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    Alors que j'écris la suite des « Trésors de l'Orangerie », je vous propose une récréation romantique au Parc Monceau, un lieu que j'aime profondément.

     

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    Ce bel endroit est né, au XVIIIe siècle, sur les terres de Louis-Philippe d'Orléans (1747-1793), le Duc de Chartres.

     

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    Philippe d'Orléans en Grand Maître du Grand-Orient de France.

     

    Le Duc fit aménager, par l'architecte Louis-Marie Colignon, un pavillon octogonal et un jardin à la française sur une parcelle du village de « Mousseaux ». Il confia ensuite la création d'un jardin de style « anglo-chinois » à l'architecte paysagiste Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1806).

     

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    Naquit un « pays d'illusions » peuplé de fabriques, monuments qui traduisaient la vogue de l'époque pour l'histoire et l'archéologie. De 1773 à 1778, Carmontelle élabora un jardin-théâtre imprégné d'exotisme et annonciateur des valeurs esthétiques du romantisme. Il le peupla de ruines féodales, de moulins et de tombeaux. Il y édifia une pagode, une pyramide, un obélisque, un temple romain, une naumachie, un minaret, des tentes turques et tartares, des tours et des îles miniatures.

     

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    Vue des tentes turques, gravure de Jean-Baptiste Delafosse d'après Carmontelle, 1779.

     

    Carmontelle possédait bien des talents. Il fut professeur de mathématiques, dessinateur, peintre, graveur, auteur dramatique, lecteur du Duc d'Orléans, paysagiste, topographe pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763)... Il orchestra également des fêtes somptueuses.

     

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    Des petites comédies appelées Proverbes le rendirent célèbre. Elles se composaient d'une trame sur laquelle les personnages de la Cour étaient invités à broder des histoires. Il croquait aussi ses contemporains à travers des portraits au crayon, « lavés d'aquarelle et parfois rehaussés de gouache ou de pastel ». Mais il fut surtout connu pour ses Transparents. Cette technique consistait à tendre un rouleau de toiles peintes entre deux bobines et à l'éclairer par des bougies ou à contre-jour. Des paysages défilaient, fantasmagories élégantes et ludiques où les personnages des Proverbes étaient mis en scène.

     

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    Un rouleau de quarante-deux mètres, constitué de 119 feuilles de papier collé, se déroulait et s'enroulait à l'envi, panorama « enchanté » illustrant des scènes de vie champêtre, sur le thème des quatre saisons.

     

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    Au sujet du Parc Monceau, Carmontelle écrivit avoir voulu « réunir dans un seul jardin tous les temps et tous les lieux. »

     

    La Naumachie

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    Dans la Rome antique, elle désignait un bassin de grande taille dans lequel se déroulait un combat naval. Elle pouvait être grandiose, à l'image de celle que Jules César fit réaliser à Rome, en 46 avant J.-C. Plusieurs milliers d'hommes s'affrontèrent dans un décor luxuriant avec de véritables bateaux. A l'intérieur d'un bassin géant, cette reconstitution se voulait un témoignage vivant de la puissance et de la grandeur de Rome mais ce divertissement très spectaculaire fut aussi particulièrement sanglant.

     

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    Bordé de colonnes corinthiennes, le bassin ovale du Parc Monceau évoque un passé lointain dont la mise en scène se fondait sur une recherche d'exactitude associée à un goût pour l'anecdotique et l'intemporalité. Les vestiges recomposés traduisaient l'engouement de l'époque pour la quête historique et créaient une atmosphère propice à la rêverie.

     

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    La colonnade provient de l'édifice Notre-Dame de la Rotonde à Saint-Denis. Démoli en 1719, ce monument circulaire était destiné à devenir le mausolée des Valois.

     

    La Poésie et l'Esthétique des Ruines

     

    Avec la découverte des cités d'Herculanum, en 1709, et de Pompéi, en 1748, les ruines, témoignages de la grandeur ensevelie des empires, ont exercé au XVIIIe et au XIXe siècle une puissante fascination sur de nombreux artistes. A la fois éléments de décor et supports de méditation, les ruines étaient l'expression d'une antiquité sublimée, d'un âge d'or pittoresque.

     

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    Alexandre le Grand devant le Tombeau d'Achille, 1755-1757, par Hubert Robert (1733-1808).

     

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    Au XIXe siècle, les « folies » architecturales étaient à la mode en France. Outre la « folie » de Carmontelle, celle de Bagatelle et le jardin anglo-chinois appelé « Désert de Retz » connurent une grande célébrité.

     

    En Angleterre, les aristocrates firent construire des ruines, antiques et médiévales, dans les parcs de leurs châteaux et les jardins de leurs riches demeures.

     

    Les archéologues britanniques Nicholas Revett (1720-1804) et James Stuart (1713-1788) ont beaucoup œuvré pour la connaissance des monuments de l'Italie et de la Grèce antiques. Nicholas Revett fut à l'origine du style Greek Revival qui cherchait à recréer l'harmonie et les proportions majestueuses des temples grecs de l'Antiquité.

     

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    La recherche archéologique passionna les intellectuels dans un contexte de multiplication des sociétés littéraires et scientifiques, des clubs et des académies. La Société des Dilettanti, une société savante anglaise créée aux alentours de 1733, assura les frais de voyage de Revett et de Stuart dont les ouvrages, richement documentés, favorisèrent l'étude et la compréhension des monuments du passé.

     

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    La littérature du XIXe siècle s'empara du thème des ruines et leur associa une réflexion sur le temps qui s'écoule, la déliquescence des empires, le mystère et la mort.

     

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    Quand les contours de l'architecture se fondent dans les formes et les couleurs de la Nature, les œuvres humaines retournent à un état « prénatal » mais leur délitement est majestueux. Il émane de la force et de la grandeur de leurs silhouettes rongées. La pierre traverse les âges, se nourrissant des variations de la lumière, des chatoiements de l'eau, des teintes contrastées du ciel...

     

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    La Pyramide

     

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    Réalisée entre 1769 et 1773 par Bernard Poyet (1742-1824), elle s'inspire de celle de Caïus Cestius à Rome.

     

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    A l'époque médiévale, cette pyramide était réputée être le tombeau de Rémus, le frère de Romulus, mythique fondateur de Rome.

     

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    Une statue de la déesse Isis, reine voilée et dame noire de Paris était autrefois lovée dans la salle aménagée à la base de la pyramide du Parc Monceau, encadrée par deux effigies de pharaons.

     

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    Symbole d'éternité, associée aux puissances de mort et de vie, la pyramide se dresse à la croisée des mondes humain et divin. Symbole de création et d'ouverture sur les anciens mystères, elle est un territoire initiatique.

     

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    Une des quatre vasques se dressant à chaque angle de la pyramide dans ce qu'on appelait autrefois le « Bois des Tombeaux ».

     

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    La Porte Saint-Jean, ouverte sur le paysage

     

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    Cette belle arcade Renaissance est un vestige de l'ancien Hôtel de Ville de Paris qui fut incendié, le 24 mai 1871, pendant la Commune de Paris.

     

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    Entre 1781 et 1793, le paysagiste écossais Thomas Blaikie (1750-1838), créateur du Parc de Bagatelle, dessina de nouvelles allées et effectua des aménagements au Parc Monceau. Il fit évoluer la « folie » de Carmontelle en jardin à l'anglaise articulé autour d'un réseau d'allées ombragées et comprenant un jardin d'hiver et une serre chaude. Il élabora une galerie, une grotte mystérieuse peuplée de sombres rochers, des fontaines et fit planter de nombreux arbres. Il fit venir d'Angleterre des plantes qu'il installa dans les serres majestueuses, préalablement agrandies.

     

    La Rotonde de Chartres

     

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    En 1785, l'architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) édifia la fameuse rotonde de l'entrée qui borde l'actuel boulevard de Courcelles.

     

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    Sur une idée du chimiste et fermier général Lavoisier, le contrôleur général des finances, Charles Alexandre de Calonne, donna l'autorisation de dresser une enceinte autour de Paris, le Mur des Fermiers Généraux. Constitué de barrières d'octroi, ce mur devait combattre les activités de contrebande qui se multipliaient.

     

    Architecte « utopiste », Claude-Nicolas Ledoux érigea, entre 1785 et 1787, cinquante barrières d'octroi appelées « Propylées de Paris », de style néo-classique. Une formule populaire circulait alors au sujet de ces barrières: « Le mur murant Paris rend Paris murmurant »...

     

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    En 1860, la Ville de Paris hérita du terrain et des vestiges de la « folie du Duc de Chartres ». Misant sur la spéculation immobilière, les frères Pereire acquirent plusieurs hectares du parc et se lancèrent, tout autour, dans une politique de lotissement. Les « hôtels Pereire » et les immeubles cossus fleurirent dans les rues attenantes.

     

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    Simultanément, Gabriel Davioud, (1823-1881) architecte et inspecteur général des travaux d'architecture de la ville de Paris et Adolphe Alphand, (1817-1891) ingénieur des Ponts et Chaussées, donnèrent au jardin son visage actuel.

     

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    Napoléon III inaugura ce nouvel espace romantique en 1861.

     

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    Le charmant petit pont vénitien, très apprécié des amoureux...

     

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    La transformation du Parc Monceau en jardin public s'inscrivait dans le projet hygiéniste d'embellissement de Paris initié par le Baron Haussmann (1809-1891). Chef d'orchestre des transformations de la capitale sous le Second Empire, il fit ouvrir de grandes avenues, édifier des immeubles spacieux où entrait la lumière et créer une profusion de squares et de parcs.

     

    Alors que Paris était engorgé par un lacis de rues étroites, obscures et insalubres, Napoléon III, très marqué par son voyage à Londres, dans les années 1846-1848, voulut offrir à la France une capitale moderne, aérée et recomposée.

     

    Le Baron Haussmann s'employa, sur le modèle des quartiers ouest de Londres, reconstruits après le grand incendie de 1666, à favoriser la circulation de l'air et des habitants. Pour autant, l'un de ses buts, moins avoué, consistait à pouvoir étouffer de potentiels soulèvements populaires.

     

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    Les somptueuses grilles, émanation du style éclectique en vogue sous Napoléon III, sont l'œuvre de Gabriel Davioud.

     

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    Les Statues du Parc Monceau

     

    A différents endroits du parc, se lovent des statues et des groupes sculptés d'écrivains, de poètes et de musiciens qui contribuent à créer une ambiance de rêverie romantique. Elle font référence à l'attrait exercé par ce lieu sur les artistes à la fin du XIXe siècle.

     

    Le monument à Guy de Maupassant

     

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    Ce beau marbre, réalisé par le sculpteur Raoul Verlet en 1897, inaugura la série de monuments consacrés aux artistes. La Société des Gens de Lettres avait ouvert une souscription en 1893, année de la mort de Maupassant. Les fonds recueillis permirent l'érection de ce groupe sculpté qui devait figurer au cimetière du Père Lachaise et fut placé au Parc Monceau.

     

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    Sous le buste de l'écrivain, apparaît l'élégante héroïne du roman Fort comme la Mort (1889).

     

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    Elle se présente aussi comme l'allégorie d'une jeune femme songeuse après sa lecture.

     

    Fort comme la mort est le cinquième roman de Maupassant, édité en mai 1889. Son titre est issu du Cantique des Cantiques: « L'amour est fort comme la mort et la jalousie est dure comme le sépulcre. »

     

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    Le monument à Edouard Pailleron

     

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    Ce bel ensemble sculpté, caractéristique de la Belle-Époque (1907), est l'œuvre du sculpteur russe Leopold Bernard Bernstamm (1859-1939). Il se dresse à l'est du jardin, près de l'avenue Vélasquez.

     

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    Définir Edouard Pailleron (1834-1899) en quelques mots est difficile tant cet esprit brillant a accompli de choses. Il fut auteur dramatique, poète, avocat, journaliste, dragon pendant deux ans, directeur de la Comédie-Française, gendre du fondateur de la Revue des Deux-Mondes dont il devint le codirecteur, membre de l'Académie Française à partir de 1882...

     

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    Il déploya dans ses pièces une puissante énergie créatrice et certaines d'entre elles, comme Le monde où l'on s'ennuie, furent jouées plus de mille fois. Ses comédies de moeurs croquèrent avec une verve bien particulière la bourgeoisie de son époque. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise.

     

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    La jeune femme qui décore le monument d'une guirlande de roses est l'actrice Jeanne Samary. Égérie de son époque, elle est représentée dans le rôle qu'elle tenait dans l'Étincelle, pièce parue en 1879.

     

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    Apprécions le doux modelé de la silhouette, la gracieuse position des bras et le plissé de la robe qui aimante la lumière...

     

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    La Tragédie et la Comédie

     

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    Rose de pierre

     

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    Le jeune faune de Félix Charpentier (1858-1924).

     

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    En 1884, cette œuvre gracile fut inspirée par la sculpture antique. Félix Charpentier excellait dans l'art du portrait et la représentation du Nu. Ses sculptures sont imprégnées de grâce, de naturel et de mouvement.

     

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    Légendaire protecteur des bois et maître des forces de fécondité, le faune est aussi celui qui murmure aux oreilles des poètes depuis les sombres épaisseurs sylvestres...

     

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    Le monument à Alfred de Musset(1810-1857)

     

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    En 1889, le banquier Daniel Osiris (1825-1907) commanda le groupe sculpté à Alexandre Falguière (1831-1900) et à Antonin Mercié (1845-1916) mais après la mort de Falguière, Mercié exécuta l'ensemble du monument. Celui-ci fut inauguré le 23 février 1906 devant la Comédie-Française, enlevé en 1964 et installé en 1981 au Parc Monceau.

     

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    L'artiste s'est inspiré du poème La Nuit de Mai, paru en 1835. Un dialogue subtil s'établit entre la Poésie et le Poète, confronté aux vicissitudes de la création et lové dans ses souffrances.

     

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    Le monument à Charles Gounod (1818-1893)

     

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    Ce groupe sculpté, réalisé par Antonin Mercié en 1902, se dresse au sud du jardin, près de l'avenue Ruysdaël.

     

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    Le buste du compositeur est entouré de trois figures féminines appuyées sur une nuée. Elles évoquent ses opéras les plus célèbres: Marguerite dans Faust, Juliette dans Roméo et Juliette et Sapho.

     

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    Gounod vivait à proximité du parc, au numéro 20 de la Place du Général Catroux.

     

    Le monument à Chopin (1810-1849)

     

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    Ce groupe de facture romantique fut réalisé en 1906 par Jacques-Froment Meurice (1864-1948).

     

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    Le sculpteur immortalise l'instant où Chopin compose au piano la Marche Funèbre.

     

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    La Douleur, enveloppée dans un drapé sensuel, sanglote à ses pieds.

     

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    Au sommet de l'oeuvre, un ange majestueux déploie ses ailes et répand une pluie de fleurs, allégorie mêlée de la Nuit et de l'Harmonie, muses du créateur... Le travail des figures est d'une grande finesse. Jacques Froment-Meurice était sculpteur et graveur sur médaille, issu d'une famille d'orfèvres renommés.

     

    Le monument à Ambroise Thomas(1811-1896)

     

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    Alexandre Falguière (1831-1900), sculpteur renommé du Second Empire, réalisa cette oeuvre imprégnée de mélancolie.

     

    Directeur du Conservatoire de Musique de Paris, Ambroise Thomas composa des opéras qui lui firent connaître la célébrité. Mignon, d'après Goethe, en 1866 et Hamlet, d'après Shakespeare, en 1868.

     

    Écrin, sous la IIIe République, pour ces groupes sculptés élaborés autour d'une thématique commune, le Parc Monceau abrite aussi des arbres remarquables et notamment un vieux platane que je vous invite à admirer.

     

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    Ce Platane d'orient (Platanus orientalis) fut planté au début du XIXe siècle. Sa silhouette d'arbre de conte de fées et son « visage » débonnaire se dévoilent le long d'une allée.

     

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    De nos jours, le platane se dresse au bord des routes, étirant ses branches tortueuses et formant contre le ciel un maillage d'ombre et de lumière. La plupart du temps, nous passons à côté de lui sans lui accorder d'attention particulière mais dans l'Antiquité, il était vénéré et appelé « fils de Gaïa », la déesse de la terre.

     

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    Les dendrophores ou « porteurs d'arbres » menaient, dans les villes et les provinces de la Rome ancienne, la procession du pin sacré en l'honneur d'Attis, le seigneur de la végétation. Au cours de ce qu'ils appelaient « l'arbor intrat », l'arbre divinisé pouvait être le tronc ou les branches d'un platane sacré, transporté au moment de l'équinoxe de printemps.

     

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    Un platane majestueux se dressait sur l'île de Kos, dans le temple d'Asclepios, le dieu grec de la médecine. Le célèbre médecin Hippocrate dispensait son enseignement sous son ombrage. Le caducée est une baguette de platane ailée autour de laquelle s'enroulent deux serpents. D'ailleurs plus le platane vieillit, plus son écorce se fissure, formant des écailles qui lui donnent l'aspect d'une peau de serpent.

     

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    Dans l'ancienne Carthage, le platane était consacré à Tanit, la déesse de la fécondité. Dans la mythologie grecque, ayant abrité les amours de Zeus et de la nymphe Europe, il fut décidé qu'il ne perdrait plus ses feuilles.

     

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    Curiosités du parc

     

    Le long d'une allée, une plaque enfoncée dans la végétation a attiré mon regard.

     

    Image72 Elle rend hommage à André-Jacques Garnerin (1769-1823), qui s'élança d'un ballon, le 22 octobre 1797, pour accomplir au-dessus du parc, devant une foule médusée, le premier saut en parachute de l'histoire.

    Sa fiancée, Jeanne Labrosse, fut la première femme à effectuer un saut en parachute, le 12 octobre 1799.

     

    Le Parc Monceau est un lieu à part où se rencontrent différentes époques, où se conjuguent visions oniriques et mise en scène de la réalité. Il suffit de franchir les grilles majestueuses et de s'ébattre jusqu'aux limites de son imagination... Si chaque jardin est l'émanation de la vie, celui-ci est peut-être plus encore le carrefour des désirs, le territoire des gourmandises, la parenthèse indispensable pour se ressourcer.

     

    Je terminerai cette promenade à travers la Nature et l'Histoire en citant les vers de l'abbé Jacques Dellile.

     

    « J'en atteste, Ô Monceau, tes jardins toujours verts,

    Là, des arbres absents, les tiges imitées,

    Les magiques berceaux, les grottes enchantées,

    Tout vous charme à la fois. Là bravant les saisons,

    La rose apprend à naître au milieu des glaçons;

    Et les temps, les climats, vaincus par des prodiges,

    Semblent, de la féerie, épuiser les prestiges. »

     

    Les jardins ou l'art d'embellir les paysages. (1782)

     

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    Bibliographie

     

    Adolphe ALPHAND: Les promenades de Paris. 1867-1873.

     

    Edouard ANDRÉ: L'art des jardins.1879.

     

    Abbé Jacques DELLILE: Les jardins ou l'art d'embellir les paysages.Paris, 1782.

     

    Jules LACROIX DE MARLÈS: Paris ancien et moderne ou Histoire de France divisée en douze périodes appliquées aux douze arrondissements de Paris, et justifiée par les monuments de cette ville célèbre.Paris: Parent-Desbarres. 1837-1839. 3 volumes.

     

    Marquis Félix DE ROCHEGUDE: Promenades dans toutes les rues de Paris par arrondissements. Paris: Hachette, 1910.

     

    Catalogue d'exposition: De Bagatelle à Monceau, 1778-1978, les folies du XVIIIe siècle à Paris. Paris. Domaine de Bagatelle, Musée Carnavalet, 1978-1979.

     

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    132 commentaires
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    En ce Printemps capricieux, je vous invite à franchir les grilles du Jardin des Tuileries et à vous diriger, sous les magnifiques voûtes de verdure, vers le Musée de l'Orangerie.

     

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    Marronniers et tilleuls dessinent, sur notre parcours, une luxuriante forêt...

     

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    L'Orangerie est ce bâtiment tout en longueur, remarquable d'élégance et de sobriété, qui se dresse face à la Place de la Concorde, à l'extrémité occidentale de la Terrasse du Bord de l'Eau. Il accueille une sélection raffinée de peintures impressionnistes et post-impressionnistes et forme un écrin privilégié pour les célèbres Nymphéas de Claude Monet.

     

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    La Terrasse du Bord de l'Eau domine, d'un côté, la Seine et ses quais ombragés et, de l'autre, de ravissants parterres fleuris.

     

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    Dans ce monde « en vert », s'épanouissent de délicats orangers, réminiscences de ceux qui peuplèrent, pendant des siècles, l'allée centrale du jardin.

     

    A la Belle-Époque, l'Allée des Orangers formait une promenade particulièrement prisée. Bordée de grands marronniers, elle constituait une galerie d'exposition à ciel ouvert pour les Parisiennes qui y déployaient leurs accessoires de mode. Les jeunes gens s'y donnaient rendez-vous sous les frondaisons parfumées. Ils venaient y « sourire à des amours écloses l'hiver; sous les lustres, et maintenant épanouies au sein de la verdure, sous les brises embaumées du Printemps. » Edmond Texier: Tableau de Paris, 1852-1853.

     

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    Originaire de Chine, l'oranger (citrus sinensis), pénétra en Europe à l'époque des Croisades (XIe-XIIIe siècle), par la voie méditerranéenne. De la Perse au Bassin Méditerranéen, l'orange amère ou bigarade parvint en Sicile et se diffusa ensuite dans le reste de l'Europe. L'orange douce fut découverte en Chine au XVIe siècle par les navigateurs portugais qui la rapportèrent en Europe.

     

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    L'orange est associée au mythe du Jardin des Hespérides. Dans ce merveilleux jardin, situé à l'Extrême-Occident, au bord de l'Océan, coulaient des sources d'ambroisie destinées aux dieux. Un arbre fabuleux, porteur de « fruits d'or », s'y épanouissait, sous la garde d'un dragon à cent têtes, appelé Ladon et des gracieuses Hespérides.

     

    Selon les mythes et les auteurs, les Hespérides étaient les filles d'Hesperus, le Couchant personnifié, ou celles du géant Atlas et de Nyx, la déesse de la Nuit. Les anciens récits les considèrent comme les filles de la Nuitet de l'Érèbe, les Ténèbres primordiales ou du Titan Phorcys, « le Monstrueux », divinité de la mer profonde et de Céto, la Sirène originelle...

     

    Elles veillaient sur les précieuses pommes d'or, symboles d'immortalité, scintillant comme les étoiles dans le ciel.

     

    L'arbre était un présent de Gaïa, la terre mère, à Héra, la reine des dieux, lors de son mariage.

     

    Le héros grec Héraclès pénétra dans le jardin pour dérober les fameux fruits, pommes de lumière assimilées aux luxuriantes oranges...

     

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    Héraclès et les Hespérides, villa Albani à Rome.

     

    L'orange est un symbole de fécondité, de protection et de prospérité. Fruit précieux donné comme cadeau de Noël aux enfants, à la Belle-Époque, dans l'Entre-Deux-Guerres et après...

     

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    La fleur d'oranger était offerte, sous forme de couronnes parfumées, aux jeunes mariées.

     

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    L'Orangerie fut érigée à partir de 1853, sur les plans de Firmin Bourgeois, pour accueillir les orangers des Tuileries, entreposés jusque là dans une galerie du Louvre. Ludovico Visconti (1791-1853), architecte de l'empereur Napoléon III, termina la construction de ce grand vaisseau de pierre.

     

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    Ses lignes classiques s'harmonisent avec celles des grands Hôtels de la Place de la Concorde (l'Hôtel de Crillon et l'Hôtel de la Marine).

     

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    Une orangerie est traditionnellement un bâtiment clos, doté de vastes fenêtres tournées vers le Sud. Il y règne une température agréable et bien régulée. Les agrumes en bacs ou en pots et les végétaux fragiles, comme les palmiers, y sont protégés contre le gel.

     

    La mode des orangeries date de la Renaissance et vient d'Italie. Les orangers étaient gardés, à l'abri des intempéries, dans des « limonaiae ».

     

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    Pendant la IIIe République, l'Orangerie des Tuileries fut transformée en salle de concert et en lieu d'exposition pour du matériel industriel et horticole, des objets artisanaux et des chiens de race. Elle accueillit, pendant la Première Guerre Mondiale, des soldats mobilisés et servit de dépôt d'armement.

     

    Elle fut attribuée, en 1921, à l'administration des Beaux-Arts et destinée, comme son pendant, le Jeu de Paume, à devenir une annexe du Musée du Luxembourg. Mais Georges Clémenceau (1841-1929) proposa à Claude Monet (1840-1926) d'y installer Les Nymphéas et, le 17 mai 1927, le Musée de l'Orangerie ouvrit ses portes.

     

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    A l'est et à l'ouest, les portes monumentales sont surmontées de frontons qui décrivent des sujets agricoles, sculptés par Gallois-Poignant, un des artistes du Louvre de Napoléon III (1808-1873).

     

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    Les orangers d'aujourd'hui passent l'hiver dans l'Orangerie de Meudon. Ils s'épanouissent aux Tuileries pendant les beaux jours.

     

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    Des sculptures d'époques variées contemplent l'écrin verdoyant du jardin et la forêt de petits agrumes.

     

    bImage22.jpg Cette étrange silhouette, appelée Reclining Figure, accueille le visiteur au pied de l'escalier menant à la Terrasse du Bord de l'Eau. Création du sculpteur Henry Moore (1898-1986), elle date de 1951.

     

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    Sa peau de bronze, scintillante après l'averse, est sublimée par les variations de la lumière.

     

    L'art contemporain semble parfois hermétique ou peut ne pas correspondre à l'idée que l'on se fait du « beau » mais le pouvoir de l'imaginaire moderne nous réserve bien des surprises.

     

    Ainsi, cette statue mystérieuse, récurrente dans l'oeuvre d'Henry Moore, évoque une sculpture maya appelée Chac Mool.

     

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    En 1925, l'artiste découvrit au cours d'une exposition parisienne une des versions du Chac Mool. Il la déclinera, sous des formes particulières, tout au long de sa vie, avec les Reclining Figures.

     

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    La lumière entre dans les cavités de ces corps étranges, passerelles entre les mondes anciens et l'écriture de la modernité. Cet art mystérieux nous fait osciller entre les royaumes mayas et les paysages enchantés du Yorkshire, comté d'Angleterre, où naquit l'artiste.

     

    Henry Moore réinterpréta des figures emblématiques des civilisations anciennes et façonna des bronzes abstraits monumentaux liés, de manière sensuelle, maternelle et mystique, à la féminité.

     

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    Les formes organiques et les divinités des mondes lointains ont constitué pour lui une source d'inspiration majeure.

     

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    Fascinants Chac Mool

     

    Bien qu'on la rencontre ailleurs, cette figure sacrée est très présente à Chichén Itzá, une ancienne ville toltèque et maya, considérée comme le principal centre religieux du Yucatán.

     

    La cité s'est développée autour de deux puits naturels, appelés cenotes. Imprégnée de mystère, elle est associée aux forces calendaires, aux puissances guerrières et aux divinités aquatiques.

     

    Le nom même de Chichén Itzá révèle cette présence « sacrée » de l'eau. Chi signifie bouche, Chén évoque le puits et Itzá désigne le sorcier de l'eau. On y honorait Chac, le dieu de la pluie, appelé Tlaloc par les Aztèques.

     

    Des sacrifices étaient offerts au seigneur de l'eau. Les avis des historiens diffèrent au sujet des victimes précipitées au fond des cenotes sacrés: jeunes gens vierges, enfants morts très jeunes, prisonniers capturés lors de raids dans des cités rivales... Les « infortunés » étaient purifiés dans un bain de vapeur (temazcal) avant d'être jetés au fond des puits avec des offrandes: perles de jade, petits miroirs de pyrite, boules de copal, cristaux, figurines en forme de jaguar et de serpent...

     

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    Inventé en 1875 par l'explorateur Auguste Le Plongeon, le terme Chac Mool signifie « Grand Jaguar Rouge » en maya yucatèque. Ce personnage de pierre est appuyé sur les coudes, dans une position demi couchée. Un plateau destiné à recevoir le coeur des sacrifiés repose sur son ventre.

     

    Médiateur entre les hommes et les dieux, il se dresse au sommet du Temple des Guerriers Jaguar, précédant deux superbes piliers posés sur deux têtes de serpents géants.

     

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    (Image trouvée sur le site Mexico Travel.)

     

    Chac, Chaac ou Chaahk, frappe les nuages avec sa hache de foudre pour susciter le tonnerre et la pluie. A l'instar d'autres dieux mayas, il est à la fois un et multiple. Chaque point cardinal est associé à un Chac. Un rouge se situe à l'est, un blanc au nord, un jaune au sud et un noir à l'ouest.

     

    Chac et ses avatars, les faiseurs de pluie, heurtent avec leurs haches de silex ou de foudre les serpents célestes qui crachent la pluie.

     

    Protecteur des cultures et gardien des montagnes sacrées dans lesquelles le maïs a été dissimulé, Chac est un dieu de la fécondité, veillant sur les jeunes filles en âge de concevoir.

     

    Il revêt parfois le masque de Tlaloc, le dieu aztèque de la pluie et de la végétation, pourvu de crocs allongés et de grands yeux ronds entourés de serpents.

     

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      Le Chac Mool du Templo Mayor à Mexico. Au lieu du plateau rituel, il tient un cuanhxicalli ou « réceptacle de l'aigle », vase sacré destiné à recevoir le coeur des sacrifiés.

     

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    Le Chac Mool est le gardien des mystères de la pluie et de l'orage fécondant. Il préside à la métamorphose du guerrier en jaguar, animal sacré de la Mésoamérique. Conteur silencieux, il nous fait cheminer vers le splendeurs de la Grande Pyramide de Chichén Itzá, précédant les 364 marches qui convergent vers le plateau central, représentation grandiose des 365 jours de l'année.

     

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    Lors des deux équinoxes, le soleil dessine un étonnant jeu d'ombre à la surface des escaliers et façonne le corps fantastique du Quetzalcoatl ou Kukulkan, le Serpent à Plumes.

     

    Cette figure initiatique a profondément inspiré Henry Moore.

     

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    L'artiste l'a féminisée et a fait jaillir de blocs de pierre, de bois ou de métal, de grandes formes étendues, réceptacles de puissance et de fécondité.

     

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    Entre vallées profondes et excavations énigmatiques, cavités et réseaux de veines multiples, la magie serpente, nous rappelant que tout art renferme une dimension sacrée.

     

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    L'art d'Henry Moore établit un lien intime avec les formes prénatales. Il sublime la mort et la vie, la courbe, le creux et la maternité. Les volumes ondulants font référence au corps du dieu maya de la pluie que l'artiste a réinterprété en le dotant d'attributs féminins.

     

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    Fasciné par les éléments organiques et les êtres en métamorphose, Henry Moore est également connu pour sa collection « d'éléments ramassés »: coquillages, bois flottés, silex, crânes, os et squelettes de divers animaux...

     

    Émanation des forces primitives, sa Reclining Figure trône depuis l'an 2000 au pied de l'Orangerie. Elle a remplacé L'Hommage à Cézanne, une sculpture d'Aristide Maillol datant de 1912.

     

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      La belle nymphe en plomb offre aux promeneurs ses lignes épurées.

     

    Aristide Maillol (1861-1944) élabora des sculptures monumentales évoquant la statuaire grecque archaïque mais ouvrant, par leur volonté de rupture avec l'art descriptif du XIXe siècle, la voie vers l'abstraction.

     

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    Habillés de verdure, les abords du Musée de l'Orangerie composent une séduisante promenade peuplée de sculptures hétéroclites. Lovons-nous, pour mieux les apprécier, sous les tilleuls aux frondaisons sucrées...

     

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     Ce lion farouche, aux prises avec un serpent qui ne résistera pas longtemps à ses féroces mâchoires est l'oeuvre d'Antoine-Louis Barye (1795-1875), artiste romantique, célèbre pour ses tableaux et ses sculptures de grands fauves.

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    En compagnie de son ami Eugène Delacroix, Antoine Barye étudia les animaux exotiques au Jardin des Plantes et réalisa des croquis sur nature qu'il traduisit dans la peinture et la sculpture. En 1833, Louis-Philippe lui commanda Le Lion au serpent, pour le Jardin des Tuileries. Cet animal rugissant est une allégorie de la Monarchie écrasant la sédition, trois ans après les sanglantes émeutes de 1830.

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    L'animal que nous contemplons est une copie du lion en bronze original, conservé au Musée du Louvre.

     

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    En 1846, Louis-Philippe passa commande à Antoine Barye d'un pendant pour Le Lion au serpent. Le magnifique Lion assis fut terminé en 1847 et placé en 1867 sur le Quai des Tuileries, à l'entrée du Guichet de l'Empereur.

     

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    On lui adjoignit un « jumeau » et les deux fauves formèrent les gardiens majestueux de la Porte des Lions.

     

    Ce prédateur magnifique incarne la majesté et la sérénité. Le traitement romantique de son expression le fait tendre vers l'anthropomorphisme.

     

    aImage44 Ce lion farouche offre un contraste saisissant avec celui de Giuseppe Franchi (1731-1806).

     

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    Un élégant lion de marbre, emblème héraldique, réalisé en 1806 d'après l'antique, et installé en 1819 face à la Place de la Concorde.

     

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    (Vous pouvez cliquer ici pour consulter mon article sur la Place de la Concorde.)

     

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    Il est un endroit que j'aime particulièrement...

     

    De l'autre côté de l'Orangerie, vers les bassins fleuris bordant le bassin octogonal des Tuileries, trois statues d'Auguste Rodin (1840-1917) se dressent sur une vaste pelouse.

     

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    « L'Homme d'Airain » nous livre un florilège de son art: Ève(1881-vers 1899), Méditation avec bras (1881-vers 1905) et L'Ombre(1881-vers 1904).

     

     

    aImage49.jpg Ève est l'incarnation de la féminité universelle. Ses attitudes sont à la fois sensuelles et retenues; ses courbes, des torrents de lumière.

     

    aImage50.jpg Son corps est une offrande qui semble jaillir du rocher.

     

    Rodin a exalté la femme en création et la mère en devenir. Le modèle choisi était une ravissante italienne, surnommée la « panthère » par l'artiste. Au fil des séances de pose, Rodin, insatisfait, modifiait constamment ses volumes jusqu'à ce que la jeune femme lui révèle qu'elle était enceinte. Il choisit alors de laisser l'oeuvre inachevée, dans sa beauté brute et voluptueuse...

     

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    La Méditation ou la Voix intérieure fut créée en hommage à un recueil poétique de Victor Hugo.

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    Dansante et repliée sur elle-même, sereine et cependant tendue, elle exprime un mouvement secret, un état particulier de réflexion qui nous attire vers les songes...

     

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    L'Ombre ou Adam, tout en virtuosité, reflète le chaos qui habite le personnage après son exclusion du Jardin d'Eden. Dans l'oeuvre alchimique de Rodin, le corps sensuel épouse les convulsions de l'esprit...

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    L'artiste crée une mosaïque de tensions et de formes apaisées, comme les pleins et les déliés d'une magistrale écriture.

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    La musculature de ses personnages impressionna tant ses contemporains que certains l'accusèrent de mouler ses sculptures sur modèle vivant (surmoulage).

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    Une liberté créatrice intense, quasi-pulsionnelle, caractérise l'art de Rodin. Son travail sur l'anatomie et la matière est le fruit d'une écriture très personnelle. Celle-ci explore des courants anciens, comme le maniérisme, et rend hommage au génie créateur de Michel-Ange.

     

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    La vie de Rodin fut une suite de luttes et de défis. Atteint d'une forte myopie, il fit des études médiocres mais développa, de manière très intime, son sens du toucher. Il apprit la sculpture auprès de maîtres comme Antoine-Louis Barye et Albert-Ernest Carrier-Belleuse mais échoua au concours d'entrée de l'École des Beaux-Arts. Il fut recalé trois fois à l'épreuve de sculpture en raison d'un style trop éloigné des conventions néo-classiques mais il fut engagé dans plusieurs ateliers.

     

    Son amour des femmes et ses nombreux voyages (Belgique, Italie, Angleterre...) nourrirent son inspiration. La postérité retint surtout le nom de Rose Beuret, (modèle, maîtresse et épouse) et de l'infortunée Camille Claudel...

     

    La passion de l'art et de la vie émane de chacune de ses créations. En 1877, il présenta l'Âge d'Airain, une sculpture si novatrice qu'il fut accusé d'avoir pratiqué un moulage sur modèle, mais l'oeuvre marqua le début de sa carrière d'artiste « reconnu ».

     

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    L'Homme d'Airain ou l'Homme qui se réveille...

     

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    La Porte de l'Enfer (1880-1917) apparaît comme une compilation grandiose de plusieurs de ses créations.

     

    Ève et Adam encadrent l'oeuvre monumentale. La Divine Comédie de Dante (1265-1321), voyage allégorique à travers l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis, a enflammé l'esprit de Rodin.

     

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    Il s'est souvenu de la Porte du Paradis, merveille de bronze doré signée Lorenzo Ghiberti(1378-1455), pour le baptistère de Florence.

     

    La Porte de l'Enfer est couronnée par les Trois Ombres qui représentent une triple version d'Adam.

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    Les Trois Ombres au Musée Rodin.

     

    La réunion de ces trois figures forme une vision instantanée de la même oeuvre sous des profils différents. Elles ont été présentées à l'Exposition Rodin de 1900 sous le titre « Les Vaincus ».

     

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     Avant de poursuivre mon chemin, mon regard est attiré par ce personnage à la faucille qui couronne une des grandes fenêtres de l'Orangerie. Il tient l'attribut de la terre nourricière et des dieux des moissons.

     

    Emblème de mort et de renaissance, d'espoir et de fertilité, la faucille est liée au sang de la terre et revêt la forme du croissant lunaire.

     

    Dans la mythologie grecque, Gaïa, la Terre, façonne une faucille de silex pour castrer son époux Ouranos, le Ciel. Le couple divin avait engendré les Titans, les Titanides, les Cyclopes et les Hécatonchires, redoutables créatures dotées de cent bras et de cinquante têtes. Effrayé par sa progéniture, Ouranos la fit enfermer au fond du Tartare, lieu de désolation, mais Gaïa en prit ombrage. Elle remit la faucille à Chronos, son plus jeune fils, afin qu'il castre son père.

    Le sang et la semence jaillirent, engendrant les Géants, les terrifiantes Erinyes, les Nymphes et la voluptueuse Aphrodite, déesse de l'amour...

     

    La faucille est imprégnée de cette charge symbolique et mythologique. Elle représente le courage et la paysannerie, comme sur le drapeau soviétique.

     

    Au Japon, où elle est considérée comme sacrée et protectrice contre la foudre, on la place sur le toit des maisons.

     

    L'Orme de l'Orangerie et le Grand Commandement Blanc

     

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    Près de l'entrée du musée, ce grand arbre au port majestueux, un Orme champêtre (Ulmus procera), étire son feuillage vers le ciel.

     

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    Il est un des très rares rescapés de la graphiose, maladie qui décima, en 1980, la quasi-totalité des ormes de Paris.

     

    Sous les règnes de François Ier et d'Henri IV, de nombreux ormes furent plantés dans l'espace urbain, autour des fermes et des châteaux. Au XVIIe siècle, l'orme était la première essence d'arbre dans la capitale.

     

    Dans la Grèce antique, l'orme était l'arbre d'Hermès, le messager des dieux, maître de l'alchimie, gardien des routes et des carrefours. On l'associait aussi à Oneiros, le dieu des songes et de la nuit mystérieuse.

    Pour les anciens Nordiques, l'orme était lié à Embla, la première femme, amante de Ask, le frêne.

     

    L'orme est un arbre vénéré car on rendait autrefois la justice sous ses branches. Les traces de cet usage demeurent dans le quartier du Marais, près de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais. (A découvrir dans un prochain article...)

     

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    De curieuses formes blanches se lovent sous son ombrage.

     

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    Cette oeuvre d'Alain Kirili, qui date de 1985, se nomme le Grand Commandement Blanc.

     

    Il s'agit d'un champ de signes abstraits, mélange d'alphabet et de formes géométriques évoquant des sortes de « cadrans solaires » qui projettent, à certaines heures de la journée, leurs ombres sur la pelouse. Ces mystérieuses polices de caractères en relief ont été installées à cet endroit en 2000. Elles sont en acier soudé et en peinture polyuréthane.

     

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    Notre promenade autour de l'Orangerie se termine en compagnie du Baiser d'Auguste Rodin. L'érotisme triomphant de l'oeuvre l'a rendue célèbre dans le monde entier.

     

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    Le thème du couple est majeur et inépuisable dans l'oeuvre de l'artiste. A l'origine, le Baiser est une sculpture en marbre d'un couple enlacé, réalisé à la demande de l'État Français pour l'Exposition Universelle de 1889.

     

    Le groupe devait décrire les tragiques amours de Paolo et de Francesca, issues de la Divine Comédie de Dante. Les amants furent assassinés par le mari de Francesca pendant qu'ils lisaient la légende arthurienne de la reine Guenièvre et du chevalier Lancelot.

     

    Face à la plénitude de la composition, Rodin renonça à placer les amants sur la Porte de l'Enfer. Le Baiser vola en quelques sorte de ses propres ailes et fut commandé dans de nombreuses versions.

     

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    Après une exposition à succès au Salon de Paris en 1898, le fondeur Ferdinand Barbedienne proposa à Rodin un contrat pour exécuter des réductions en bronze de son chef-d'oeuvre.

     

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    Le Baiser est l'apothéose du sentiment amoureux. Les amants fusionnent dans ce corps à corps d'une beauté inouïe. Leurs lèvres se donnent, s'épousent et leurs formes se dévoilent avec un bonheur émerveillé. L'impudicité dont Rodin fut accusé en son temps n'a heureusement plus cours aujourd'hui!

     

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    L'oeuvre aimante, fascine et fait jaillir l'émotion. Sous la voûte de feuilles, le spectacle des amants est un pur ravissement.

     

    Je vous laisse savourer ce délicieux Baiser et vous donne rendez-vous dans quelques jours pour la visite intérieure de l'Orangerie. Les célèbres Nymphéas de Claude Monet et les charmes de l'univers impressionniste seront à l'honneur. A bientôt...

     

    Bibliographie

     

    Jean-Pierre DELARGE: Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains. Paris: Gründ, 2001.

     

    Pierre KJELLBERG: Le nouveau guide des statues de Paris. Paris: la Bibliothèque des Arts, 1988.

     

    François NOËL: Dictionnaire de la fable ou Mythologie grecque, latine, égyptienne, celtique.Paris: Le Normant, 1810;

     

    Gustave PESSARD: Nouveau dictionnaire historique de Paris.Paris: Lejay, 1904.

     

    Félix DE ROCHEGUDE: Promenades dans toutes les rues de Paris. Paris: Hachette, 1910.

     

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    78 commentaires
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    Ce bel édifice néogothique se dresse dans la forêt domaniale de Chantilly, face à l'étang de la Loge, près de la commune de Coye-la-Forêt. Au XIIIe siècle, les moines convers de l'abbaye de Châalis ont aménagé quatre étangs dans la vallée de la Thève, les étangs de Commelles.

     

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    On chemine vers ces vastes plans d'eau depuis la gare d'Orry la Ville/Coye-la-Forêt, située dans le département de l'Oise, à environ 35 km au nord de Paris. Accessible par la ligne D du RER et par le réseau TER Picardie, elle est appréciée par de nombreux randonneurs.

     

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    De belles portes et des fenêtres en ogive, des tourelles crénelées, une atmosphère de conte de fées... le château témoigne d'une inspiration romantique et de la vogue de l'époque pour le néogothique d'origine anglaise.

     

     

    Histoire du Château

     

    En 1293, Pierre de Chambly, le seigneur de Viarmes, acheta à l'abbaye de la Victoire les bois et les étangs de Chantilly et fit construire un logis, flanqué de quatre tourelles, au bord de l'eau.

    En 1406, ses héritiers cédèrent au duc Louis d'Orléans, le frère du roi Charles VI, le bâtiment, les viviers à poissons créés par les moines et le bois environnant. Le duc transmit l'ensemble aux Célestins de Paris. En 1412, l'abbaye de Royaumont fit l'acquisition du domaine et la « Loge » fut agrémentée d'un moulin.

     

    En 1658, Toussaint Roze, marquis de Coye et secrétaire du cabinet de Louis XIV, devint le propriétaire des lieux. Quand il mourut, en 1701, sa fille vendit l'ensemble au Prince Henri-Jules de Bourbon-Condé.

     

    En 1788, Mandrou de Villeneuve, « manufacturier établi à Coye » acheta la « Loge de Viarmes » pour y installer un moulin à papier.

     

    Après une période chaotique, le domaine fut racheté en 1823 par le duc Louis VI Henri de Bourbon-Condé, dernier prince de Condé. Il sollicita l'architecte Victor Dubois pour transformer l'ancien moulin en un petit château d'inspiration médiévale, destiné à devenir une halte de chasse.

     

    N'ayant pas d'héritiers, il transmit ses biens, en 1830, à son filleul, le duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe. En 1897, le domaine fut légué à l'Institut de France.

     

    Au fil des siècles, le bâtiment et ses dépendances changèrent plusieurs fois de fonction et d'aspect: moulin de tanneur en 1426, (on y lavait les peaux et on y travaillait les cuirs) moulin à fouler le drap, à foulon ou à maillets en 1533, moulin à blé en 1765, manufacture de papier en 1787.

     

    A partir de 1825, Victor Dubois détruisit les constructions annexes pour créer une fantaisie néogothique inspirée par le séjour du duc de Bourbon en Angleterre pendant la Révolution. L'élégant rendez-vous de chasse devint incontournable pour la bonne société.

     

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    Le nom attribué à ce « castel de fantaisie » se réfère à la mère du roi Saint-Louis, la reine Blanche de Castille, mais il semble qu'elle n'y ait jamais séjourné.

     

    Le balcon sculpté est soutenu par des consoles en forme d'animaux fantastiques.

     

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    Trois statues de chevaliers ont été sculptées par Messieurs Boichard et Thierry et placées sur la façade en 1828.

     

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    Les aménagements intérieurs:

     

    Le château, qui ne se visite pas, se compose de deux pièces voûtées sur croisées d'ogives: un salon au rez-de-chaussée et une salle à manger au premier étage. En 1826, les murs ont été recouverts de tissus irlandais de couleur verte.

     

    Une cheminée sculptée accueille les privilégiés dont nous aimerions beaucoup faire partie... Le décor est riche, de style gothique flamboyant, et le mobilier raffiné. Les fauteuils et les chaises ont de magnifiques dossiers sculptés qui ressemblent à « des stalles de cathédrale ». Une grande table de chêne, aux pieds voûtés en ogives, trône au milieu de la pièce.

     

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    Le lieu est magnifique. Nous l'avons découvert par une belle journée ensoleillée mais je suis impatiente d'y revenir un jour de brume et de ressentir son atmosphère ensorcelante et mélancolique.

     

    Alors que nous savourions des sucreries face à l'étang, j'ai entendu le vent, l'espace d'un moment, chuchoter au creux de mon oreille. Il y versait un langage doux et sibyllin, mêlé des murmures de l'eau. Je me suis interrogée... l'esprit plus ouvert encore, entendrais-je la voix d'un être féerique?

     

    Le royaume aquatique de la Reine Blanche

     

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    Même s'il apparaît vraisemblable que Blanche de Castille n'ait pas vécu dans le château, son empreinte « matriarcale » se dessine, de manière poétique, dans le paysage et le nom de cette reine drapée dans l'Histoire éveille un désir de mystère.

     

    Dans ce monde de lumière, de chatoiements et de plantes aquatiques, on peut s'attendre à voir surgir la Nisse, croquemitaine des eaux, prête à happer l'imprudent et à l'entraîner sous les herbes profondes et les tourbillons mystérieux.

     

    On rêve aussi de chasses sauvages dans un ciel de tempête, d'antiques voies sacrées, d'un réseau étoilé de routes légendaires qui s'enfoncent dans la vieille forêt de Chantilly, de biches et de cerfs blancs traversant les anciens mondes celtiques...

     

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      Racines mystérieuses...

     

    Au XVe siècle, d'après un plan issu des archives du château de Chantilly, l'étang de la Loge se nichait entre deux larges chaussées où se dressaient des moulins: « la Loge Chapron en amont » et « la Loge de Viarmes en aval ». Au-delà de la Loge de Viarmes se situe l'étang de la Troublerie, lieu propice aux superstitions. Il abordait jadis le « chemin ferré de Saint-Martin » (actuelle Chaussée Brunehaut) qui « desservait Coye ».

     

    Saint-Martin était le patron du royaume mérovingien et le protecteur du peuple franc. Il est particulièrement fêté, le 11 Novembre, dans le Nord de la France où son culte populaire révèle une longue tradition de partage de vêtements et de nourriture. Des rituels magiques, des coutumes pittoresques et des processions nocturnes aux flambeaux lui sont associés. A cette occasion, les enfants et les adultes fabriquent des lanternes fantastiques avec des courges, des betteraves, des potirons ou des pommes de terre qu'ils creusent et éclairent grâce à des petites bougies. A l'équinoxe d'automne, à la période de Samain/Halloween, au début du cycle hivernal, les célébrations de la Saint-Martin marquent leur empreinte dans le paysage. Des silhouettes fantastiques empruntent les fameux « chemins ferrés », à la frontière de la réalité et du conte...

     

    Brunehilde ou Brunehaut (547-613) était une princesse wisigothe qui épousa Sigebert 1er, le roi des Francs en Austrasie. Elle apparut comme l'instigatrice d'une sorte de « vendetta » ou faide opposant Sigebert à son frère Chilpéric.

     

    La faide (fehde en allemand), en vigueur dans les anciennes sociétés germaniques, consistait à exercer une vengeance de nature « privée » sur un individu reconnu coupable par un tribunal public.

     

    Les livres d'histoire ont immortalisé les luttes fratricides et les intrigues de Brunehaut et de Frédégonde, l'épouse de Chilpéric.

     

    Assassinée dans de terribles conditions, Brunehaut est considérée comme une reine damnée. Ses soldats la livrèrent à Clotaire II, l'unificateur du royaume Franc, fils de Frédégonde et de Chilpéric. Pendant trois jours, Brunehaut fut soumise aux brimades des hommes de troupe et finalement attachée par les cheveux à la queue d'un cheval.

     

    D'après la légende, une pierre géante en grès fut édifiée, en guise de tombeau, pour son corps déchiqueté, là où s'arrêta la course endiablée du cheval. Cette Pierre Brunehaut se dresse en Belgique, près de Hollain, à la croisée de « six chemins ».

     

    L'expression « Chaussée Brunehaut » évoque, depuis l'époque médiévale, un ensemble de routes mystérieuses qui auraient relié, suivant un tracé rectiligne, certaines cités de la Gaule. Ces routes énigmatiques ont suscité de nombreuses spéculations et controverses.

     

    Les Chaussées Brunehaut sont-elles d'anciennes pistes néolithiques, des voies gauloises empruntées et restaurées par les Romains, des réseaux d'énergie tellurique révélés par un puissant archidruide, des routes tracées par le corps supplicié de Brunehaut ou d'autres légendaires chemins?

     

    D'après d'anciennes inscriptions retrouvées sur des stèles ou des colonnes commémoratives, elles seraient des voies construites par les Romains et restaurées par l'infortunée Brunehaut.

     

    Le château de la reine Blanche se love en terre de légendes, à l'instar du moulin qui contemplait autrefois l'étang de la Loge.

     

    Au fil des époques, l'énergie générée par les moulins a permis aux hommes de moudre le grain, d'obtenir de l'huile, de broyer l'écorce des arbres riches en tanin (châtaignier, chêne) afin d'assurer la conservation des cuirs, de fouler les draps, de travailler le lin, la pâte à papier, de râper le tabac, de scier les troncs d'arbres, de forger le métal, de produire de l'électricité... Indispensables pendant des siècles, les moulins sont associés à une riche symbolique, celle des eaux fécondantes, de la roue et des forces matricielles. Au carrefour de l'eau et du vent, il évoque la régénération du temps, le cycle des saisons, la mort et la renaissance...

     

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    Sources et bibliographie

     

    Ma thèse d'Histoire de l'Art à l'Université Michel de Montaigne (Bordeaux III).

     

    Le Château de la Reine Blanche, une étude de Raoul de Broglie, conservateur-adjoint du Musée de Chantilly. APSOM/HR Mars 2009.

     

    Nicolas BERGIER: Histoire des grands chemins de l'Empire Romain. 1736.

     

    Louis GRAVES: Notice archéologique sur le département de l'Oise. 1839.

     

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    La structure et l'esprit de la Fontaine Médicis sont inspirés des fontaines et des nymphées en vogue dans les jardins italiens au XVIe et au XVIIe siècles. Dans l'écrin de verdure du Palais du Luxembourg, la reine Marie de Médicis (1575-1642) voulut recréer une scénographie proche de celle des jardins de son enfance. Elle en confia l'élaboration à l'ingénieur florentin Thomas Francine qui dessina les plans de la « Grotte Médicis » aux alentours de 1630.

     

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    Dans la Grèce antique, le nymphée était un sanctuaire consacré aux nymphes, les gardiennes des bois, des montagnes et des sources. A proximité d'une source, le nymphée était une grotte naturelle ou une fausse grotte constituée de rochers rassemblés et d'un décor de rocaille.

     

    Dans la Rome ancienne, le nymphée devint une fontaine monumentale décorée de sculptures et sublimée par des jeux d'eau. Il contemplait un grand bassin ou un ensemble de bassins.

     

    Au XVIIe siècle, Thomas Francine (Francini), (1571-1651), Intendant Général des Eaux et Fontaines Royales, fut à l'origine d'un ingénieux système destiné à acheminer les eaux de Rungis vers Paris. Il conçut les plans de la « Grotte Médicis », un nymphée qui inspirera celui du château de Wideville, en 1636, dans les Yvelines.

     

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    (Le nymphée de Wideville. Cette gravure provient du site du Sénat).

     

    La façade de la « Grotte Médicis » était composée de trois niches en cul de four que séparaient quatre colonnes toscanes « au fût bagué orné de bossages et de congélations ».

     

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    Congélations

     

    Un grand fronton portant les armes d'Henri IV et des Médicis la couronnait. Il était surmonté par des pots à feu et encadré par deux figures allongées représentant le Rhône et la Seine, réalisées par le sculpteur Pierre Biard (1592-1661). De chaque côté, s'étendait un mur décoré d'arcades.

     

    Après la Révolution, la grotte fut restaurée par Jean-François-Thérèse Chalgrin(1739-1811). Architecte du palais depuis 1780, il réaménagea le jardin et sollicita, pour restituer les allégories fluviales, les sculpteurs Ramey, Duretet Talamona.Une petite statue de la déesse Vénusfut placée dans la niche centrale. Les armes de France et des Médicis disparurent au profit d'un rectangle à congélations et la grotte évolua en fontaine.

     

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    (Dessin de la grotte par Jean-Baptiste Maréchal, 1786)

     

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    (Cette photographie de la grotte fut réalisée vers 1860. Elle provient du site du Sénat.)

     

    Quand la rue Médicis fut ouverte, en 1862, sur l'initiative du Préfet Haussmann, la fontaine dut être déplacée et rapprochée du palais, « d'environ trente mètres ».

     

    Une scénographie nouvelle fut orchestrée par l'architecte Alphonse de Gisors (1796-1866). Il fit réaliser devant la fontaine un bassin d'une cinquantaine de mètres et commanda plusieurs sculptures à Auguste Ottin (1811-1890).

     

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    Les sculptures décrivent la tragique histoire des amants Acis et Galatée, relatée par Ovide dans Les Métamorphoses.

     

     

    Fille de Nérée, le dieu de la mer primitive, et de Doris, une océanide, Galatée est une néréide. Le cyclope Polyphème tomba passionnément amoureux de cette nymphe marine, « à la peau blanche comme le lait », mais Galatée lui préféra le charmant berger Acis. Fou de douleur et de jalousie, Polyphème écrasa son rival sous un rocher.

     

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    Les amants se lovent dans une position très sensuelle mais le danger les surplombe sous les traits de Polyphème.

     

    Les corps entrelacés forment des arabesques voluptueuses. Les reflets aquatiques soulignent la pureté des lignes et la tendresse des visages.

     

     

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    Le cyclope Polyphème incarne les forces brutes de la Nature. Fils de Gaïa, la Terre, il prend appui sur le rocher et s'apprête à « punir » les amoureux. Sa rude silhouette de bronze s'oppose aux corps de marbre blanc, caressés par la lumière.

     

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    Dans le chuchotement de l'eau, leur séduisante union semble à jamais préservée de la cruauté désespérée de Polyphème.

     

    La légende de ces amants infortunés connut une grande célébrité au XVIIe siècle. En 1686, Jean-Baptiste Lully composa l'opéra Acis et Galatée. Cette « pastorale » grandiose fut jouée pour la première fois devant le Grand Dauphin, fils de Louis XIV.

     

     

    De part et d'autre du cyclope, se dressent deux statues de pierre, réalisées par Auguste Ottin, chacune dans une niche surmontée d'un mascaron.

     

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    Un faune (le dieu Pan)

     

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    Une chasseresse (la déesse Diane)

     

     

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    La façade orientale de la fontaine 

     

    Alphonse de Gisors la fit décorer d'un bas-relief. Réalisé en 1807 par Achille Valois (1785-1862) pour la fontaine (disparue) de la rue du Regard, il représente Léda et Jupiter métamorphosé en cygne.

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    Sur les rampants du fronton qui couronne le bas-relief, s'ébattent deux jolies naïades, oeuvres du sculpteur Jean-Baptiste-Jules Klagmann (1810-1867).

     

     

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    Les sortilèges de l'eau

     

    Dans de nombreuses mythologies, la fontaine est liée au culte des arbres, des eaux mystérieuses et des pierres sacrées. Territoire « domestiqué » par l'homme, elle est aussi une porte vers l'invisible.

     

    Les racines des arbres se nourrissent des énergies aquatiques et telluriques qui s'y entremêlent.

     

     

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    L'eau est en perpétuel mouvement. La féerie qui émane de ses nombreux reflets est à l'origine des croyances qui lui sont associées. Dans les bassins des fontaines s'unissent les vertus de l'eau céleste et la puissance des eaux chthoniennes.

     

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      La fontaine est de nature féminine. L'eau s'écoule dans une vasque ronde évoquant le cercle, la spirale et les anneaux de croissance lovés dans les arbres et les coquillages.

     

    Depuis fort longtemps, l'eau des sources et des fontaines est considérée comme sacrée. Les Celtes vénéraient les esprits aquatiques qu'ils associaient aux pouvoirs fertiles de la Terre-Mère. La coutume qui consiste à lancer dans l'eau des pièces de monnaie ou des épingles à cheveux est une réminiscence de ces cultes anciens.

     

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    D'après la légende, les larmes des ondines ont engendré l'eau chatoyante des fontaines. A l'instar des sirènes, ces nymphes aquatiques coiffent leurs longues chevelures au soleil ou sous la clarté de la lune.

     

    Les dames blanches aiment contempler leur reflet dans l'eau miroitante des fontaines.

     

    Verser de l'eau sur le perron d'une fontaine est réputé susciter un orage magique, comme dans la légende de la fontaine de Barenton, nichée dans la forêt de Brocéliande.

     

    Tour à tour croquemitaine des eaux ou déesse très ancienne régnant sur les « enfers aquatiques », la Nisse aime les étangs, les mares et les rivières mais elle hante aussi les profondeurs des fontaines.

     

    La Vouivre, serpent ailé paré d'une escarboucle, œil de feu fantastique, vit dans les puits, les étangs, les fontaines, les rivières et les ruisseaux. L'escarboucle est le nom ancien et savant du grenat et du rubis, aux magnifiques éclats rouges.

     

    Les féroces lavandières de nuit lavent leur linge dans le sang des infortunés qui croisent leur chemin, au bord de certaines fontaines.

     

     

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    Liée aux profondeurs de l'inconscient, l'eau est la matière qui façonne les rêves.

     

    Quand la lune se reflète dans l'eau, l'eau se gorge de sa force et devient un passage pour les songes et les âmes. De nombreux puits sont protégés par un petit toit, de crainte que la lune n'y distille son « venin » magique en y plongeant ses rayons d'argent. L'eau des fontaines s'imprègne, quant à elle, des énergies célestes et souterraines. Domaine par excellence des métamorphoses, elle fascine jusqu'à la mort ou dérobe l'âme à travers un reflet. Elle attise aussi des peurs primales, comme celle d'être avalé par une puissance mortifère.

     

    La fascination que l'eau exerce sur les esprits est née de son ambivalence. Elle est habitée par des êtres protecteurs et des créatures vampiriques. Elle peut provoquer la mort et stimuler la fécondité et l'amour. 

     

    Dans plusieurs régions de France, les jeunes filles lançaient une épingle dans l'eau d'une fontaine afin de savoir si elles se marieraient dans l'année. Si l'épingle était attirée vers le fond, il n'y aurait pas de mariage. Si elle flottait à la surface, le mariage aurait lieu.

     

    Parfois, l'épingle devait plonger doucement vers le fond pour que le mariage ait l'occasion de se produire.

     

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    Gardiennes de trésors, défendues par des dragons ou des bêtes fantastiques, les fontaines évoquent, dans les jardins des palais, la luxuriance et les délices des sens.

     

    Les jeux d'eau étaient autrefois très prisés dans les résidences royales. Par leur chant cristallin et leurs effets de recréation de la lumière, ils favorisaient une mise en scène grandiose et onirique de l'espace.

     

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    La Fontaine Médicis est un lieu de repos et de flânerie romantique apprécié par de nombreux lecteurs. Tout y semble magique: les platanes aux frondaisons d'or vert qui se reflètent dans l'eau, les poissons colorés, les miroitements et les ombres, les gestes voluptueux des amants dont la peau de marbre est parfois si vivante...

     

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    La fontaine, dans l'écrin de l'hiver

     

     

    Sources et Bibliographie

     

    Gallica.bnf.fr/ Bibliothèque Nationale de France. (Le dessin de la Grotte Médicis par Jean-Baptiste Maréchal: gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b77).

     

    Gaston BACHELARD: L'eau et les rêves. Essai sur l'imagination de la matière. Première parution en 1942.

     

    Charles BAUCHAL: Nouveau dictionnaire des architectes français. Paris: André, Daly fils et Cie, 1887, 842 p.

     

    Spire BLONDEL: L'Art intime et le Goût en France. Grammaire de la curiosité. Paris: E. Rouyere et G. Blond.

    L'Art pendant la Révolution: beaux-arts, arts décoratifs. Paris: H. Laurens, 1888.

     

    Jean-Charles KRAFFT et Nicolas RANSONNETTE: Plan, coupe, élévation des plus belles maisons et des hôtels construits à Paris et dans les environs. 1801 et années suivantes. Paris: Ch. Pougens et Levrault, in-fol.

     

    Paul SÉBILLOT: Le Folklore de France(1904-1906). Réédition sous le titre Croyances, mythes et légendes des pays de Franceaux éditions Omnibus en 2002.

     

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  • Entre deux giboulées, les fleurs jaillissent, émaillant le paysage de leurs enivrants atours. Muses mystérieuses, elles m'ont inspiré le poème que je viens vous offrir...

     

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    Déesse du Printemps

     

    Née du limon et de la sève

    De la cire étrange des rêves

    Du rire doré de la source

    Et des étoiles dans leur course

     

    Gorgée sous la terre glacée

    Du sang des monstres fracassés

    Elle boit la flamme nourricière

    Qui hante les yeux des sorcières

     

    Les voeux sauvages la consument

    Elle danse à l'orée de la brume

    Dans ses voluptueux habits

    Veinés de rose et de rubis

     

    Ombres de fées sous les iris

    La lune imprègne les calices

    Où s'entrelacent les couleurs

    Elle tisse la fièvre des fleurs

     

    Le parfum âcre de la nuit

    Le chuchotement de la pluie

    Aimantent son âme féline

    Vers l'antre bleu des Mélusines...

     

    Cendrine

     

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    Emportés par la beauté des textures et des couleurs, promenons-nous à travers l'Herbier du Printemps...

     

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    La Tulipe est appelée « celle qui brûle mon coeur »... D'après une légende persane, elle naquit des larmes et du sang versés par une jeune fille à la recherche de son bien-aimé dans le désert.

     

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    Originaire d'Asie Centrale, la tulipe est une plante vivace bulbeuse de la famille des Liliacées. Au début du XVIIe siècle, on cultivait déjà cent quarante espèces et plusieurs milliers de variétés. Sa tige solitaire, quelquefois ramifiée vers le haut et garnie de feuilles charnues mais peu nombreuses, atteint environ 80 cm de hauteur.

     

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    La tulipe apprécie les lieux ensoleillés mais de préférence protégés du vent. Les bulbes plantés entre l'automne et l'hiver fleurissent au printemps. Les fleurs délicates révèlent alors leurs coloris variés, unis, bicolores ou striés, du blanc pur au bleu presque noir, du rose au rouge, du violet au jaune...

     

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    Le mot tulipe dérive du turc tülbend et du persan tulipan qui signifient « turban ». Dans des chroniques persanes du XIVe siècle, les turbans jaunes et rouges des soldats sur les champs de bataille étaient comparés à d'immenses champs de tulipes.

     

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    La tulipe est un symbole d'amour. Quand elle frissonne doucement, elle embrase le coeur des amants. Incarnation de l'amour divin, elle est réputée flétrir si elle est éloignée des rayons du soleil.

     

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    Dans l'ancienne Perse et en Turquie, ses bulbes jouaient un rôle crucial dans les échanges commerciaux. Elle fut introduite en Occident au XVIe siècle.

     

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    Les tulipes rouges, les tulipes panachées et les tulipes « célestes » furent, au fil des siècles, particulièrement appréciées.

     

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    Les pétales marbrés, véritables « friandises visuelles », sont le fruit de la présence d'un virus, le potyvirus, appelé aussi « virus de la mosaïque de la tulipe ».

     

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    Le naturaliste et apothicaire Pierre Belon (1517-1564) voyagea dans les Pays du Levant vers le milieu du XVIe siècle.

     

    Il publia en 1553 un ouvrage dans lequel il décrivit la tulipe, appelée lil rouge, avec une grande précision. Il ramena des bulbes en Europe, de même qu'Ogier Ghiselin de Busbecq, ambassadeur de l'empereur Ferdinand Ier à la cour du sultan de Constantinople Soliman le Magnifique.

     

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    Ogier Ghiselin de Busbecq (1522-1592).

     

    Mais la notoriété accordée à la tulipe en Europe est indissociable des travaux de Charles de l'Écluse (1525-1609).

     

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    Ce médecin et botaniste flamand fut l'initiateur de l'un des premiers jardins botaniques d'Europe. La culture de la tulipe devint aux Pays-Bas une véritable institution et cette vogue se transforma en tulipomanie au XVIIe siècle.

     

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    En 1559, le médecin, naturaliste et encyclopédiste Conrad Gesner (1516-1565) décrivit, dans le jardin d'un magistrat à Augsburg, en Allemagne, une somptueuse tulipe rouge, qui lui fit penser à un lys écarlate. La tulipe prit le nom de tulipa gesneriana.

     

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    En 1561, il publia la première illustration de sa fameuse tulipe dans le De Hortis Germaniae Liber Recens.

     

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    L'engouement pour la tulipe fut tel qu'on institua à Amsterdam une bourse spécialisée dans la vente de bulbes. De nombreux passionnés parièrent sur les nouvelles couleurs obtenues au fil du temps.

     

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    La tulipomanie atteignit son apogée en 1636. En 1610, un brasseur échangea son établissement contre un bulbe de tulipe et un meunier céda son moulin dans les mêmes conditions. Mais les cours de la précieuse fleur s'effondrèrent brutalement en 1637.

     

    Au XVIIe siècle, la tulipe apparut dans de nombreuses natures mortes flamandes et dans des tableaux qui dénoncèrent, par le biais d'éléments symboliques, cette débâcle économique et les conséquences dramatiques qui en résultèrent.

     

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    Le Triomphe de Flore dans le Char de la Fortune, par Hendrick Pot (1580-1657), en 1637.

     

    Flore, la déesse des fleurs et du Printemps, a les bras chargés de tulipes. Elle trône sur un char emporté par le vent, emblème d'inconstance. Les personnages qui l'accompagnent arborent le capuchon des fous, décoré de tulipes. Ils désignent l'Alcoolisme, l'Escroquerie et l'Avarice. Des tisserands, abusés par la folie spéculative autour de la tulipe, suivent le char, sans se soucier des conséquences. Une femme aux deux visages, allégorie de la vérité et du mensonge mais aussi de la « fortune aux deux visages », mène l'étrange procession.

     

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    Vanitas de Philippe de Champaigne, 1646.

     

    La tulipe occupe une place privilégiée dans les natures mortes et les Vanités du XVIIe siècle. Elle est associée aux richesses ostentatoires qui peuvent disparaître à tout moment, telles une bulle de savon qui éclate.

     

    Dans cette oeuvre allégorique majeure, l'artiste met en scène, sur un fond noir, des objets caractéristiques de la fragilité de l'existence humaine: le crâne évoque l'inéluctabilité de la mort; le sablier, le temps qui s'écoule irrémédiablement et le vase brillant d'où émerge une tulipe, le monde des illusions. La fleur coupée symbolise la brièveté de la vie et la beauté éphémère dont il faut jouir avec sagesse.

     

    Il s'agit d'un « memento mori », une oeuvre fondée sur l'adage « souviens-toi que tu vas mourir », destiné à faire prendre conscience à l'homme qu'il est inutile de vouloir accumuler les richesses et vain de s'attacher aux plaisirs de son époque.

     

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    Vanitas de Jacob de Gheyn, 1603.

     

    Dans ce tableau, nous trouvons des éléments caractéristiques de la Vanité: le crâne, la tulipe coupée qui émerge du vase mais aussi des pièces de monnaie venant corroborer ce que j'ai exposé plus haut. Deux personnages sculptés, des philosophes, désignent une grande bulle translucide, royaume d'illusion, de tromperie et de vacuité...

     

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    En Orient, la tulipe était considérée comme un porte-bonheur et un symbole d'amour et de prospérité. Certains bulbes valaient le prix de plusieurs joyaux.

     

    Les poètes persans célébrèrent la tulipe dès le XIIIe siècle. Ils décrivirent des jardins imaginaires peuplés de tulipes multicolores et de roses parfumées.

     

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    La tulipe ornait les robes de brocart de Soliman le Magnifique (1494-1566), les tapis de ses palais, les vases précieux, les chanfreins de ses chevaux. Sous son règne, les jardins de l'empire ottoman, de l'Égypte à la Crimée, de l'Inde aux Balkans, se couvrirent de tulipes.

     

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    Des tulipes, accompagnées d'une mouche ichneumon, illustrées par Joris Hoefnagel dans l'ouvrage Mira Calligraphiae Monumenta, en 1590.

     

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    Tulipe et poire de Joris Hoefnagel, 1590.

     

    Dans le folklore européen, la tulipe flamboyante évoque le renouveau. Elle est considérée comme un talisman végétal.

     

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    On fabriquait autrefois, en Europe de l'ouest, des berceaux pour les bébés des fées avec des tulipes roses ou rutilantes.

     

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    La ville de Leyde, aux Pays-bas, abrite le célèbre jardin du Keukenhof où s'épanouissent de luxuriantes plantes à bulbes. Des « forêts » de tulipes y sont exposées chaque année.

     

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    L'action du roman d'Alexandre Dumas et d'Auguste Maquet, la Tulipe Noire, écrit en 1850, se déroule dans la ville de Haarlem, aux Pays-Bas, trente-cinq ans après la crise de la tulipe. Le héros de l'histoire, Cornélius Van Baerle, s'engage dans une quête quasi mystique: créer une tulipe noire, émanation des rêves et de l'alchimie du désir...

     

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    (Image issue du catalogue horticole Meilland)

     

    La tulipe est associée à un personnage facétieux, Fanfan la Tulipe, incarné au cinéma par Gérard Philipe, en 1952, dans le film de Christian-Jaque, et par Vincent Perez, en 2003, dans le film de Gérard Krawczyk. Le jeune Fanfan s'engage dans l'armée pour échapper à un mariage forcé. Après de picaresques aventures, il sauve des griffes de bandits de grand chemin la marquise de Pompadour, maîtresse de Louis XV, et reçoit en récompense une broche en forme de tulipe...

     

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    (Image trouvée sur le site MoviePosters.2038.net)

     

    Fanfan la Tulipe est un personnage populaire, immortalisé par le chansonnier Émile Debraux,en 1819, sur un air anonyme du XVIIIe siècle.

     

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    Malgré les giboulées, les fleurs du Printemps sont gorgées de lumière et de pensées poétiques et précieuses.

     

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    Cette superbe fleur bleue, au port gracieux, nous dévoile ses atours de reine...

     

    Présent sur tous les continents, l'Iris offre, depuis des millénaires, ses secrets de beauté et son impressionnante palette colorée.

     

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    Il existe environ 210 espèces d'iris, plantes vivaces herbacées à bulbes ou à rhizomes qui appartiennent à la famille des Iridacées. Elles poussent dans les régions tempérées de l'hémisphère Nord, en Europe, en Asie, en Afrique du nord et en Amérique. Elles apprécient les terrains secs et les lieux humides. La forme et la couleur de leurs fleurs hermaphrodites sont très variées. Elles évoluent du blanc pur au pourpre chatoyant, du jaune d'or au bleu violacé et se dressent au sommet d'une hampe robuste encadrée de feuilles qui ressemblent à des pointes de glaive.

     

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    Dans l'Égypte ancienne, l'iris était associé à la puissance magique des dieux. Symbole de pouvoir et d'éloquence, il était ciselé sur le front des sphinx et sur les sceptres royaux. L'iris violet figurait, il y a 3500 ans, sur les fresques du temple de Karnak.

    Les Grecs le consacrèrent à Iris, messagère des dieux de l'Olympe, qui déroulait entre ciel et terre le pont de l'arc-en-ciel. Dans l'antique Athènes, des jardins d'iris odorants honoraient la déesse psychopompe, conductrice des âmes féminines vers le Paradis grâce à une ceinture ou à une écharpe magique aux couleurs irisées. (Les âmes masculines étaient guidées par le dieu Hermès.)

    D'après une légende, les dieux invitèrent les fleurs à les rejoindre sur l'Olympe. Elles se présentèrent, sauf une, dans leurs plus beaux atours. Héra, la reine des dieux, prit en pitié la petite créature terne et chiffonnée qui tremblait à ses pieds. Elle fit tisser pour elle une robe merveilleuse aux couleurs de l'arc-en-ciel. Dès lors, elle fut Iris...

     

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    L'iris commun se nomme « lys en épée » dans la langue germanique, en raison de la forme pointue de ses longues feuilles. Il fut confondu avec le « lys de France » qui était à l'origine une fleur d'iris.

    D'après la légende, le roi Louis VII sortit sain et sauf d'une bataille qui se déroula dans un marécage constellé d'iris. Il choisit alors cette fleur fatidique pour emblème. Mais la « fleur de Louis » finit par se confondre phonétiquement avec la « fleur de lys ». Une autre légende prétendit que le roi franc Clovis choisit l'iris pour emblème après avoir échappé aux Goths grâce aux iris des marais qui le dissimulèrent.

     

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    Cultivé par les égyptiens, les babyloniens, les grecs, les hébreux..., l'iris trouva, au fil des siècles, des applications médicales et cosmétiques variées.

    Certaines espèces d'iris sont très recherchées pour leur rhizome, gorgé d'une substance odorante appelée l'irone. Les plus parfumés sont l'Iris germanica et l'Iris pallida ou iris blanc de Florence, cultivé depuis fort longtemps en Italie et au Maroc.

    La reine Catherine de Médicislança la mode de l'eau d'iris et la poudre d'iris fit fureur au 17e siècle. Obtenue à partir du rhizome pilé et tamisé, cette poudre imprimait sur les cheveux, la peau et les vêtements une délicieuse odeur de violette, due à sa forte concentration en irone. On l'emploie toujours comme fixateur de parfum.

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    Théophraste (371-288 avant J.-C.), célèbre philosophe et botaniste grec, recommandait l'iris pour calmer la colère et les humeurs violentes.

     

    Dans la pharmacopée populaire, la décoction légère de racine d'iris était réputée apaiser la toux et les poussées dentaires douloureuses des enfants. L'eau d'iris a de puissantes vertus astringentes, préconisées, depuis le Moyen-âge, par la célèbre abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179).

     

    Les Indiens d'Amérique du Nord l'utilisaient pour ses propriétés antalgiques, purgatives et diurétiques mais, à doses trop fortes, l'iris peut provoquer des vomissements et n'est pas du tout conseillé aux femmes enceintes.

     

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    Dans la France médiévale, l'iris symbolisait la fécondité et le renouveau. Traditionnellement associé à la Vierge Marie, à l'instar du lys, il apparaît dans de nombreuses Annonciations mais il évoque aussi la douleur éprouvée par Marie face à la mort du Christ.

     

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    Dans le Berry, l'expression flambe de four désigne l'iris à fleurs bleues, fréquemment planté sur le toit des anciens fours dans un but protecteur.

     

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    D'après les anciennes légendes britanniques, des trésors se lovent sous les rhizomes des iris des marais, les lieux marécageux étant associés aux mondes magiques et aux initiations druidiques.

     

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    Au Japon, l'iris est particulièrement prisé. Emblème de protection et de purification, il est « fixé » sur les toits de chaume et ses feuilles, infusées dans l'eau des bains, sont réputées repousser les maléfices et les maladies.

     

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    L'iris figure dans les armoiries de plusieurs villes: Florence, Bruxelles, Québec... et dans les plus beaux jardins, comme celui des Tuileries qui occupera une place privilégiée dans mes articles, au cours des semaines à venir...

     

    Je rédige assidûment mais je n'oublie pas de m'oxygéner, dès que possible, et je contemple la Nature, avec un bonheur infini...

     

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    Bien à l'abri dans l'enceinte des Tuileries, une famille canard vaque à ses activités, entre deux averses...

     

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    Face à leur abondante et facétieuse progéniture, papa et maman canard ne savent plus où donner de la tête!

     

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    Ces galopins filent à toute vitesse, ce qui explique le côté un peu flou de certaines photos, mais le spectacle est si adorable...

     

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    Ces amoureux viennent de prendre leur bain...

     

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    Le jardin, juste avant la giboulée...

     

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    Les promeneurs ont déserté les lieux. Je me suis attardée mais je serais bientôt trempée...

     

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    Je ne serais pas la seule finalement!

     

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    Cette belle enchanteresse, je vous l'offre, avec tout mon coeur, pour vous remercier de vos visites et de vos si gentils commentaires...

     

    Bibliographie

     

    DUBOIS-AUBIN, Hélène

    L'esprit des fleurs: mythes, légendes et croyances. Le Coudray-Macouard: Cheminements, 2002.

     

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    FLORIDUS, Macer:

    De viribus herbarium. Fin XVe siècle. Figures des plantes gravées en bois, au simple trait.

    Les Fleurs du Livre des Vertus des Herbes, composé jadis en vers latins par Macer Floride, et illustré de commentaires de Guillaume Gueroult, le tout mis en français par Lucas Tremblay. Rouen: M. Mallard, 1588.

     

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    GEVERS, Marie:

    L'herbier légendaire. Paris: Stock, 1991.

     

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    Iris d'Albrecht Dürer, 1503.

     

    REUTTER DE ROSEMONT, L.:

    Histoire de la pharmacie à travers les âges. 2 vol. in-8. Paris: 1931-1932.

     

    Tulipes, une anthologie.Éditions Citadelles&Mazenod, 2011. Il s'agit d'un ouvrage relié qui comporte des photographies sublimes de Ron Van Dongen(spécialisé dans les études de fleurs en couleurs et les natures mortes en noir et blanc).

    La préface a été rédigée par Anna Pavord, titulaire en 2001 de la Médaille d'or de la Royal Horticulture Society et spécialiste de la tulipe. Un régal...

     

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    Iris et mots, par Céline Sachs-Jeantet, 2007.

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