulipomanie atteignit son apogée en 1636. En 1610, un brasseur échangea son établissement contre un bulbe de tulipe et un meunier céda son moulin dans les mêmes conditions. La folie s'empara des spéculateurs et les cours de la précieuse fleur s'effondrèrent brutalement en 1637 !

     

    Au XVIIe siècle, la tulipe apparut dans de nombreuses natures mortes flamandes et dans des tableaux qui dénoncèrent, par le biais d'éléments symboliques, cette débâcle économique et les conséquences dramatiques qui en résultèrent.

     

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     Le Triomphe de Flore dans le Char de la Fortune, par Hendrick Pot (1580-1657), en 1637.

     

    Flore, la déesse des fleurs et du Printemps, a les bras chargés de tulipes. Elle trône sur un char emporté par le vent, emblème d'inconstance. Les personnages qui l'accompagnent arborent le capuchon des fous, décoré de tulipes. Ils désignent l'Alcoolisme, l'Escroquerie et l'Avarice. Des tisserands, abusés par la folie spéculative autour de la tulipe, suivent le char, sans se soucier des conséquences. Une femme aux deux visages, allégorie de la vérité et du mensonge mais aussi de la « fortune aux deux visages », mène l'étrange procession.

     

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     Vanitas de Philippe de Champaigne (1602-1674), 1646.

     

    La tulipe occupe une place privilégiée dans les natures mortes et les Vanités du XVIIe siècle. Elle est associée aux richesses ostentatoires qui peuvent disparaître à tout moment, telles une bulle de savon qui éclate.

     

    Dans cette œuvre allégorique majeure, l'artiste met en scène, sur un fond noir, des objets caractéristiques de la fragilité de l'existence humaine: le crâne évoque l'inéluctabilité de la mort; le sablier, le temps qui s'écoule irrémédiablement et le vase brillant d'où émerge une tulipe, le monde des illusions. La fleur coupée symbolise la brièveté de la vie et la beauté éphémère dont il faut jouir avec sagesse.

     

    Il s'agit d'un « memento mori », une œuvre fondée sur l'adage « souviens-toi que tu vas mourir », destiné à faire prendre conscience à l'homme qu'il est inutile de vouloir accumuler les richesses et vain de s'attacher aux plaisirs de son époque.

     

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     Vanitas de Jacob de Gheyn le Jeune (1565-1629), 1603.

     

    Dans ce tableau, nous trouvons des éléments caractéristiques de la Vanité: le crâne, la tulipe coupée qui émerge du vase mais aussi des pièces de monnaie venant corroborer ce que j'ai présenté plus haut. Deux personnages sculptés, des philosophes, désignent une grande bulle translucide, royaume d'illusion, de tromperie et de vacuité...

     

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     Vanité, par Jacob Marrell (environ 1613-1681), Kunsthalle, Karlsruhe.

     

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    En Orient, la tulipe était considérée comme un porte-bonheur et un symbole d'amour et de prospérité. Certains bulbes valaient le prix de plusieurs joyaux.

     

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    Les poètes persans ont célébré la tulipe dès le XIIIe siècle. Ils ont décrit des jardins imaginaires peuplés de tulipes multicolores et de roses merveilleusement parfumées.

     

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    La tulipe ornait les robes de brocart de Soliman le Magnifique (1494-1566), les plis de ses turbans, les tapis de ses palais, les vases précieux, les chanfreins de ses chevaux. Sous son règne, les jardins de l'empire ottoman, de l'Égypte à la Crimée, de l'Inde aux Balkans, se couvrirent de tulipes.

     

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    Des tulipes, accompagnées d'une mouche ichneumon, illustrées par Joris Hoefnagel (1542-1601), enlumineur flamand, dans l'ouvrage Mira Calligraphiae Monumenta, paru en 1590.

     

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     Tulipe et poire de Joris Hoefnagel, 1590.

     

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    Dans le folklore européen, la tulipe flamboyante évoque le renouveau. Elle est considérée comme un talisman végétal.

     

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    On fabriquait autrefois, en Europe de l'ouest, des berceaux pour les bébés des fées avec des tulipes roses ou rutilantes.

     

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     Cicely Mary Barker (1895-1973), Flower Fairy.

     

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    La ville de Leyde, aux Pays-Bas, abrite le célèbre jardin du Keukenhof où s'épanouissent de luxuriantes plantes à bulbes. Des « forêts » de tulipes y sont exposées chaque année.

     

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    Au Keukenhof, on admire de merveilleux spécimens et notamment la mythique tulipe noire, devenue une héroïne littéraire grâce aux talents conjugués d'Alexandre Dumas et d'Auguste Maquet.

     

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     Image issue du catalogue horticole Meilland

     

    L'action du roman La Tulipe Noire, écrit en 1850, se déroule dans la ville de Haarlem, aux Pays-Bas, trente-cinq ans après la crise de la tulipe. Le héros de l'histoire, Cornélius Van Baerle, s'engage dans une quête quasi mystique: créer une tulipe noire, émanation des rêves et de l'alchimie du désir...

     

    La tulipe est également associée à un personnage facétieux, Fanfan la Tulipe, incarné au cinéma par Gérard Philipe, en 1952, dans le film de Christian-Jaque, et par Vincent Perez, en 2003, dans un film réalisé par Gérard Krawczyk. Le jeune Fanfan s'engage dans l'armée pour échapper à un mariage forcé. Après de picaresques aventures, il sauve des griffes de bandits de grand chemin la marquise de Pompadour et reçoit pour récompense une broche en forme de tulipe...

     

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    Image trouvée sur le site MoviePosters.2038.net

     

    Fanfan la Tulipe est un personnage populaire, immortalisé par le chansonnier Émile Debraux, en 1819, sur un air anonyme du XVIIIe siècle. (En cliquant sur le lien ci-dessous, vous trouverez les paroles de la chanson mais aussi sa musique pour ceux qui seraient intéressés.)

     http://musique-militaire.fr/tradition/ancien-regime/fanfan-la-tulipe

     

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    Vénérée telle une déesse, aimée et désirée jusqu'à la folie, gardée et contemplée comme un féerique trésor, la tulipe attisa bien malgré elle les instincts les plus vils. Sa beauté nourrit les plus étranges convoitises et fut parfois considérée comme mortifère mais elle incarne surtout l'amour, la fécondité, la poésie du temps qui s'écoule et le retour du printemps.

     

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    Réjouissons-nous devant cette palette de couleurs précieuses !

     

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    Chers aminautes, vos fidèles présences sont très importantes pour moi. Merci et gros bisous !

     

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    Délicates et gracieuses, sensuelles et parfumées, les clochettes de muguet nous invitent à célébrer le renouveau de la nature, entre billets doux et délicieuses fragrances...

     

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    Je vous adresse mes voeux d'amour, de prospérité et de chance, symbolisés par ces cartes que j'ai collectées au Salon du Livre et des Papiers anciens, à l'Espace Champerret.

     

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    Le muguet: description et propriétés

    Plante vivace aux noms poétiques (Lis de Mai, Lis des vallées, Clochette des bois, Grelots, Grillets, Amourette, Gazon du Parnasse, Larmes de Notre-Dame...), le muguet se développe dans les bois clairs, sur les chemins dégagés et les pentes rocailleuses. Il se multiplie grâce à son rhizome traçant appelé « griffe » . Il est également cultivé pour ses ravissantes clochettes blanches au parfum enivrant dont le nom dérive de musc et de muscade. Ses fruits, très toxiques et de la grosseur d'un pois, deviennent rouges à maturité, en septembre ou en octobre.

     

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    La pharmacopée populaire connaît, depuis des siècles, les propriétés médicinales du muguet et sa richesse en convallatoxine, une substance apparentée à la digitaline qui possède une action sédative sur le coeur. L'infusion de fleurs, sucrée au miel, est toujours utilisée mais, en raison de sa toxicité, les conseils d'un thérapeute sont absolument nécessaires.

    Prisée comme du tabac, la poudre de fleurs, préalablement séchées dans un lieu ombragé, est réputée calmer les migraines d'origine nerveuse, dissiper les vertiges et libérer les sécrétions des voies nasales. Mais souvenez-vous que les propriétés cardiotoniques du muguet ne sont pas à prendre à la légère et que ses jolies baies rouges ne doivent pas être consommées. Il faut également veiller à ce que les enfants n'absorbent pas l'eau dans laquelle le muguet a trempé.

     

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    Au-delà de ses vertus « guérisseuses », cette petite plante aux clochettes lactescentes, aimée des fées et destinée à « chasser l'hiver », nous fait revivre des moments importants de l'histoire de France...

     

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    La tradition consistant à offrir du muguet, le premier mai, semble remonter à l'époque de Charles IX (1550-1574). En 1560, alors qu'il visitait la Drôme, le roi reçut un brin de muguet. Séduit par ce présent, il fit distribuer, à partir de 1561, des bouquets odorants aux dames de la Cour. Les seigneurs s'empressèrent de l'imiter en « muguetant », c'est à dire en « faisant les galants »...

     

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    Les bals du muguet fleurirent, à partir de la Renaissance. Les messieurs arboraient à la boutonnière de jolis brins parfumés.

     

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    Le premier mai 1895, le muguet fut associé à une romance parisienne. Le chansonnier Félix Mayol (1872-1941), auteur de la chanson « Viens poupoule », offrit, sur le quai de la gare Saint-Lazare, un bouquet de muguet à son amie Jenny Cook.

     

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    Quand il monta sur les planches du « Concert Parisien », sa jaquette était ornée de clochettes immaculées. Il connut un tel succès que le muguet devint son porte-bonheur attitré.

     

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    Le premier mai 1900, lors de festivités organisées par des couturiers parisiens, les clientes et les ouvrières reçurent des brins de muguet. Les couturières prirent ensuite l'habitude d'offrir, chaque premier mai, du muguet à leurs clientes.

     

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    Dans le Paris de la Belle Époque, les « fêtes du muguet » se multiplièrent et connurent un succès retentissant, lié à l'élection des « reines de Mai »: de jolies jeunes femmes vêtues de blanc, perçues comme les incarnations de Flore, la déesse du Printemps.

     

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    Flore, par Alfons Mucha (1860-1939).

     

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    Reines du muguet (Photo Delcampe)

     

    Emblème de reverdie et de féminité, le muguet est aussi, depuis 1921, l'emblème du Rugby Club de Toulon!

     

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    La journée de huit heures et la Fête du Travail

    Les clochettes de muguet sont associées, en dépit de leur douceur et de leur fragilité, à des luttes sociales majeures.

     

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    Le 1er mai 1884, au IVe congrès de l'American Federation of Labor, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis se donnèrent deux ans pour imposer à leurs employeurs la journée de travail de huit heures.

    Cette idée naquit en Australie où les travailleurs avaient organisé, le 21 avril 1856, une manifestation en faveur de la journée de huit heures. Le succès fut si retentissant qu'il fut décidé de renouveler cette journée d'action tous les ans.

    Le 1er mai 1886, alors qu'une partie des travailleurs venait d'obtenir satisfaction, de nombreux ouvriers, lésés, firent grève pour forcer les patrons à accepter leurs revendications.

    Le 3 mai, à Chicago, trois grévistes de la société McCormick Harvester perdirent la vie au cours d'une manifestation et le lendemain soir, alors qu'une marche de protestation se dispersait à Haymarket Square, une bombe explosa, tuant quinze policiers.

     

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    La révolte de Haymarket Square (Chicago, 4 mai 1886).

     

    Trois syndicalistes furent condamnés à la prison à perpétuité et cinq autres trouvèrent la mort par pendaison, le 11 novembre 1886, en dépit du manque de solidité des preuves dont la justice disposait. Ils finirent par être réhabilités.

     

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    Les derniers mots du condamné August Spies sont lisibles sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago: «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui.»

     

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    Trois ans après le drame de Haymarket, le deuxième congrès de la IIe Internationale socialiste se réunit à Paris, au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies Parisiennes, dans le contexte de l'Exposition Universelle et de la commémoration du centenaire de la Révolution française.

     

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    Les ouvriers défilèrent à partir du premier mai 1890, un triangle rouge à la boutonnière pour symboliser le partage de la journée en trois temps (temps de travail, temps de loisir et temps de sommeil).

     

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    Le 1er mai, lithographie de Jules Grandjouan (1875-1968) réalisée pour l'Assiette au beurre (1906), une revue illustrée, satirique et libertaire de la Belle Époque.

     

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    En 1891, à Fourmies, commune du nord de la France, la manifestation du premier mai s'acheva dans le sang, marquant un tournant essentiel dans l’histoire du mouvement ouvrier. Les forces de l'ordre, équipées des nouveaux fusils Lebel, tirèrent sur la foule. Elles tuèrent dix personnes et firent trente-cinq blessés. Une ouvrière de 18 ans nommée Maria Blondeau reçut une balle dans la tête à bout portant et devint le symbole de cette tragique journée.

     

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    La manifestation à Fourmies. (Image Fourmies info/archives.)

     

    Les autres victimes étaient Louise Hublet (vingt ans), Ernestine Diot (17 ans), Félicie Tonnelier (16 ans), Kléber Giloteaux (19 ans), Charles Leroy (20 ans), Emile Ségaux (30 ans), Gustave Pestiaux (14 ans), Emile Cornaille (11 ans) et Camille Latour (46 ans). Je conseille aux personnes intéressées par cette histoire de lire l'excellent ouvrage d'André Pierrard et Jean-Louis Chappat intitulé La fusillade de Fourmies, aux éditions Maxima.

     

    Dans le journal « l’Illustration » du 9 mai 1891, il est écrit: «C'est le fusil Lebel qui vient d'entrer en scène pour la première fois. Il ressort de ce nouveau fait à l'actif de la balle Lebel qu'elle peut très certainement traverser trois ou quatre personnes à la suite les uns des autres et les tuer.» Ce fusil équipera l’armée française jusqu’à la fin de la première guerre mondiale.

     

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    A la fin de l’année 1891, l'Internationale Socialiste renouvela le « caractère revendicatif et international du 1er mai », en hommage aux « martyrs de Fourmies ». Le 23 avril 1919, le Sénat Français ratifia la journée de 8 heures et le 7 juin 1936, la signature des accords de Matignon par Léon Blum permit d'obtenir « une augmentation des salaires de 7 à 15 %, la reconnaissance du droit syndical dans l’entreprise, l’élection des délégués ouvriers, la création de conventions collectives, la semaine de 40 heures et quinze jours de congés payés ».

     

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    Dans la Russie de 1920, le 1er mai fut chômé grâce à Lénine et en 1933, Hitler alla plus loin en rendant ce jour emblématique chômé et payé.

     

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    Le 24 avril 1941, sur les recommandations de René Belin, un ancien dirigeant de l'aile socialiste de la CGT, le Maréchal Pétain qualifia le premier mai de « Fête du Travail et de la Concorde Sociale ».

     

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    En avril 1947, à l'initiative du député socialiste Daniel Mayer et du ministre communiste du Travail, Ambroise Croizat, le 1er Mai devint, dans les entreprises publiques et privées, un jour chômé et payé mais il n'est toujours pas assimilé à une fête légale.

     

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    Les symboles du premier mai

    En France, les manifestants du 1er mai défilèrent, à partir de 1890, avec le fameux triangle rouge « des trois temps » bien visible à la boutonnière. Ce triangle fut remplacé, en 1892, par une fleur d'aubépine suspendue à un ruban rouge, en l'honneur de Maria Blondeau, la jeune ouvrière de Fourmies, qui avait trouvé la mort en brandissant un bouquet d’aubépine. En 1895, le socialiste Paul Brousse invita, par le biais d'un concours, les travailleuses à choisir une fleur qui représenterait le « Mai » et c'est l’églantine qui fut choisie.

    Cette fleur traditionnelle du nord de la France, liée au souvenir de la Révolution française, fut remplacée par le muguet, en 1907 à Paris. Emblème du printemps francilien, le muguet était accroché à la boutonnière avec un ruban rouge, symbole du sang versé.

     

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    Après la Première Guerre mondiale, la presse encensa le muguet, aux dépens de la rouge églantine, et en 1941, sous le régime de Vichy, le muguet s'imposa.

     

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    La vente du muguet

     

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    Depuis les années 1930, une tolérance administrative autorise les particuliers à vendre, chaque 1er mai, des brins de muguet sans formalités, ni taxes mais cette tradition populaire se répandit surtout à partir de 1936. Elle semble trouver ses origines à Nantes où monsieur Aimé Delrue (1902-1961), droguiste et président du comité des fêtes de la ville, avait organisé « la Fête du Lait de Mai ».

     

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    Symbole de renouveau et de fécondité, le lait fraîchement tiré était associé à la blancheur immaculée des clochettes de muguet.

    Depuis 1936, chacun peut vendre du muguet, sans patente, mais il s'agit d'une tolérance que certains arrêtés, en fonction des communes, n'hésitent pas à réglementer.

     

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    Des larmes de Marie au sang de Saint-Léonard

    On appelle le muguet « larmes de Notre-Dame » car il aurait jailli des pleurs de la Vierge, versés au pied de la croix.

    D'autres légendes l'associent à Saint-Léonard, guerrier émérite et ami du roi Clovis, qui choisit de vivre en ermite au fond des bois. Un jour, sous un bouquet d'arbres sacrés, Léonard se heurta à un dragon contre lequel il reprit les armes. Le combat fut très violent. De chaque goutte de sang perdue par le saint fleurirent des brins de muguet. D'après certaines croyances, on entend parfois, lorsque le vent souffle, le bruit de cette lutte fantastique...

     

    Folklore et traditions

     

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    Comme toutes les fleurs à clochettes, le muguet est lié au Petit Peuple et aux déesses de l'amour et de la fécondité.

     

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    Cicely Mary Barker, Flower Fairies

     

    Avec la campanule, la digitale et le thym sauvage, le muguet est l'une des fleurs préférées des lutins et des fées qui viennent danser, en cercles opalescents, là où s'épanouissent les clochettes parfumées.

     

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    Titania, la reine des fées, couronnée de muguet, sous le pinceau aux accents préraphaélites de Sir Frank Bernard Dicksee (1853-1928).

     

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    D'après une légende allemande, le muguet serait sous la protection d'une Dame Blanche.

     

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    Idylle de printemps par George Henry Boughton (1834-1905).

     

    Fleur d'inspiration, le muguet est consacré à Apollon Belenos, dieu des arts et du soleil, qui couvrit en l'honneur des Muses, le Mont Parnasse de muguet, d'où l'appellation « Gazon de Parnasse ».

     

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    Dans le folklore européen, l'éclosion des fleurs de muguet constitue un signe bénéfique, annonciateur du retour des déesses du printemps. En fonction des croyances, on préfèrera les brins à douze ou à treize clochettes...

     

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    Dans le Vaudou et la magie des Caraïbes, le muguet est associé à l'invocation des esprits et aux trois planètes de puissance, de protection et de réalisation que sont le Soleil, Vénus et Mercure. Réduit en poudre et brûlé sur des charbons ardents, il est réputé favoriser la concrétisation des affaires matérielles.

     

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     Les druidesses faisaient brûler de l'encens de muguet pour accroître leurs capacités de clairvoyance.

     

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    Dans la tradition populaire, le muguet est considéré comme un porte-bonheur puissant que l'on adresse aux personnes aimées et qu'on laisse sécher pour obtenir la réalisation de ses voeux. Il s'offre après la nuit de Beltane, nuit sacrée pour les Celtes ouvrant les portes de « l'année claire » jusqu'au retour de « l'année sombre » à la période de Samain/Halloween.

     

    Dans des temps très anciens, c'était l'aubépine que l'on offrait pour célébrer le retour de Maïa, la déesse mère du printemps.

     

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    Si vous souhaitez vous plonger dans les coutumes entourant l'Arbre de Mai et caracoler en compagnie des fées de Beltane, je vous invite à lire mon article intitulé la Magie de Mai...

     

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     Généreuses clochettes signifiant l'amour, la passion, la fidélité et le bonheur partagé...

     

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     … ainsi que le souvenir et la pureté des sentiments...

     

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     Clochettes des fées soufflant vers vous mes pensées les plus douces...

     

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    Joyeux Premier Mai!

     

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    Bibliographie

    DUBOIS, Pierre: La Grande Encyclopédie des Fées. Hoebeke, 2008.

    DUBOIS-AUBIN, Hélène: L'esprit des fleurs: mythes, légendes et croyances. Le Coudray-Macouard: Cheminements, 2002.

    SEBILLOT, Paul-Yves: Le Folklore de France.

    SIKE, Yvonne de: Fêtes et croyances populaires en Europe. Bordas, 1994.

    VESCOLI, Michaël: Calendrier celtique. Actes Sud, 1996.

    Plume

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    Son corps s'anime et se fond, suivant les heures du jour, dans les frondaisons majestueuses du jardin du Luxembourg.

     

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    Ce bronze daté de 1852, que j'aime à imaginer comme une sorte de gardien des lieux, est une création d'Eugène Louis Lequesne (1815-1887) appelée « Faune dansant ».

     

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    Divinité champêtre latine, le faune est un avatar de Faunus, le dieu protecteur des bergers et des troupeaux et contrairement au satyre grec, que l'on affuble généralement d'un physique disgracieux, il affiche des traits fins et un corps sensuel et séduisant.

     

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    Reconnaissables à leur queue, leurs petites cornes et leurs sabots de bouc, les faunes sont de grands amateurs de musique et de danse. On leur attribue, à partir d'une conque marine, la création de la trompette.

     

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    Bondissant, léger, facétieux, le faune de Lequesne incarne les joies de la danse et le plaisir de répandre la musique, émanation de l'enthousiasme des dieux. La position de son corps est particulièrement harmonieuse dans le mouvement. Le célèbre romancier et poète Théophile Gautier (1811-1872) écrivit à son sujet : « C'est une œuvre de premier ordre. Son Faune musclé vigoureusement, mais sans exagération, est d'une anatomie irréprochable. »

     

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    Avec cette œuvre pleine de charme, bien accueillie par le public et les critiques d'art, Lequesne, élève du maître James Pradier (1790-1852) voulut rendre hommage au Faune dansant daté des IIIe ou IIe siècles avant J.-C et découvert à Pompéi en 1830.

     

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    Faune de Pompéi, image guidesvoyage.be

     

    Construite à l'époque Samnite (IIIe-IIe siècle avant J.-C), la Maison du Faune est considérée comme l'une des plus imposantes demeure de Pompéi. Propriété d'un négociant en vins (on y a retrouvé une grande quantité d'amphores et d'emblèmes bachiques), elle est dotée d'un riche décor et abrite de magnifiques mosaïques. La plus célèbre de ces mosaïques représente l'étreinte érotique d'une nymphe et d'un faune, personnages traditionnels du cortège dionysiaque.

     

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    La statue du faune dansant fut exhumée lors des fouilles menées entre 1830 et 1832 par l'archéologue Antonio Bonucciente. Il s'agit d'une œuvre de bronze qui reposait sur un piédestal en marbre à l'extrémité septentrionale de l'impluvium. Elle est conservée au Musée National de Naples.

     

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    Le personnage du faune est considéré comme un gardien de la sylve où règne la magie des anciens dieux. Puissance bienveillante, il veille sur la fertilité des lieux et favorise l'expansion de la vie.

     

    Créature joyeuse, jouisseuse, aux appétits sexuels débridés, le faune est un être mi-divin, mi-fantastique. Souvent représenté dans la peinture et la sculpture, il inspira aussi les poètes à l'instar de Rimbaud qui écrivit Tête de Faune en 1871.

     

    « Dans la feuillée, écrin vert taché d'or,

    Dans la feuillée incertaine et fleurie

    De fleurs splendides où le baiser dort,

    Vif et crevant l'exquise broderie,

    Un faune effaré montre ses deux yeux

    Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches

    Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux

    Sa lèvre éclate en rires sous les branches.

    Et quand il a fui- tel qu'un écureuil-

    Son rire tremble encore à chaque feuille

    Et l'on voit épeuré par un bouvreuil

    Le Baiser d'or du bois, qui se recueille »

     

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    Le poète, peintre des sensations, nous invite à entrer dans le monde secret, fascinant, mystérieux de la feuillée, loge de verdure et lieu intermédiaire entre les mondes, espace où la passion amoureuse, librement, peut s'exprimer.

     

    Le faune est l'incarnation de cette passion érotique, de ce pouvoir de communion avec la Nature, flamboyante nature dont la puissance éclate à travers l'évocation parnassienne de la rouge carnation des fleurs.

     

    La poésie parnassienne est associée à un groupe d'artistes aux personnalités emblématiques comme Leconte de Lisle, Catulle Mendès, Théophile Gautier, José Maria de Heredia... Le Parnasse, alchimie littéraire plutôt néo-classique se fonde sur la recherche de l'expression formelle. Censé entrer en concurrence avec la mélodie des sentiments, l'art du Parnasse est fait de constantes évolutions à travers lesquelles l'écriture, rapprochée constamment des arts plastiques, tisse une passerelle entre la plume du poète et le ciseau du sculpteur. Poésie bijou, savamment ciselée, elle n'en est pas moins attirante et reliée, à ses heures, aux énergies du cœur.

     

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    Dans le monde antique où la Nature était peuplée de divinités, il était d'usage d'accomplir certains rites avant de s'enfoncer dans un bois, de traverser une rivière ou de longer certaines forêts. On accomplissait des libations en versant du vin, du lait, du miel sur la terre ou on déposait des offrandes (morceaux de tissu, gâteaux, flacons remplis d'eau parfumée, mèches de cheveux... dans le creux d'un arbre ou sur la mousse) pour se concilier les faveurs des faunes, des satyres, des muses et des nymphes.

     

    Les femmes demandaient aux nymphes et aux faunes de veiller sur leur fécondité et d'intercéder auprès des dieux pour qu'elles puissent concevoir des enfants en bonne santé. Elles sollicitaient aussi ces personnages « intermédiaires » pour emporter les maladies des personnes aimées.

     

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    La tradition des arbres à loques, toujours bien portante en France, en Europe et dans différentes parties du monde, peut être rapprochée de ces rituels antiques. Un arbre à loques est un arbre auquel on suspend des bandes de tissu, des rubans, des morceaux de papier et différents objets du quotidien dotés de vertus apotropaïques, -du grec apotropein, qui détourne le malheur et conjure les maléfices-, soit de petits ustensiles de cuisine, des lunettes, des boîtes de médicaments... L'esprit de l'arbre peut être assimilé à un faune protecteur, répondant aux vœux accrochés dans les branches ou glissés dans les anfractuosités de l'écorce. Certains arbres à loques sont appelés « faunes verts ».

     

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    Arbre à loques. Image bookofdante.wordpress.com

     

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    En 1902, Eugène Atget (1857-1927) immortalisa le faune dansant, gardien joyeux et voluptueux d'un musée jardin où les statues se font conteuses, sous les grands arbres, nous invitant à les écouter chuchoter et à nous rappeler, intimement, de ces forêts d'antan, labyrinthes profonds...

     

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    Merci de vos nombreux messages, de votre fidélité. Je pense à vous et vous embrasse bien affectueusement !

    Plume

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