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    Je voudrais vous emmener sur la rive Est du Bassin d'Arcachon, dans un endroit mystérieux et magique, le Domaine de Certes-Graveyron. Juste avant de fêter 2012, cette escapade en terre girondine, aux portes de la mer, a été particulièrement ressourçante.

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    Dans ce paysage magnifique, doté d'un patrimoine et d'une biodiversité exceptionnels, le ciel, la végétation et le vent s'entremêlent. Savourer l'air gorgé d'embruns et de douceur sucrée, presque printanière, fut un bonheur indicible.

    Des Espaces Naturels Sensibles

    Depuis 1991, le Conseil Général de la Gironde gère et valorise ces lieux choisis en raison de leur richesse historique et biologique.

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    Dans les prés salés, les vaches apprécient le goût iodé de l'herbe.



    Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le marquis de Civrac, seigneur local, fit mener d'importants travaux d'endiguement et transformer les prés salés en marais salants. Constamment attaquées par les tempêtes et les fortes marées, les digues sont étroitement surveillées. Leur entretien minutieux permet de protéger les terres et favorise l'accès au Sentier du Littoral.

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    Une mosaïque de prairies humides, naturellement salées. Un camaïeu de vert, d'argent et de bleu qui nous attire vers des contrées oniriques...

    Historique des lieux

    A l'époque médiévale, un tertre artificiel fut érigé sur le domaine de Certes afin de surveiller « la circulation maritime du bassin d'Arcachon ».

    A partir de 1768, dans un paysage de prés salés, de marais côtiers et de végétation herbacée, la saliculture se développa, grâce à François Emery de Durfort, marquis de Civrac, seigneur de Lamothe, de Certes, de Comprian et baron d'Audenge. Les seigneurs locaux arboraient également un titre princier, celui de « Captal de Certes ».

    Dispensé par le roi de payer l'impôt sur le sel, le marquis fit dresser de puissantes digues autour de l'île de Branne, située à proximité, et créer des marais salants, entre 1768 et 1773,  le long du domaine de Certes. Mais quand son privilège d'exonération de redevance sur le sel fut aboli, suite aux récriminations des producteurs de sel charentais, les ennuis s'accumulèrent. Il termina sa vie ruiné par les travaux pharaoniques qu'il avait engagés et par son train de vie dispendieux à la Cour, car il résidait le plus souvent au château de Versailles et dans son hôtel parisien.

    Les salines tombèrent peu à peu en désuétude, au profit des prés salés originaux, mais les modifications humaines se poursuivirent.

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    Les écluses croisées sur le bord du chemin en témoignent. Elles sont plus que jamais les gardiennes du niveau des eaux en fonction des marées et des variations de la météorologie. Il en existe 31, réparties sur la totalité du Domaine.


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    A partir de 1843, Ernest Valeton de Boissière (1811-1894), le fils de François Valeton Boissière, un négociant en vin du Quai des Chartrons, à Bordeaux, influa sur le destin de Certes. Il fit planter des pins et creuser des bassins pour la pisciculture.

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    Diplômé en 1830 de l'École Polytechnique, ce personnage atypique devint ingénieur géographe dans l'armée avant de quitter celle-ci vers 1832.

    En 1818, son père avait acquis une importante partie du Domaine de Certes auprès d'un certain Guillaume Darles, pharmacien bordelais. En 1837, il acheta de nouveaux terrains au parisien Augustin Walbreck.

    Dès 1843, Ernest de Boissière entreprit la transformation progressive des anciennes salines en réservoirs à poissons. Cette politique de grands travaux exprimait une vision humaniste de la société, fondée sur les théories de Charles Fourier.

    Charles Fourier (1772-1937) envisageait une société composée de phalanstères, des bâtiments communautaires habités par des personnes qui décidaient de s'unir librement. Dans cette nouvelle société utopique, devaient fleurir les fermes, les potagers, les vergers et les viviers à poissons. L'Homme et la Nature pouvaient ainsi vivre en harmonie, éloignés de la notion de profit égoïste.

    Grand philanthrope, Ernest de Boissière concrétisa ces théories en fondant des écoles mixtes. Il semblerait d'ailleurs que le premier collège mixte de France ait été celui d'Audenge, une commune attenante au domaine. Il traversa l'Atlantique quelques années plus tard, en des temps troublés, pour créer une communauté idéale à Silkville, au Kansas.

    Le château de Certes

    Un premier château fut érigé vers 1350, sur une motte féodale, pendant la Guerre de Cent Ans. Il fut détruit en 1765.

    Entre 1766 et 1769, le marquis de Civrac fit édifier une demeure seigneuriale qui disparut en 1866. Ce « vieux château » se dressait sur une butte artificielle. Un moulin à eau était situé près de sa tour.

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    Carte datant de 1708.



    Ernest de Boissière fit raser cette construction et ériger à la place une élégante chartreuse, aux alentours de 1855. Il utilisa des matériaux issus des bâtiments démolis et notamment des modillons médiévaux.

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    Après sa mort, Camille Descas, le fils de Jean Descas, un célèbre négociant en vin de Bordeaux, fit moderniser la « maison Boissière » dans le style Second Empire. Il fit ériger des tourelles et un belvédère et agrémenter la demeure d'un décor « Art Nouveau », composé de faïences et de boiseries précieuses, mais le 14 novembre 2010, l'aile sud fut détruite par un incendie.

    Camille Descas et son frère Ferdinand favorisèrent l'essor de la pisciculture et de l'élevage dans les prés salés mais, après leur disparition, survint une période troublée au cours de laquelle le domaine partit en déliquescence.

    Le Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres (CELRL) acquit, à partir de 1984, cette mosaïque de zones humides pour assurer leur protection.

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    Le Domaine de Certes-Graveyron offre une harmonieuse variété d'oiseaux. Hérons, milans noirs, spatules blanches, aigrettes, cormorans, mouettes, goélands, bernaches, canards, oies cendrées, cygnes et bien d'autres évoluent dans ce paradis aquatique, survolant l'immensité des prés salés.

    Les poissons qui entrent dans les bassins, grâce aux fortes marées du Bassin d'Arcachon servent de nourriture aux plus gourmands, ce qui explique la présence de filets sur certains viviers.

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    Ce beau cygne a gentiment pris la pose au moment où nous passions.



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    L'énergie sauvage des marées et la volonté humaine ont modelé ce réseau d'écluses et de canaux où se reflètent les humeurs du ciel.

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    Les « bosses » sont des levées de terre qui séparent les bassins. Les eaux peu profondes y favorisent le développement des algues et des plantes aquatiques et dessinent des méandres bleu saphir.

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    Au fil de notre marche, nous avons longé le joli port d'Audenge à marée basse. A l'extrémité du quai, se dresse la cabane bleue aux artistes où, de février à novembre, se déroulent des expositions. Les peintres, les sculpteurs et les écrivains y rencontrent le public dans un cadre qui se veut authentique.

     


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    La mélodie graphique des pontons, un monde fascinant de force et de fragilité...



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    Des écritures scintillantes qui se métamorphosent au rythme des marées...

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    Le lieu est propice à de nombreuses activités: canoë kayak, randonnée, ramassage de coquillages, visite des tonnes (les cabanes de chasseurs), découverte de l'ostréiculture, balades à vélo sur les pistes cyclables autorisées (à ce propos, il est nécessaire de se renseigner dans les Offices de Tourisme d'Audenge et de Lanton).

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    Les silhouettes tourmentées des cotonniers qui jalonnent le chemin.



    Le baccharis ou faux cotonnier d'Amérique est une espèce invasive, dont les branches et les troncs composent en hiver une étrange forêt. Au printemps, les fruits ressemblent à de grandes aigrettes cotonneuses, répandues par le vent. En été et en automne, ses fleurs mellifères, appréciées des abeilles, donnent un miel de caractère, vendu dans les épiceries locales et bio.

    Les Cotonniers de Bassalane est un roman de Michèle Perrein (1929-2010), paru en 1984 aux éditions Grasset. Ce livre, qui reçut le Prix Interallié la même année, relate la vie à la grande époque de la pisciculture.

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    Nous abordons à présent la « petite plage » qui fait les délices des baigneurs, à la bonne saison.

    Dans ce lieu, les cotonniers, les tamaris et les ronciers affrontent les colères du vent et servent de refuge à différents animaux.

     


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    Ce monde changeant offre une palette unique de formes et de couleurs, comme si le givre de la nuit avait griffé le ciel.

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    Je remercie mon amie Antoinette, son mari et sa maman de nous avoir guidés à travers ce paysage alchimique, né de la force du flux et du reflux, entre mer et marais...


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    Des espèces rares et menacées vivent dans ce milieu remarquable. Une prise de conscience de leur vulnérabilité est donc indispensable.

    La Cistude d'Europe (Emys orbicularis) est une petite tortue qui aime les eaux douces et saumâtres, âgée de deux millions d'années et en voie de disparition. Dotée d'une carapace sombre et un peu bombée, ornée de petits points jaunes, elle possède des pattes palmées, aux puissantes griffes, et une longue queue effilée. Elle arbore un plastron généralement jaune ou noir.

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    Elle ressemble à un beau galet brillant.

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    Elle aime les marais, les étangs, les lacs, les canaux et les tourbières. Elle se nourrit de végétaux (elle raffole des carottes) mais elle est aussi carnivore et nécrophage. Elle savoure des poissons, des crustacés, des amphibiens et des petits animaux morts.

    Dans les haies, les roselières et les prairies humides, vivent aussi le vison d'Europe, nocturne et discret, la loutre joueuse, la genette farouche et la belette, agile, vorace et gourmande, sans oublier les ragondins, les musaraignes et les facétieux lapins sauvages.

    Le lézard vert aime profiter de la chaleur sur le bord des chemins. Pendant la période nuptiale, la gorge des mâles se pare d'une somptueuse couleur turquoise.

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    Les rainettes arboricoles se lovent dans les ronciers et les arbustes des haies: prunelliers, aubépines, églantiers...

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    Les chauve-souris, les papillons (paon de nuit) et les insectes (capricornes, lucanes cerf-volant...) abondent dans le domaine. Des « chasses au drap », organisées périodiquement par la Société Linnéenne de Bordeaux permettent de découvrir ces fascinantes créatures nocturnes.

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    La flore locale est aussi luxuriante que la faune. Roseaux, ajoncs, salicornes, fraisiers, violettes et arums sauvages, jacinthe des bois, lavande de mer, pissenlits et boutons d'or composent une symphonie colorée et parfumée qui répond, à la saison propice, aux senteurs enivrantes des aubépines et des acacias en fleur.

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    La beauté des eaux saumâtres dont la gestion des niveaux doit être effectuée avec beaucoup de minutie.

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    Le clocher de l'église d'Audenge, comme un phare dans le paysage...


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    Une vie luxuriante palpite dans les eaux mêlées.


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    Dans ce territoire, nous évoluons constamment à la lisière du conte et de la réalité. Quand les formes se troublent, quand le jour et la nuit s'interpénètrent, nos sens aiguisés s'enivrent du chant de l'eau et de la respiration de l'air.

    Si vous en avez un jour l'occasion, je ne peux que vous inviter à découvrir ces merveilles, dans le plus grand respect de ce fragile écosystème, en évolution permanente, dont la préservation est une absolue priorité.


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    Bibliographie

    C. BOUSQUET-BRESSOLIER, F. BOUSCAU et M.-J. PAJOT: Les aménagements du Bassin d'Arcachon au XVIIIe siècle. Mémoire du laboratoire de géomorphologie de l'École Pratique des Hautes Études, n°43. Dinard éditions, 1990, 224 p.

    M. HOUDART: Entre terre et mer, les 250 ans du littoral. IFREMER, mai 2003.

    F. VERGER: Marais et estuaires du littoral français. Paris: Belin éditions. 333p.


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    Ce castel de fantaisie surgit dans Paris, à quelques encablures du Parc Monceau. A l'instar de la légendaire forteresse de Richard Coeur de Lion, il aiguise l'imagination, ce qui m'a inspiré ce petit jeu de mots.

     

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    L'Hôtel Gaillard est le fruit d'une rencontre entre deux esprits brillants: Émile Gaillard, régent de la Banque de France, mécène et collectionneur, et l'architecte Victor-Jules Février.

     

    Passionné par le Moyen-Âge et la Renaissance, Émile Gaillard fit ériger une demeure « seigneuriale » destinée à accueillir ses « trésors » dans un écrin digne de leur beauté.

     

    Entre 1879 et 1884, Victor-Jules Février conçut, au croisement de la rue Georges Berger et de la Place du Général Catroux, un superbe bâtiment en brique rose qui s'inspirait de l'architecture des châteaux de la Loire, et plus particulièrement des châteaux de Gien et de Blois.

     

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    On y pénétrait par une entrée somptuaire qui donnait sur la place du Général Catroux. Les visiteurs empruntaient un escalier monumental afin d'accéder aux salons d'apparat et aux espaces privés.

     

    L'hôtel-musée abritait une profusion de tapisseries, de boiseries, de peintures, de cheminées, de faïences et d'étains. Un somptueux bal masqué s'y déroula, le 11 avril 1885. Deux mille invités se pressèrent, en déguisement Renaissance, autour du maître des lieux, costumé en Henri II.

     

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    Après la mort d'Émile Gaillard, ses héritiers cédèrent les collections et, en 1919, la Banque de France fit l'acquisition du monument, pour cinq millions de francs, une somme bien inférieure à ce qu'il avait coûté au départ, soit 11 millions.

     

    L'architecte Alphonse Defrasse (1860-1939) et le décorateur Jean-Henri Jansen furent sollicités pour réaménager les lieux. Après une importante phase de travaux, la nouvelle succursale de l'institution financière ouvrit en 1923.

     

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    L'escalier monumental fut conservé mais un système de protection bien singulier fut mis en place dans la salle des coffres: des douves remplies d'eau, dominées par un pont roulant.

     

    L'hôtel Gaillard est classé monument historique depuis avril 1999. Emblématique de l'art néo-gothique et néo-Renaissance, il révèle une écriture architecturale harmonieuse et complexe.

     

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    Ses hautes façades, ornées de briques polychromes, sont décorées de motifs géométriques, caractéristiques de la Première Renaissance (1480-1520).

     

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    On retrouve cet appareil coloré au château de Chamerolles, édifié au début du XVIe siècle, en lisière de la forêt d'Orléans.

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    Chamerolles

     

    Dans la rue Legendre, prolongement de la rue Georges Berger, les façades de l'Hôtel Guerlain révèlent un décor approchant.

     

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    L'aile Louis XII du château de Blois, réalisée entre 1498 et 1503, conjugue des éléments empruntés au style gothique flamboyant de la fin du XVe siècle et des motifs typiques de la Première Renaissance. Ses hautes toitures d'ardoise sont percées de lucarnes élancées et son décor de briques rouges sublime la blancheur de la pierre.

     

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    On remarque aisément la parenté stylistique entre l'architecture de ce magnifique bâtiment et celle de l'Hôtel Gaillard.

     

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    Les toitures du château parisien nous offrent un séduisant répertoire de formes plastiques et les cheminées de brique sont joliment décorées.

     

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    Les lucarnes flamboyantes et l'abondance des ornements évoquent une transition féconde entre le Moyen-Âge et la Renaissance. Le « G », monogramme du maître des lieux, se dessine au sommet de l'édifice, tel un emblème féodal.

     

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    Richement sculptées, les lucarnes font entrer l'air et la lumière dans l'habitation, tout en créant de magnifiques effets visuels. Le mot « lucarne », attesté depuis le XIVe siècle, vient de « lukinna » qui signifie « ouverture » en bas francique. Au fil des époques, « lukinna » a évolué en « lucarne », par croisement avec « lucerna » (lampe, en latin) et « luiserne » (lumière, flambeau en ancien français).

     

    Les toits d'ardoise sont couronnés par de fines excroissances métalliques.

     

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    Des petits personnages appelés « marmousets » décorent les fenêtres compartimentées. La pierre de taille et la brique polychrome composent une élégante broderie.

     

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    Les balustrades gothiques, les toitures sombres et brillantes, les lucarnes ouvragées et les culots sculptés forment une majestueuse scénographie.

     

    Le commanditaire

     

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    Émile Gaillard naquit à Grenoble dans une famille bourgeoise. Son grand-père, Théodore François Gaillard, avait fondé une « maison de banque » dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle et son père, Théodore Eugène Gaillard, fut maire de Grenoble, de 1858 à 1865.

     

    Cet éminent financier participa au développement des chemins de fer et fut le gestionnaire des biens du Comte de Chambord, ultime descendant français de la branche aînée des Bourbon. Il fréquenta Victor Hugo et fut l'élève et l'ami de Frédéric Chopin qui lui dédia une Mazurka. Curieux de tout et doué pour les arts, il composa certaines pièces musicales.

     

    Ne pouvant exposer à son goût, dans son habitation de la rue Daru, les objets qu'il avait ramenés de ses voyages, il fit l'acquisition, en 1878, d'un terrain dans la Plaine Monceau. Face à l'hôtel du peintre Ernest Meissonier, il fit construire la demeure idéale pour mettre en lumière ses collections.

     

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    Le bal costumé Renaissance

     

     

    Victor-Jules Février (1842-1937)

     

    En 1889, il reçut, pour la construction de l'Hôtel Gaillard, deux prestigieuses distinctions: la « Grande Médaille », lors du Congrès de la Société Nationale des architectes français, et la Médaille d'or de l'architecture privée au cours de l'Exposition Universelle.

     

    S'inspirant de l'architecture des châteaux de la Loire de la Première Renaissance (1480-1520), il réalisa un ensemble pittoresque de toitures et de clochetons ouvragés, de fenêtres à meneaux, de lucarnes et de briques polychromes.

     

    Il construisit aussi l'Hôtel de Sarah Bernhardt, à l'angle de la rue Fortuny et de la rue de Prony.

     

    Le décor luxuriant de l'Hôtel Gaillard

     

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    De facétieuses gouttières, en habit noir et or, animent les façades.

     

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    Le travail de la pierre allie finesse et virtuosité, comme le révèle cet arc de style gothique flamboyant. Les jeux de courbes et de contre-courbes, d'entrelacs et d'enroulements, créent une étourdissante danse visuelle.

     

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    La qualité des ornements en bois et en pierre dessine un répertoire de formes souples et ondulantes, caractérisées par une prédominance de l'élément végétal. Dans ce monde sylvestre, évoluent des petits personnages, des animaux réels et mystérieux et des symboles géométriques.

     

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    Dans cet univers d'abondance, où s'entremêlent feuilles et fleurs, caracolent des animaux typiques du bestiaire médiéval et Renaissance (lapins, oiseaux, chiens, escargots...) et des créatures fantastiques (petits dragons, chimères, gargouilles...).

     

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    Cette galerie d'êtres fantasques rappelle les « drôleries marginales » des manuscrits médiévaux.

     

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    Ce « marmouset » serait une représentation de l'architecte Victor-Jules Février, traçant les plans de l'édifice avec un compas.

     

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    Le personnage qui lui fait face rendrait hommage à Émile Gaillard.

     

    L'Homme Vert

     

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    Cette figure hybride est représentée, depuis l'Antiquité, sur une myriade de monuments. L'Homme Vert, le Feuillu ou le Green Man est formé d'un visage humain, encerclé ou tissé de feuillages. Parfois, il expire les branches feuillues et porte des cornes de fécondité.

     

    Réminiscence d'une très ancienne divinité de la forêt, il est le maître des cycles de la Nature et le gardien des mythes et des légendes. Il règne sur la tradition initiatique perpétuée par les architectes et les tailleurs de pierre.

     

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    Lové dans ce magnifique arc flamboyant, il constitue un ornement récurrent dans l'architecture religieuse et civile du Moyen-Âge et de la Renaissance.

     

    Dans le monde anglo-saxon, il est souvent représenté sur les enseignes des pubs, des hôtels et des tavernes. Il évoque les pouvoirs de la Nature, la connaissance cachée et les cultes dionysiaques. Il est utilisé sous forme de masque dans les parades folkloriques anglaises, écossaises et irlandaises.

     

    Il est sculpté dans le bois et la pierre et peint sur les vitraux. Il règne sur les enluminures des manuscrits, les portails des églises et des cathédrales, les sièges ecclésiastiques appelés « miséricordes ». Il apparaît sur les façades de nombreuses maisons et palais, sur les bijoux et les armes (épées, dagues, poignards...).

     

    L'Escargot

     

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    Ce petit animal qui se rétracte, roule et déroule son corps en fonction du climat, des cycles de la lune et des marées, est un puissant symbole de fertilité. Avec ses cornes dotées d'yeux et sa coquille spiralée, il évoque les forces lunaires et matricielles, la mort et la renaissance.

     

    Il annonce la reverdie et représente l'Esprit des Champs, célébré par des parades costumées. En Provence, il est appelé « masca », ce qui signifie « sorcière nocturne » ou « esprit ». Dans l'ancienne Europe, des danses-labyrinthes étaient effectuées en suivant un parcours tracé par des coquilles d'escargot embrasées. Les participants portaient des masques décorés de coquilles luisantes.

     

    Dans l'art gothique flamboyant, l'escargot est un motif décoratif et symbolique récurrent. Il guide parfois un cortège d'animaux musiciens.

     

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    La future Cité de l'Économie et de la Monnaie

     

    En raison de travaux de réaménagement de l'espace intérieur, l'Hôtel Gaillard ne se visite pas mais il accueillera, au quatrième trimestre de l'année 2014, la Cité de l'Économie et de la Monnaie.

     

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    Les futurs visiteurs pourront y découvrir un amphithéâtre, une bibliothèque et divers ateliers, y étudier l'histoire des monnaies et se familiariser avec les objets associés à leur fabrication.

     

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    Projet pour le futur Musée. L'équipe qui a été désignée par concours sera dirigée par Mr Yves Lion.

     

    En attendant d'explorer cet espace culturel novateur, je vous invite à contempler les façades et les ornements d'un « château » insolite, emblématique d'une architecture de style éclectique et historiciste.

     

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    Une petite part de Val de Loire se dresse, dans un lieu de Paris plutôt préservé de l'agitation urbaine. On découvrira tout autour de superbes hôtels particuliers et, à proximité, les vestiges de la folie du Duc de Chartres, gracieusement lovés dans l'écrin verdoyant du Parc Monceau.

     

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    Cette voie calme et ombragée, bordée par de superbes hôtels particuliers aux façades sculptées, se situe dans le 17e arrondissement de Paris. Née de la spéculation immobilière en vogue dans la Plaine Monceau pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, elle faisait originellement partie de la rue Legendre. Elle reçut, en 1912, le nom de Georges Berger.

     

    Paul Louis Georges Berger (1844-1910) était ingénieur civil des mines, professeur à l'École supérieure des Beaux-Arts, député et ancien combattant. Il fut le gestionnaire de la section étrangère de l'Exposition Universelle de 1867. Il dirigea l'Exposition Universelle de 1876 puis celle de 1889 avec Jean-Charles Alphand et Alfred Picard. Il siégea dans le comité de direction de l'Exposition de 1900 et participa également aux Expositions d'Amsterdam (1869-1883), de Melbourne (1880) et d'Anvers (1885).

     

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    Cette entrée se dévoile, comme celle d'un temple de l'Antiquité, aux abords de la Place de la République Dominicaine.

     

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    Sous le fronton triangulaire en fort relief qui couronne la porte, apparaît un personnage barbu coiffé d'une tête de lion. Il s'agit peut-être du héros Hercule paré de la dépouille du lion de Némée.

     

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    Le mélange harmonieux de la brique et de la pierre de taille est rehaussé par des frontons miniatures qui composent un décor néo-classique de toute beauté.

     

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    La qualité des ferronneries, des agrafes et des ornements sculptés mérite amplement le détour.

     

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    Le mascaron qui domine la porte d'entrée est une représentation du dieu Mercure. Il revêt le chapeau ailé ou pétase, symbole de ruse et de vélocité.

     

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    Divinité majeure du panthéon antique, Hermès/Mercure était le messager des dieux et celui qui présidait aux nouvelles. Dieu du négoce, protecteur des voyageurs, des bergers et des commerçants, il était aussi le patron des escrocs et des brigands! Dieu civilisateur, il était honoré par des amas de cailloux rassemblés le long des routes et « régnait » sur les bornes milliaires.

     

    Psychopompe et psychagogue, il conduisait les âmes aux Enfers et les convoquait par le biais de sortilèges puissants. On l'invoquait également comme gardien du seuil.

     

    Hormis le chapeau ailé, ses autres attributs sont les sandales ailées, le caducée, la bourse et des animaux symboliques comme le coq, le bélier, la chèvre, la tortue...

     

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    L'entrée raffinée du numéro 4.

     

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    Du numéro 6 au numéro 8, deux bâtiments, érigés à la fin du XIXe siècle autour d'une cour, accueillent le Consulat du Portugal.

     

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    Au numéro 10, se dresse un hôtel particulier qui était la propriété, en 1878, de l'architecte Achille Hermant. Son fils, Jacques Hermant (1855-1930), en remodela le décor et la structure, entre 1904 et 1905.

     

    Au niveau des balcons et des consoles, le travail de sculpture est d'une finesse remarquable.

     

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    Un portrait d'inspiration rococo accueille le visiteur, une beauté rêveuse, la muse de l'architecte...

     

    Les ferronneries révèlent une influence Art Nouveau. Une gracieuse ombelle, qui semble jaillir d'un monde fantastique, se dessine sur la porte d'entrée.

     

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    Jacques Hermant fut architecte en chef de la ville de Paris et professeur à l'École des Beaux-Arts de Paris. Il métamorphosa, entre 1890 et 1905, le Quartier des Célestins, près de la Bastille et il apparut comme un des pionniers de l'utilisation du béton armé, matériau apprécié tant pour sa solidité structurelle que pour des raisons économiques.

     

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    La monumentale façade du numéro 11 révèle des ornements sculptés d'une grande qualité. Les refends du rez-de-chaussée opposent avec élégance leurs lignes horizontales aux meneaux des fenêtres.

     

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    Une galerie de personnages facétieux observe le promeneur.

     

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    Cette trogne très expressive s'inscrit dans la tradition des mascarons du Pont-Neuf, des visages de pierre aux traits grimaçants, bien plus drôles qu'inquiétants, qui représentent des divinités forestières et champêtres.

     

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    Ce masque cornu s'inspire de ceux qui ornent les somptueux hôtels particuliers du Marais ou de l'Île Saint-Louis.

     

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    La date de 1881 apparaît sous ce curieux visage.

     

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    Sous leur apparente fantaisie, ces personnages, nés d'une vogue pour l'exotisme et les grotesques de la Renaissance, jouent un rôle déterminant dans la protection des demeures. A l'instar des gargouilles qui veillent sur les édifices religieux, ils ont pour fonction de repousser le mal. Véritables gardiens du seuil, ils sont l'émanation de très anciennes croyances.

     

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    Cet hôtel particulier, situé au 11 bis, fut construit aux alentours de 1900. Il conjugue divers éléments architecturaux de style historiciste. Sa grande porte d'entrée est surmontée par des colonnes d'ordre corinthien. Les balcons ont de puissants gardes-corps en fonte, de style Louis XV. Un oculus couronne une corniche décorée de modillons.

     

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    Des cornes d'abondance et de fines guirlandes ornent le gracieux cartouche qui surplombe l'entrée.

     

    La Nonciature établit ses quartiers à cet emplacement, sous l'obédience de Mgr Clari, de janvier 1897 à mars 1899, puis de juillet 1899 à 1901, avec Mgr Benoît Lorenzelli. (Merci Mr Jacques Brice pour ce renseignement).

     

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    Cet hôtel particulier, de style néo-renaissance, fut édifié à la fin du XIXe siècle. Sa puissante façade en pierre de taille puise son inspiration dans l'architecture des palais italiens. On aperçoit une grande fenêtre à meneaux, caractéristique de l'art du Moyen-Âge et de la Renaissance.

    A l'étage supérieur, les fenêtres compartimentées sont encadrées de pilastres. Les corniches sont en fort relief.

     

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    D'élégantes baies géminées, réminiscences de l'architecture romane, animent la façade et surmontent un entablement complexe, décoré de vases.

     

    Quand la rue Georges Berger s'appelait encore rue Legendre, l'écrivain et homme politique Maurice Barrès vécut, entre 1890 et 1891, à ce numéro. Il fut l'un des mentors du nationalisme et du traditionalisme français. Son oeuvre, constituée d'une profusion de romans, de livres politiques et d'essais, révèle un profond attachement à l'armée, aux valeurs familiales et à la terre de naissance.

     

    Dans ses jeunes années, il fut ami avec l'occultiste Stanislas de Guaita.

     

    L'année 1906 fut marquée par son élection à l'Académie Française et par sa nomination en tant que député de Paris.

     

     

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    Au 11 ter de la rue Georges Berger et à l'angle de la Place du Général Catroux, se dresse une magnifique demeure, réalisée par l'architecte Victor-Jules Février, entre 1878 et 1882, pour le banquier Émile Gaillard. Le bâtiment ressemble à un petit château de la Renaissance. (Je lui consacrerai très prochainement un article à part entière.)

     

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    Victor-Jules Février puisa son inspiration dans les châteaux de Gien et de Blois.L'appareil de brique polychrome, les hautes fenêtres, les lucarnes et les ornements sculptés sont caractéristiques de l'art de la Première Renaissance.

     

    Après la mort du commanditaire, le monument fut racheté par la Banque de France.

     

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    La Place du Général Catroux est une place rectangulaire, créée en 1862, à l'emplacement d'un parc qui appartenait à une certaine Madame de Guingamp. Ancienne Place Malesherbes, elle est bordée par de magnifiques immeubles de style éclectique et historiciste.

     

    Elle fut rebaptisée, en 1977, pour rendre hommage à Georges Catroux (1877-1969) qui rejoignit le Général de Gaulle à Londres.

     

    Une statue de Sarah Bernhardt dans le rôle de Phèdre, oeuvre du sculpteur François-Léon Sicard (1862-1934), orne, depuis 1926, un des côtés de la place.

     

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    Rêveuse et intemporelle, elle apparaît comme une dame blanche devant la somptueuse façade de l'Hôtel Gaillard.

     

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    L'actrice (1844-1923) possédait un hôtel particulier à l'angle de la rue de Villiers et de la rue Fortuny.

     

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    La Place célébrait autrefois les Trois Dumas.

     

    Le Général Thomas Alexandre Dumas (1762-1806) fut représenté en 1912 par Alphonse Emmanuel de Moncel de Perrin (1866-1930). L'oeuvre décrivait le Général, appuyé sur un fusil imposant, mais elle fut hélas détruite par les Allemands en 1942.

     

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    En vertu d'une loi promulguée par le Gouvernement de Vichy, le 11 octobre 1941, les statues métalliques non ferreuses devaient être fondues, ce qui fit disparaître de nombreuses sculptures dans les jardins et sur les places de Paris.

     

    Aujourd'hui, des fers d'esclaves brisés, oeuvre de Driss Sans-Arcidet , alias Musée Khômbol (2009) rendent hommage au Général métisse, fils naturel d'un aristocrate français et d'une esclave d'origine africaine.

     

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    La statue d'Alexandre Dumas Père (1802-1870), dernière réalisation de Gustave Doré (1832-1883), fut inaugurée le 4 novembre 1883, devant un parterre d'admirateurs. Elle fut financée par une souscription publique, lancée par des grands noms de la littérature et des arts comme Jules Verne, Alphonse Daudet, Pierre-Jules Hetzel, Victorien Sardou...

     

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    Les architectes Joseph-Antoine Bouvard (1840-1920) et Ulysse Gravigny (1844-1901) sont les concepteurs du piédestal.

     

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    Alexandre Dumas Père domine l'ensemble. Il est assis, vêtu d'une robe de chambre, sa plume d'écrivain dans la main droite.

     

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    Un groupe en bronze compose une gracieuse allégorie de la lecture. Une jeune lectrice est entourée d'un forgeron et d'un étudiant. « La lecture illuminant l'esprit » peut être considérée comme une allégorie de l'instruction publique, rendue obligatoire par Jules Ferry en 1882.

     

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    La signature serpentine de Gustave Doré se dévoile à côté des bottes de l'étudiant.

     

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    D'Artagnan dans une position élégante, l'épée hors du fourreau...

     

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    Les noms des principaux romans de Dumas Père (Les trois mousquetaires, le Comte de Montecristo, Vingt ans après, le vicomte de Bragelonne...) sont ciselés sur les côtés du monument.

     

     

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    Alexandre Dumas Fils (1824-1895) résida au 98, avenue de Villiers. Sa statue fut érigée par René de Saint-Marceaux (1845-1915) et inaugurée le 12 juin 1906. Elle se situe à l'extrémité sud de la Place du Général Catroux.

     

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    Autour de l'écrivain assis, gravite une ronde d'allégories féminines: la Douleur, la Résignation et la Jeunesse.

     

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    On peut lire le nom de ses principales créations sur une face du piédestal: La Dame aux camélias, L'Étrangère, Denise, L'ami des femmes, Le Demi-monde...

     

    René de Saint-Marceaux réalisa aussi le tombeau de l'artiste, enterré à Montmartre.

     

    Au numéro 2 de la Place et au croisement du boulevard Malhesherbes (numéro 106), s'élève un bel immeuble en pierre et en brique d'inspiration néo-Renaissance et Louis XIII, érigé par l'architecte Alphonse Fiquet en 1899.

     

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    Sa riche ornementation est l'oeuvre du sculpteur Antoine Margotin.

     

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    Des bow-windows ornés de portraits en médaillons...

     

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    Un décor luxuriant, d'autres portraits, une salamandre...

     

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    De superbes fenêtres à meneaux, des personnages grotesques, une façade rythmée par des jeux de transparence et de nombreuses aérations.

     

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    Un jeu complexe sur l'irrégularité des volumes, de gracieux mascarons...

     

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    Des agrafes décorées de têtes de lions...

     

    Au numéro 14, c'est la façade néo-renaissance italienne de l'Hôtel Fournier qui nous enchante.

     

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    Il fut érigé par l'architecte Charles-Hippolyte Duttenhofer entre 1877 et 1878. Les fenêtres sont encadrées par un maillage décoratif dit « en pointe de diamant ».

     

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    (Merci Mr Jacques Brice, Le Piéton de Paris, pour cette jolie photo).

     

    De 1925 à 1940, le bâtiment abrita l'ambassade de Lituanie mais à la suite du pacte germano-soviétique, signé le 23 août 1939, l'Union Soviétique déposséda la Lituanie de ce bien avec l'assentiment du Gouvernement de Vichy.

     

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    Je ne peux qu'inviter les promeneurs à explorer ce quartier, doté d'un patrimoine exceptionnel, mélange de goûts, de styles et de visions architecturales multiples qui se dévoilent, dans une atmosphère délicieusement surannée. Au-delà de la Place s'étendent des rues constellées d'autres trésors: la rue Prony, la rue Fortuny, la rue Jacques-Bingen et bien d'autres que j'aurais le plus grand plaisir à étudier prochainement.

     

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    97 commentaires
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    Sur la Place Colette, face à la Comédie-Française, une oeuvre d'art insolite, création poétique de Jean-Michel Othoniel, habille la bouche de métro Palais-Royal-Musée du Louvre.

     

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    Le Kiosque des Noctambules est la rencontre de deux coupoles ajourées, serties de perles de verre de Murano, qui reposent sur d'étranges piliers en fonte d'aluminium.

     

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    La composition est singulière et fascinante. Elle se fond et se dévoile dans le paysage urbain, ranimant, à travers les incandescences du verre, des souvenirs d'enfance et d'adolescence.

     

    Comme des colliers suspendus qu'une princesse géante aurait confiés au regard des passants, elle nous offre ses rondeurs et sa rêveuse plasticité.

     

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    Sous la pluie, les ornements colorés se fondent dans une lumière assourdie.

     

    Le travail de Jean-Michel Othoniel s'inscrit dans une volonté d'hommage au métropolitain de Paris, dont les bouches d'entrée furent créées par Hector Guimard en 1900. Cette commande de la RATP a suscité une réécriture de l'esthétique des lieux.

     

    Parmi les sobres et classiques façades qui l'entourent, l'oeuvre nous ouvre les portes d'un monde onirique où la Nature et l'Art s'attirent, se mêlent et se recomposent.

     

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    Deux petits personnages en verre soufflé, emblématiques du thème de la gémellité, se dressent au sommet des coupoles. Incarnations fragiles de la lune et du soleil, ils règnent sur un monde de couleurs qui oscillent entre le chaud et le froid.

     

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    Le rouge, l'ambre et l'or de la lumière diurne.

     

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    Des guirlandes de perles translucides, braises poétiques, nées sous les doigts des souffleurs de verre vénitiens, inventent une palette lunaire.

     

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    Quand jour et nuit s'entrelacent...

     

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    Ces anneaux de métal argenté évoquent des ronds dans l'eau, des cercles mystérieux, incrustés de disques et de dragées de verre.

     

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    Des bagues martelées, des miroirs féeriques où  la lumière danse avant de s'engouffrer dans les hypnotiques prunelles de verre. Des cicatrices de lumière, dans l'éphémère...

     

     

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    Un petit banc, lové dans la résille argentée, attend le rêveur de midi ou de minuit...

     

    A propos de l'auteur

     

    Artiste plasticien, Jean-Michel Othoniel est né en 1964 à Saint-Etienne. Il a obtenu son diplôme de l'École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy en 1988. Il acquiert une notoriété grâce à d'étonnantes sculptures en soufre (substance qui évoque les transmutations de la matière et la souffrance, au coeur de toute chose...) Puis, à partir de 1993, il explore et expérimente les possibilités, les formes et les couleurs du verre, matériau alchimique.

     

    En 1996, il est accueilli comme artiste pensionnaire à la Villa Médicis à Rome.

     

    Créateur, poète et scénographe de la lumière, il expose des colliers géants, des pendeloques, des mobiles et des noeuds constitués de perles de verre et de cristal.

     

    Le Collier-Cicatrice est, à partir de 1997, un emblème de son art. Constitué de petites perles de verre rouge, il évoque le sang et les scarifications de la vie et rend hommage à l'artiste Félix Gonzales Torres (1957-1996). Ce dernier, mort du sida, devint célèbre pour ses amas de bonbons qui étaient autant de réflexions sur la réalité (la guerre, la propagation des maladies) et les moments initiatiques de la vie.

     

    Jean-Michel Othoniel réalise des portraits photographiques de passants qui portent, lors de l'Europride, ce collier chargé d'émotions, créé en mille exemplaires.

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    En 2011, sa première rétrospective, appelée My Way, s'est déroulée au Centre Pompidou. Une poésie intense, fascinante et dérangeante, imprègne ses réalisations.

     

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    L'Hermaphrodite, 1993.

     

    Cet « autoportrait en creux », en soufre moulé et en coquilles d'escargot, suscite, à l'instar du matériau principal, attirance et répulsion. Né dans le ventre des volcans, le soufre est associé à différents jeux de mots poétiques: « sulfureux, souffreteux... ». Othoniel le sculpte et exploite ses capacités de corrosion.

     

    Le thème de la décomposition hante plusieurs de ses travaux et notamment ses Insuccès Photographiques (1987-1988).

     

    Dans les Femmes Intestines, il modèle et sublime un monde viscéral, grouillant, organique.

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    La thématique de l'oeil et de l'orifice (anal et génital) est récurrente. Maître des métamorphoses, il oscille entre l'organique et le minéral, dans un monde empreint de sensualité et de sexualité, à travers les cercles de la mort et de la vie, symbolisés par des gouttes d'ombre et de lumière.

     

     

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    Le Bateau de Larmes 2004

     

    Une oeuvre ambivalente, dédiée au calvaire des boat-people, à la fragilité de leurs existences et peut-être à l'espoir d'un avenir, transfiguré par des gouttes de soleil et de ciel.

     

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    Mon lit, 2003

     

    Un lit à baldaquin est serti dans une résille de métal argenté, rappelant celle du Kiosque des Noctambules. Des « perles enchantées » explorent les thèmes de la magie et de l'absence. Une cage entrouverte, l'entrée d'une grotte, une amande, une vulve...

     

    Othoniel s'est également illustré par ses recherches sur l'obsidienne, lave vitrifiée qu'il a extirpée des entrailles des volcans et cherché à obtenir artificiellement. Le noir mystérieux de sa robe est une révélation pour ce « Peter Pan de l'art ». Des orifices volcaniques aux orifices du corps, des miroirs de divination aztèques et mayas aux gouttes figées où se lovent les âmes, l'obsidienne est une passerelle entre les mondes.

     

    Il a utilisé le phosphore, la cire et le papier pour photo. The Wishing Wall, réalisé en 1995, est un immense grattoir de phosphore sur lequel les visiteurs craquent une allumette en formulant un voeu.

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    Dans le Petit Théâtre de Peau d'Âne, il insère, au coeur d'un décor fantasmagorique, des marionnettes trouvées dans la maison de l'écrivain Pierre Loti. Sur quatre tables (la Table du Monstrueux, la Table du Temps, la Table du Soleil, la Table de la Lune) reposent des petits édicules sous verre où se nichent des figurines.

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    Passionné par le feu liquide, les cristallisations et les écorchures du verre, il tisse des liens profonds avec les verriers de Murano et la verrerie Salviati d'où proviennent les joyaux colorés du Kiosque des Noctambules.

     

    L'escalier de la station mène à une sombre grotte dans laquelle scintillent des amas de perles de verre, lovées dans des cavités transparentes et cerclées de métal dont le travail rappelle des techniques propres à l'Art Nouveau.

     

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    L'artiste dissipe les frontières de la réalité et nous livre une écriture baroque du monde. La bouche de métro devient un passage initiatique, un antre sous-marin décoré de hublots qui dévoilent des bijoux-coquillages et des galets chatoyants.

     

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    Le voyageur pénètre dans un souterrain mystérieux qui, tel un château de contes, recèle des trésors ensevelis et tentateurs.

     

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    Les verriers de Murano ont développé des techniques qui imitent la texture et le scintillement des pierres précieuses, exploré les possibilités des cristaux, des émaux, des filigranes d'or et créé une impressionnante palette de couleurs et d'effets de matières.

     

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    Le verre est une cire magique. Né dans les entrailles du feu, il est hanté par les visions de l'artiste qui le modèle au fil de ses cauchemars et de ses rêves...

     

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    Le 14 février 2011, un timbre d'une valeur de 1,40 euros, à l'effigie du Kiosque des Noctambules, a été édité dans la série « l'art dans la ville ».

    Image21 tous droits réservés

     

    Bibliographie

     

    Laurent BOUDIER: Le Kiosque des Noctambules: Une oeuvre de Jean-Michel Othoniel, station Palais Royal-Musée du Louvre. Paris: Flohic, 2000.

     

    Édith DOOVE: Jean-Michel Othoniel. Colliers.Deurle: Museum Dhondt-Dhaenens, 2001.

     

    Catherine GRENIER: Othoniel. Paris: Centre Pompidou, 2010.

     

    Jean-Michel OTHONIEL et Marie DESPLECHIN: Mon petit théâtre de Peau d'Âne. Paris: Éditions courtes et longues, 2011.

     

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    La Fontaine Saint-Michel se situe sur la Place Saint-Michel, dans le 6e arrondissement de Paris, à la croisée du boulevard Saint-Michel et de la rue Danton. Sa position évoque les travaux orchestrés par le Préfet Haussmann sous le Second Empire.

     

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    Georges Eugène Haussmann (1809-1891), dit le « baron Haussmann », mit en oeuvre un plan de réaménagement et d'embellissement de Paris, fondé sur l'aération du tissu urbain. Il dirigea une immense campagne de travaux, inspirée par les théories hygiénistes de l'époque.

     

    Il fit percer de nouvelles voies pour favoriser la circulation des piétons et des véhicules. Des boulevards, des avenues, de grandes perspectives virent le jour et un maillage luxuriant de jardins et de squares fut créé.

     

    Dans le prolongement de l'esprit des « Lumières », la Ville devint un espace maîtrisé, doté d'un ample quadrillage, de promenades plantées et de magnifiques immeubles mais Haussmann voulait aussi faciliter le déploiement de troupes militaires en cas de soulèvements civils.

     

    Dans ce contexte, la fontaine Saint-Michel fut construite à partir de 1858 et inaugurée en 1860.

     

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    Élaborée par l'architecte Gabriel Davioud, dans un style éclectique, elle se présente comme une sorte d'arc de triomphe antique, destiné à commémorer la victoire de Saint-Michel archange sur le Démon.

     

    Sa structure est celle d'une fontaine-mur, à l'instar de la Fontaine Médicis au Jardin du Luxembourg et de la Fontaine des Quatre-Saisons, dans la rue de Grenelle.

     

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    La Fontaine Médicis

     

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    La Fontaine des Quatre Saisons

     

    Mais sa mise en scène complexe et son décor foisonnant, associés à des effets de polychromie, ne firent pas l'unanimité en son temps.

     

    « Dans ce monument exécrable,

    On ne voit ni talent ni goût,

    Le Diable ne vaut rien du tout;

    Saint-Michel ne vaut pas le Diable ».

    (Quatrain anonyme)

     

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    L'archange Saint-Michel piétine le Diable déchu.

     

    Ce groupe, encadré par des colonnes en marbre rose du Languedoc, fut exécuté par Francisque Duret (1804-1865). Ce dernier s'inspira d'un tableau du maître italien Raphaël, conservé au Louvre. Le rocher sur lequel s'appuient les personnages est l'oeuvre du sculpteur Félix Saupin.

     

    Dans le projet initial, la niche centrale devait accueillir une statue de Napoléon mais le choix du thème de Saint-Michel se justifie par la présence d'un très ancien lieu de culte, consacré à l'archange, à proximité de l'Île de la Cité.

     

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    Créations d'Henri-Alfred Jacquemart (1824-1896), deux imposantes chimères dressent fièrement leurs ailes de part et d'autre d'un grand bassin.

     

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    Gardiennes de la fontaine, elles contribuent, par leur position altière, à sa puissante théâtralité.

     

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    Dans la partie supérieure de l'édifice, s'élèvent quatre statues qui représentent les Vertus Cardinales. Elles s'appuient sur l'entablement des grandes colonnes en marbre rose, surmontées par des écussons à tête de lion.

     

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    La Prudence, réalisée par Jean-Auguste Barre (1811-1896). Ses attributs sont le miroir et le serpent.

     

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    La Justice, armée de son glaive, sculptée par Élias (Louis-Valentin) Robert (1821-1874).

     

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    La Tempérance, oeuvre de Charles Gumery (1827-1871).

     

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    La Force, création d'Eugène Guillaume (1822-1905).Elle revêt la peau du Lion de Némée et s'appuie sur la massue d'Hercule.

     

    Ces Vertus exaltent la prédominance de Saint-Michel, guerrier des forces de lumière, sur le Diable, doté d'un visage humain.

     

    Dans le fronton terminal, les armes de Paris sont tenues par les allégories de la Puissance et de la Modération.

     

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    Des angelots lovés dans des rinceaux de style néo-renaissance complètent l'ensemble. Ces ornements ont été exécutés par Noémie Constant.

     

    Témoignage grandiose ou grandiloquent (selon les goûts) de la politique d'embellissement du Second Empire, la fontaine est aujourd'hui un lieu de partage, de rencontre et de rendez-vous. Elle offre sur la Seine et sur Notre-Dame une belle perspective et constitue le point de départ de plusieurs promenades à travers les méandres du Quartier Latin.

     

    Nous traversons le boulevard Saint-Michel en direction de la librairie Gibert Jeune.

     

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    Ce beau bâtiment abrite une librairie mythique, fondée en 1888 par Joseph Gibert, professeur de Lettres Classiques au Collège Saint-Michel, à Saint-Étienne. En 1886, il s'installa comme bouquiniste en bordure de Seine et, deux ans plus tard, il ouvrit une librairie sur le boulevard Saint-Michel.

     

    La Rue de la Huchette

     

    Au début du XIIIe siècle, la rue de la Huchette se nommait rue de Laas. Elle bordait un domaine peuplé de vignes appelé Clos du Laas. Une enseigne, « la Huchette d'Or », dont la présence était attestée à la fin du XIIIe siècle, lui donna son nom.

     

    Au XVIIe siècle, cette rue pittoresque était célèbre pour ses auberges, ses tavernes, ses cabarets et ses rôtisseries mais aussi pour ses « coupeurs de bourses ».

     

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    Cette vieille enseigne provient du Musée Carnavalet.

     

    Elle désignait l'emplacement d'une maison, située au numéro 4, qui connut plusieurs appellations. Qualifiée de Maison de la Heuse au Moyen-âge, elle devint la Petite Cuiller à la fin du XVIe siècle puis la Hure de Sanglier et la Hure d'Or.

     

    Le nom « la Huchette d'Or » évoque la présence d'un maître huchier ou menuisier. La huche était un grand coffre de bois rectangulaire, doté d'un couvercle plat.

     

    Parmi les vieilles maisons dont l'Histoire a retenu le nom, on trouvait « le Petit More », vers l'actuel numéro un de la rue.

     

    Une auberge, « Au Panier Fleuri », accueillait de nombreux artistes, des chanteurs et des écrivains.

     

    L'activité des rôtisseries (« La Lamproie-sur-le-grill », « les Pigeons », « la Hure »...) était florissante.

     

    Un Bureau des Apothicaires, dont l'enseigne était une lamproie, s'installa dans la rue, à partir de 1714.

     

    Il y avait aussi, parmi bien d'autres, une Hôtellerie des Boeufs (établissement de bains féminins), une Hôtellerie de l'Ange, un Hôtel de Pontigny adossé à la Seine...

     

    Ce Paris disparu stimule notre imaginaire mais les bâtiments qui ont traversé le temps ont une histoire tout aussi fascinante à nous conter.

     

    Le Théâtre de la Huchette

     

    Il fut créé par Georges Vitaly en 1948. Depuis le 16 février 1957, les deux premières pièces de Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve et La Leçon, y sont jouées sans interruption.

     

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    Le Cupidon de la Huchette

     

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    Sur cette façade souvent remaniée au fil des siècles, un angelot gracieux aimante le regard. Cupidon (de « Cupido », le désir...), emblème du glacier italien Amorino, suscite d'irrépressibles envies...

     

    La rue du Chat-qui-Pêche

     

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    Cette venelle insolite fut appelée ruelle des Étuves, rue du Renard(il n'existe aucun rapport avec l'actuelle rue du Renard) et rue des Bouticles. Elle s'étendait jusqu'à la Seine à laquelle on accédait par un escalier. Son étroitesse (elle mesure 1,80 m de largeur pour 26 m de longueur) nous fait voyager à travers un Paris d'un autre temps.

     

    En 1607, on la nommait ruelle des Bouticles de Petit-Pont et on y trouvait des « estaulx de marée et d'eau doulce ». Les « Bouticles » étaient des bateaux dans lesquels on conservait le poisson. Une maison des Trois Poissons se dressait à l'angle occidental de la rue de la Huchette.

     

    En 1832, elle était close par une grille, à ses extrémités.

     

    Dans les années 1930, Jolán Földes, une écrivaine hongroise, vivait dans cette rue qui lui inspira un roman.

     

    Légendes du Chat-qui-Pêche

     

    L'une d'elles relatait l'existence d'un puits qui communiquait avec le petit bras de la Seine. Les chats du quartier se réunissaient tout autour car le fleuve y faisait remonter une myriade de petits poissons. Les gourmands à quatre pattes n'avaient alors plus qu'à les attraper!

     

    Une autre met en lumière l'histoire de Dom Perlet, un chanoine alchimiste, qui avait un chat noir pour familier. Le félin attrapait dans la Seine les poissons avec une telle dextérité que la rumeur prétendit qu'il était l'incarnation de Satan. En l'absence de son maître, trois étudiants se saisirent de lui et le jetèrent dans le fleuve mais l'alchimiste revint, après un voyage, et le chat reparut aussi.

     

    Une vieille expression: "aller voir pêcher les chats" désignait quelqu'un se laissant persuader trop facilement.

     

     

    A l'angle de la rue de la Huchette, au numéro 14, se trouvait « la Maison à l'Y ». Elle présentait une enseigne ou un médaillon décoré d'un Y, symbolisant les « lie-grègues »: les lacets qui fixent les hauts de chausse à la culotte. Elle appartenait à Thomas Charles de Lastre, un marchand mercier.

     

    Le Diable de la Huchette

     

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    Le Diable se cache et se dévoile, dans les venelles parisiennes, derrière les vieilles portes, dans les reflets et les ombres. Il régnait autrefois sur un lacis d'obscures ruelles que le jour n'éclaboussait presque jamais, sur des passages fuyants et des façades dévorées par les âges.

     

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    Ce mascaron fantasque, qui contemple le Caveau de la Huchette, évoque l'emplacement de messes noires et de cérémonies occultes.

     

    Le Caveau de la Huchette

     

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    Il abrite un célèbre club de jazz mais son histoire s'enracine dans les légendes et les secrets du Vieux Paris. Il fut autrefois un lieu prisé par les Sociétés Occultes. Des Templiers et des Rose-Croix s'y réunissaient. Au XVIIIe siècle, une Loge Franc-Maçonnique s'établit dans ses caves profondes. Outre deux salles basses superposées, des souterrains menaient jusqu'à l'ossuaire de l'église Saint-Séverin et au Petit-Châtelet.

     

    En 1789 et pendant la période qui suivit, il devint le « Caveau de la Terreur » et il accueillit les clubs des Cordeliers et des Montagnards ainsi qu'un Tribunal. Des figures importantes de la Révolution et de la Convention s'y donnaient rendez-vous. Des jugements et des sentences d'exécution y furent prononcés. Des légendes relatent la présence d'un puits très ancien qui « avalait » dans les entrailles de la terre les condamnés à mort.

     

    En continuant notre chemin vers la cathédrale Notre-Dame, nous arrivons sur la Place du Petit-Pont où une plaque évoque les combats qui opposèrent les résistants français aux allemands dans le « fortin de la Huchette ».

     

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    La Rue du Petit-Pont

     

    Le tracé de cette rue était une partie du cardo de l'ancienne Lutèce. Cette voie modelée par les Romains descendait la Montagne Sainte-Geneviève et passait par la rue Saint-Jacques. Elle arrivait jusqu'à la Seine qu'elle franchissait et se poursuivait de l'autre côté...

     

    La ville romaine était construite suivant une géométrie réelle et magique. Les axes majeurs formaient une croix orientée vers les points cardinaux. Au coeur de cette croix se dressait le forum, espace consacré aux échanges de la Cité.

     

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    Aux numéros 3 et 5 de la rue du Petit-Pont, le bar restaurant Polly Maggoo dévoile, depuis les années 1970, sa belle façade décorée de mosaïques. Ce lieu très apprécié offre une scène musicale de qualité. Son nom fait référence à un film de 1966: « Qui êtes-vous, Polly Maggoo? » Cette comédie satirique en noir et blanc, réalisée par William Klein, reçut le prix Jean Vigo en 1967. Les rôles principaux sont incarnés par Sami Frey, Dorothy Mac Gowan, Alice Sapritch, Jean Rochefort ou encore Philippe Noiret.

     

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    La Rue de la Bûcherie

     

    Elle accueillait autrefois le « Port aux Bûches » de la capitale. Jusqu'au XVIe siècle, on y déchargeait le bois destiné à la construction et au chauffage. De nombreuses familles de charpentiers y avaient élu domicile.

     

    La Faculté de Médecine établit ses quartiers dans cette rue, à partir de 1472. Les maîtres qui y enseignaient étaient clercs et devaient garder le célibat mais, soumis à des tentations continuelles en raison d'une affluence de prostituées dans la rue et dans les rues avoisinantes, ils finirent par obtenir la permission de se marier!

     

    Le Petit-Châtelet

     

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    Le Petit-Châtelet a bien changé...

     

    Il gardait jadis l'accès au Petit-Pont qui reliait l'île de la Cité aux berges de la Seine. Héritier des fortifications romaines préservant la Lutèce antique des envahisseurs, il fut construit d'abord en bois puis rebâti en pierre, vers 1130. Dévasté par une crue de la Seine, à la fin du XIIIe siècle, il fut reconstruit, en 1369, sous le règne de Charles V.

     

    Il devint ensuite une prison et fut détruit en 1782 pour permettre la création de la Place du Petit-Pont.

     

    Les droits d'entrée des marchandises devaient être acquittés à l'entrée, sous un profond passage voûté. Sous le règne de Saint-Louis (1214-1270), c'est à cet endroit que naquit l'expression « payer en monnaie de singe ». Si un vendeur de singe se présentait à la porte du Petit-Châtelet, il devait payer quatre deniers. S'il s'agissait d'un jongleur, il faisait danser l'animal devant l'administrateur du péage et pouvait faire entrer ses marchandises gratuitement dans la ville. Il payait donc en monnaie de singe!

     

    Shakespeare and Company (37, rue de la Bûcherie)

     

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    Cette célèbre librairie anglo-saxonne, se situe à proximité de la rue de la Huchette. Sa façade est tournée vers Notre-Dame de Paris.

     

    Fondée en 1921 par Sylvia Beach, une américaine, elle se trouvait alors au numéro 12, rue de l'Odéon. (De 1919 à 1921, cette libraire aux goûts cosmopolites avait tenu une librairie, rue Dupuytren, dans le 6e arrondissement de Paris.) Devenue la compagne de l'éditrice et poétesse Adrienne Monnier, elle publia, malgré son aura sulfureuse, le roman Ulysse de James Joyce, en 1922.

     

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    La librairie fut fermée sous l'Occupation mais en 1951, l'américain George Whitman ouvrit une nouvelle librairie dans la rue de la Bûcherie. Appelée d'abord « le Mistral », cette caverne de connaissance devint « Shakespeare and Company » après la disparition de Sylvia Beach en 1962.

     

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    Sylvia Beach fut la marraine de la « Génération Perdue », un courant littéraire désignant des auteurs américains de l'Entre-deux-Guerres expatriés à Paris.

     

    La poétesse, écrivaine, féministe, mécène et collectionneuse Gertrude Stein(1874-1946) leur attribua ce nom. Leurs plus illustres représentants étaient Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, John Steinbeck ou encore John Dos Passos.

     

    Cette génération au talent prolifique céda la place à la « Beat Generation », un mouvement artistique, émanation de l'esprit bohême, qui vit le jour aux Etats-Unis en 1950. Son chef de file était Jack Kerouac (1922-1969), auteur du roman manifeste Sur la route, paru en 1957. Avec Kerouac, William Burroughs (Le festin nu), Allen Ginsberg (Howl) et bien d'autres, la créativité de ce mouvement s'articula autour du mythe des grands espaces, de la spiritualité de la Nature, de la quête de la liberté et de l'exploration de mondes « parallèles », sous l'emprise ou non de substances psychoactives.

     

    Shakespeare and Co, c'est une atmosphère et un décor. Devant les vitrines agréablement surannées ou le long des rangées de livres, on rencontre des tumbleweeds, voyageurs d'un genre un peu particulier. George Whitman aimait accueillir des personnes pour une ou plusieurs nuits, en échange de deux heures de travail quotidien dans la librairie et de la lecture d'un livre. Sa fille, Sylvia Whitman, a repris le flambeau en 2001. Elle poursuit cette tradition et héberge des écrivains de passage.

     

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    Walt Whitman (1819-1892) était l'un des maîtres de la poésie américaine du XIXe siècle. Dans son chef-d'oeuvre intitulé Leaves of Grass (Feuilles d'herbes), il exprime une puissante sensualité, une vision poétique et intemporelle de l'Amérique, une énergie dévorante et généreuse.

     

    « Je me célèbre et me chante,

    Et mes prétentions seront tes tentations,

    Car chaque atome qui m'appartient t'appartient aussi. »

    Chant de moi-même

     

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    Une élégante fontaine Wallace se dresse devant la librairie.

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    Ces charmants édicules en fonte ont été conçus pour distribuer de l'eau potable à différents endroits de Paris. Nous les devons à Sir Richard Wallace (1818-1890), un philanthrope qui offrit aux parisiens une part conséquente de sa fortune, suite à la guerre de 1870. Il fit construire un hôpital pour les victimes et distribuer de la nourriture dans plusieurs rues de Paris. Il dessina lui-même les plans de ses fontaines.

     

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    La rue Saint-Julien le Pauvre

     

    L'Église Saint-Julien-le-Pauvre

     

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    Cette église est l'une des plus anciennes de Paris. Elle se dresse à la croisée de deux importantes voies romaines.

     

    En 1045, elle fut cédée par le roi Henri Ier au Chapitre de Notre-Dame. Aux alentours de 1120, elle passa sous l'obédience de l'abbaye de Longpont et jusqu'en 1524, les assemblées de l'Université s'y déroulèrent. En 1651, très dégradée, elle fut « affectée » à l'Hôtel-Dieu et subit alors de profondes transformations. Utilisée comme grenier à sel pendant la Révolution, elle fut rendue au culte en 1826. A partir de 1889, elle fut associée au rite catholique grec byzantin.

     

    Comme la librairie Shakespeare and Company, elle apparaît dans plusieurs saisons de la série fantastique Highlander.

     

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    Vers 1900, une iconostase ou barrière d'icônes fut créée pour séparer le choeur (où se déroulent les mystères) de la nef. On utilisa pour la circonstance des essences de bois précieux: de l'olivier, du figuier, du chêne, de l'abricotier, du palissandre et du bois de rose.

     

    L'iconostase remplaça le choeur du XIIIe siècle, soutenu par des piliers aux chapiteaux sculptés de feuilles d'acanthe, de flore aquatique et de masques féminins.

     

    Une « légende noire », rapportée par J-K Huysmans, est associée à la présence d'un tombeau, celui de Julien de Ravalet et de sa soeur Marguerite. Amants incestueux, issus d'une lignée de criminels, ils furent exécutés, le 2 décembre 1603, en Place de Grève et leurs têtes furent conservées dans l'église Saint-Julien.

     

    En sortant de l'église, nous admirons, au 14, rue Saint-Julien le Pauvre, un magnifique portail, celui de l'Hôtel de Laffemas.

     

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    Isaac de Laffemas (1583-1657) était lieutenant civil de la Prévôté de Paris, avocat, maître des requêtes et conseiller au Parlement de Bordeaux.

     

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    Dans le fronton trône Thémis, la déesse de la Justice, tenant la balance de l'Équité. Elle est accompagnée d'un gracieux angelot.

     

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    Vue du portail depuis le Square Viviani.

     

    Le Square Viviani-Montebello

     

    Dans ce square, créé en 1928, s'épanouit le « plus vieil arbre de Paris »: un robinier faux acacia, originaire d'Amérique du Nord, planté en 1602 par Jean Robin (1550-1629), le directeur du Jardin des Apothicaires. (Voir à ce propos mon article sur les Arbres de Paris.)

     

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    Derrière le vieux robinier, on aperçoit le chevet de l'église Saint-Julien le Pauvre.

     

    Une fontaine en bronze réalisée par le sculpteur Georges Jeanclos (1933-1997) s'élève à l'entrée du square.

     

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    Des ornements archéologiques.

     

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    A l'ombre du géant feuillu qui habite le square, nous contemplons Notre-Dame, vigie de pierre et de verre dominant la Seine. Indissociable de l'histoire de Paris, elle nous rapproche du sacré d'un seul regard. Nous tournerons bientôt les pages de son Livre Millénaire...

     

    Bibliographie

     

    Jacques-Antoine DULAURE: Histoire de Paris. Paris: Gabriel Roux, 1853.

     

    Félix et Louis LAZARE: Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments. Éditions Maisonneuve&Larose, 1855.

     

    Henri SAUVAL: Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris.Paris, 1724. 3 volumes in-8°.

     

    Héron de VILLEFOSSE: Histoire de Paris. Grasset, coll. « Livre de Poche », 1995.

     

     

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